28

6 minutes de lecture

Les premiers jours passent très vites, trop vites à mon goût. Notre vie se résume à piscine, plage et bungalow, le premier jour on a pris le temps de remplir au maximum le frigo et faire quelques achats supplémentaires. Je n’ai jamais été autant détendue, je rêve de passer ma vie ainsi. Ne pas penser au lendemain, passer tout mon temps avec la personne que j’aime, ne pas avoir d’horaires. Être libre, quoi !

Même si ce n’est pas encore ça, Solène est plus souriante, un brin plus câline. Son blocage est toujours là, ses cauchemars aussi, mais, au moins, on les gère mieux. À chacun de ses réveils, je la prends dans mes bras pour la réconforter. La première nuit, Alice est venue nous voir, c’est sûr qu’il y a une différence entre en entendre parler et le vivre. Sa cousine a passé le reste de la journée à s’excuser, comme si c’était sa faute. En vrai, ce n’est pas la sienne, mais la mienne. Quand on y réfléchit, c’est à cause de moi qu’on en est là. Si je n’avais pas rencontré Mathieu, si je n’avais pas bu à cette soirée, Solène n’aurait jamais eu l’idée de le frapper et personne ne l’aurait agressée.

Depuis que j’ai compris que j’étais la seule fautive, je relativise son comportement. C’est moi et moi seule qui l’ai rendue comme ça. Après, je ne dis pas que ma frustration a disparu, mais je pallie comme je peux. La douche en solo, ma meilleure amie. Solène ne comprend pas pourquoi j’évite à deux, je me vois mal lui en expliquer la raison. Et puis, ça lui ferait mal de le savoir, je l’ai assez blessée comme ça.


Aujourd’hui, on a décidé d’aller en ville, faire du lèche-vitrine avant l’arrivée de Julia. On la récupère à la gare en fin de journée, je vais enfin faire la rencontre de la fameuse meilleure amie. Quand je quitte la salle de bain, je ne me sens pas à ma place. Alice s’est faite toute belle pour l’occasion, on a presque l’impression qu’elle a rencard. Ma petite amie n’est pas en reste, son combi-short un brin moulant et sa longue tresse me font craquer. Je suis à deux doigts d’aller me changer tellement je ne vais pas avec elles.


— Vous auriez pu me dire qu’il y avait un dresscode. Je reviens.


Je repars vers la chambre, dépitée. Solène m’attrape le bras.


— Tu vas où ?


— Me changer, pardi !


Elle se plante devant, détaille ma tenue, tshirt ample et difforme plus pantacourt, avant de me sourire et de me prendre dans ses bras.


— Surtout pas, t’es totalement à mon goût comme ça.


— Tu parles, t’es hyper sexy et moi, je ressemble à rien à côté.


— Ellie, j’ai craqué sur toi avec ce genre de fringues. Même dans un sac à patates, je te trouverais canon.


Juste deux phrases et je vire au rouge. Mais cela ne change rien, je vais tout de même faire des ajustements. Pas grand-chose, juste un autre haut un peu plus moulant avec une meilleure coupe. Quand je les rejoins, je me sens plus à l’aise et dans la foulée, on quitte le bungalow.


La ville se trouvant à quelques kilomètres du camping est vraiment pas mal, très touristique. Des boutiques partout, des glaciers à chaque coin de rue et deux cousines accros aux fringues, il n’en faut pas plus pour une journée épuisante. Je ne sais pas comment elles font pour trouver, à chaque magasin, des trucs qui leur plaisent, qui les intéressent. C’est juste des vêtements, pas de quoi s’extasier devant ces bouts de tissus. J’ai beau essayer, je ne comprends pas.

Après deux heures à les suivre partout, on s’arrête pour manger. Alice se prend une crêpe au chocolat, Solène m’offre généreusement une glace à l’italienne que je partage volontiers avec elle. Il n’y a rien de plus excitant que de lécher cette douceur que sa langue a parcourue. Dans ce genre de moments, je ne peux pas nier qu’elle me rend raide dingue, je suis complètement accro. Surtout quand son pouce vient rencontrer mes lèvres pour récupérer un peu de glace, je craque lorsqu’elle le suce avec un brin de perversité. À cet instant précis, j’ai envie de lui sauter dessus.

On est complètement dans notre bulle, on oublie sa cousine. On se chauffe mutuellement, je suis à deux doigts de lui proposer de rentrer quand, soudain, on est interrompues par une jeune femme blonde qui saute dans les bras de ma petite amie.


— Oh Solène ! Comme je suis contente de te voir !


Solène ne bouge pas, ne pipe pas mot et moi, je fulmine, qui c’est cette meuf ? Pourquoi elle est aussi familière avec elle ? Je desserre le poing quand elle la lâche enfin, Alice se met à côté de moi comme pour m’empêcher de faire une connerie. Solène retrouve enfin la parole.


— Héloïse…


À cet instant, je me sens mal, heureusement la cousine est là pour me soutenir. Voilà donc la fameuse ex, et, merde, qu’est-ce qu’elle est belle… Elle sait s’habiller, se mettre en valeur, moi à côté, je suis un clown, je ne ressemble à rien. Elle est tellement focus sur Solène qu’elle ne nous remarque pas. Quand je les vois l’une à côté de l’autre, je ne peux que me dire qu’elles forment un magnifique couple.

Alice me propose de la suivre, de nous éloigner, elle voit bien que je suis en train de perdre pied. Elle fait signe à ma « encore » petite amie qui nous répond un « j’arrive » peu assuré. On se séparerait parce qu’elle retourne avec, je le comprendrais parfaitement, je ne suis pas du tout au même niveau que son ex. Je n’arrive même pas à comprendre comment Solène a pu s’intéresser à moi. Hors de leur vue, on s’assoit sur un banc, je suis restée dans mes pensées tout le trajet. Alice m’en sort enfin.


— Ça va ?


— Aucune idée…


— Va pas t’inquiéter, elles vont juste discuter et rien d’autre, ok ? Solène te l’avait jamais montrée ?


— Non, elle disait juste « avec mon ex », mais elle rentrait jamais dans les détails. Et je comprends pourquoi, elle est cent fois mieux que moi, je suis naze à côté.


— Dis pas n’importe quoi ! Cette meuf, à part son physique, c’est que du vide. Solène est sortie avec, c’est vrai, mais ça n’a rien à voir avec sa relation avec toi.


— Et qu’est-ce que t’en sais ?


— Bon, écoute, je vais te raconter tout ce que je sais. Héloïse et Solène se connaissent depuis la primaire. À l’époque, Solène m’avait balancé qu’un jour, elle serait sa petite amie juste parce qu’elle l’a trouvait jolie. Elles ont commencé à se fréquenter à la fin du collège.


— Attends, t’es en train de me dire que leur relation a duré aussi longtemps ? Et t’oses me dire que c’est juste pour son physique ?!


— Oui, mais c’est là que tu dois comprendre un truc. Elles sont peut-être sorties ensemble jusqu’à l’été de l’année dernière, mais, pendant tout ce temps, elles n’ont jamais passé leurs vacances ensemble. T’es la première avec qui elle le fait, tu captes le truc ou pas ?


— Le truc, quel truc ? Que Solène est aujourd’hui majeure, qu’elle peut partir en vacances avec qui elle veut, sans ses parents ? C’est pas parce que je suis spéciale à ses yeux, c’est juste les circonstances, Alice.


Je me lève et commence à partir, elle m’arrête.


— Tu vas où ?


— Je rentre. Si tu revois ta cousine, dis-lui, oui, que je rentre.


— Tu vas pas rentrer à pied ?!


— Si, j’ai besoin de marcher, j’ai besoin de réfléchir, de me changer les idées.


Je ne lui laisse pas le temps de répondre et je me barre. Je pensais vraiment que ce voyage nous ferait le plus grand bien, mais la situation va de mal en pis. Et puis, elle sera certainement mieux avec son ex, elle, au moins, ne la rend pas malade. Alors que moi…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sophie M Rigger ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0