3 (V2)

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Le réveil est parfait, dans les bras entreprenants de Chris. Ses lèvres délicates sur ma nuque me donnent des frissons alors que sa main me caresse le ventre, se glisse sous mon pyjama. Il me donne un orgasme juste avec ses doigts. Il m’embrasse dans le cou, je tourne la tête pour un baiser bien plus enflammé. Mon visage se recule pour mieux le regarder.

Je me réveille en sursaut. Merde ! Même dans mes rêves hot, elle vient me faire chier ! Je ne peux même plus avoir de petits moments savoureux avec mon Chris Evans. Je donne un coup d’œil à l’heure, le réveil sonne dans dix minutes, pas la peine de se recoucher. Je me lève énervée et me prépare pour ma journée de cours.

Je me douche tranquillement. Pour une fois je ne suis pas prise par le temps, ça change. Ma mère est surprise de me voir arriver si tôt et m’asseoir pour petit-déjeuner. Elle vérifie même ma température, ça m’agace encore plus. Oui, c’est rare que je ne coure pas partout, mais quand même, de là à croire que je suis malade, merci bien. Je la rabroue, elle me saoule avec ses questions sur ma santé. Elle devrait, pourtant, savoir qu’il ne faut pas me gonfler quand je suis levée du pied gauche.

Je suis à l’arrêt de bus en avance, au moins elle ne pourra pas me traiter d’escargot aujourd’hui. J’en profite pour envoyer un SMS à Ian, « J’en ai marre, elle s’invite même dans mes rêves érotiques ! ». J’ai juste droit à des points d’interrogation de sa part, je lui explique, il se moque de moi. Ça m’agace et je ne réponds même pas à son dernier message.

Mon transport est enfin là, je monte, passe à côté de Solène pour rejoindre Lydia au fond. Elle ne me loupe pas.

— Le poisson rouge a fait des efforts aujourd’hui, c’est bien la première fois que t’es à l’heure.

Je lui lance un regard noir. J’ai peu dormi, elle s’est inscrutée dans mon rêve et elle se permet encore de me chercher ? Je craque, mon cerveau oublie à qui je parle. Ma réponse est sèche.

— À cause de qui ?

Je n’attends même pas une quelconque réponse, je trace. Elle m’a grave saoulée dès le matin, je n’ai pas envie d’entendre plus de choses sortir de sa bouche. J’avance d’un bon pas jusqu’au siège et pose brutalement mon sac au sol avant de m’asseoir. Je soupire tout en fixant le dossier devant moi. Mon amie repère directement mon énervement.

— Elle te met plus les nerfs que d’habitude, non ?

— Pourquoi tu dis ça ?

— Tu lui réponds, alors que t’es plutôt du genre à la fuir. Et puis, ça a l’air de fonctionner, regarde ! Elle t’a pas frappé, elle s’est même tu, une première depuis qu’elle te fait chier.

Mes yeux se posent sur Solène, elle a l’air perdue. En même temps, elle ne peut pas savoir pourquoi je suis énervée, je viens de lui faire un reproche qu’elle ne peut pas comprendre. Elle n’est pas dans ma tête, mais bon, au moins j’ai droit à un peu de calme. Et ça, ça fait du bien.

Un début de journée idéal, une matinée parfaite, un repas dans la tranquillité, rien de tel pour me rendre heureuse. De retour au lycée, après la cantine, je file au premier étage, les toilettes y sont plus propres et plus accessibles. Je me retrouve nez à nez avec mon bourreau. À croire qu’elle savait que je viendrais, qu’elle m’attendait.

— Alors tu m’expliques ? C’est notre conversation d’hier qui te fait trop cogiter ? Ou alors ta mémoire est revenue ?

Je ne sais pas pourquoi, mais elle me tape vraiment sur les nerfs, aujourd’hui. Peut-être la fatigue ? Je ferme les yeux, me pince l’arête du nez et me répète intérieurement « Évite de dire des conneries, ne dis rien qui pourrait empirer les choses ». Sauf que ça ne fonctionne pas du tout, mon énervement est trop haut. Et me voilà en train de lui foncer dessus. Je la bloque contre le mur, ma main droite plaquée à côté de sa tête et mon index gauche à quelques millimètres de son visage. J’approche le mien du sien, en colère. Je ne me contrôle plus et je n’en ai plus rien à faire des conséquences.

— Et toi ? Tu peux pas m’oublier un peu ? Je sais pas ce que je t’ai fait, je m’excuse si je t’ai fait une crasse, mais, putain, oublie-moi ! Laisse-moi tranquille ! Fous-moi la paix, bordel !

Dans la foulée, je regrette mes mots, ses yeux s’humidifient, elle baisse la tête et me repousse avant de se barrer. Je ne comprends plus rien, elle me harcèle depuis des semaines et là, aucune répartie, elle s’enfuit et moi, j’ai un goût amer dans la bouche.

Je ne la revois pas de l’après-midi ni les jours suivants. Dans le bus, elle ne me calcule plus, elle détourne même la tête quand je donne des coups d’œil dans sa direction et qu’elle le remarque. J’ai l’impression qu’elle me fait la gueule, je devrais être contente de m’en être débarrassée, mais pas du tout, je ressens presque un manque. Je suis complètement barjo. Une chose est sûre, par contre, elle ne me harcèle plus sauf dans mes rêves, mon cerveau n’a pas encore assimilé la news. Étrangement, ça ne me dérange pas vraiment.

Cette nouvelle situation me gêne même. Ne plus être son centre d’attention me dérange, ne plus entendre sa voix aussi. J’en parle à mon meilleur ami, il me traite de folle. Il a peut-être raison, si ça se trouve, j’ai le syndrome de Stockholm. Et, dans ce cas, je fais comment ? Je ne vais pas aller chez un psy juste pour ça. Ian me demande aussi si mes souvenirs de la soirée reviennent, hélas non. Et s’ils étaient la clé de tout ? Par moment, à force de cogiter, j’ai envie de me taper la tête contre les murs, on ne sait jamais. Dans les séries TV, ça arrive souvent qu’un choc aide à remettre en route la mémoire. Mais j’ai peur d’y aller trop fort, se retrouver dans le coma, ça serait ballot.

Le temps s’écoule lentement, j’ai parfois envie de parler à Solène, mais de quoi ? Lui demander de reprendre ses remarques, son obsession ? Je suis malade, c’est clair. Comment on peut avoir envie de subir ce genre de traitement ? Au final, je ne sais plus si mon mal-être est dû à cette fille, à cette satanée soirée ou juste à mes problèmes psychologiques. Parce que là, on peut vraiment parler de problèmes, se miner autant juste parce que sa harceleuse est passée à autre chose, ça craint. Je ne me savais pas maso.

Et puis, un jour, au lycée, je la croise à nouveau dans les toilettes du premier étage. Pour mon bonheur ou mon malheur, j’en sais rien, mais, en tout cas, une chose est sûre quand je me retrouve en face d’elle, je souris bêtement. Je suis heureuse de la voir, de pouvoir croiser son regard. Je me perds dans l’océan de ses yeux. C’est clair, je suis malade. Je la fixe sans rien dire au point où elle m’engueule presque.

— Qu’est-ce que tu me veux ?

Je sursaute, elle m’a sortie de mes pensées. Surprise par son ton sévère, je bafouille.

— On… On peut parler ?

— Tu déconnes là ? Entre le coup de la soirée, ton amnésie et ton coup de gueule, pourquoi je voudrais parler avec toi ? Tu crois pas que t’en as déjà assez fait, non ?

Elle me bouscule et me laisse là, seule. Et moi, je reste silencieuse, les bras ballants, comme une débile. Mon cœur souffre. J’ai mal, les larmes me viennent. Je craque. Encore cette putain de soirée, mais merde, j’ai foutu quoi là-bas ?

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