Chapitre 43

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Durant leur étreinte, Johany avait les larmes aux yeux, Dao aussi. Lorsqu'ils se détachèrent l'un de l'autre, ils se contemplèrent longuement. Leurs regards parlaient bien plus que leurs bouches n'auraient pu le faire.

Ils marchèrent un instant côte-à-côte, jusqu'à l'agence de location des maisons sur pilotis.

Johany avait l'impression de traverser un brouillard interne, il était désorienté, désoeuvré.

Jamais il n'avait aimé quelqu'un si fort, si sincèrement. Même s'il n'était pas certain de se connaitre encore tout à fait, même s'il ne savait pas s'il était réellement gay ou non... Et pour une fois, ne pas détenir les réponses à ses questions ne le frustrait pas plus que ça. Il avait toute la vie devant lui pour apprendre à se découvrir, à découvrir l'amour, aussi.

Il rendit les clés de la maison puis repartit en pirogue.

Sur la berge, Dao et Senthang le regardaient s'éloigner.

Un ultime baiser, puis il avait fallu partir.

Le 4x4 était encore plus sale que la dernière fois que Johany l'avait vu. De nouvelles fientes d'oiseau s'étaient rajoutées à celles incrustées sur le pare-brise et la carosserie, et il semblait qu'il avait plu des torrents d'eau sale, comme si le Mékong s'était un peu renversé sur le côté, aspergeant la voiture au passage.

Le moteur démarra, le 4x4 quitta le bord du fleuve pour s'enfoncer de plus en plus profondément dans la campagne laotienne.

En milieu de journée, Johany s'arrêta pour casser la croûte. Il n'avait plus assez d'argent pour se payer des restaurants deux fois par jour, alors Dao lui avait fait des sandwiches avant de partir.

Lorsqu'il les sortit de leur sac en carton, il y trouva une feuille de papier pliée en quatre. Stupéfait, il la déplia fiévreusement.

Un dernier mot d'adieu, une lettre d'amour ?

Il lut le titre en premier, déjà transporté par l'émotion.

"Khao pun recipe".

Son enthousiasme retomba d'un cran, ce n'était pas vraiment le mot doux auquel il s'attendait, mais il était content que Dao lui laisse la recette du premier plat laotien qu'il lui avait appris à faire. Le khao pun les reliait un peu, quelque part.

Il rangea la recette, que son amant avait soigneusement écrite à la main, et commença à manger. Mais il avait la sensation de ne pas sentir le goût des aliments de son sandwich, et de la bile lui remontait.

Il se força tout de même à le finir, et se promit de manger les autres plus tard. Dao les avait fait pour lui, c'était encore une gentille attention de sa part, et Johany ne voulait pas les gâcher.

Le soir, le jeune homme n'eut d'autre choix que de s'arrêter au milieu des montagnes. Il dormit dans une hutte au toit de paille, entourée de verdure et de bestioles bizarres.

Le lendemain matin, il prit un cliché du lieu pour le moins atypique dans lequel il venait de passer la nuit*. Un pont en bois très mince, qui surplombait une rivière, séparait les huttes de la route. Il rejoignit son 4x4 et partit le ventre vide. La veille au soir, il avait fini les sandwiches de Dao mais il ne lui restait rien pour déjeuner avant de partir.

Johany roula sans s'arrêter jusqu'à Luang Prabang, où il fit halte à l'usine d'Amber.

Il avait ressenti le besoin de s'y arrêter, un peu comme pour boucler la boucle. Il ne savait pas si la jeune fille travaillait ce jour-là, mais il songea qu'elle n'avait sans doute pas de jours de repos dans la semaine, et se présenta à l'entrée de l'usine.

Il voulait lui parler une toute dernière fois. Avec ce qu'il avait vécu, depuis son arrivée à Vientiane, beaucoup de choses avaient été bouleversées en lui, et elle faisait partie de ces changements.

Le jeune homme fut reçu par le vigile qui surveillait l'entrée de l'usine, et se demanda s'il allait cette fois lui refuser sa faveur.

  • Hem... Good afternoon, sir, commença Johany avec un sourire poli, presque amical.

Il ne sut comment il parvint à convaincre le garde de le laisser passer. Un instant plus tard, il prenait Amber à part, comme il l'avait fait une semaine plus tôt.

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