Chapitre 45

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Johany ne savait pas trop s'il était plutôt accablé ou déçu ; il s'estimait chanceux d'avoir pu profiter d'une telle richesse culturelle dans son voyage, mais se sentait surtout mélancolique.

"A quoi bon faire de belles rencontres si c'est pour devoir se séparer aussitôt ?" s'interrogea-t-il intérieurement, le coeur en miettes.

Depuis que sa pirogue avait quitté la rive de Don Khon, le regard pénétrant et envoûtant de Dao ne l'avait pas quitté, lui. Il se remémorait chaque moment passé à ses côtés, revoyait chacun de ses sourires.

Le tee-shirt gris qu'il portait était encore imprégné d'une subtile odeur de citronnelle. Il espérait en son for intérieur, qu'elle ne disparaisse jamais.

  • Thank you, goodbye, dit-il à l'homme qui venait de reprendre son 4x4 de location.

Il sortit de l'agence le coeur gros et traina des pieds, les mains dans les poches, tout en marchant le long de la rue.

Il pleuvait depuis une heure mais les nuages étaient toujours aussi sombres. Le tonnerre grondait, des éclairs illuminaient le ciel par intervalles. Le vent soufflait très fort, emportant sur son passage de nombreux objets en tous genres.

Johany remarqua à quel point l'orage faisait rage, il n'y avait jusqu'alors pas fait attention, trop absorbé par ses pensées. En passant devant un bar, dans lequel une dizaine de personnes semblait s'être réfugiée, il aperçut l'éclat de l'écran d'une télévision. Sur l'image, un reporter laotien tenait tant bien que mal son parapluie, qui s'agitait furieusement dans le vent.

Johany se rendit aussi compte qu'il était trempé jusqu'à l'os, alors qu'il n'avait quitté l'agence que quelques minutes auparavant.

Il comptait prendre le bus pour se rendre à Vientiane et de là, attendre le prochain vol pour Paris, mais n'était pas très pressé de réitérer son expérience avec ce mode de transport. Il songea donc qu'il pouvait bien retarder son trajet en allant boire un coup dans ce bar pour se mettre au sec ; de toute façon personne ne l'attendait à Vientiane, et son porte-monnaie ne souffrirait pas trop d'un allègement de quelques piécettes.

Il poussa donc la porte du bar où la télé projettait des images de tempête et s'accouda au comptoir en attendant le barman. Autour de lui, tous les clients avaient les yeux rivés à l'écran et arboraient des mines soucieuses, ce qui alerta Johany. Même s'il ne comprenait pas un mot de ce que braillait le journaliste pour se faire entendre dans le vent qui mugissait, il prêta plus attention aux images.

Une petite banderole défilait en bas de l'écran et il repéra le mot "Vientiane" lorsque l'alphasyllabaire lao laissa place à l'alphabet latin (mais dont les mots étaient toujours en lao), pour relayer les informations.

"Il y a une tempête à Vientiane ? En même temps, on est dans la saison des moussons, ce n'est pas très étonnant..." songea le jeune français.

Un barman chauve se présenta à lui à l'instant où il se demandait si son bus assurerait le trajet malgré la météo, et il lui commanda une Beerlao.

Il vit qu'un accès internet était possible dans le bar et s'empressa de s'y connecter. Il envoya un message à Dao par le biais de Whatsapp :

"I arrived in Luang Prabang. Thank you for the recipe :)".

Le jeune homme était en train de finir sa bière lorsqu'il sentit son portable vibrer dans la poche de son jogging. Il le sortit aussitôt, le coeur battant. Dao lui avait répondu.

"You're welcome ^^ Have you seen the weather ?"

Il s'empressa de taper sa réponse et de l'envoyer :

"Yes I see that, I'm in a bar where there is a TV. But it's going to end soon, right ?"

Johany ne voulait pas sortir du bar pour affronter la pluie battante, le vent chaud qui balayait les rues, mais c'était surtout parce qu'il ne voulait pas manquer la réponse de Dao.

Il resta donc à l'abri une bonne heure, assis sur son tabouret, avec sa pinte vide. Entre-temps, la télévision avait affiché des tas de photos de maisons dont la toiture s'était envolée, et son amant lui avait répondu "Ok. Idk...", ce à quoi Johany avait répliqué par message qu'il ignorait ce que signifiaient ces trois lettres. Dao avait alors expliqué qu'il s'agissait de l'abréviation de "I don't know", puis lui avait souhaité bonne chance pour son voyage en bus, même s'il pensait que ces derniers ne rouleraient pas tant que la tempête ne se serait pas calmée.

Johany régla sa bière au barman et ajouta un pourboire pour la connexion Wifi, puis quitta les lieux. Derrière lui, alors qu'il sortait du bar, il entendit la voix d'une journaliste terrifiée par les gigantesques bourrasques qui secouaient la capitale du pays depuis des heures. Les dégâts étaient déjà considérables, malgré le fait que la tempête ne fasse que commencer.

Johany marcha en luttant contre le vent, qui le repoussait avec force, et fut de nouveau trempé en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Il souhaitait vérifier par lui-même si les bus assuraient encore le trajet jusqu'à Vientiane et se rendit à pied jusqu'au parking d'où il était descendu à son arrivée dans la ville.

Il apprit qu'un horaire prochain était prévu, mais qu'il serait sûrement annulé. Cela ne le dérangeait pas vraiment, il avait tout sauf hâte de reprendre le bus dans les montagnes, mais ce retard sur son planning impliquait de payer une nuit d'hôtel en plus.

Il en chercha donc un dans la rue du parking, pour être au plus près de son lieu de départ, et s'installa dans une chambre assez confortable, par rapport au tarif avantageux qu'il paya.

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