18 (V2)

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La journée du mardi est beaucoup plus calme, nos hormones sont redescendues au plus bas niveau. On reprend notre train-train quotidien. Lydia ne m’a pratiquement pas adressé la parole, elle nous fait la tête à cause de la veille et de notre inconscience. Je me dis parfois qu’elle devrait se trouver un mec, ça pourrait lui faire du bien, la décoincer un peu. Aussi loin que je m’en souvienne, je ne l’ai jamais vu aux bras de quelqu’un, elle ne parle jamais de ça. Je ne sais même pas si elle a déjà eu le béguin pour un garçon.

Pourtant, elle a eu plus d’une fois l’occasion d’en parler depuis qu’on se connaît. Au collège, avec Ian, on n’arrêtait pas, dès qu’un mec nous plaisait, on le balançait. Même pas un acteur, rien, elle n’en a jamais parlé. C’est peut-être de la timidité, elle n’ose pas. Ou alors ces goûts sont tellement pourris qu’elle en a honte. Comme si on allait la juger, chacun est libre d’être attiré par n’importe qui. En plus, elle devrait le savoir, Ian est cent pour cent gay et moi, je sors avec Solène. Ce serait mal venu de notre part de la juger.

Une seule chose est sûre, en ce moment, elle est un brin chiante. Ce que je peux comprendre, c’est la seule du trio à être encore célibataire. Et puis, en dehors des cours, on ne se voit quasiment plus. Ian passe beaucoup de temps avec Antoine. Et, de mon côté, avec la crise d’autorité de mes parents et leurs préjugés, je privilégie Solène quand j’ai droit à du temps libre. C’est clair qu’elle peut se sentir délaissée. Il faudrait qu’on s’organise un truc après le bac, juste le trio infernal comme au bon vieux temps. Peut-être un ciné, il faudra que je surveille les prochaines sorties de films.


Un ciné, il faudra que j’en parle aussi à Solène. On pourrait se faire des sorties de temps en temps, ça changerait un peu. Varier, c’est important dans un couple. On ne peut pas se voir que chez l’une ou l’autre. La routine, ce n’est jamais bon. Je lui en parlerai demain, on n’a encore rien prévu pour ce weekend.


Au final, Solène n’est pas là. Absente, une nouvelle fois. J’espère que ce n’est pas sa migraine qui refait des siennes. Je m’inquiète, croise les doigts. De toute façon, je ne peux rien faire d’autre, mes parents n’en auront rien à faire et je ne pourrai pas avoir de ses nouvelles. J’aimerais tellement qu’ils comprennent, qu’ils assouplissent leurs règles à la con. Je ne demande pourtant pas grand-chose. Juste pouvoir lui parler en dehors des cours, surtout dans ce genre de situation. Découvrir qu’elle est absente, peut-être au plus mal, ne pas pouvoir la réconforter quand c’est nécessaire. Tout ça, c’est une vraie torture !

L’après-midi est une horreur, je suis en stress, mon cerveau est en suractivité. Je m’imagine le pire, j’en ai mal aux tripes, je suis à la limite de la crise d’angoisse. Elle me verrait, elle se foutrait de moi. je l’entends déjà : « Ellie, apprends à relativiser ! Je suis pas non plus à l’article de la mort ! » C’est tout moi, le mot réfléchir m’est totalement inconnu. Je ne sais pas comment gérer les choses, les mots sortent de ma bouche tout seuls, j’imagine soit le pire soit le meilleur. Aucun juste milieu. Désespérante serait peut-être le terme idéal pour me définir.

Et je ne sais pas ce qui est le pire : l’être ou savoir qu’on l’est et être incapable de s’améliorer ? Mais bon, ça a l’air de lui plaire sinon on ne serait pas ensemble. Mais bon, il faudrait quand même que j’apprenne à me contrôler. À force, elle pourrait se lasser et je n’ai pas du tout envie qu’elle me quitte à cause de ça.


Pour une fois, ma mère rentre tôt, c’est rare ces derniers temps. Je la croise en descendant me préparer un petit truc à manger. Comme à son habitude, elle ne prête aucune attention à ma présence. Une semaine que cela dure, que je suis devenue transparente. Enfin, sauf quand elle doit me faire des remarques désobligeantes. Étrangement là, elle me voit. Je ne sais plus quoi en penser. Peut-être que, comme moi, elle n’a plus envie de faire un effort ?

Je suis sortie de mes pensées quand on sonne. Je pose l’assiette et le verre que j’ai en main et vais ouvrir. Je me fige, Solène. Je reste sans voix, je la fixe et remarque ses yeux rougis. Ma main se pose par réflexe sur son bras, elle baisse la tête. Je m’inquiète encore plus.


— Qu’est-ce qu’y se passe ? T’as pleuré ?


Elle ferme les yeux, respire fort. Ses mains se serrent, elle se raidit, mon inquiétude grandit. Je veux la prendre dans mes bras, mais elle recule d’un pas. Elle prend une grande inspiration, relève enfin la tête. On se retrouve yeux dans les yeux. Son regard semble déterminé comme jamais. Mon cœur bat à tout rompre, je me sens mal, je ne sais pas pourquoi. Solène prend enfin la parole.


— C’est fini.


Je ne comprends pas de quoi elle parle, elle détourne le regard quelques secondes avant de reprendre.


— À partir d’aujourd’hui, il n’y aura plus de nous. J’ai réfléchi et… tout cela ne mène à rien. Je croyais avoir des sentiments pour toi, mais… Je me suis trompée. Je ne suis pas amoureuse de toi, Ellie… Je, je suis désolée…


Je me sens mal, je vois flou, mes jambes se dérobent sous mon poids. Je m’écroule, tout devient noir.

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