Chapitre 1

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J'ouvre les yeux. Je me redresse maladroitement, baille, puis regarde tout autour de moi. Je pousse un cri de stupeur en voyant les corps inertes de mes amis. Ce ne sont pas eux, c'est impossible. Cinq squelettes encore biens habillés m'encerclent dans cet abri devenu pourri. Je les observe plus attentivement, ils portent les mêmes vêtements, pourquoi sont-ils comme ça ? Je ne réalise pas qu'ils sont... Qu'ils sont mort. Je viens plaquer mes deux mains sur mon visage, je repense à Thomas, Alex, Sophia, Adrien et Sébastien. Je les imagine bien vivants, de chair et de sang, c'était juste hier. Pourquoi ma journée d'hier me paraît si lointaine ? Pourquoi ce ne sont que de vagues souvenirs alors que c'est si ressent ? Je dégage mon visage et regarde, encore, leur mâchoires suspendue dans le vide. C'est une horreur. Je me lève en prenant le soin de ne rien toucher. Est-ce que je rêve ? Probablement. Sinon je ressentirais de la peur, je serais terrifiée, mais ce n'est pas le cas. Je me sens plutôt bien. Je m'écroule par terre en sortant de l'abri, mes jambes, j'ai l'impression qu'elles sont encore endormies. Elles sont toute engourdies. Je m'accroche au tronc d'un arbre qui n'était pas là hier pour m'aider à me relever. Je tiens debout, parfait. Je regarde tout autour de moi. J'entends le chant des oiseaux et des bruits de feuilles comme si des animaux étaient là. Tout me semble bien différent, il y a des arbres en plus, d'autres qui avaient l'air en pleine forme hier, qui sont aujourd'hui morts. Je ne comprends rien. Aurais-je dormi plus d'une nuit ? Combien de temps ? Pourquoi mes amis ne sont pas là... Pourquoi suis-je seule ? Le tapis de fougère qu'avaient fait les garçons est maintenant recouvert d'un sol de forêt, de terres, d'herbes et de petites plantes. Tout est si différent. Je marche un peu dans une direction qui ne m'est pas familière. Je ne me souviens plus de quel côté est la lisière de la forêt de toute façon. Mes souvenirs se font de plus en plus lointains, comme si j'avais loupé un épisode. Je me sens comme ça, je me sens paumée, je ne comprends plus rien. La forêt me semble être plus sauvage qu'avant. Je marche encore et encore, mes chaussures sont pleines de terres. Je m'arrête un instant, je pose la paume de ma main contre le tronc d'un arbre, je ferme les yeux. j'ai l'impression de ressentir l'énergie que dégage cet arbre, j'ai des picotements dans le creux de ma main. Je l'enlève rapidement et regarde mes doigts, puis l'intérieur de ma main. Je reprends ma marche laborieuse à travers la végétation. J'ai extrêmement faim, je ne le sens que maintenant. Je pourrais dévorer n'importe quoi tant que c'est comestible. Je pose une main sur mon ventre, je le sens et l'entends hurler famine. Comment se fait-il que ma faim soit aussi intense ? Ça ne fait qu'un jour que je n'ai pas mangé, pas une décennie. Je marche encore et encore jusqu'à apercevoir au loin ce qui semble être un passage, une route peut-être ? Je me mets à courir jusqu'à la route. Je m'arrête, je ne suis pas essoufflée, en temps normal je serais essoufflée, le sport ne fait pas partie de mes pratiques habituelles. C'est un large chemin de terre, c'est comme si la terre recouvrait quelque chose. Je frotte le sol avec la semelle de ma chaussure et découvre du goudron. Je relève la tête vers les arbres qui longent ce chemin. Pourquoi une route est recouverte de terre ? De plus en plus étrange ce rêve. J'amène ma main sur mon bras et décide de me pincer très fort pour me réveiller. Rien n'y fait, je ne rêve peut-être pas. Pourquoi je rêverais déjà ? À cause des squelettes qui étaient présents quand je me suis réveillé ? Qui était-ce ? Des amis je crois. Je ne m'en souviens plus vraiment. Je reprends la marche, je vais rester sur ce chemin, je verrais bien où il m'emmène. Je marche encore et encore, c'est une sensation étrange que j'ai, c'est comme si je pouvais marcher et ne jamais m'arrêter. Mes pieds ne fatiguent pas, mes jambes non plus. Je me sens en forme comme jamais je n'ai été. Je repense à avant, que faisais-je endormie dans une forêt ? J'ai beau chercher dans mes souvenirs, je me rappelle de certaines choses, mais plus j'y pense, plus ça devient flou. Il ne faut pas que j'oublie, n'oublie pas ta vie Elizabeth ! Oh... Je m'appelle Elizabeth ? Je m'en souviens maintenant. Mais le reste... Le reste est de plus en plus vague dans mon esprit. Qui était ces personnes décédées près de moi lors de mon réveille ? Qui suis-je ? Je m'arrête en chemin, je vais devenir folle. Je pousse un hurlement en tapant ma main contre ma tête.

- Rappel toi bon sang !

Du liquide commence à sortir par mes yeux, des larmes ? Je pleure. Je remonte mes manches pour essuyer mes joues, je ne comprends pas pourquoi je pleure. Quelle est la raison de ses larmes ? Je reprends mon souffle, il faut que je continue d'avancer. Ce qui est étrange, c'est que je ne me sens pas seule. Je me sens extrêmement bien. Peu importe ce que je fais là finalement. Sur le côté droit, les arbres se font de plus en plus rares. Je m'approche de la lisière, un précipice m'empêche de faire un pas de plus. Je baisse la tête pour regarder en bas, il y a quelque chose. Je plisse les yeux pour mieux voir. Ça marche, je vois beaucoup mieux, ma vue s'adapte rapidement à la différence d'hauteur qui me sépare de la terre d'en bas. Il y a une grande bâtisse, on dirait un château. Il se trouve au beau milieu de la forêt, collé aux pierres que forme ce gouffre. Étrangement, la peur de tomber ne m'effraie pas. Je n'ai pas le vertige. Je commence à mieux me connaître. Il faut que je trouve un moyen de descendre, il faut que j'aille voir s'il y a d'autres personnes. Je relève la tête pour regarder autour de moi, il semble y avoir un petit chemin, très serré, à une bonne centaine de mètres de moi. Je longe le ravin de près, en faisant attention pour ne pas tomber. Je contourne certains arbres qui sont à moitié dans le vide, retenue à la terre par leurs racines. J'ai l'impression d'être un arbre moi aussi, un arbre à qui on aurait coupé ses racines. Je sais que j'ai des racines, mais je ne me souviens pas comment elles sont. Mes souvenirs s'effacent petit à petit, plus j'y pense, moins j'en ai. Étrangement, cela ne me déconcerte pas. J'atteins plus rapidement que je ne le pensais le petit chemin de terre. Il me paraît plus dangereux à emprunter, vu d'ici. Mais le risque ne me freine pas. J'avance, un pas après l'autre. De la terre glisse et tombe dans le ravin au fur et à mesure que j'avance. J'essaye de rester au plus près de la falaise pour ne pas risquer de glisser et tomber dans le vide. Je m'arrête à mis chemin, je regarde à l'horizon, le paysage est magnifique. Il y a de la forêt à perte de vue. Du vert à perte de vue. Je regarde en bas, le château est toujours là. À présent je remarque qu'il y a des habitations non loin du château. Celui-ci a l'air très ancien, son toit est de couleur rouge, mais il a l'air délabré par endroits. Je le trouve néanmoins magnifique. Je reprends mon périple. J'arrive en bas de la falaise rapidement. Devant moi se dresse le côté droit de cette immense demeure, je me demande ce que je vais y trouver, des gens ? Ou de l'abandon ? alors que je ne suis qu'a quelques mètres, je peux entendre des sons, ce sont des voix, je crois. Il y a du monde. Je continue d'avancer jusqu'à croiser une personne, près d'une vieille maison. Cette personne s'arrête devant moi, je fais de même et m'arrête. Elle me juge de la tête au pied, puis tourne rapidement à droite. Je n'ai pas le temps de lui demander d'attendre qu'elle disparait rapidement de mon champ de vision, derrière un mur. Ce petit village est donc bel et bien habité, je ne me suis pas trompée. Je reste là un petit moment, sans m'avancer, j'observe. Les maisons ont l'air vieille mais tiennent bien sur leurs fondations, à ma gauche se trouve ce fameux château, il me paraît vieux, mais entretenu. Le sol est fait de terre sèche, plus loin se trouve un début de chemin en pierre, je me demande où est-ce qu'il mène. Je m'avance vers celui-ci, je vais aller à l'entrée du château. Je croise plusieurs autres personnes qui, soit m'ignorent, soit me dévisagent. Ils ne m'ont jamais vue auparavant, leur réaction me semble normale. J'arrive devant les grandes portes de l'énorme demeure, devant celles-ci se trouve un jeune homme, il m'a l'air extrêmement jeune. Il ne bouge pas, il lit un livre, debout. Je m'approche avec méfiance de ce personnage.

- Excusez-moi.

Je ne sais même pas quoi lui dire. Le garçon lève la tête après avoir tourné la page de son livre. Il me regarde, je le regarde, personne ne parle. Que dois-je lui dire ? À vrai dire je ne sais pas ce que je fais là, et je peine à me rappeler qui je suis. Je n'ai aucune idée de ce que je vais lui demander. Il me regarde toujours, attendant que je commence à parler.

- Je me suis perdue.

- Qui es-tu ?

Sa voix est calme. Comparé aux autres personnes que j'ai pu croiser, il n'a pas l'air de me trouver bizarre, il ne me dévisage pas.

- Je m'appel Elizabeth, je crois.

- Tu crois ?

Ses cheveux sont longs et retenus en queue de cheval basse derrière sa nuque. Ils sont d'un blond platine magnifique. Ses traits du visage sont fins, il n'est pas moche, mais pas spécialement beau non plus. Il est habillé très élégamment, d'un habit différent des autres personnes de tout à l'heure. On dirait de vieux habits, d'une époque plus ancienne.

- Je ne me souviens pas de grand-chose.

Le jeune homme ferme son livre doucement puis pivote légèrement pour être entièrement face à moi.

- Viens avec moi. Il me regarde quelques secondes avant de se retourner pour aller ouvrir les grandes portes du château. En entrant à l'intérieur, il me fait un signe de la main pour que je le suive, puis il se retourne.

- Je m'appel Adem, tu es la bienvenue. Entre.

J'hoche la tête puis m'avance pour entrer dans ce palace. Je m'arrête à quelques mètres d'Adem. Je lève la tête, la tourne à droite, puis à gauche, devant moi, par terre. La pièce est magnifique, je crois n'avoir jamais rien vu de si beau. L'architecture est incroyable, les fenêtres sont incrustées dans un arc brisé en pierre froide, d'épais rideaux en velours bordeaux sont disposés de chaque côté. Le sol est en vieux parquet qui est recouvert d'un tapis d'orient aux couleurs chaudes qui recouvre la majeure partie de la pièce. Devant moi se tiennent deux magnifiques escaliers en semi-hélicoïdal en bois. Sur le côté droit et gauche de la pièce se trouve deux portes qui mène je ne sais où. De là où je suis, je peux voir le petit balcon d'intérieur à l'étage, les couloirs continuent leur route derrière des murs aux tapisseries en vinyle expansé et aux motifs anciens. Un lustre en fer forgé est suspendu au plafond grâce à une épaisse chaine. Je ne sais pas s'il s'agit de vraies bougies ou de simples ampoules. L'intérieur du château me paraît plus grand à l'intérieur qu'a l'extérieur et je pense n'avoir vu qu'une petite partie de l'habitation. Je me demande qui vit là, sûrement de riches personnes.

- Je te prie d'attendre ici, je reviens tout de suite.

Adem s'en va en silence, d'un pas léger, à l'étage. Il disparaît de mon champ de vision peu de temps après. Je contemple une dernière fois la pièce. Je me demande ce qu'il y a derrière les escaliers, quelque chose me dit qu'il y a autre chose qu'un mur. Je m'avance entre les escaliers, je découvre une petite porte au mur, elle est moins imposante que les autres portes que j'ai pu voir dans ce château. Sur chacune d'elles y sont sculptés des ornements, ce qui les rendent plus imposantes, mais cette porte-ci n'a rien de tout ça, elle est simple et plus petite. J'entends des pas dans les escaliers, je recule machinalement devant ceux-ci en faisant mine d'observer les murs.

- Voici Elizabeth, elle s'est perdue et est arrivé ici.

Adem descend en bas des escaliers accompagné d'un autre garçon, ce dernier me regarde de la tête aux pieds. Il est différent de l'autre garçon, il a des cheveux noirs et un regard bien moins bienveillant qu'Adem. Il ne répond pas pour laisser continuer le blond.

- Elizabeth je te présente Eden, nous sommes les maîtres de maisons.

- D'accord, enchanté.

- D'où viens-tu ? Me demande Eden sèchement. Le ton qu'a sa voix est aussi différent du blond, il n'est pas désagréable, mais menaçant.

Je cherche mes mots, d'où est-ce que je viens exactement ? Je n'en sais trop rien, autant être franche dès le début.

- Je viens de la forêt, je ne me rappelle de rien d'autre.

Adem se tourne légèrement vers le brun, ce dernier fronce les sourcils.

- Tu veux réellement offrir l'asile à une amnésique ?

Cette phrase ne m'était pas adressée, Adem laisse apparaître un petit sourire au coin de ses lèvres. Eden à raison, et puis je n'ai rien demandé.

- Je vais l'aider à retrouver sa mémoire. M'informe par la même occasion Adem, il m'adresse un petit sourire bienveillant puis se tourne vers Eden.

- Soit, mon frère, fais ce qu'il te chante. Tu seras responsable d'elle jusqu'à ce qu'elle nous quitte.

Sur ce, Eden fait demi-tour pour monter les escaliers et disparaît aussitôt. Alors ils sont frères tous les deux, je l'aurais surement pensé, mais ils ne se ressemblent tellement pas. Je suis là, plantée devant mon nouvel ami, je crois que s'en ait un, il m'a un peu défendue. Je ne sais pas pourquoi, a-t-il pitié de moi ?

- Je vais te montrer ta chambre, suis moi si tu veux bien.

Adem se tourne pour monter les escaliers, je le suis de près. J'ai hâte de découvrir les autres pièces de ce château. Arrivés en haut des escaliers nous passons par la droite. Les murs sont toujours tapis de cette tapisserie en vinyle expansée. Je la frôle avec mes doigts. Je découvre une multitude d'autres portes, j'ai envie de toutes les ouvrir afin de découvrir l'intérieur de celles-ci. J'aurais sûrement d'autres occasions pour le faire, alors je peux patienter. Je me sens bien, je me sens anormalement en sécurité dans ce lieu. Ces personnes me sont familières, je ne me sens pas différente d'eux, bien que mon accoutrement l'est. Peut-être que je suis vêtue de façon bizarre pour eux. Leurs vêtements sont classes dans un style plus ancien, mais gardent toutes leurs élégances aujourd'hui. Comment je le sais ? je n'ai pas la réponse, c'est comme un pressentiment.

- La voici.

Adem m'ouvre la porte.

- Merci.

J'entre à l'intérieur, c'est magnifique. La pièce est très grande, sur la droite se trouve un lit à baldaquin recouvert avec de soyeux draps, comme s'ils m'attendaient déjà. Sur la gauche se trouve une armoire et une petite porte. Face à moi il y a là aussi de grandes fenêtres en arc brisé avec d'épais rideaux. La chambre est sur les tons violets, les draps, les rideaux, ainsi que le tapis au sol ont cette nuance de couleur. Ça me plaît, je trouve cette chambre très belle.

- Tu as une salle de bain sur la gauche, m'indique Adem, j'essayerais de te trouver d'autres vêtements.

- D'accord, merci.

Adem n'entre pas dans la pièce, il reste près de la porte et me regarde.

- Le déjeuner sera bientôt servi, dans une heure. En attendant tu peux visiter les lieux et te familiariser avec le château. Je te laisse, j'ai à faire.

J'hoche doucement la tête, alors comme ça j'ai la permission de visiter ? J'espère me plaire. Adem s'en va tranquillement, me laissant seule. Je m'assieds sur mon lit, il m'a l'air confortable. J'essaye de me rappeler ce que je faisais dans cette forêt, je ne m'en souviens plus. Mes souvenirs se dissipent vraiment, qui étais-je avant ? Je crois n'avoir plus qu'une solution : avancer dans le présent. Rien ne me retiens dans le passé maintenant. Si je ne me souviens de rien, c'est peut-être parce que c'est une bonne chose. Je ne devrais pas me tracasser avec ça plus longtemps, même si je vais sûrement être cuisinée par Adem. Je ne pense pas que son frère en ait réellement quelque chose à faire de moi. Je ne sais pas si je devrais m'en inquiéter ou non.

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