Je me réveille dans mon lit, ma mère à mes côtés. Je suis surprise de la voir là. Je tente de me redresser, ma tête tourne, elle m’oblige à me recoucher.

— Tu nous as fait peur, tu sais.

— So-Solène ?

— Partie. De toute façon, vu dans quel état elle t’a mise, elle n’avait pas intérêt à rester !

Je me sens mal, j’ai la nausée. Je me redresse, ma mère tente de m’en empêcher, mais je trouve la force de la repousser. Je quitte difficilement le lit, je titube jusqu’aux toilettes où mon estomac se vide. De quoi, je ne sais pas. À part de la bile, il n’a pas grand-chose à sortir. Lorsqu’il le comprend enfin, je m’assois juste à côté de la cuvette, pour pleurer, juste pleurer. Ma vie s’est totalement effondrée en moins de cinq minutes.

Je ne comprends toujours pas pourquoi, pourquoi elle m’a quittée ? Ses mots résonnent dans ma tête, « Je ne suis pas amoureuse de toi, Ellie ». Cette phrase tourne en boucle, que s’est-il passé pour qu’on en arrive là ? Tous ses « je t’aime » n’étaient-ils que des mensonges ? Mon estomac refait des siennes. Ma mère s’inquiète, je crois.

— Ma puce, tu veux que j’appelle le médecin ?

Je suis incapable de lui répondre, je l’entends s’éloigner. Elle parle à mon père qui vient, à son tour, me voir.

— Ça va ?

J’arrive à peine à laisser échapper un « non ». Il pose sa main entre mes omoplates, un geste de réconfort qui, à cet instant précis, ne fonctionne pas. On reste comme ça le temps que mes tripes se calment, je suis épuisée. Il m’aide à retourner dans ma chambre, je m’écroule sur le matelas.

— Je vais te chercher un verre d’eau, d’accord ?

Je lui tourne le dos.

— Non, c’est bon. Je veux juste qu’on me laisse tranquille, je veux rester seule.

Il me caresse le bras et sort de la pièce. La porte à peine fermée, je m’effondre.

Le reste de la semaine est difficile, je reste à la maison, cloîtrée dans mon refuge. Mes larmes ne se tarissent pas, j’oscille entre colère et tristesse. Je lui en veux, de m’avoir abandonnée, d’avoir joué avec mes sentiments. Et puis, je repense à nos moments et là, mon cœur s’arrête. Le vide en moi grandit petit à petit, je n’arrive plus à manger. Mes parents s’inquiètent au point qu’ils appellent le doc. Comme s’il pouvait faire quelque chose !

Ma mère tente soi-disant de me remonter le moral, mais à part dénigrer Solène, elle ne parle que pour se conforter d’avoir bien agi. « Tu aurais dû m’écouter », « Je savais que cette fille te ferait souffrir », « On fait tous des erreurs dans la vie », « Ce n’est qu’une passade, ça ira bientôt mieux, tu verras ». Elle n’arrive même pas à cacher sa joie vis-à-vis de cette rupture, c’est sûr qu’il ne faut plus s’inquiéter du regard des autres. Ce qu’elle ne comprend pas, c’est que cette fille était unique à mes yeux, mon premier amour. Elle était la seule personne avec qui je me sentais, enfin, moi. La seule à me rendre aussi heureuse. J’avais l’impression d’être exceptionnelle, l’unique personne dans son cœur. J’avais tort. Je n’étais, finalement, peut-être rien qu’un jouet pour assouvir ses fantasmes…

Et me voilà avec une ordonnance, « un traitement ». Ils ont décidé de me bourrer de médocs soi-disant pour me rebooster. J’ai plutôt l’impression qu’ils veulent m’assommer pour que j’oublie ma peine. Lundi, j’ai obligation de retourner en cours. Je ne dois pas trop manquer, surtout à cette période de l’année. Période cruciale pour mon avenir, comme ils disent. Mais quel avenir ? Je n’arrive plus à penser au lendemain, alors l’avenir ! Ils peuvent se le carrer où je pense celui-là !

Mon cerveau est bloqué à mercredi, à sa visite, à la fin de notre histoire. Je n’arrive pas à passer à autre chose, je ne veux pas passer à autre chose. J’ai perdu mon repère, mon phare s’est éteint et mon cœur s’est lâchement échoué contre les rochers.