4 (V2)

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Un visage flou, une tête sans visage, juste des lèvres et moi qui m’éclate à lui rouler un patin d’enfer. J’entends mon nom, on m’appelle, cette voix, je la connais. C’est Ian.

Mon réveil sonne, j’ouvre difficilement les yeux. Et voilà, on y est, j’ai bien embrassé quelqu’un lors de la soirée. Et merde, j’ai bel et bien déconné le soir-là ! Il faut que je sache qui, le seul problème est qu’à l’heure actuelle, une seule personne semble le savoir et elle ne veut plus entendre parler de moi. Je tente de me rappeler un maximum de détails, mais, à part ces lèvres, rien. Le trou noir, il va vraiment falloir que je parle avec Solène.

J’ai besoin de savoir et, si ça peut la soulager, ce sera avec plaisir. Plaisir ? Mais qu’est-ce que je raconte ? Pourquoi je serais heureuse de l’aider ? Je ne suis vraiment pas nette. En tout cas, j’ai dû trop réfléchir pour que mon subconscient m’évoque ce baiser, si on peut appeler ça comme ça. On était plus proche d’une soupe de langues que d’un simple baiser. J’en souris, moi qui n’ai jamais eu personne dans ma vie, qui n’ai bécoté que mon meilleur ami le soir de Nouvel An, je me suis vraiment lâché le soir-là.

Comment j’ai pu oublier ce moment ? Mince, mon premier vrai baiser, pas juste un petit bisou. Non, un vrai jeu de langues. Je passe mes doigts sur mes lèvres, me rappelant cette douce sensation, il est clair que j’ai kiffé ça. En même temps, comment ne pas apprécier des lèvres aussi douces ? Mon sourire niais n’est pas prêt de s’effacer si je continue d’y repenser. Je suis sortie de mes rêveries quand on toque à la porte, ma mère entre.

— Tu es réveillée, mon ange ? Tu devrais te dépêcher, tu vas être en retard.

Je grommelle en voyant l’heure, j’ai repris mes mauvaises habitudes. Il va falloir que je me grouille si je ne veux pas louper le bus. Et ce qui devait arriver arriva : aujourd’hui, j’arrive au lycée en voiture. On ne gagne pas toujours quand on joue avec le temps.

À neuf heures, alors qu’on change de salle, je la croise. Je prends mon courage à deux mains, vais la voir, je ne lui laisse pas le temps de fuir.

— À dix heures, aux toilettes du premier, on doit parler de la soirée.

Je file, sans attendre de réponse, rejoindre Lydia qui ne comprend pas pourquoi j’ai été la voir. Je lui explique juste que j’avais une dernière chose à régler avec Solène, ce qui est entièrement vrai. Je n’écoute pas le cours, c’est bien beau de lui avoir balancé ça, mais comment je vais aborder le sujet ? Je ne peux pas juste lui dire « Je ne me souviens toujours pas de la soirée, mais je sais que j’ai embrassé quelqu’un, tu ne saurais pas qui, par hasard ? ». J’ai zéro tact, je ne sais pas réfléchir avant de parler, alors préparer en amont ce que je vais lui dire, un vrai casse-tête !

Je sursaute quand la sonnerie retentit, je laisse mes amis descendre jusqu’à la cour et je file dans les toilettes. Personne, mince, je n’avais pas pensé à ça. C’est vrai qu’elle n’est pas obligée de venir. J’attends un peu et, déçue, je décide de quitter les lieux, il est clair qu’elle ne viendra pas. Mon cœur loupe un battement quand elle apparaît enfin dans l’embrasure de la porte. Elle est énervée et me fonce dessus directement.

— T’as deux minutes, pas plus.

— Ok, alors… Euh… C’est encore le flou, mais je me suis souvenue d’un détail.

— Quoi ? Tu me fais chier juste pour me balancer ça, tu te fous vraiment de moi !

— Mais non, si j’ai voulu qu’on parle, c’est parce que… J’ai besoin que tu m’aides. Ma mémoire déconne encore, mais j’ai des flashs qui me reviennent. Seule, je vais pas y arriver.

— Comment ça, t’as des flashs ? Tu t’es souvenue de quoi ?

— Je… Je sais que… Je sais que j’ai embrassé quelqu’un, mais impossible de me rappeler qui. J’espère que c’était pas ton mec et si c’est ça, j’en suis désolée.

Je baisse les yeux, j’attends mon jugement dernier sauf qu’au lieu d’une gueulante ou d’excuse acceptée, elle a un fou rire. Elle se fout de moi. Je suis sous le choc, je ne comprends pas. Elle le remarque, d’ailleurs.

— Meuf, je suis célibataire. Les mecs, j’en ai rien à foutre !

Je suis abasourdie, comment ça elle s’en fout ? Ça veut dire quoi ? Comment elle peut ne pas s’intéresser aux hommes ? Merde, moi qui me suis fait une montagne de cette histoire, j’étais persuadée qu’elle m’en voulait pour ça. Mais, bordel, qu’est-ce que je lui ai fait ? La fin de la pause se rappelle à nous, elle commence à se barrer.

— Tu me fais vraiment perdre mon temps. Arrête de me donner de faux espoir, s’il te plaît.

Perdre son temps ? SON temps ? Et le mien alors ? Je me décarcasse comme une conne pour essayer de comprendre notre situation actuelle et elle se plaint que je lui fais perdre son temps ? Elle se fout de moi ou quoi ? Mon sang ne fait qu’un tour, je suis gavée, j’attrape son bras pour la stopper.

— Et moi ? Tu crois pas que j’en ai marre de tes énigmes ? Je fais mon possible pour comprendre pourquoi t’agis comme ça avec moi. Mais merde, je t’ai rien fait ! Rien fait !

Elle baisse la tête, ses mèches retombent sur son visage, mes yeux se posent sur sa bouche et là, mon sang ne fait qu’un tour. Mon rêve se superpose à la réalité, les mêmes lèvres. Sous le choc, je lâche son bras.

— C’était toi… À la soirée…

Elle me lance un dernier regard avant de disparaître. Mes jambes défaillent, j’ai besoin de me caler contre le mur, je me sens mal. Ma respiration se saccade. Des milliers de questions défilent dans ma tête, je ne sais plus où j’en suis, mais pourquoi elle ne me l’a pas dit de suite ? Pourquoi elle m’a harcelée de la sorte ? Pourquoi on s’est embrassée ? Qu’est-ce qui a fait qu’on en est arrivée là ? Pourquoi ? Pourquoi elle ? Qu’est-ce que j’ai foutu ? Merde, l’alcool m’a encore une fois fait faire n’importe quoi !

Je pose mes mains sur mes joues, les frotte et me gifle. Enfin sortie de ma stupeur, je pars en cours. Le reste de la journée, je suis ailleurs, j’ai besoin de savoir, de lui parler. Il faut qu’on mette les choses au clair, elle m’évite, impossible de trouver un moment pour discuter. Ce n’est que partie remise, on aura cette conversation, j’en fais la promesse.

Elle ne me connaît pas, ne sait pas de quoi je suis capable. Le soir, je ne rentre pas tout de suite, je descends discrètement à son arrêt, chose amusante, c’est celui qui suit le mien. On habite à, à peine, dix minutes l’une de l’autre. Je ne le savais pas, étrangement, ça m’amuse d’en apprendre plus sur elle. Je la suis sans me faire remarquer, la laisse entrer dans sa maison, une belle baraque. Une gosse de riche, on ne dirait pas quand on la voit. Elle sait se fondre dans la masse.

J’attends un peu, combien de temps ? Je ne sais pas, peut-être cinq, dix, quinze minutes. Entre le fait que je ne veuille pas qu’elle sache que je l’ai suivie et mes nombreuses hésitations, je tarde à sonner. Et puis, je me lance. Quand elle ouvre, sa tête me rappelle la mienne quand elle a débarqué chez moi. À l’exception près qu’elle, elle tente de refermer la porte dans la foulée.

Je la bloque avec mon pied, à croire que j’ai fait ça toute ma vie, Solène se sent obligée de m’écouter.

— Je suis pas là pour te faire chier ou quoique ce soit d’autres, je veux juste qu’on parle.

— T’aimes bien parler, toi.

— Ouais, c’est mon passe-temps favori. Alors ? Tu me laisses entrer ou on discute sur le palier ?

Je baisse légèrement les yeux, ma voix s’adoucit.

— J’ai besoin de savoir pourquoi on en est là.

Après une légère réflexion, elle me laisse enfin entrer. Me voilà dans l’antre du loup sans savoir à quelle sauce je vais me faire manger.

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