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Aujourd’hui est le premier jour de ma nouvelle vie, c’est bien comme cela qu’on dit. Une nouvelle vie, enfin surtout, un nouveau lycée, mais cette fois-ci, je ne répèterai pas les mêmes erreurs. La seule erreur sera mon bac, entre les heures séchées et mon absence totale de décembre, je sais déjà que cette année est fichue. Il aura fallu que cela arrive pendant ma terminale.

J’aurais tenu, j’aurais pu dire Bye Bye au lycée et ces années merdiques. Mais non, j’ai craqué et me voilà, en janvier, débutant dans un nouvel établissement ! Avec tout ce qui m’est arrivé ces derniers mois, je devrais être habituée de ne pas forcément me sentir à ma place, mais non, il faut qu’en prime, je stresse. Une seule chose est sûre : ce sera zéro ami et, surtout, zéro intérêt aux filles. J’ai suffisamment donné !


Enfin, c’était mon discours de prérentrée devant mon miroir. C’était avant de prendre le bus et de la voir.


Cela fait à peine dix minutes que le car scolaire a redémarrées qu’il s’arrête à nouveau, les joies de ce genre de transport. Une sprinteuse folle débarque à l’intérieur, en un bond, elle est déjà à côté du chauffeur. Un vrai guépard, cette fille, même pas essoufflée par sa course. Mon regard croise le sien quand elle passe juste à côté de moi, merde c’est qu’elle est canon. Totalement mon genre, même si elle fait plutôt gamine.

Je la suis des yeux, elle s’assoit plus au fond à côté d’une meuf qui prend le bus au même arrêt que moi, bien plus banale. Non, non, je dois rester concentrée sur mes principes, je me remets dans le sens de la marche, fixe le paysage qui défile. Je me répète mentalement ma résolution : ne pas s’intéresser aux filles. Ne pas m’intéresser à cette fille.


Au final, ma première journée est banale, oui, je suis la nouvelle et oui, je vais me présenter. J’ai l’impression de me répéter à chaque nouveau cours, laissez-moi m’installer dans un coin, oubliez-moi ! Et la fameuse question qui revient régulièrement : Pourquoi t’as changé de lycée ? Que puis-je répondre ? La vérité ? Que j’étais harcelée ? Que mes anciens amis m’ont bien poignardée dans le dos ? Que j’ai failli faire une grosse connerie ?

J’opte pour un raccourci « J’ai frappé un mec, il a fini à l’hosto ». Ce qui est totalement vrai, j’ai cassé la figure d’un de mes harceleurs, mais ce n’est pas ça, l’origine de ma venue ici. Et ça, ils n’ont pas à le savoir. Aujourd’hui, je ne veux qu’une seule chose, qu’on me foute la paix, qu’on me laisse finir le lycée tranquillement. C’est déjà compliqué avec cette fille, je n’arrête pas de la croiser dans les couloirs, dans la cour, même à la cantine. Au moins, j’ai appris son nom, Ellie, ce n’est pas commun, c’est même la première fois que j’entends un prénom pareil.

J’ai regardé sur internet, ça voudrait dire « éclats du soleil », c’est vrai qu’elle est solaire, et même un brin lunaire. Elle met toujours un temps fou pour choisir son dessert, elle arrive tous les matins à la dernière minute à l’arrêt de bus. Pour l’avoir entendue, elle semble avoir un sacré franc-parler et puis elle a un sourire à tomber. J’ai aussi découvert qu’elle est en première, une année de moins que moi, c’est pour cela qu’elle fait jeune, une vraie ado en puissance. Et dire que j’étais comme elle avant. Insouciante, joyeuse. Vivante.


Les jours, les semaines passent et, pour l’instant, tout va bien, j’ai réussi à éviter tous les pièges des liens sociaux. J’arrive même à gérer ma folle envie de lui parler, elle me fait fantasmer souvent, trop peut-être, mais mes plaisirs solitaires me suffisent, je n’ai pas besoin de plus. De toute façon, je ne sais pas si je pourrais l’intéresser, même si mon sixième sens me dit que si. Mon intuition ne m’a jamais trompée, surtout si je me fie à sa façon de me regarder. J’ai même, parfois, l’impression qu’elle me mate.

En la croisant, comme presque tous les jours, avec ses amis à la cantine, je laisse mes oreilles traîner. Une soirée se prépare par un mec de ma classe. Première nouvelle ! Ils ont prévu d’y aller, même ma belle Ellie, ce serait une bonne idée d’aller y faire un tour. Et, pourquoi ne pas lui adresser enfin la parole ? Dans l’après-midi, je suis attentive à ce Hakim, j’espère obtenir son adresse. J’obtiens bien mieux, une invitation officielle.

En rentrant, je reviens sur tout ça, est-ce une bonne idée ? J’ai quand même tout fait pour rester solitaire, alors pourquoi risquer mon bien-être actuel juste pour cette fille ? Pourquoi je ne veux plus garder mes distances ? Si j’y vais et que je lui parle, je ferai quoi après ? J’oscille entre joie et angoisse.


Ma mère comprend derechef que quelque chose cloche, je lui explique tout. Depuis qu’elle a découvert ce que je subissais, elle est devenue hyper protectrice, mais aussi une oreille attentive. Quand je lui parle d’Ellie, elle ne semble pas ravie. Je vois de l’inquiétude dans son regard, mais malgré cela, elle me conforte dans mes envies et mes choix.


— Tu devrais y aller ma puce, ça te ferait du bien. Et puis, pour cette fille, si jamais cela se fait, présente-la-nous, d’accord ?


— Maman, je sais pas si c’est une bonne idée. Imagine que ça recommence !


— Tu ne peux pas rester seule indéfiniment, tu as aussi le droit à une vie sociale. Quoi qu’il arrive, nous serons là pour toi, ma puce ! Vas-y sans arrière-pensée, va et amuse-toi !


Après une longue discussion et de très bons arguments de sa part, je prends enfin ma décision, j’irai à la soirée. Advienne que pourra ! Je croise, tout de même, les doigts pour que tout se passe bien.

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