6 (V2)

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Elle m’éjecte de ses genoux et remet rapidement en place son t-shirt. Je fais de même, gênée de tout ce qu’il vient de se passer, tandis que la porte s’ouvre. Une magnifique femme fait son apparition, elle me fixe de manière hautaine.


— Oh, je vois que tu n’es pas seule, ma puce. Enchantée, je suis la maman de Solène.


— Bon… Bonjour madame.


Solène pouffe, oui, je sais, mon assurance s’est envolée en dix secondes top chrono. Mais il faut dire que la façon dont sa mère me regarde et le fait qu’il n’y a pas une minute, j’aurais sauté le pas avec sa fille n’aident pas non plus à se sentir à l’aise. Elle aurait des flingues à la place des yeux, je serais déjà en train de me vider de mon sang. J’ai l’impression de déranger, elle me scrute, cherche le moindre défaut. Je ne me sens pas bien. J’ai le feu aux joues. Pourquoi faut-il que je la rencontre dans une situation pareille ?

Quand elle nous laisse, je pousse un soupir de soulagement. J’ai l’impression d’être sortie d’une zone de turbulences, de revivre et Solène le remarque direct.


— Désolée, elle est devenue très protectrice.


— Devenue ?


— Euh, ouais, depuis mon changement de lycée, elle se méfie des gens que je côtoie.


— C’est vrai que t’es arrivée en cours d’année, je peux savoir la raison ? Si c’est pas indiscret, bien sûr !


— Pour faire simple, je sortais avec une meuf et ça s’est su au lycée, on a subi brimades et harcèlements. Elle, elle a déménagé, moi, j’ai voulu y rester et puis, à force, mes parents ont tout fait pour que je change d’établissement.


— C’est pour ça que ta mère m’a fusillée du regard ?


— T’es la première personne que je ramène ici depuis. En plus, t’es une fille, elle est pas conne, elle a très bien compris.


Je souris.


— Il faut dire aussi que t’es un peu décoiffée !


— La faute à qui ?


Je passe délicatement ma main dans ses cheveux, retire l’élastique et les libère.


— Ils sont magnifiques, pourquoi tu les attaches toujours ?


— Parce que c’est plus pratique.


J’attrape une de ses longues mèches et l’amène jusqu’à mon nez.


— En plus, ils sentent super bon.


— Ma parole, tu renifles mes cheveux ?


Elle me tapote le dessus de la tête.


— Bon, il veut faire quoi le bulldog ?


Je suis choquée.


— Pourquoi un bulldog ?


— Parce que j’adore cette race de chien. Alors, je t’écoute ?


Je fixe la porte en rougissant.


— J’adorerais reprendre où on s’est arrêtée, mais, avec ta mère en bas, ça craint.


Solène lève les yeux au ciel, amusée par ma remarque.


— Je ne te parle pas de ça, je parle pour après. On fait quoi ? On reprend chacune nos vies, on continue ? Sachant qu’on ne vivra rien au grand jour !


Je souris, l’embrasse tendrement. Sa douceur et sa tendresse me font craquer, je ne comprends pas pourquoi elle cache cette facette-là aux autres. Mon cœur est heureux d’en être privilégié.


— J’ai bien envie de voir où tout ça nous mène et je m’en fous que les gens le découvrent, de ce qu’ils en penseront, en diront. La balle est dans ton camp.


— Au lycée, personne ne devra savoir, d’accord ?


J’accepte, après tout, je suis bien placée pour savoir comment sont les personnes de notre âge. Ian a subi pas mal au collège quand son homosexualité a été découverte et c’est aussi pour cela qu’il est dans un lycée privé, loin de ses bourreaux. Je donne un coup d’œil à l’heure, il faut que je rentre, ma mère va bientôt arriver.

Après une bonne dose de bisous et un échange de numéros, on redescend, je salue sa mère.


— Tu pars déjà ? J’aurais aimé que tu restes manger avec nous, ce soir.


J’ai un moment d’hésitation, pourquoi ? Elle ne semble pas me porter dans son cœur et voilà qu’elle veut que je dine avec eux ? Et puis, c’est bizarre de proposer ça alors que c’est la première fois qu’elle me voit. Je ne sais même pas jusqu’où on ira avec sa fille… Mais bon, je comprends ses doutes et sa peine.


— Je suis désolée, mais je dois aider ma maman pour le repas. Et puis, j’ai un couvre-feu à vingt heures en semaine.


— Oh, alors, dans ce cas, demande l’autorisation à tes parents pour samedi soir. Je veux absolument te connaître, savoir si tu es une bonne personne pour ma fille.


— Je comprends parfaitement, madame. Je serai ravie de diner avec vous et le reste de votre famille samedi.


— Bien, je compte sur toi.


Solène m’accompagne jusqu’au palier de la porte, s’excuse pour sa mère et me fait signe que j’ai déjà marqué des points. Je sais me tenir quand il faut, j’ai quand même eu une éducation. Encore un petit smack et je retourne, toute guillerette, chez moi, j’arrive juste avant ma mère qui repère tout de suite qu’il y a quelque chose.


— Oh toi, tu as quelque chose à me demander !


— Euh oui, ça dérange si je mange chez une amie samedi ? Sa mère m’a invitée.


— Tu vas chez Lydia ?


— Non, non, tu la connais pas, c’est Solène.


— Solène ? Et bien, écoute, on en parle ce soir avec ton père, d’accord ?


J’acquiesce tout en croisant les doigts pour qu’ils acceptent. Après, il faut les comprendre, ils n’ont jamais entendu parler d’elle et en prime, je suis invitée par un de ses parents, c’est plutôt bizarre comme situation quand on parle juste d’amie.

D’ailleurs, on est quoi avec Solène ? J’ai chaud rien que de repenser à nos échanges buccaux. Mais qu’est-ce qu’il m’a pris de faire ça ? Pourquoi je suis autant attirée par elle ? Quand je pense que j’étais à deux doigts de coucher avec elle alors que je la connais à peine, que c’est une fille. Comment on va faire toutes les deux ? Si on doit se cacher, ça risque d’être compliqué de s’aimer. Je m’endors la tête remplie de questions et zéro réponse.

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