Chapitre 4 (partie 2/3)

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Joshua resta sur son rocher, laissant ses pensées vagabonder. Environ deux heures plus tard, Borbon vint le relever pour le reste de la nuit. Le jeune homme alla se rouler dans sa tente et s’endormit d’un sommeil profond et lourd.

Une lumière blafarde chatouilla l’œil de Joshua, il ouvrit les yeux et bailla longuement. Il entendait les bruits d’agitation dans le campement. Il sortit de sa tente, torse nu et se retrouva nez à nez avec Sorya. La haute-elfe venait elle-même de se lever et d’enfiler son armure. À la vue du jeune humain trapu, à moitié nu, elle lui sauta presque à la gorge.

-Mais enfin, ne sortez pas dans cette ten…

Elle n’acheva pas sa phrase, au moment où sa main gantée entra en contact avec l’épaule musclée de Joshua, elle sentit l’immense chaleur qui s’en dégageait. C’était comme toucher une bouilloire.

Surprise, la militaire recula et observa plus en détail le physique du Guerrier-cuistot. Son torse et ses bras étaient noueux, elle n’y voyait aucune trace de graisse, la peau ambrée luisait à la lumière de l’aube. D’effrayantes cicatrices zébraient ce corps pourtant si jeune. L’elfe centenaire ne s’émouvait guère de la beauté du corps d’un petit humain dans la vingtaine, toutefois, elle ne pouvait ignorer la puissance surnaturelle qui émanait de celui-ci.

-Quel genre de vie as-tu mené pour devenir ce que tu es ? Demanda Sorya.

Joshua garda le silence pendant quelques secondes avant de dire :

-Une vie de guerrier et de voyageur. Répondit-il sur un ton monocorde.

Sans ajouter un mot, Joshua retourna sous sa tente et revêtit son équipement, enfilant son kimono par-dessus une côte de mailles en mythril. Il n’avait guère apprécié le contact direct que la militaire avait eu avec lui. Depuis son adolescence, Joshua avait développé une forte répulsion du contact physique avec les membres du sexe opposé. Cela était principalement venu des conflits avec sa sœur et les chasseresses. Le choix plus que marginal du jeune homme de développer son propre art du combat ne plaisait guère à la caste des chasseresses, cela avait fini par entrainer des conflits violents et finalement un acte de déloyauté de sa mère, la reine Raikane, qui l’avait dégouté au point qu’il décidé de fuir sa patrie pour rester libre.

Le contact au combat ne le gênait gère, cependant les contacts intimes lui semblaient des plus désagréables, il avait la sensation de s’exposer et de montrer ses faiblesses, une chose qui le terrifiait. Par conséquent malgré ses vingt-deux ans, il n’avait jamais connu l’étreinte d’une femme et il pensait qu’il ne la connaitrait jamais.

Sorya entendit le tintement des anneaux de la côte de mailles. Le Guerrier-cuistot ressortit quelques secondes plus tard, dans son accoutrement habituel.

-Pardonnez ma question, dit alors l’elfe, comment votre peau a-t-elle pris cette teinte ?

Joshua fut quelque peu étonné par l’attitude, soudainement directe de la militaire, toutefois il répondit sur le même ton neutre.

-C’est une conséquence de mon entrainement. Navré mais je préfère garder les détails pour moi.

La haute-elfe n’insista pas et retourna aiguiser son sabre, non sans garder un œil sur Joshua. Sorya brulait de poser des tonnes de questions sur le pays du jeune humain, l’origine de ses étranges techniques et surtout la raison qui l’avait poussé à quitter son foyer pour arpenter le continent dans tous les sens.

Cependant elle s’en abstint, elle se doutait qu’il ne répondrait pas. La nature taciturne de l’humain n’avait pas échappé à la guerrière centenaire, il ne se confierait pas à une inconnue.

Le campement commença peu à peu à s’agiter, tandis que la troupe se réveillait. Les femmes de la troupe tendirent une toile, afin de faire leurs ablutions matinales en toute tranquillité.

Sophia fit les siennes entouré de sa garde rapprochée en arme, toutes affichant un regard aussi sanguinaire que farouche. Joshua eut un sourire discret, il était secrètement rassuré de voir sa nièce si bien entourée. Sa nature peu expressive et renfermée ne laissait pas paraitre l’inquiétude, qu’il avait éprouvé à l’annonce de la tentative de meurtre sur la fillette.

Il se doutait bien que le jeu politique, auquel la famille de son frère s’exposait, était dangereux. Mais il avait encore du mal à concevoir le fait que des gens puissent en venir à viser des enfants, tout royaux qu’ils fussent. Cela réveilla en lui une colère profonde, le ou les responsables de cet acte ignoble avaient vivement intérêt à rester cachés à jamais, s’ils tenaient à la vie.

Une demi-heure après le réveil des troupes, Joshua prépara un petit déjeuner à base de lait de mammouth géant, de pain au blé des plaines volcaniques et d’œuf de vouivre des roches.

Bien sûr, il ne dit rien à ses compagnons au sujet de la réelle nature des ingrédients utilisés. Les soldats et les gardiennes royales dévorèrent cette pitance bienvenue, sans poser de question. Moins d’un quart d’heure plus tard, le camp fut plié et la caravane reprit son chemin à travers le col.

***

Du haut de la falaise, une immense silhouette observait les mouvements en contre bas. Malgré la distance qui la séparait des petits deux-pattes et de leurs animaux de compagnie, il n’avait aucun mal à les entendre ou à les sentir. Déplaçant son corps massif et puissant, il suivit ses proies au pas, ses griffes puissantes rayant la glace et les rochers sur lesquels elles passaient.

Il convoitait ses proies, les saveurs qu’elles offraient étaient inexistantes dans son territoire glacial et stérile. Tout ce qu’il trouvait pour se nourrir ici était ces infectes créatures vertes qui glapissaient à son approche. Celles qui bougeaient en contrebas, lui promettaient un changement bienvenu.

Mais il savait que cette chasse ne serait pas facile. L’échec de l’attaque des petits verts, qu’il avait observé depuis les airs, lui avait montré que parmi cette meute, il y avait un mâle, très dangereux, capable de cracher le feu et de broyer les os comme des brindilles. Sans savoir pourquoi, ce bipède trapu à la peau de soleil éveillait en lui une crainte, la peur que seules les proies ressentent. Or il n’était pas une proie, mais un chasseur et un prédateur. Il comptait bien dévorer cette troupe de bipèdes, en ne laissant rien, pas même les os. Il se ramassa sur lui-même et s’envola en rugissant à pleins poumons, faisant résonner sa voix de roi dans l’air glacé.

***

Un rugissement déchira les airs au-dessus des voyageurs. Joshua sursauta, il bondit pour se retrouver à pieds joints accroupit sur la selle de Hortho. Sa Vorpoêle dans une main et son étrange perche empaquetée dans l’autre, prêt au combat.

Ses camarades agirent avec un temps de retard, moins rapides que lui, mais tous furent rapidement sur le pied de guerre. Tous restèrent de marbre pendant plusieurs secondes n’osant faire le moindre bruit. Ne voyant rien, le groupe se détendit, Joshua n’était toutefois pas rassuré. Le cri qu’il avait entendu était sans aucun doute celui d’un monstre, ou d’un énorme prédateur. Il y avait quelque chose qui les surveillaient, les épiaient.

La caravane reprit sa route, progressant à bonne allure. Trois jours s’écoulèrent, sans incident notable. Les membres de la troupe étaient sur leur garde, mais aucun d’eux n’était plus tendu que Joshua. Le jeune homme sentait qu’on les observait ainsi qu’une extrême hostilité.

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