9 (V2)

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De retour à la maison, seuls mes parents m’attendent. La mine triste. Il semble que je me sois trompée sur les intentions de la mère d’Ellie. Elle s’est mal exprimée et je suis montée pour rien. Elle voulait s’excuser de m’avoir jugée trop vite, de ne pas avoir compris notre situation. Je me sens conne, j’ai complètement merdé. Il va falloir que je rattrape le coup. Encore une fois.

Le dimanche, après le repas du midi, je prends mes responsabilités et je vais m’excuser. En stress, honteuse, j’appuie sur la sonnette. Sa mère m’ouvre, elle est surprise de me voir. Je n’attends même pas qu’elle me propose d’entrer. Je n’ose pas la regarder,elle m’intimide.

— Bonjour, madame. Je… Mes parents m’ont tout expliqué. Je m’excuse pour mes propos hier soir.

Je baisse la tête, sa seule réponse est un « entre » un peu sec, peut-être agacé, je ne sais pas trop. Sans attendre, je m’exécute, croise Ellie, le regard triste, qui revient de la cuisine. Elle me sourit timidement. Le poids sur mes épaules s’étiole, elle ne m’en veut pas pour la veille. Je me retrouve très vite assise à la table du salon, face à ses parents, je n’en mène pas large. Je réitère mes excuses.

— Pardon, je ne voulais pas vous agresser verbalement. Mes paroles ont dépassé ma pensée. Je crois que la pression et l’angoisse de ses derniers jours m’ont fait craquer. Je suis vraiment désolée.

Un ange passe, je n’ose pas les regarder, je triture mes doigts. Puis sa mère prend enfin la parole.

— J’ai peut-être utilisé les mauvais mots. Je ne suis pas à l’aise avec tout ça. Il faut comprendre que ta relation avec notre fille n’est pas, comment dire, normale. Nous espérions qu’Ellie trouve l’homme avec qui elle pourrait se marier, avoir des enfants. Ça nous a fait un choc de découvrir qu’elle aime les femmes.

Ellie nous rejoint, s’assied à mes côtés.

— Je te l’ai dit maman, je n’aime pas à proprement parler les femmes, j’aime Solène. Je ne sais pas pourquoi, mais, dès que je l’ai croisée, j’ai été attirée par elle, c’est tout.

Elle me lance un regard complice, je rougis et détourne les yeux. À l’entendre parler de nous comme ça, j’ai l’impression d’être unique à ses yeux, mon cœur se remplit de joie. Encore ce silence si pesant, la situation se détend peu à peu, mais nous avons, tous, du mal à nous exprimer. Le premier à reprendre est son père.

— Nous avons pris des décisions, Ellie est déjà au courant. Pour son bien, nous acceptons de faire un geste, mais, attention, cela ne veut pas dire que nous cautionnons votre relation. À partir d’aujourd’hui, vous aurez le droit de vous voir, mais seulement les weekends. Les règles mises en place s’appliquent toujours, pas de bus, pas de téléphone. Elle nous a expliqué que vous ne vous côtoyez pas au lycée, ce qui entre complètement dans les règles. Par contre, si nous apprenons que vous passez du temps ensemble en dehors des temps autorisés, il y aura des conséquences. Même si nous sommes très inquiets vis à vis de cette situation,nous sommes prêts à faire un geste. Prouvez-nous que nous pouvons vous faire confiance. C’est bien compris ?

Ellie et moi, nous nous regardons puis nous acquiesçons en cœur. C’est un début, au moins nous pourrons nous voir même si c’est peu.

— Ah et une dernière chose, priorité aux études. Ellie a le bac français bientôt et elle a l’obligation de se concentrer dessus.

— Ne vous inquiétez pas pour ça. Si besoin, je l’aiderai à réviser les weekends où on se voit.

— Tu ne révises pas pour ton bac ?

— À vrai dire, le début d’année dans mon ancien lycée a été catastrophique, à cause de harcèlements et d’homophobie, je n’ai pas été en cours pendant plus d’un mois. Je cours tout droit vers un redoublement.

Oups, j’ai peut-être été un peu trop franche. Ses parents ont l’air gênés, voire choqués en apprenant cela. J’espère que c’est le mot « harcèlement » et pas « redoublement » qui pose problème. Quelle idiote ! Je n’ai pas réfléchi, c’est sorti tout seul. Ellie me prend la main pour me rassurer.

— Ne vous inquiétez pas, Solène est une personne sérieuse. Ce qu’elle a subi dans son ancien lycée, n’arrivera pas ici et redoubler ne veut pas dire cancre.

— Il faut nous comprendre. Entendre ce terrible mot, savoir que ton amie a pu être une victime n’est pas rassurant.

— Peut-être que ça vous fait peur, mais on gère. Personne ne sait que nous sommes ensemble hormis quelqu’unes de confiance comme Ian ou Lydia. Nous ne sommes pas folles, nous n’allons pas vivre notre relation au grand jour.

— Je sais ma puce, mais cela peut nous faire peur. Il faut nous comprendre, aussi. Promets-moi que vous ferez attention !

— Promis, maman. Vous avez autre chose à nous dire ? Solène peut rester encore un peu ?

— C’est bon, on vous libère.

Elle tourne la tête vers la fenêtre.

— Il fait beau, pourquoi ne pas profiter du jardin ?

Ellie sourit et m’emmène avec elle, dehors. Nous nous asseyons sur le banc, à côté de l’unique parterre de fleurs. Je lui prends la main, mon pouce la lui caresse. Mes yeux se perdent dans les siens.

— Le jardin, hein ?

— C’est plus facile de nous surveiller. Comme si on allait coucher ensemble alors qu’ils sont là. À croire qu’ils ne savent pas que leur fille sait se tenir.

On pouffe de rire. Ses lèvres se joignent aux miennes, ses doigts frôlent ma joue, sa bouche se glisse dans mon cou.

— Ton parfum m’a manqué.

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