L'esprit un peu embrouillé par l'alcool, je m’aperçus que j'avais failli à ma mission qui consistait à mettre Dieu en contact avec Joséphine, en utilisant une procédure initiée avec le curé.

Ne sachant pas s'il avait eu connaissance de la méthode utilisée, je la lui rappelai.

Joséphine, utilisant une ligne directe avec les cerveaux des hommes, pouvait utiliser le mien comme un haut-parleur. Je lui dis qu'il pouvait parler, et qu'elle l'entendrait.

À condition d'être tête contre tête.

Une fois installés tous les deux sur mon matelas, j'entrepris d'entrer en communication avec Joséphine.

Je ne peux relater ici tout l'entretien, que pour des questions matérielles, je ne pouvais qu'écouter.

Elle indiquait que les sondages positionnaient Dieu au plus bas, ses supporters, plus nombreux, mais peu motivés, avaient tendance à vouloir se réfugier dans l'abstention. Il convenait de les remobiliser.

Un parti politique le soutenant était en cours de création.

Tout le monde au Paradis parlait élections. Dieu devait se présenter.

La grande bataille allait commencer.

Joséphine me demanda de réunir les curés pour organiser des manifestations électorales sur Terre.

Mais, en dehors de ce cercle, personne ne devait être au courant du fait que Dieu avait été viré du Ciel.

Ce dernier me proposa de devenir son directeur de campagne électorale, ce que j'acceptais aussitôt.

La première réunion électorale des curés se déroula dans une ambiance de folie. Tout le monde voulait apporter ses idées.

En tant que directeur de campagne, je pris la parole, pour faire le point de la situation.

À gauche, on trouve le parti des jouissifs, ceux qui prétendent qu'au Paradis, tout doit être plaisir, que c'est un droit, et que les obligations liées aux activités du Ciel sont des contraintes pures et intolérables.

À droite se situent les séparatistes, qui veulent faire du Ciel un astre mort, sans entrées d’âmes nouvelles, sans concurrence avec les nouveaux venus. D'autres, plus conciliants, proposent d'établir des quotas à l'entrée, pour n’accueillir que les vrais pratiquants.

Ces derniers sont surtout des mécontents du système, et non pas des opposants farouches à Dieu. Certains sont retournables, si on parvient à les rassurer.

Le centre constitue notre cible.

Une partie de ce dernier est immédiatement récupérable par Dieu, à condition qu'il puisse réintégrer le Ciel.

Des négociations sont engagées à ce sujet, et seuls les jouissifs y sont farouchement opposés. Les séparatistes de droite exigent que Dieu ne puisse pas utiliser ses super pouvoirs.

Personne ne possède une majorité solide permettant de diriger le Ciel, même si des compromis sont toujours possibles.

Notre premier objectif consistera à permettre à Dieu de réintégrer le Ciel, même s'il faut pour cela promettre n’importe quoi à nos adversaires. Une fois notre candidat revenu sur place, on avisera pour les promesses.

Les yeux du Ciel sont fixés sur nous et sur notre candidat président.

La situation au Ciel se détériore à grande vitesse. Les vitres du paradis ne sont plus nettoyées à cause des grèves, et les gens ne peuvent plus observer la terre qui représente leur principale source de distraction.

Certaines âmes nettoient elles-mêmes leurs emplacements, et décollent les affiches qui les gênent.

Des affiches sont collées de partout, même sur les vitres. ADIEU DIEU, ON EST CHEZ NOUS,

Les ordures s'amoncellent, les mises à jour de l'ancienneté des anges ne se font plus.

Dieu a un déficit d'image.

Nos adversaires ont des propositions fortes, mais une image personnelle politique faible.

Au contraire, Dieu est connu de tous, mais il représente un président peu actif, incapable de porter un projet enthousiasmant le peuple du Paradis.

C'est ce qu'il nous faut changer.

Joséphine me tenait informé des détails de la campagne électorale. Dieu pouvait se présenter sous l'étiquette La Force En Marche, les candidats de chaque parti étaient désignés.

Le Ciel ne peut plus rester en dehors de la modernité.