3. Nightmare

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Nathan

  J'arrive au lycée d'un pas pressé, la joue droite quasiment toute bleue. Quand j'ai vu ça dans le miroir de la salle de bain ce matin, j'ai eu des envies de meurtre envers mon père. Heureusement pour lui, il n'était pas là. En plus, j'ai dû éviter ma mère. Lorsqu'elle voit ce que mon père est capable de me faire et avec quelle facilité il arrive à me marquer, elle part dans une crise d'hystérie. En ce moment on n'a pas besoin de ce genre de comportement à la maison. Et puis, si jamais ma mère crie, mon père est capable de la frapper à son tour. Si jamais il touche à ma mère, je ne réponds plus de mes actes. Je serais cap' de le tuer. Rien à foutre. Fort heureusement, le moment n'est pas encore arrivé. 

Je passe devant le coin fumeur à une telle vitesse que je repère à peine le petit groupe de chicos toujours installé à la cool, en train de se détendre. Je n'entends même pas la belle brune, Olivia, m'appeler de loin. Ce sont les remarques de Matt qui reflètent son incompréhension, qui finissent par m'alerter. Je me fige à mi-chemin de la porte de l'école.

— Oui... c'est bien Nathan, ton prénom ? s'interroge Olivia.

En prenant une grande inspiration, je me retourne vers elle et son groupe d'amis. Ils sont tous retournés vers moi. Tous sauf un. Ashford Saint dans toute sa splendeur. Aujourd'hui, il a choisi sa première facette qu'il m'a gentiment montré hier pour mon premier jour de rentrée. Celui qui se la joue populo et connard en même temps.

Pourquoi je blablate sur lui ? Il n'en vaut même pas la peine, c'est un connard de riche putain !

J'adresse un sourire amical à Olivia qui me le retourne bien, devant le regard méfiant de Matt.

— Ouais, je m'appelle Nathan. Et toi... c'est Olivia hein ?

Un rictus s'affiche sur mes lèvres pour Matt. Je l'ai dit, j'aime bien la provocation. Et puis, il faut dire que sa jalousie par rapport aux autres mecs se repère à des kilomètres. C'est trop facile de jouer avec ses nerfs. Ah... ça fait du bien.

— Oui c'est ça, je m'appelle Olivia. Tu sais, je suis présidente des élèves... alors si tu as des soucis, tu sais à qui t'adresser. N'hésite surtout pas, je ne mords pas.

Elle rit, puis me sourit d'une façon chaleureuse. Pour lui répondre, j'appuie légèrement sur ma casquette et abaisse la tête. Alors que je m'apprête à reprendre mon chemin vers le lycée, elle me rappelle. Cette fois, je me décide à les rejoindre et m'allumer une cigarette. Olivia vient s'accouder aux rondins en bois, près de moi. Matt nous observe en silence, en se mordant la lèvre inférieure. J'ai envie de lui envoyer une petite pique, mais je me retiens. Je me rappelle que je suis engagé dans les sélections pour le football et qu'il fait partie de l'équipe. Il vaut mieux que je me fasse le moins d'ennemis possibles.

Je me retourne vers Olivia qui me regarde, prête à parler.

— Les garçons m'ont dit que tu tentais les sélections pour intégrer l'équipe de football de notre école. C'est génial.

J'acquiesce sans rajouter un mot. Je tire sur ma cigarette et laisse la fumée glisser devant nous.

— Je suis également capitaine des pompom-girls, donc on sera amené à se croiser souvent, si jamais tu es retenu. Tu as déjà joué au football ?

Matt tourne la tête vers moi, tout en écrasant sa clope par terre. Je sens immédiatement le regard d'Ashford sur moi, comme si la question attirait son attention. D'ailleurs, je ne le vois que trop tard, mais le silence nous borde. Tout le monde a l'oreille tendue vers moi. Ils attendent patiemment ma réponse. C'est évident qu'ils veulent savoir, en sachant que les bourses sont distribuées en fonction de notre place au niveau des matchs joués dans l'année.

Je décide d'être honnête.

— Je n'ai jamais pratiqué le football, sauf si tu considères que regarder les matchs à la télévision marchent comme réponse à ta question.

Olivia rigole tandis que je tire encore une fois sur ma cigarette.

— Pourquoi tu tentes alors ? demande Matt, d'une voix sèche.

Olivia lui lance un regard d'avertissement. Il serre les dents et attend ma réponse. Peut-être qu'il attend de moi que je perde consistance. Pas de bol pour lui, je garde la tête droite, un air hautain sur le visage.

— J'ai tapé dans l'œil de votre Coach.

Matt plisse les yeux.

— Comment ça ?

Sa voix est pleine de venin. J'ai clairement senti le "comment il peut s'intéresser à un morveux dans ton genre ?" dans sa voix. Il aurait fallu que je sois aveugle doublé de sourd pour que ce reproche ne fasse pas tilt à l'intérieur de ma cervelle. Pas de chance, je suis intelligent, moi.

— Il m'a interpellé alors que j'allais rentrer chez moi, et il m'a parlé de l'affiche.

Je pointe celle-ci de la main, accrochée un peu partout, à l'extérieur comme à l'intérieur des bâtiments.

— J'ai dit que je voulais bien tenter ma chance, il m'a presque forcé la main. Et puis, il m'a confié un baby-sitter pour être sûr de mes chances. Le meilleur, qu'il a dit.

Les regards convergent vers Ashford, silencieux depuis le début de la conversation. C'est comme s'il cherchait à se fondre dans la masse. Dommage pour lui, les hostilités ne font que commencer et je peux être un vrai cauchemar quand je décide vraiment de m'y mettre. Il ne sait décidément pas à qui il s'est frotté, mais il ne va pas tarder à le savoir.

— Mec, c'est vrai ce que raconte l'autre petit con ?

Matt a l'air sur le cul. Je jubile à l'intérieur de moi.

— Matt, arrête, s'il te plaît, déclare Olivia. Viens, on va être en retard en cours. En plus je dois passer prendre des trucs dans mon casier.

Malheureusement, son copain ne l'écoute pas. Il fixe durement son meilleur ami qui garde le silence. Je crois que la réponse qu'il attendait tant, ne risque pas de venir de si tôt. Seulement elle se devine facilement.

Avant de rejoindre Olivia, pour rentrer à l'intérieur, Matt bouscule Ashford. Il lui murmure quelque chose mais je n'arrive pas à entendre quoi. Puis, il passe devant moi en n'oubliant pas de me fusiller du regard.

— N'en fais pas toute une histoire Mattie, Ash est très doué dans ce sport et il peut apporter beaucoup à Nathan s'il veut entrer dans l'équipe. En plus, ça vous ferait un coéquipier en plus, c'est bon à prendre pour la saison, tu ne penses pas ?

Matt lui répond par un grognement.

Je regarde le couple disparaître à l'intérieur du bâtiment, puis vient le tour des autres joueurs. Très vite, je me retrouve seul avec Ashford. Je l'observe piétiner sa cigarette contre le sol, avec hargne. Puis, enfin, ses yeux rencontrent les miens. Ils sont plus foncés cette fois, comme s'ils étaient capables de traduire sa colère en renforçant leur couleur. Ou est-ce moi qui suis fou ? Ouais, je crois.

Il s'avance vers moi, la démarche tranquille, avant de me prendre par le col de mon haut, tout comme mon père, hier soir. Je reste à le fixer. Pendant quelques secondes, il ne dit rien, il me jauge.

— Moi qui voulait être gentil hier soir, pour une fois.

Il s'humidifie les lèvres.

— Mon père m'a conseillé d'essayer de bien me comporter avec les autres, avec les nouveaux. "Fais-toi plus d'alliés que d'ennemis, tu en auras besoin pour la suite" il m'a dit. Tu fais décidément partie de la deuxième catégorie, Nathan.

Lorsqu'il prononce mon prénom, on dirait qu'il a envie de me frapper. De me cogner tellement fort.

— Mais tu sais quoi ? Je m'en fous, j'en ai rien à battre de toi. Matt est mon meilleur ami et mon équipe me connaît. C'est certainement pas un petit gars dans ton genre qui va me la foutre à l'envers.

Ashford rapproche dangereusement son visage du mien. Nos nez se frôlent.

— Je vais t'apprendre les bases... sauf que tu ne rentreras pas dans l'équipe. Dommage pour toi, mais tu resteras un minable toute ta vie minus.

Il me lâche brutalement. Un rictus amer s'affiche sur ses lèvres.

— Moi aussi, je peux être ton pire cauchemar, Nathan.

— Tu me fais pas peur, Ashford.

Je maintiens nos regards, jusqu'à ce qu'il parte.

— Première leçon Forman : ferme-la.

Je souris sans en prendre conscience, puis très vite, je montre l'escalier qui mène à la porte, prêt pour aller en cours.

*

* *

N'ayant pas d'affaire pour jouer au football, le Coach m'en prête. Une fois le pantalon moulant, les chaussures à crampons et le haut aux couleurs de l'équipe, enfilés, je coure vers le terrain. De loin, en portant ma main en visière sur mon front, je vois Ashford mettre en place quelques activités. Comme des sortes de matelas rouges ou alors des piquets autour desquels, je présume, je vais devoir slalomer.

Il a l'air concentré sur sa tâche.

— Prêt pour ton premier entraînement, gamin ?

Le Coach me jauge de toute sa grandeur.

— Oui, Monsieur.

— Je préfère que mes joueurs m'appellent Coach.

— Très bien, Coach.

Il secoue la tête en signe d'approbation.

— Apprends bien et vite. Ashford te consacre tout son temps.

Je jette un coup d'oeil à Ashford qui est maintenant en train de plaisanter avec Matt. Ils ont l'air de m'avoir aperçu puisque leurs regards se tournent vers moi. J'aimerais bien savoir ce qu'ils se disent mais je suis bien trop loin. Et puis, je m'en fous en fait.

— En piste, Forman !

Je commence à trotter sur la pelouse pour rejoindre Ashford et Matt. Je crois que Matt n'a toujours pas digéré la petite conversation de ce matin, puisqu'il me regarde froidement. Je l'ignore.

— Bonne chance mec.

Matt court vers ses coéquipiers qui s'échauffent pour leur session.

— Alors comme ça, tu consacres tes heures de football, rien que pour moi, je ricane.

Ashford arbore une visage impassible.

— On va commencer par trois tours de terrain, à une allure soutenue. J'espère que tu es bon en endurance.

Sa voix est neutre, sans ton.

Sans plus tarder, il se dirige vers les pistes et commence à courir. Très vite, je le suis, un train en arrière. Je ne veux pas dévoiler mes premières cartes dès le début. Le suspense, c'est très bien.

Après les trois tours de terrain, Ashford revient vers le milieu, dans l'herbe fraîche. Il me montre les différents exercices que nous allons effectuer. Bizarrement, je me trouve plutôt attentif. J'écoute et je refais exactement ce qu'il me dit. Lorsque mon tour vient pour les activités, comme courir le plus vite possible entre les piquets ou foncer épaule et buste en avant vers le matelas debout, j'y arrive sans trop de difficultés. J'aperçois même un léger sourire se dessiner sur les lèvres d'Ashford. Gardant en mémoire cette image pour moi, je continue à persévérer dans les autres exercices.

Je ne vois pas le temps passer. Notre entraînement a duré plus qu'il ne le devait. Les autres sont partis depuis longtemps, seul le Coach est assis dans les gradins, à nous observer avec insistance. Il n'a raté aucun moment.

La nuit s'affiche déjà, même si le soleil n'est pas totalement couché. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, mais je suis sûr d'une chose, mon père va me défoncer pour l'heure tardive. Je sens que je vais morfler ce soir, sous les coups de ce connard.

À grande vitesse, j'aide Ashford à ranger le matériel, puis je me sauve vers les vestiaires. J'attrape mon sac sans prendre la peine de me doucher, je le ferai une fois chez moi. Je croise Ashford dans les couloirs. Il me regarde, un soupçon de suspicion dans le regard. J'inspire et j'expire fortement. Ma langue me brûle lorsque je prononce :

— Merci.

Ashford grimace avant de répondre, lui aussi, la langue en feu, à mon avis.

— Tu te débrouilles bien. D'ici quelques semaines, tu seras encore meilleur.

Je plisse les yeux, pas sûr de bien interpréter ses paroles.

— Tu seras un bon élément, comme le dit le Coach.

Je secoue la tête avant de courir vers la sortie pour revenir le plus vite possible chez moi. Pendant le trajet jusqu'à la maison, je ne cesse de repenser à la dernière phrase qu'a dit Ashford. Peut-être que je serai un bon élément pour l'équipe, mais encore faut-il que je réussisse à me faire une place et ça, ce n'est pas gagné. D'autant plus si c'est Matt le capitaine de l'équipe de football américain de l'école.

******

Hey ! Voici le troisième chapitre de mon homoromance ! J'espère que vous avez aimé ! J'attends avec impatience vos ressentis en commentaire. Et rendez-vous au prochain épisode ! Encore merci aux personnes qui prennent le temps de lire mon histoire et me laisser des commentaires. Bisous.

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