9 (V2)

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Quand j’arrive à la maison, la voiture est déjà là. Merde, j’arrive trop tard, je vais me prendre un savon. Je suis tout essoufflée et, en prime, entre cette fin d’après-midi et mon marathon, je pue la transpi et bien d’autres choses. J’ouvre la porte et entre à reculons. Je suis accueillie par ma maman, le regard réprobateur, je me fonds en excuses.

— Va te doucher, tu ne ressembles à rien ! Tu as cinq minutes et après, tu as intérêt à avoir une bonne excuse.

Je monte en silence, tête baissée. Une phrase sèche et je redeviens une enfant qui a fait une bêtise. J’attrape des fringues vite fait dans ma chambre et, une fois dans la salle de bain, je me remémore la journée, je me déshabille, un sourire bête aux lèvres. C’était une journée très sportive, même si j’ai préféré la séance en duo. Il faut que j’en parle à Ian. Mince, Ian, je l’ai complètement zappé, je devais l’appeler. Deuxième savon en vue, mais bon, si je dois me prendre des savons à chaque fois que je passe des moments aussi bons avec Solène, j’accepte volontiers de les recevoir. Je rougis en repensant à elle, à ce qu’on a fait. À ma première fois.

Je sors de mes rêveries et me lave rapidement, ma mère m’attend en bas. Je regarde, avec une pointe de regret, l’eau s’écouler de mon corps, adieu l’odeur de ma douce. Quand je quitte la salle d’eau, je récupère vite fait mon téléphone. Un appel manqué, une dizaine de messages de mon meilleur ami et un de Solène. Ian oscille entre inquiétude et énervement, Solène me demande comment ça se passe. Je leur répondrai plus tard, pour l’instant, j’attends ma sanction. Je soupire, sachant très bien que je vais me prendre une soufflante. J’espère juste ne pas être punie : s’ils apprennent que j’étais avec Solène, ils risquent de m’interdire de la voir samedi.

Je rejoins ma mère à la cuisine, prête à recevoir ses foudres. Comme à son habitude, elle débute par l’ignorance, je suis là sans être là pendant qu’elle s’affaire. Pas un regard, pas un mot. Je baisse automatiquement la tête, m’excuse encore, elle prend enfin la parole.

— Alors ? Pourquoi n’étais-tu pas à la maison à mon arrivée ?

— J’étais chez Solène, je n’ai pas fait attention à l’heure. Je suis vraiment désolée, c’est la première et la dernière fois que ça arrive, promis.

— Encore cette Solène ? Tu ne nous en as jamais parlé avant et là, depuis hier, tu nous demandes pour aller manger chez elle, tu oublies de rentrer à l’heure.

J’hésite, je vois bien qu’elle attend des explications, je ferme les yeux, prend une grande inspiration. Mon cœur bat très fort, comme s’il voulait sortir de mon corps. Il tambourine comme jamais dans ma poitrine. Je ne sais pas si c’est le bon moment pour le dire, mais tant pis, je me lance. Ma voix est peu assurée, mes mots hésitants.

— C’est… C’est ma petite amie.

Rien, le silence, plus un son ne sort. Ma mère me fixe, la bouche ouverte, des yeux ronds, elle est sous le choc. Et moi, je ne sais pas quoi dire, quoi faire et je prie pour qu’elle dise quelque chose. Elle rompt enfin ce silence pesant.

— Ah.

Comment ça « Ah » ? Je lui balance que j’ai quelqu’un, que j’aime une fille et j’ai juste droit à « ah » ? La colère monte.

— Quoi « ah » ?

— Que veux-tu que je te dise d’autre ?

— Je sais pas, un « je suis contente », « oh tu es amoureuse, c’est merveilleux ! » ou juste « tu nous la présentes quand ? », tu vois, un truc du genre. Enfin, comme tout parent, heureux pour son enfant, le ferait.

De nouveau le silence, elle est gênée, mais gênée de quoi ? Elle n’ose même plus me regarder.

— Comment veux-tu que je te dise cela ? Tu m’annonces que tu aimes les filles, comment dois-je réagir selon toi ? Et comment va réagir ton père ? Tu imagines ce que les autres vont dire ?

— Je me fiche des autres et tu devrais faire pareil ! Tu n’avais qu’à dire « félicitation »

Dégoûtée par sa réaction, je commence à quitter la pièce.

— Je vais dans ma chambre.

— Ton père rentre plus tôt, on va bientôt manger !

Je ne me retourne même pas pour lui répondre.

— J’ai pas faim, vous n’aurez qu’à manger sans moi.

Je remonte et m’enferme dans ma chambre, je me jette sur le lit, les larmes me viennent. J’envoie un message à Solène, « On en parle demain si tu veux ». Je n’ai pas envie de lui dire que mes parents ne sont pas comme les siens, je ne veux pas l’inquiéter. Dans la foulée, j’appelle Ian, j’ai besoin de lui parler. Dès qu’il entend mes sanglots, il me questionne, je lui explique tout. Il me réconforte comme il peut. Au téléphone, ce n’est pas évident. Demain, on a cours que le matin, on passera l’après-midi ensemble.

Quand je raccroche, on toque à la porte. J’ouvre et me retrouve face à mon père, le visage fermé. Je m’assois sur le bord du lit et attends. Il s’installe à côté de moi, fixe le mur en face..

— Pourquoi ?

Pas besoin de chercher, je comprends tout de suite la question.

— Parce qu’elle est belle, intelligente et que je l’aime.

— Pourtant tu ne nous parlais que de garçons !

— Fille, garçon, c’est si important ? Que je sois amoureuse, ça ne l’est pas plus ?

Il pose sa main sur son front tout en fermant les yeux. Je sens qu’il cherche ses mots.

— À l’adolescence, on peut être perdu. On va dire que c’est une erreur de jeunesse.

Je me relève d’un bond, furieuse.

— Comment ça, une erreur ? Solène n’est pas une erreur ! Mais, merde, pourquoi vous arrivez pas à le comprendre ? À être heureux pour moi ? Pourquoi ça vous pose autant problème ?

— Écoute, ma puce, on va tous se calmer, réfléchir à tout ça. Avec ta mère, on doit en parler.

Sans un regard, il redescend, me laisse seule et abasourdie. J’entends ma mère pleurer, se demander quelles erreurs ils ont commises. Je claque violemment la porte et m’écroule. Mon front collé à la porte, les larmes s’écoulent en un flot continu sur mes joues. Je ne comprends pas leur réaction, j’aurais tellement aimé que les choses se passent bien, qu’ils me soutiennent.

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