10 août

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Vers 8H00 du matin, le bateau passait au large le l’île de Cythère et de celle d’Anticythère. Quelques temps après, il longera l’île de Crête, passera le cap Spathi, le Maléas et enfin le cap Stavros. Le port d’Héraklion ne sera pas atteint avant midi et demi. Peu importe : nous n’avons nullement l’intention de descendre à l’escale. Le programme des visites est le palais de Knossos, berceau (?) de la civilisation Minoènne à l’histoire légendaire et mythique, suivie de la visite du musée archéologique. Nous avons déjà « fait » ces visites l’an dernier et n’en avons pas gardé un souvenir qui nous incite à renouveler l’expérience.

 

Tout un après-midi de « temps libre » si cher au touriste ! Je vais pouvoir en profiter pour commencer la rédaction de ce journal. Pendant ce temps, Christine se dore la pilule sur le pont arrière autour de la piscine. Les enfants sont heureux de pouvoir se repaître sans compter de jeux vidéo pendant que Kiki prend son bain de soleil.

 

Je suis peu inspiré pour narrer le début de notre croisière. A peine ai-je noirci une dizaine de pages pendant que Kiki chauffait.

Et puis, il y avait ce bruit ininterrompu de pompes à moteur qui me dérangeait. Alors, je me suis rendu à bâbord pour en connaître l’origine. C’est donc, en ignorant que j’étais en fait à tribord, que j’aperçus, en me penchant par dessus le bastingage, la navette incessante d’énormes camions-citernes qui venaient approvisionner le bateau en eau potable. Du haut de mes sept étages, j’observai pendant quelques instants le manège bien réglé permettant le pompage de deux camions simultanément pendant que deux autres partaient se réapprovisionner. La capacité d’eau potable du bateau étant de 3310 tonnes, combien faudra t’il de camions-citernes pour le remplir, sachant que le tuyau de branchement n°1 présente une fuite de cinq litres à la minute ? Combien faudra t’il de temps pour effectuer la réparation ? Pendant que je m’employais à résoudre ces intéressants problèmes, Christine livrait son corps d’albâtre aux baisers d’Amphitrite et aux morsures du soleil.

 

Cependant que les enfants se brûlaient les yeux devant les écrans de la salle d’ordinateurs, Kiki se brûlait la peau sur le pont Lido. Le soir, au restaurant Portofino, elle éclaire la salle à manger et grelotte devant son assiette.

 

Il ne faudra pas compter sur elle lorsqu’il sera question de recenser les idées du jour, conformément à la méthodologie de notre carnet. Elle sera bafouée, ignorée, méprisée tout au long de la croisière. La méthodologie, pas Christine.

 

Les enfants eux-mêmes ont lâchement abandonné votre narrateur préféré, qui s’est trouvé totalement livré à lui-même. Ne cherchez pas ailleurs les raisons de la médiocre qualité de ce récit.

 

Un soir où j’ai particulièrement insisté pour qu’ils apportent leur contribution à ce carnet de vacances, j’ai obtenu, après les avoir pressés de questions durant une heure et demie, les propositions et suggestions suivantes :

-- Emilie :

*     idée numéro 1 : « A Venise, il faisait chaud ».

*     idée numéro 2 : « On se perd souvent dans la foule ».

 

-- Florent :

*     idée numéro 1 (et unique) : « Emilie s’est perdue dans les pigeons ».

 

Force est de reconnaître qu’Emilie, bien que plus jeune, a eu deux fois plus d’idées que son cousin. On retiendra, à la décharge de ce dernier, un blocage psychologique, consécutif à un léger mouvement d’humeur, lorsqu’il lui a été fait observé que son idée numéro 1 présentait quelques similitudes avec l’idée numéro 2 de sa cousine.

 

Toujours est-il que l’énumération qui précède représente l’intégralité de la contribution des enfants, et qu’il ne m’a pas été possible, dans ces conditions, d’alimenter ce récit comme il l’eut mérité, de lui apporter cette fraîcheur dont eux seuls sont capables.

 

Au fonds de mon isolement, que puis-je vous dire d’intéressant qui n’ait déjà été dit, et mieux dit ? Il faudrait que je me montre un écrivain beaucoup plus brillant et plus capable que je ne le suis, pour faire honneur au genre. (Je fais semblant ici de penser que les autres écrivent mieux que moi. Je ne le pense pas vraiment, bien sûr, mais il est de bon ton de s’exprimer comme si c’était le cas.)

 

Je poursuivrai donc, en dépit de ces profondes désillusions, car les souscriptions au carnet de vacances sont nombreuses et je ne peux décevoir mon éditeur après le succès rencontré par les deux numéros précédents.

 

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