Cette fille est une garce, juste une garce. Depuis la soirée, elle ne m’a pas adressé la parole, au contraire, elle fait comme si de rien n’était, comme s’il n’y avait rien eu ce soir-là. Elle m’a donné de faux espoirs. J’ai entendu ses potes raconter qu’elle ne se souvient de rien. Moi, j’y vois de fausses excuses pour ne pas assumer ses actes. Elle ne veut certainement pas que cet « écart » soit découvert par les autres, qu’on sache qu’elle peut être attirée par autre chose que son Chris Evans. Comme si j’allais en parler ouvertement à tout le monde ! Ou alors elle aime jouer avec les sentiments des autres…

Piquée au vif, j’ai décidé de me venger, j’en ai fait mon souffre-douleur. Dès que je peux, je l’attaque verbalement, je la rabaisse. J’essaie de montrer au monde entier sa vraie personnalité. Je sais que ce n’est pas bien, je sais que je ne devrais pas, ce n’est pas comme si je ne l’avais pas vécu aussi. Alors, parfois, je me radoucis, j’espère qu’elle comprenne pourquoi je fais ça, j’espère qu’elle me revienne. Mais rien n’y fait, je lis même de la peur dans ses yeux quand je la croise. J’ai vraiment fait n’importe quoi. Je l’ai complètement perdue.

Pour ma mère, je devrais passer à autre chose, arrêter mes conneries. Elle m’engueule régulièrement, me reproche mon comportement immature et intolérable. Elle me demande souvent de redevenir la gentille Solène, mais je n’y arrive pas. Cette meuf est un aimant, je m’y accroche comme un paresseux à son arbre. Je ne peux pas me détacher d’elle, j’ai essayé, le manque était trop grand. Haine, amour, je ne sais plus, mais j’aime être son centre d’attention. J’aime sentir son regard sur moi, j’ai peur de couper ce lien ridicule qui s’est créé entre nous.

Je deviens complètement folle, mon comportement dépasse les bornes, je le sais bien, mais je ne sais plus comment arrêter tout ça. Mes parents me conseillent de lui parler, de mettre les choses à plat, plus facile à dire qu’à faire. Je lui fais tellement peur, aujourd’hui, que je ne vois pas comment je pourrais entamer une discussion avec elle. Et puis, au final, je me suis lancée, j’ai osé aller chez elle, pour rien. Elle n’a aucun souvenir de la soirée. Merde, je me suis énervée contre elle, je l’ai harcelée pour rien, pour une amnésie à cause de l’alcool. Enfin, selon elle.

Enfin, je ne sais plus si je peux la croire, si cela est vrai ou s’il s’agit d’une excuse. Depuis notre conversation, elle est sur les nerfs et moi, malgré ma culpabilité, je n’arrive pas à être sympa avec elle. Je me sens de plus en plus mal, j’aimerais m’excuser, repartir à zéro, mais c’est impossible. Sa colère est trop grande et ses propos sont comme des lances plantées directement dans mon cœur. Tous les soirs, quand je rentre, je m’écroule sur mon lit pour pleurer, je n’arrive plus à la détester. La seule que je hais, c’est moi. Moi et mon comportement puéril. Moi et mon impulsivité. Si elle est une garce, moi, je suis la reine des connes.

Mon cœur s’arrête le jour où je me retrouve face à elle, dans l’encart de la porte d’entrée. Je n’ai pas osé acquiescer quand elle a compris, aujourd’hui, qui j’étais. Je ressens de la gêne, de la honte, je suis penaude. J’évite de la regarder, me concentre sur mon plateau-repas, je lui adresse à peine la parole, je suis même sèche.

Je suis incapable d’être moi, j’ai peur que ce ne soit qu’un rêve, que cela ne serve à rien, que cette histoire se finisse aussi vite qu’elle a débuté. Une seule chose est sûre, cette meuf, je l’ai dans la peau au point où j’en oublie le reste.