12 (V2)

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Lorsque nous arrivons, mon père installe Ellie sur le canapé. Ma mère s’occupe d’elle, questionne Ian. Tout le monde s’affaire pour l’aider et, moi, je suis là, les bras ballants, les yeux rivés sur celle que j’aime. J’ai l’impression d’être éteinte, je n’arrive plus à bouger. Mon père s’approche pour me parler, je le regarde sans comprendre un traitre mot. C’est comme si mon cerveau avait grillé. Il me fait m’asseoir dans un des fauteuils, va me chercher un verre d’eau. Je manque de le renverser tellement mes mains tremblent.


— Ma puce, ne t’inquiète pas, on gère. Enfin, je devrais plutôt dire « ta mère gère » !


Un sourire, un clin d’œil et moi, je ne réagis pas. Je devrais aussi l’aider, mais, je ne sais pas pourquoi, depuis que j’ai passé cette foutue porte, j’en suis incapable. J’aimerais tellement la prendre dans mes bras, mais j’ai peur. Peur de lui faire du mal. Encore. Elle semble si fragile, si frêle. Et si elle restait comme ça ? Et si elle me rejetait ? Et si… Je n’avais pas été aussi conne !

Les larmes reviennent en même temps que la culpabilité. Pourquoi notre histoire est-elle si compliquée ? On devrait être heureuse toutes les deux, mais non, il y a toujours un élément perturbateur ! Sauf que là, c’en est trop ! J’ai failli la perdre, définitivement, et ça, je ne peux pas l’accepter. Quand elle se réveillera, je lui dirai combien je l’aime, je lui dirai tout. Je veux qu’elle connaisse la vérité et tant pis si cela doit nous isoler du reste ! Ou pire, nous séparer… Au moins, elle saura pourquoi j’ai fait tout ça, pourquoi je l’ai quittée.


Ma maman vient me voir, me prend dans ses bras. Elle demande à mon père d’emmener Ellie dans la chambre d’amis, je les suis du regard. Elle essuie mes larmes.


— Ça va aller. Médicaments et alcool font rarement bon ménage, mais, vu ce qu’a dit Ian, elle n’a bu qu’un verre. Il lui faut juste du repos, demain, elle devrait aller mieux. Je vais la veiller, alors ne t’inquiètes pas, d’accord ?


Elle marque une pause, essuie à nouveau mes joues.


— Nous pourrons discuter au calme, demain. Solène, ma puce, je veux que tu nous dises pourquoi vous en êtes là. Et pas que pour Ellie, nous sommes tes parents, nous pouvons vous aider.


Je ferme les yeux, c’est vrai que je leur dois, aussi, la vérité. Quand elle se relève, j’attrape sa manche.


— Je peux venir avec toi ? Je-je voudrais être là quand elle se réveillera…


— Bien sûr, ma puce !


Elle prend le temps de parler avec Ian, elle le rassure. Il prend congé, je n’ai pas du tout suivi de quoi ils ont parlé alors qu’ils étaient juste à côté de moi. Toutes mes pensées sont centralisées sur Ellie.

Ma mère revient vers moi, nous montons à l’étage. Elle récupère un maximum de coussin, nous nous installons côte à côte. Je pose ma tête sur son épaule, sa main joue avec mes cheveux. Ce geste m’apaise, m’a toujours apaisée. Les yeux clos, ma respiration ralentit. Je m’endors dans les bras de ma mère.

Je suis réveillée par les premiers rayons du soleil, maman est assise au bord du lit. Ellie est en train d’émerger, avec beaucoup de difficultés. Elle ne comprend pas où elle est, ma mère lui parle doucement, la rassure. Je n’ose pas bouger, je ne sais pas comment elle réagira en me voyant. Je me fais la plus petite possible, je ne sais pourquoi, mais, à cet instant, je veux devenir invisible, disparaître.

Elle tourne la tête, nos regards se croisent. Alors qu’elle me fixe, je reste sans rien faire. Ma bouche entrouverte, aucun son n’en sort. Comme moi, elle reste silencieuse. Merde, pourquoi j’arrive pas à lui adresser la parole ? C’est ma maman qui rompt ce silence pesant.


— Dis-moi, Ellie, tu veux que je t’apporte quelque chose ? À manger ou à boire ?


— Non, non merci. Je devrais rentrer avant que mes parents s’inquiètent…


— Ne t’inquiète pas pour eux, Ian les a prévenus. Il leur a dit que tu dormais chez lui. Je vais te chercher de quoi te désaltérer. Eau ? Jus de fruits ? Tu préfères quoi ?


Elle hésite, jette un coup d’œil en ma direction.


— Du jus de fruits, si ça ne vous dérange pas…


— Ça ne me dérange pas, c’est moi qui te l’ai proposée. Je reviens tout de suite.


Elle me fait un clin d’œil avant de quitter la pièce. Je me sens penaude, je baisse la tête. Je ne sais pas comment commencer. Par où dois-je commencer d’ailleurs ? M’excuser ? Lui dire que je l’aime plus que tout ? Ellie me sort de mes pensées.


— Pourquoi ?


Je relève la tête, sous le choc de ce simple mot. Elle reprend, je vois de la rancœur dans ses yeux.


— Pourquoi je suis ici ? Pourquoi tu reviens dans ma vie comme ça ?


Je n’ose pas la regarder, mon pouls accélère, mes mains sont moites. J’inspire profondément.


— Ian m’a appelée hier soir, tu avais bu, il ne savait pas comment faire. Quand on est arrivé, avec mon père, tu étais complètement dans les vapes.


— Ian ? Ian t’a appelée ?


— Oui, après notre rupture…


— Tu m’as abandonnée !


— Je - je sais, j’ai été lâche…


Je fonds en larme. On toque, ma mère entre, s’arrête quelques secondes quand elle voit mon visage. Je me lève enfin et m’enfuis de cette pièce où l’atmosphère est si pesante. Elle m’attrape le bras au passage.


— Tu n’oublies pas que tu nous dois à tous des explications.


J’opine de la tête et m’enferme dans ma chambre. Je sais très bien que je leur dois la vérité, mais j’ai peur de leurs réactions. Comme toujours, j’ai fait n’importe quoi. Je suis incapable d’être heureuse, il faut toujours que je détruise le bonheur tant espéré. Et, comme toujours, il faut que je fasse souffrir les personnes qui me sont chères… Je m’en veux, je me déteste.

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