2 (V2)

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Je me sens mal, comment connaît-elle mon adresse ? Pourquoi est-elle là ? Elle est quand même pas venue pour m’en foutre une ? Je flippe. Je suis seule à la maison, mes parents ne rentrent que vers vingt heures et, comme une conne, j’ai ouvert la porte sans vérifier, sans réfléchir. Mon mutisme doit lui paraître long.


— Alors ? On fait quoi ? Tu me laisses entrer ou on parle dehors ?


Je réfléchis dix secondes, ça sera dehors, je pourrai plus facilement m’enfuir si ça dégénère. Je lui indique le jardin, reste à distance de sécurité. Je tente tant bien que mal de cacher ma peur, j’essaie de parler avec le plus d’assurance possible.


— Pourquoi t’es là ? D’où tu sais où j’habite ?


— Tu m’as posé une question ce midi, je suis là pour y répondre. T’as tendance à arriver limite pour le bus, il s’arrête pas loin de chez toi, c’est pas compliqué de comprendre où tu habites. Il faudrait parfois que tu réfléchisses avant de parler !


— Ouais, ben la langue tournée dix fois dans sa bouche, c’est pas pour moi, ok ? Et comment ça, je t’ai posé une question ?


Elle sourit avant de secouer la tête de gauche à droite. Je ne comprends pas pourquoi, est-ce que j’ai dit une connerie ? Elle reprend son sérieux, plante ses yeux bleus dans les miens.


— Tu voulais savoir ce que tu m’as fait non ? J’ai aussi une question pour toi, selon ta réponse, t’auras ton explication.


— Et me la donner tout de suite, c’est pas possible ?


— Réponds d’abord, tu te souviens de la soirée chez Hakim ?


— La soirée ? Le mois dernier, c’est ça ?


— Ouais, celle-là !


— Je me souviens juste avoir trop bu, rien d’autre. Le trou noir total. Pourquoi ?


Elle pouffe et se tient le front.


— Un escargot couplé à un poisson rouge, c’est bien ma veine.


Elle commence à partir, je m’agace.


— Et ma réponse dans tout ça ?


— Réfléchis d’abord à ce soir-là ! Quand t’auras retrouvé la mémoire, on en reparlera ! Allez, ciao !


Je la suis en bougonnant, elle ne se retourne même pas. Elle me zappe totalement, son comportement m’énerve. Je tente de l’arrêter en lui demandant plus de détails, mais rien n’y fait. Ian débarque au moment où elle s’en va, il la regarde puis me lance un regard empli de questions. Saoulée, je lui fais signe d’entrer, on monte directement jusqu’à ma chambre. Je retrouve mon calme le temps du trajet. Et, comme d’habitude, je laisse le lit à mon meilleur ami, je m’affale dans le pouf.


— C’était qui ?


— Solène.


— Tu déconnes, Tu-sais-qui est venue chez toi ? Elle t’a pas agressée au moins ?


— Non, non, elle m’a juste demandé si je me souvenais de la soirée de Hakim.


— La soirée ? Mais pourquoi ?


— Aucune idée, elle veut que je m’en souvienne avant de m’expliquer pourquoi elle est toujours vache avec moi.


— Ah ouais, et tu lui as dit que t’étais ronde comme un coing ?


— Ben oui, c’est pour ça qu’elle m’a rien dit de plus et qu’elle est partie !


— J’aurais dû te surveiller et t’empêcher de te bourrer.


— C’est de la faute de Hakim et ses potes, quelle idée de charger autant le punch ! J’ai juste bu deux verres et après c’est le trou noir.


— Et je peux pas t’aider, je t’ai retrouvée dehors, dans le jardin. Je t’appelais et t’es apparue comme ça, devant moi, toute guillerette. Je sais pas du tout ce que t’as foutu.


— J’ai du faire une sacrée connerie vue comment elle me fait chier, si ça se trouve, j’ai dragué son keum…


— Ou pire, tu l’as peut-être embrassé. Souviens-toi, au Nouvel An, t’étais un peu pompette, t’as réussi à me rouler un patin devant mon mec. L’alcool, ça te rend tactile.


— Encore désolée, je sais pas c’qui m’a pris.


— T’inquiètes, pas de souci. Je t’en aurais voulu si t’avais pas tourné la tête au moment de dégueuler.


— C’est vrai que j’ai fini dans un sale état.


— Comme à la dernière soirée, ça devient une habitude chez toi !


Je me sens penaude, m’excuse encore. Depuis ces deux cuites, je ne bois plus une seule goutte d’alcool. Ça ne me convient pas, je saoule vite. Et puis, il faut bien l’avouer, passer sa nuit à être malade, ce n’est pas terrible non plus. Rien que d’y repenser, je fais la grimace. Plus jamais je referai une telle connerie.

Avec Ian, on revient à nos moutons, je dois absolument me rappeler ce que j’ai fait ce soir-là si je veux avoir la paix. Je ne me souviens même pas l’y avoir vu et mon meilleur ami ne l’a pas croisée non plus. C’est donc à cause d’une personne qui lui est liée et qui était présente à cette soirée. On fouille sur ses réseaux sociaux, on ne trouve rien, aucune tête ne nous parle. On passe le début de soirée à chercher, quand ma mère rentre, on est toujours au point mort. Notre enquête n’a abouti à rien et mon cerveau a décidé de faire grève.

Il se fait tard, Ian retourne chez lui et me laisse seule avec mes interrogations. J’aide ma maman à préparer le repas en attendant le seul homme de la maison. Alors que je mets la table, je me tape le front avec la main gauche, j’ai oublié de parler de mon rêve à la con à Ian. J’attrape mon portable et le bipe, vite fait, sur Whatsapp.


« J’ai oublié de te raconter mon dernier rêve ! Il bat des records celui-là, j’ai rêvé que ma mère me poursuivait avec un couteau de cuisine dans toute la baraque. Elle voulait me tuer. Et quand elle a réussi à me choper, elle s’était transformée en Tu-sais-qui. »


Il m’envoie un smiley qui pleure de rire et juste « C’est la première fois qu’elle prend la place d’une personne de ton entourage, ça s’arrange pas^^ » 


« Je te jure, elle me fait trop flipper. Même dans mes rêves, elle me poursuit. Cette fille me veut du mal et mon cerveau l’a très bien compris ! Bon, je te laisse, mon père est là, on va manger. Bonne nuit, poto »


« À toi aussi, ma cop’s »


Le diner se déroule dans le calme, tellement calme que ma mère s’inquiète et me demande si quelque chose me tracasse, je lui réponds que non, ce doit être le stress. La fin d’année approche, c’est normal. Je n’ose lui dire que c’est une fille du lycée qui me turlupine, elle serait capable de vouloir se mêler de l’histoire et je suis assez grande pour gérer cette situation sans l’aide de mes parents. Sans risquer des représailles musclées de la part de mon bourreau.

Quand je vais me coucher, le sommeil tarde à venir, mon cerveau est en ébullition. Il cogite un max pour m’aider à me rappeler. Qu’est-ce que j’ai bien pu foutre pendant cette satanée soirée ? Dans quoi je me suis fourrée ?

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