Ma colère monte encore d’un cran quand Lydia ose ouvrir la bouche.

— Oh, arrête ! C’est bon, c’est pas si grave, c’est juste quelques gouttes d’alcool.

Je craque, sans un mot, je m’avance vers elle et déverse sur sa tête le contenu du verre. Tout le monde est sous le choc, elle crie des « Mais t’es malade ! », « Espèce de folle » et j’en passe. Ellie m’attrape le bras, tente de me calmer, mais j’en suis incapable. Lydia quitte son siège, ne s’adresse plus qu’à ma petite amie.

— Arrête de la défendre, toi aussi ! Elle en vaut pas la peine !

Elle sort son portable, cherche on ne sait quoi et montre à tout le monde, la dernière photo partagée sur mes réseaux sociaux. Elle se tourne à nouveau vers Ellie.

— Cette meuf se tape tout ce qui bouge, je sais pas ce qu’il te faut !

Ma belle ferme les yeux, se pince l’arête du nez avant de lui répondre.

— Lydia, elle ne se tape pas tout ce qui bouge, c’est Alice, sa cousine. Et je le sais parce que c’est moi qui l’ai prise, cette photo. Et j’ai pris aussi celle avec Julia.

Le silence s’installe, elle lui a cloué le bec, à ses potes aussi. Nous y voilà, on espérait juste le faire autrement. Ellie me prend la main, fouille dans son téléphone.

— Et on en a pris une autre…

Elle montre au groupe notre selfie.

— Parce que la seule qu’elle se tape, comme tu dis, c’est moi. Et si on fait la fête ici, aujourd’hui, c’est parce que j’y habite depuis le mois dernier.

Le visage de Lydia se décompose, personne ne réagit à part Ian et Antoine, pouces levés. Élodie nous sourit, le stress monte, j’ai la boule au ventre. Alban est le premier à s’exprimer.

— Sérieux ? Vous êtes ensemble ?

— Si je te le dis.

— Ben merde alors ! Pourquoi vous nous l’avez pas dit plus tôt ?

— C’est compliqué, on vous expliquera pendant la soirée, d’accord ?

— Pas de souci, mais ça explique pas pourquoi cette crise juste pour de l’alcool…

Ma belle se tourne vers moi avant de répondre.

— Parce que je le supporte pas et que je fais n’importe quoi. On a failli jamais se mettre ensemble à cause de ça et puis, la dernière fois que j’en ai bu, je… je prenais des antidépresseurs, ça fait pas bon ménage, j’ai fait un mauvais trip. On… on a failli abuser de moi… Si Solène et Ian n’étaient pas intervenus, je ne sais pas ce qu’il se serait passé.

Encore un blanc, et pourtant, ce n’est que la partie émergée de l’histoire. Lydia tente de se rappeler à nous, je la stoppe direct..

— Lydia, tu en as déjà suffisamment fait, n’en rajoute pas s’il te plaît.

— Toi, ta gueule ! C’est à Ellie que je parle, pas à toi.

— Et tu vas lui dire quoi ? Que tu t’en veux pour tout ce que tu nous as fait ? Que tu espérais te débarrasser de moi et que ma petite amie te tombe dans les bras ensuite ? Ça marche pas comme ça, les sentiments, Lydia !

Elle se tait et, rouge de colère, part récupérer ses affaires. Ma belle la suit, je reste avec nos invités. Elles doivent s’expliquer, je préfère les laisser seules. Après tout, c’est quand même son amie, elles se connaissent depuis longtemps.

En attendant, je commence à répondre aux questions du groupe. Quand Ellie revient sans Lydia, j’en profite pour aller éteindre le four et sortir les tartes. Ma compagne profite du fait que nous sommes seules pour chercher du réconfort. Nous avons élargi notre liberté, mais elle a perdu une amie chère ce soir. Le reste de la soirée, elle la passe sur mes genoux, son bras autour du cou. Nous expliquons tout à ses copains, on reçoit leur soutien. Je me sens beaucoup plus légère, Ellie s’est vraiment bien entourée. Et je suis heureuse de partager sa vie, soulagée par ces rencontres. Je sais aujourd’hui que l’année scolaire débutera merveilleusement bien.

Quand l’heure du coucher sonne, nous aidons Timothée et Alban à préparer leurs couchages. Ils dormiront au salon, Élodie et Micka auront droit à la chambre de mes parents, Ian et son homme, la chambre d’amis. Honneur aux invités, ils ont la priorité sur la salle de bain. Pendant ce temps, je regarde une dernière fois mon cadeau, j’ai fait croire à Ellie, au moment où elle ouvrait ceux de ses amis, que je ne l’avais pas encore reçu. Je négocie pour passer dans la salle d’eau en premier.

En l’attendant, je prépare tout, je glisse son présent sous son oreiller. Elle a l’habitude de toujours le prendre dans ses mains et de le tapoter avant de se coucher. Comme si ça jouait sur le côté moelleux. J’ai l’impression que l’attente est interminable, je suis à deux doigts d’aller voir pourquoi elle met autant de temps. Quand elle arrive enfin, elle ôte directement son pyjama.

— Ellie, t’es au courant qu’on fera rien ce soir.

— Ah non, c’est juste que je crève de chaud. Ce soir, c’est culotte pour dormir !

Je pouffe de rire, il n’y a qu’elle pour sortir des trucs pareils. Elle me rejoint dans le lit, attrape son oreiller. Elle bloque quelques secondes, se tourne vers moi. Je lui fais signe de prendre la boîte, je l’embrasse.

— Joyeux anniversaire, ma belle.

Elle l’ouvre, y découvre une bague en argent finement ciselée. Ses joues rougissent, elle reste sans voix. Je lui passe au doigt.

— C’est une promesse. Quoiqu’il se passe après-demain, avec tes parents, je serai toujours là.

Mes doigts s’entremêlent aux siens.

— Et puis, si jamais, à ta majorité, tu veux que cette bague devienne bien plus, tu n’auras qu’à me le dire.

Ellie pousse un cri de joie, je lui fais chut, pas la peine de rameuter tout le monde dans la chambre. Elle me saute au cou, m’embrasse comme une folle.

— Quand ? Comment ?

— Pendant que tu étais au travail, je faisais des travaux ou je rendais service aux voisins.

— C’est pour ça que t’étais aussi fatiguée ? Tu aurais dû me le dire, je disais rien, mais je m’inquiétais pour ta santé.

— Ça n’aurait plus été une surprise. Les seuls au courant étaient mes parents, je leur ai dit la veille de leur départ.

Nous sommes interrompues par nos hôtes qui débarquent. Ma belle se cache sous le drap, j’ai la honte de ma vie. Ils se moquent de nous, il y a confusion. Je les vire de la pièce pendant qu’Ellie ronchonne. On se couche, l’une dans les bras de l’autre, heureuses.