Depuis ce matin, je cours partout et Ellie ne sert à rien, elle tourne au ralenti. Ce n’est pas comme si ce soir, ces potes ne débarquaient pas à la maison. Elle est sur un petit nuage, avoir demandé sa journée n’a finalement pas été une bonne idée puisqu’elle ne m’aide pas du tout, est complètement à côté de la plaque. Je ne sais pas si c’est son anniversaire qui la rend comme ça ou le stress de la soirée.

En tout cas, une chose est sûre, moi, je suis en total stress. Ma belle a aussi invité Lydia, pour s’expliquer avec elle, mais sans la brusquer. En plus d’annoncer notre relation à ses amis, il va falloir que je ronge mon frein pour ne pas lui en mettre une. À croire qu’Ellie n’a pas compris comment je fonctionne. Si jamais je m’énerve, que ça dégénère ? Comment vont-ils le prendre ? Il ne faut surtout pas oublier qu’à un moment je harcelais leur pote. Et, d’ailleurs, que vont-ils penser de nous ? La harcelée et sa harceleuse, ensemble, c’est vraiment n’importe quoi.

Moi qui faisais ma fière devant mes parents, là, j’en mène plus large. C’est peut-être une erreur au final.

— Ellie, tu crois pas que je devrais m’absenter le temps de la soirée ?

Elle arrête de tapoter les coussins, me fixe les yeux remplis d’incompréhension. Je tente de lui expliquer.

— Enfin, je veux dire, tes potes, ça va pas leur faire bizarre que tu sois en couple avec ton ancienne harceleuse ?

Elle s’approche, me prend dans ses bras.

— T’es bête ou quoi ? C’est du passé tout ça et puis on leur expliquera. Si moi, j’ai su te pardonner, eux le feront aussi.

Elle m’embrasse pour me redonner du courage et de la confiance. Elle donne un coup d’œil à la pièce.

— Bon, on finit et on va se préparer ?

J’opine de la tête et on reprend le ménage. Une fois tout en ordre, et après une bonne douche, on se change. Un nouveau problème survient, que vais-je mettre ? Je ne sais pas si je dois m’habiller comme tous les jours, comme ils m’ont toujours vu, ou si je veux me faire belle pour ma petite amie, après tout, c’est son jour. Bloquée devant l’armoire, Ellie vient, une nouvelle fois, à ma rescousse, elle choisit ma tenue. Un jean moulant et un tshirt légèrement décolleté, elle m’ordonne de laisser mes cheveux lâchés.

De de son côté, elle porte un pantacourt plutôt large et sa chemisette noir qui lui va à ravir. Pendant son jour de congé, elle est retournée chez la coiffeuse, ses nouvelles mèches rouges ressortent avec ce haut. Je craque, je passe ma main dans ses cheveux, elle sourit et m’invite à l’aider pour se coiffer. Un peu de gel, deux-trois passages de doigts et le tour est joué. Elle quitte la salle de bain, me laisse le temps de finir coiffure et maquillage. Quand je sors de la salle de bain, elle est là, à m’attendre. Elle m’enlace et dépose de tendres baisers sur mes lèvres.

— T’es trop belle, mon ange.

Nos invités vont bientôt arriver, on file à la cuisine enfourner les tartes. La sonnette retentit, ils sont en avance. Mon cœur s’emballe, je n’ai pas l’habitude de ce genre de présentation officielle. On a prévu de les laisser s’installer et de leur dire après quelques échanges.

Je me mets un peu en retrait et laisse Ellie ouvrir la porte, un énorme « Joyeux anniversaire » en chœur retentit. Chacun son tour, ils lui font la bise chaleureusement avant d’entrer et de se stopper en me regardant. Le silence, je suis gênée, je baisse la tête. Merde, quelle idée de faire ça ici ! C’est Élodie qui brise la glace, dès son entrée, elle me prend dans ses bras pour me saluer, me demande comment je vais. Ian et son copain suivent le mouvement et restent à mes côtés. Dans la foulée, ma belle enguirlande le reste du groupe.

— Ben alors, vous savez plus dire bonjour !

— C’est surtout qu’on attend que tu fasses les présentations. Pas qu’on sache pas qui tu es, Solène, mais on n’a jamais réellement eu de contact avec toi et là, on se retrouve chez toi pour l’anniversaire d’Ellie.

Je reste sans voix, ce Timothée met les pieds dans le plat direct. Ellie, elle, ne se démonte pas, on voit qu’elle a l’habitude.

— Bon ben, Solène, de gauche à droite, Timothée, Alban et Mickaël. Les potes, Solène. Et on fait ça ici parce que c’est plus simple, voilà.

Simple, concis, de l’Ellie tout craché. Antoine la charrie, tout le monde en rit. Un poids en moins. On sonne à nouveau, je grimace en voyant Lydia et sa tête de faux cul. Ian me chuchote un « calme, fais pas attention à elle », mais rien n’y fait, je bouillonne de l’intérieur.

On propose au groupe de passer à côté, on les laisse se poser puis on leur demande ce qu’ils veulent boire. Avec Ellie, on leur prépare leurs boissons, ils sont surpris en la voyant avec un simple verre de jus de fruits. Elle leur explique brièvement qu’elle a trop fait de connerie pendant les fêtes et qu’elle ne boit plus d’alcool. On les laisse quelques minutes pour gérer les petits fours.

Dans la cuisine, je les sors direct du four, vérifie l’avancée des tartes. Quand je pose la plaque sur le plan de travail, je pousse un soupir pour tenter de déstresser. Ma belle se faufile dans mon dos, passe ses bras autour de ma taille et installe sa tête sur mon épaule.

— Ça va ?

— Ouais, ouais, t’inquiètes.

Je commence à installer les hors-d’œuvre sur un plat, je sens sa bouche sur mon cou suivi d’une succion.

— Ellie, tu fais quoi là ?

— Rien, je te détends.

— Non, mais sérieux, t’es pas en train de faire ce que je pense ?!

Je me dégage de ses bras, attrape une cuillère. Dans le reflet, je vois très bien la marque dans mon cou.

— Putain, Ellie, t’es pas possible !

— Désolée…

— On fait comment maintenant ?

Elle réfléchit, me fait signe que c’est bon, elle a trouvé une solution. Elle appelle son meilleur ami et, quand il débarque, elle le chope et lui fait aussi un suçon. Je lève les yeux au ciel, cette fille n’est pas possible. Et le pire, c’est qu’elle est fière de sa connerie. J’explique à Ian la raison de tout ça, il lui demande si elle n’a pas bu. Elle lui répond que de l’eau, j’ai un fou rire nerveux.

Nous sommes interrompus par Élodie qui s’inquiète de ne pas nous voir revenir, Ellie lui saute dans les bras, Élo y passe aussi. Et voilà ma belle qui quitte la pièce toute guillerette, je demande à son pote de la suivre et l’empêcher de faire n’importe quoi. Le calme revient, je reprends là où je me suis arrêtée, leur amie me file un coup de main. Pour la première fois, je discute réellement avec elle.

— Ça ne doit pas être facile tous les jours.

— À qui le dis-tu !

Je marque une pause, la scrute.

— Depuis quand tu sais ?

— Que ? Pour Ellie et toi ? Depuis le début. Tu as du le remarquer, on lit tout sur son visage. J’ai vu tout de suite comment elle te regardait quand tu es arrivée au lycée. Quand vos regards se croisaient, elle détournait les yeux. Parfois même, elle rougissait, elle était toute mignonne. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé pour que tu la harcèles, ni pourquoi elle a sombré et que tu as disparu de la circulation. Mais je suis heureuse de vous voir ensemble, Ellie n’a jamais été autant épanouie.

Mes joues chauffent, on n’était pas du tout discrètes. Élodie attrape le plat.

— On les rejoint ? Vous avez bien une annonce à nous faire, non ?

— Comment tu sais ?

— On fête son anniversaire chez toi, il y a bien une raison.

Je suis abasourdie, elle a vraiment tout compris. Je lui fais signe de passer et la suis, je me sens déjà plus légère. Ma joie s’efface en arrivant au salon, ma belle est énervée. Élo pose le plateau sur la table basse et se rassoit, fixant son copain. Il hausse les épaules pour lui expliquer qu’il ne sait pas.

Je demande à Ellie la raison de son énervement, elle me tend son verre. Je goûte, un arrière-goût de vodka, je monte à mon tour.

— Qui ? Lequel d’entre vous a fait ça ?