Athènes

3 minutes de lecture

Nous sommes le 11 août.

Alors que je m’efforçais nuitamment d’extraire la substantifique moelle des idées exprimées par les enfants, pour vous en restituer l’essence même dans ce carnet, le bateau faisait route vers le nord.

 

Je pense toutefois que j’étais déjà couché lorsqu’il passa au large de l’île de Miloe. Je suis sûr que je dormais profondément lorsqu’il laissa à tribord l’île de Saint Georges. Lorsqu’on nous réveilla à 7H00 du matin pour cause de « programme chargé », le Costa Riviera entrait dans le port du Pirée.

 

Je le répète pour les enfants : Le Pirée est le port d’Athènes, bien que située à dix kilomètres au sud de la capitale.

 

Immense, tentaculaire, Athènes est une nébuleuse urbaine qui, après avoir occupé le coeur d’une plaine, s’étend à présent sur la moitié de l’Attique. Il faudrait des mois pour l’explorer, des années entières pour la connaître. Nous y resterons quatre heures.

 

40 % de la population grecque vit dans cette gigantesque métropole qui a dévoré, année après année, tout ce qui l’entourait, village après village. Le phénomène est unique au monde. La pieuvre a parfois du mal à digérer certains quartiers, anciens villages qui résistent tant bien que mal à la modernisation et à l’invasion du béton comme à celle de la voiture.

 

En été, Athènes est la capitale mondiale de la pollution. Les températures oscillent entre 38 et 42° C à l’ombre. La ville manque d’eau potable et ne dispose que d’un seul et unique espace vert.

 

Nous, nous ne recherchons ni l’espace vert, ni l’ombre mais bien plutôt les ruines et la fournaise. Après nous être rendus au cap Sounion, le matin, à 68 kilomètres de là, pour admirer le magnifique temple (du moins ce qu’il en reste) dédié à Poséidon et dominant la mer ; après le retour sur Athènes, en écoutant « Poupie » notre guide grecque nous raconter l’histoire de la Grèce, la mythologie grecque, les coutumes grecques, la cuisine grecque, les arts et les métiers grecs et bien d’autres choses encore, du moment qu’elles sont grecques ; après un excellent repas dans un grand restaurant athénien au somptueux buffet ; après un détour pour observer ces étonnants gardes en bas blancs, chaussés de sabots rouges ornés de gros pompons noirs et coiffés d’un béret de chasseur alpin à ceci près qu’il est agrémenté d’une épaisse natte noire qui descend jusqu’à la ceinture de leur petite jupette ; après tous ces détours et tous ces détails, on se décide tout de même à nous conduire sur l’acropole.

 

Car avouons le : toute cette croisière, toutes ces heures passées en mer, toutes ces visites fastidieuses à l’intérêt médiocre, nous ne les avons supportées que dans la perspective de voir le Parthénon, sommet de la civilisation grecque ancienne. Alors pas question d’écouter les enfants qui manifestent impunément leur préférence pour la piscine et les jeux vidéo. Il y a des devoirs de curiosité qu’on ne peut se dispenser d’accomplir. Que diraient Jacques et Sylviane, si on ne leur rapportait pas de Grèce des enfants au souvenir imprégné de colonnes cannelées et de caryatides ? On ne peut l’imaginer !

 

J’avais pris quelques notes pour vous parler de l’Acropole, du Parthénon (438 av. J.C.), de l’Erechthéion (421 - 406 av. J.C.) et de ses Caryatides, des Propylées, de la Voie Sacrée et de la Pinacothèque. J’avais griffonné sur un carnet les noms de quelques bas-reliefs et de quelques centaines de dieux qui sont passés par là. J’avais relevé au passage quelques morceaux de la mythologie et quelques scènes de gigantomachie [1], de Centauromachie [2] et d’Amazonomachie[3] .

 

J’avais jeté les grandes lignes d’une brève histoire de la Grèce, depuis l’Antiquité, quand Poséidon frappa l’Acropole de son trident, jusqu’à la dernière guerre mondiale, en passant par l’invasion d’Athènes par les Visigoths et les Alaricos. Mais en me relisant et en réfléchissant à tout cela, il m’a semblé que mes notes serviraient davantage à la rédaction d’une encyclopédie sur la Grèce qu’à un chapitre de ce carnet de voyage.

 

Je me suis dit intérieurement qu’un tel ouvrage serait idéal pour tromper l’ennui d’un long emprisonnement. Je serai peut-être heureux, un jour, d’avoir devant moi un travail d’une telle ampleur pour occuper une période d’inaction involontaire.



[1]Luttes entre les Dieux et les géants.

[2]Luttes entre les Lapithes de Thessalie et les Centaures.

[3] Combat de Thésée contre les Amazones qui faisaient le siège de la ville.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Oncle Dan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0