Episode 1 - Au commencement (6)

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Vanity se réveilla, la tête dans le brouillard. Ses yeux papillonnèrent le temps de s’acclimater à la luminosité. Elle identifia la petite pièce orange comme étant la salle de repos du cabinet, elle devait être allongée sur le sofa. Elle distingua le frigo, la table de déjeuner et le micro-onde dans la pénombre. Les rideaux avaient été tirés et la porte entrebâillée. Un plaid avait également été posé sur elle. L’attention lui mit un petit baume au cœur. Mais qui avait pu la mettre là ? Pourquoi était-elle là d’ailleurs ? Ses souvenirs étaient flous. Elle se souvenait du petit déjeuner avec Jo, d’avoir rangé et classé des dossiers, d’avoir eu un rendez-vous avec un client… mais pas dudit rendez-vous. Avait-elle fait un malaise ? La jeune-femme posa instinctivement les mains sur son ventre plat. Était-elle tombée sur le ventre ? Oh mon dieu faite que non… Elle repoussait le plaid et tentait de se redresser quand une tête familière passa par la porte.

— Tu es réveillée, soupira de soulagement Creg en entrant et en prenant une chaise.

— Qu’est-ce qui s’est passé ?

Creg s’assit en face d’elle et posa une main amicale sur son front pour s’assurer qu’elle n’avait pas de fièvre.

— Tu es tombée dans les pommes. Ne t’inquiète pas tu ne t’es pas cogné la tête, je t’ai rattrapé juste avant.

— Tu étais là ?

Il haussa un sourcil en la dévisageant.

— Oui. Je suis venue te voir car tu étais très pâle, un peu comme si tu avais vu un fantôme et puis pouf tu t’es évanouie.

Vanity sera les bras autour de son ventre. Heureusement il n’avait pas subi de choc, voilà un point sur lequel elle était soulagée. Restait encore tout le reste à élucider. Mais cela devrait attendre.

Le patron de Vanity avait été mit au courant de l’incident et avait réussi non sans mal à la convaincre de prendre un peu de repos. Cela n’avait pas été facile, elle qui n’avait pas encore rattrapée tout son retard allait en avoir encore plus à rattraper. Non, elle ne pouvait pas se laisser aller comme ça. Néanmoins, elle ne pouvait pas occulter le fait qu’elle se sentait toute bizarre et nauséeuse. Aussi concéda-t-elle à prendre un jour de congé et prit-elle rendez-vous chez le médecin, pour une question de sécurité et aussi pour confirmer ce qu’elle avait cru voir ce matin-là.

En pénétrant dans son bureau elle eu une étrange sensation, comme la pièce était saturée d’une noirceur presque palpable. Vanity mit cela sur le compte de la fatigue et du fait qu’elle avait un petit trou de mémoire. Elle remballa son ordinateur portable, rangea quelques documents et emporta avec elle les plus gros dossiers sur lesquels elle planchait depuis plusieurs mois déjà. Juste pour ne pas prendre davantage de retard.

Une semaine. Une semaine avant que la jeune-femme ai pu obtenir un rendez-vous chez son médecin traitant. Celui-ci était allé en vacances et tous les autres étaient soit également absents, soit surbooker. Elle n’en revenait pas de la difficulté qu’elle avait eu à avoir se fichu rendez-vous. Bien entendu son patron avait refusé, et n’avait pas voulu en démordre, qu’elle retourne au bureau tant qu’elle n’avait pas vu de spécialiste. C’est comme si un nuage noir c’était abattue sur elle. Une semaine. Huit jours. Sans travailler. Enfin ça c’est ce qu’elle aurait dû faire. Malgré sa bonne résolution, elle devait absolument s’occuper l’esprit où bien elle allait devenir folle. D’autant que s’adonner à des activités autres que l’étude et résolution de ses dossiers n’étaient pas trop dans ses cordes. Elle avait bien essayé de s’adonner au dessin, à la poterie, à la confection de colifichet, au patchwork, à la décoration de vases… mais rien ne lui avait jamais plut plus qu’outre mesure. Elle aimait beaucoup la pratique du yoga et faire du jogging pour se vider la tête, mais elle ne savait pas si c’était déconseillé ou non, donc elle préférait s’abstenir. Elle avait également tenté de faire comme tout le monde. De s’installer confortablement dans son canapé, sous un plaid chaud et moelleux, une tasse de thé dans les mains devant une série Netflix, mais non. Elle avait tenté la même chose avec un bon bouquin, mais non. Elle n’arrivait pas à se concentrer suffisamment longtemps sur une tâche qui ne retenait pas toute son attention. Sa brève amnésie et la possibilité qu’elle soit enfin enceinte la préoccupait beaucoup trop. Une million de question fusaient dans son esprit et la harcelait. Aussi n’avait-elle trouvé rien de mieux que de travailler.

Jo : Arrête de travailler et repose-toi un peu. Oui c’est un ordre ma puce.

Vanity esquissa un sourire devant le message de son fiancé. Elle le trouvait trop chou de s’inquiéter à ce point pour lui et d’essayer de faire le vilain chéri qui donne des ordres à sa compagne. Non pas qu’elle ne le prenait pas au sérieux, mais elle l’imaginait les poings sur les hanches, un air sévère sur son doux visage, les sourcils froncés et cela la faisait rire. Jo était tout sauf sévère bien qu’il savait se montrer ferme.

Vanity : Oui mon chéri <3

La réponse de celui-ci ne se fit pas attendre.

Jo : Et si tu allais faire un tour au parc avec un bon café de chez Starbucks ? Ce serait bon pour toi et ça me ferait très plaisir.

Ça c’est un coup bas, pensa Vanity en relisant plusieurs fois son message. Clairement elle ne pouvait pas le lui refuser. Elle jeta un coup d’œil à sa pile de dossier qui trônait sur la table basse, son ordinateur portable sur ses genoux et poussa un long soupire. Je lui rapporterais quelque chose, il sera content, songea-t-elle pour se motiver.

Un chemisier rose pâle, un slim noir, une paire de sandale et un chignon fait à la va vite plus tard la voilà qui enfilait une veste et attrapait son sac à main. Vanity regarda ses clés de voiture et secoua la tête. Marcher lui ferait du bien, et puis le parc n’était pas loin. Dehors, un ciel bleu sans nuage, le soleil brillant tel le maître des cieux. Une douce chaleur régnait dans la rue, seule une petite brise fraiche venait ternir un peu le moment. Resserrant les pans de sa veste la jeune-femme ne se laissa pas abattre et prit la direction du sud. Ses pensées papillonnèrent vers son ventre. Est-ce que le test était bon ? Est-ce que son rendez-vous en fin de journée allait bel et bien le lui confirmer ? Pourrait-il rentrer le sourire aux lèvres pour annoncer à Jo la grande nouvelle ? Ou au contraire, rentrerait-elle plus abattue que jamais ? Dans tous les cas son cher et tendre allait apprendre la véritable raison de son rendez-vous chez le médecin. Elle n’aurait pas le cœur ni la force de le lui cacher s’il s’avérait que le test avait été erroné. Cela lui ferait beaucoup de peine, mais il serait toujours là pour elle. Uni. Plus fort ensemble. Oui. Même si lui médecin lui annonçait une mauvaise nouvelle, ils restaient tout de même une famille. Elle s’agrandirait plus tard. Rassénérée par ces pensées, elle marcha d’un pas plus sûr et déterminé vers le Starbucks. Elle ne sentit même pas la paire d’yeux qui l’observait.

Les odeurs de café qui flottaient dans la pièce ravirent les narines de Vanity. Elle ne sut plus où donner de la tête jusqu’à ce que vienne son tour de commander. Chaud ou froid ? Chaud. Classique ou original ? Original. Quel parfum ? Chocolat blanc. Elle se demanda même pourquoi elle avait tant hésité puisqu’elle prenait la même chose à chaque fois. Et chaque fois elle se demandait si elle allait tenter un nouveau parfum. Il valait mieux rester sur les valeurs sûr. Sa peur d’être déçu en prenant autre chose la retenait à chaque fois. Un jour, elle la dépasserait, c’était sûr. Elle prit également un cookie à la pistache pour accompagner son café, régla sa commande et sortie en direction du parc.

Assise sur un banc, l’étang à sa droite et l’air de jeu à sa gauche, Vanity sirotait son café perdue dans ses pensées. Un jour ce sera peut-être moi. Un peu plus loin, sur un banc proche de l’étang, deux mères avec une poussette chacune étaient en train de discute gaiment. D’où elle était, elle pouvait observer les bébés endormis dans leur cocon de chaleur. Elle sourit et s’imagina elle-même à la place d’une des deux femmes. Son cœur gonfla de joie. Que ne donnerait-elle pas pour être enfin maman. Pouvoir sentir se développer dans son ventre un tout petit être qui va dépendre entièrement d’elle pendant neuf mois de croissance. Un tout petit être qui dépendra encore d’elle une fois qu’il sortira pour dire bonjour au monde et à ses deux parents si impatient de faire sa connaissance. Une toute petite personne qui aura pour toujours et à jamais une seule maman qui le chérira et lui offrira tout ce qui est en son pouvoir. Un tout petit être à chérir et à aimer. Un tout petit être à voir grandir et apprendre. Un tout petit être formé d’un amour aussi grand que le leur. Un tout petit bout d’elle-même et de son amour. Vanity était parfaitement consciente que le chemin allait être long, semé d’embuche et que tout ne serait pas toujours rose, mais peu lui importait, elle était prête.

Elle détacha son regard des deux mères et tourna la tête vers le parc où des enfants d’âge variés jouaient sur les balançoires, dans la cage à poule et dans la construction en forme de bateau pirate. Deux petites filles d’environ cinq ans jouaient sur une balançoire à bascule et riaient. Un garçon d’environ sept ans faisaient le singe dans la cage à poule sous le regard désespéré de sa mère qui l’exhortait de faire attention. D’autres encore jouaient à chat dans une joie tout enfantine. Des mères et des pères étaient dispersés un peu partout sur les bancs tout autour de l’air et surveillaient les enfants, soit directement, soit en jetant des coups d’œil de temps en temps. Dans un coin, deux chiens aboyaient et réclamaient d’aller courir avec les bambins. La scène était comique et fit rire la jeune-femme. L’un était un gros bouvier bernois avec une grosse voix grave et l’autre un petit teckel à la voix suraigüe. Les parents alentours jetaient des regards assassins aux deux chiens qui ne demandaient qu’à jouer. Quant au propriétaire il avait l’air de s’en fiche éperdument. Vanity éclata de rire comme ça. Toute seule. Assise sur un banc. Son café à la main. On la regarda bizarrement mais elle s’en ficha. Le moment était trop beau. La scène beaucoup trop idyllique de son point de vue pour qu’elle fît autrement.

— Moi aussi je veux connaître ça, murmura-t-elle une fois son fou rire passé.

Elle termina son café et alla le jeter dans la poubelle la plus proche.

Alors qu’elle s’apprêtait à partir, des pleurs la firent se retourner. Un peu plus loin derrière elle un petit garçon en larme accroché aux jupes de sa mère. La pauvre semblait ne pas savoir faire pour calmer son petit bonhomme et tentait vainement de le distraire avec l’un de ses doudous. Vanity jeta un coup d’œil au cookie auquel elle n’avait pas encore touché et s’avança vers la mère et son fils.

— Excusez-moi… est-ce que vous me permettez ? demanda-t-elle en montrant son cookie.

Une paire d’yeux reconnaissant la supplièrent presque.

Elle s’accroupit pour arriver à hauteur du garçonnet et elle lui présenta sa pâtisserie. Il sanglota, jeta un coup d’œil à sa mère qui hocha la tête et attrapa le présent qu’il s’empressa d’engloutir. La crise de larme était passé. La jeune mère se confondit en remerciement et partie avec son fils. Vanity n’était pas du tout croyante, néanmoins elle adressa une prière silencieuse.

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