10 (V2)

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Je n’ai pas dormi de la nuit, mes larmes se sont arrêtées. La source s’est tarie, je crois. J’ai une tête affreuse, mes yeux sont rouges et gonflés. Je traîne des pieds, il faut que je descende pour finir de me préparer, mais je n’ai pas envie de la voir. Avec tout ce que j’ai entendu la veille, je ne peux plus la considérer comme ma mère. Elle m’a enfanté, point.

La matinée va être compliquée, je suis tellement mal, je n’ai qu’une envie : retrouver Solène. J’ai besoin d’entendre sa voix, qu’elle me prenne dans ses bras, mais, au lycée, ce sera impossible. Et puis que vais-je dire à mes amis ? Ils sauront direct que ça ne va pas quand ils verront ma tête. Merde, j’ai les larmes aux yeux, il faut croire que j’avais encore des ressources. Je les essuie et essaie de penser à autre chose pour tenter de les arrêter.


Je prends les escaliers, je fais tout pour contenir mes émotions. Je dois aller en cours. De toute façon, je ne peux pas rester ici, rester avec eux. Je suis dégoûtée de leurs réactions, je ne pensais pas qu’ils avaient des idées aussi arrêtées.


J’évite la case « cuisine » et part directement jusqu’à l’arrêt de bus. Ma génitrice me poursuit et stoppe ma fuite. Je lève les yeux au ciel, pourquoi ne peut-elle pas m’oublier ? Pourquoi doit-elle se rappeler encore et encore à moi ?


— Tu ne prends pas le bus. À partir d’aujourd’hui, on te conduira et on viendra te chercher au lycée.


Je fronce les sourcils, je ne comprends pas cette décision.


— Quoi ? Mais pourquoi ?


— Tu côtoies des personnes qui ont une mauvaise influence et on veut éviter que tu fasses d’autres erreurs.


J’enrage et élève la voix.


— Vous êtes des malades ! Personne ne m’influence et je n’ai fait aucune erreur !


Elle tente d’empoigner mon bras, je me débats, le bus passe. Tous les regards sont posés sur nous. Elle a tout gagné, je lâche l’affaire. Aller au lycée ? Non merci ! Je la bouscule, lui donne un coup d’épaule et fais le chemin inverse, j’en ai ma claque. Je remonte m’enfermer dans ma chambre.


— Ma chérie, ouvre s’il te plaît, on doit parler.


— Quoi encore ? Vous êtes en train de foutre en l’air ma vie, ça vous suffit pas ?


— Écoute, on a discuté avec ton père et on a pris quelques décisions pour ton bien. Il serait préférable que tu arrêtes de voir Ian.


J’ouvre d’un coup sec la porte. Ma colère monte.


— Quoi ? Mais pourquoi ?


— Tu passes beaucoup de temps avec lui et puis, tu sais…


Je plisse les yeux pour essayer de comprendre.


— Je sais quoi ? Tu crois quand même pas que l’homosexualité, c’est comme une maladie, contagieuse ?


Elle baisse les yeux, une gêne s’est installée. Non, mais c’est une blague ? Ils se sont persuadés que je sors avec Solène parce qu’Ian est gay ? Je suis saoulée, je commence à refermer la porte, mais elle m’interrompt.


— Encore une chose, ma chérie. Samedi soir, tu resteras à la maison avec ton père et moi.


— Tu te fous de moi ? Vous avez vraiment décidé de faire de ma vie un enfer !


— Non, ma chérie, tout ça, c’est pour ton bien et seulement pour ton bien.


— Pour mon bien ? Si vous souhaitiez réellement mon bonheur, vous me laisseriez voir Solène et Ian ! Vous n’êtes que des…


Je secoue la tête de gauche à droite, m’abstiens de finir ma phrase.


— Oh, et puis merde !


Je lui claque la porte au nez, m’écroule sur le lit, je me vide encore. Combien de litres d’eau on peut pleurer, bordel ? Je n’en peux plus, mon cœur me fait mal. Jamais je n’aurais imaginé qu’ils soient… qu’ils soient si… Je n’arrive même plus à trouver les mots, à réfléchir. Désespérée, j’attrape mon téléphone, un message commun aux personnes les plus importantes de ma vie.


« Mes parents savent tout, ma vie devient un enfer. »

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