1. Let's fight

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Nathan

 Je visse ma casquette grise sur ma tête et replace mon sac-à-dos sur mes épaules. Avec mon haut sans manches décontracté et mon pantalon troué aux genoux, je ne ressemble à personne dans ce lycée. Tout le monde est habillé de manière soignée, enfin en tout cas, ils essaient de faire un effort. C'est peut-être pour cette raison que le gars là-bas, entouré de sa horde de serviteurs, me fixe étrangement. On dirait que ses yeux veulent me fusiller sur place. Pas de chance pour lui, il va devoir me supporter une année entière dans son bahut.

Parce que j'aime la provoc' et que j'ai bien besoin de fumer un peu, moi aussi, je m'approche d'eux. J'adopte une démarche souple, le corps détendu. Ils ne me font pas peur avec leur attitude de caïd. Ce ne sont que des fils à papa qui visent à faire chier leurs parents. Moi, si je fume ou si je bois ce n'est pas pour faire chier mes parents, mais parce que c'est une nécessité quelques soirs, une question de survie. Quelque chose qu'ils ne peuvent pas comprendre.

Je m'assois sur les barrières en bois à quelques pas de leur groupe. Sans attendre, je sors une cigarette de ma poche que j'ai roulée ce matin. Mon briquet dans l'autre main, j'allume la mèche. Une première bouffée et je me sens bien.

J'arrive à sentir le regard insistant du petit chicos qui me colle à la peau. Je les ignore, déjà dans ma bulle. Leurs rires ne m'atteignent même pas. Malheureusement, le plaisir du silence et de la solitude ne dure pas longtemps. Une fille rousse vient s'installer à côté de moi. Elle allume sa clope sans un regard pour moi. Nous ne parlons pas.

Par un léger regard de biais, j'observe qu'elle est habillée, elle aussi, sans trop de fioritures. Elle porte des collants troués en-dessous d'un short en jean, et un t-shirt banal. Ses converses sont bousillées comme les miennes, d'ailleurs. Mais bon, ce sont les seules chaussures à peu près sortables pour moi.

— Sympas tes converses. Aussi originales que les miennes.

Sa voix est douce. Comme celle de ma mère lorsqu'elle va bien.

— On peut dire ça.

Je prends une grande bouffée de nicotine, en observant les lycéens qui marchent sur la grande avenue.

— Tiens voilà la pimbêche.

Je fixe mes yeux sur la fille brune qui s'approche tout sourire près du groupe de gars qui n'a pas l'air de m'aimer. Je me penche légèrement pour voir qu'elle embrasse un des amis du petit chicos. Puis, c'est son tour. Elle le salue en lui faisant la bise. Il lui offre un clin d'oeil. Celui qui doit faire tomber toutes les filles dans un périmètre assez grand.

— Elle s'appelle Olivia et c'est la petite copine de Matt, un des joueurs de l'équipe de football du lycée. C'est le meilleur ami de Ash, Ashford Saint, le quarterback.

Je détourne les yeux pour observer la rousse près de moi, qui a parlé. Très vite, elle soupire en roulant des yeux.

— Tu te rends compte ? Je connais tout d'eux alors que j'en ai rien à foutre de ces petits riches, future élite de New York.

— Future élite de New York, rien que ça ? Bah merde.

Je ris en finissant ma clope. Aussitôt, elle me présente sa main.

— Je suis Iliana, mais tout le monde m'appelle Roussette et ça les fait rire. Et toi ?

Je prends sa main dans la mienne. Cette fille a de la poigne et j'aime ça.

— Nathan, et je ne sais pas encore quel surnom ils vont m'attribuer alors bon...

Iliana me sourit radieusement avant de se retourner, les joues légèrement rouges. Elle finit aussi sa cigarette et l'écrase contre le sol grâce à sa converse.

— Ton physique va les dissuader de toute insulte, je pense.

Je plisse les yeux.

— Mon physique ?

Elle écarquille les yeux.

— Si tu ne perce pas dans le business à New York, le mannequinat est sans doute ta voie.

J'éclate de rire, ce qui me vaut des regards tueurs de la part de toute l'équipe de football près de nous, et un regard gênée de Iliana. On dirait qu'elle ne sait plus où se mettre alors que moi, je me moque totalement de leurs regards à deux balles. Personne ne me fait peur. Il n'y a que la nuit que je redoute. Et quand on sait ce que j'ai vécu et comment les gens se comportent dans mon quartier, on comprend tout de suite pourquoi.

— Plutôt crever que d'être mannequin.

— Pourtant tu t'en sors plus que bien niveau fric.

Je lève les yeux au ciel. On est bien parti pour que cette fille devienne mon amie. Elle est drôle et je l'aime bien.

— Le fric ça pourrit les gens.

— Tu n'as pas tord Nat.

Soudainement, elle me prend par la main.

— Et si je te faisais visiter notre chère école ?

— On est parti.

Je la laisse m'emmener vers la grande porte d'entrée de l'école. Sur le chemin, lorsque nous passons devant la clic des chicos, mon regard s'attarde toujours sur le même. Il a déjà fini sa cigarette et me jauge du regard, comme on jaugerait une marchandise. Puis, il crache sur le sol. La brune, Olivia, lui jette un coup d'oeil, curieuse. Immédiatement, elle suit son regard vers moi. Un sourire se forme quand ses yeux verts se posent sur les miens.

— C'est parce que tu as de la concurrence auprès de la gent féminine, Ash, que tu craches tes glaires par terre comme un malpropre ?

Le concerné se retourne vers Olivia. Il lui sourit d'un air dangereux.

— Je crois que tu as confondu une provocation avec un simple crachat.

— Je ne crois pas...

Il la coupe sèchement. Sa langue claque contre son palais.

— Tu dégages si ça te plaît pas, Olive.

Iliana me tire vers elle à ce moment-là, mais j'arrive tout de même à voir le petit chicos — Ashford Saint — prendre ses affaires et partir à une allure vive. Matt le suit, un air furieux sur le visage.

— T'occupe pas d'eux Nathan. Une fois que tu leur accordes de l'importance, ils ne te lâchent pas, crois-moi.

Je secoue la tête, en lui montrant la structure d'un coup de tête. D'un pas décidé, nous franchissons l'entrée.

*

* *

Ma première journée se passe bien, sans accroches. Je ne revois pas Ashford Saint et son meilleur ami, hormis pendant les cours. Dans un sens c'est une bonne nouvelle. Les voir commençait à me donner mal à la tête.

Avant de partir, je salue Iliana et Joah, un gars avec qui elle parle parfois, qui habite dans le Queens. Puis, je pars en direction de la maison. Lorsque je passe à côté du coin fumeur, je remarque une affiche. Une affiche qui parle du football au lycée. Apparemment le Coach recherche des joueurs.

Je vois ensuite, qu'il est écrit en plus petit que le football permet de collecter une bourse pour les études supérieures, en fonction du classement de l'école. Bien sûr, si je fais ça ce n'est pas pour les études que l'argent servira mais pour me payer un apprentissage dans le salon de tatouage de Todd. À chaque fois que je l vois tatouer, ça me donne des frissons. J'ai envie de faire la même chose. En plus, j'adore dessiner depuis gamin.

Tout à coup, je me retrouve à mémoriser le plan qui nous emmène jusqu'au terrain de football. Après quelques minutes de marche, les mains dans les poches, je passe une grande grille blanche qui donne sur des gradins. Des groupes de filles sont assis sur les bancs blancs, à pouffer comme les adolescentes qu'elles sont. Je choisis une place au fond, pour que personne ne remarque ma présence. Je suis là pour observer comment une session se passe.

Ma mère me dit depuis que je suis enfant que le sport c'est ma catégorie. Elle n'a pas tord, je me débrouille plutôt bien voire même très bien quand le sport m'intéresse. Dans mon quartier, on joue souvent au basketball ou au handball avec les autres gars. Le football, je n'ai jamais essayé. Le regarder à la télévision, c'est tout ce que j'ai fait jusqu'à présent.

Au bout d'une seconde à peine, je reconnais Ashford et Matt sur le terrain. En les voyant dans leurs habits de football, je dois avouer qu'ils sont bien plus intimidant que ce matin. Mais ils ne me font toujours pas peur. Même si Ashford Saint m'a l'air plus musclé que moi au niveau des cuisses et des bras, il ne m'inspire pas la crainte.

Pendant près d'une heure, je les regarde jouer. Je dois dire qu'ils se débrouillent plutôt bien, même si le Coach passe son temps à leur gueuler dessus. Les mouvements sont fluides et Ashford construit bien l'attaque que son équipe doit jouer. Enfin, si je me réfère aux jeux à la télévision, avec les plus grands.

Lorsque le terrain se libère enfin et que les joueurs disparaissent dans les vestiaires, je me lève, prêt à repartir chez moi et réfléchir à cette bourse.

— Eh gamin !

Je fronce les sourcils, en me retournant vers le Coach. Il me montre du doigt avant de me faire signe d'avancer. Sans plus tarder, je saute les marches puis je me retrouve devant lui. Il est plus grand que moi et sa carrure me révèle qu'il s'agit d'un ancien joueur de football et sûrement très important dans son équipe. Son air est sévère. Il ne me sourit pas, non au lieu de ça, il m'observe attentivement.

— T'as vu l'affiche gamin ?

Je secoue la tête positivement.

— Tu pourrais répondre. Si la nature t'a doté d'une langue c'est pour t'en servir.

— Oui, je l'ai vu.

Il pose son calepin sur une petite table près de lui et relève un peu sa casquette.

— Et alors ? Est-ce que ça t'intéresse de tenter ta chance, gamin ?

Alors que je m'apprête à répondre, j'entends plusieurs rires retentir près de nous. J'entends même une voix — que certes je n'ai entendu qu'une seule fois ce matin — que je reconnais. Mes yeux se figent sur Ashford et Matt qui se bousculent amicalement, suivit de très près par leur coéquipiers.

— Gamin ?

Je secoue la tête pour reporter mon attention sur le Coach.

— Pourquoi pas.

Le Coach opine de la tête avant de regarder dans la direction de Ashford et Matt.

— Ashford ! il crie.

À cet instant précis, Ashford Saint se retourne vers nous. Son regard s'attarde sur moi, l'espace de quelques secondes, puis il se concentre sur le Coach qui a pris une pose autoritaire.

— Ramène tes fesses par là, j'ai besoin de toi.

Je vois Matt poser une main sur son épaule en signe de soutien. Je serre les dents.

— Connard, je chuchote tout bas.

Le Coach se retourne vers moi, des yeux perçants. Je déglutis difficilement.

— Ce petit est le meilleur, déclare t-il, en parlant d'Ashford Saint.

Très vite, Ashford arrive vers nous, son sac en bandoulière contre son épaule. Il sent le citron, ou alors ce sont ses cheveux ? Ses cheveux bruns mouillés qui font des petites bouclettes. Elles s'attardent sur son front.

Pourquoi je remarque ça moi ?

— Ce gars... quel est ton nom déjà ?

— Nathan. Nathan Forman.

Le Coach reprend.

— Nathan aimerait essayer les sélections. Tu t'occupes de lui.

Ashford grimace tout en acceptant.

— Très bien. Bonne soirée les jeunes.

Je le regarde partir avant de me retourner vers Ashford, qui est toujours à côté de moi. Je fronce les sourcils, voyant qu'il a quelque chose à me dire.

— Écoute mec, je veux bien t'aider un minimum pour les sélections, mais on deviendra jamais amis, toi et moi. Tout le monde pense que tu vas me voler la vedette mais j'ai rien à craindre d'un gars dans ton genre. Je veux bien être gentil pendant ta période mais c'est chacun sa merde, OK ?

Je m'approche de lui. Nos nez se frôlent. Son odeur de citron vient m'envahir.

— Qui t'a dit que je voulais devenir ton ami ?

Il rit amèrement.

— Tout le monde veut traîner avec moi, Forman.

C'est à mon tour de rire. Sarcastiquement.

— Parce que t'es un saint ?

Il m'adresse un sourire de petit con. Je ne tique même pas une seconde.

— Tu essaies de jouer dans l'humour, Forman ? Ici, ça marche pas. Ici, chacun reste à sa place, c'est compris ?

Je me recule pour l'observer dans les yeux. Il a des yeux marrons basiques mais qui je suis sûr, font fondre toutes les minettes sur son passage. Pourtant, tout chez lui est irritant au possible. Je ne comprendrais jamais les filles qui tombent pour des gars dans son genre, qui se la racontent à longueur de journée. C'est chiant. Emmerdant.

— J'ai capté le chicos !

Puis avant de le planter ici pour retourner chez moi, je crache un gros mollard à ses pieds. Les compteurs sont remis à zéro ce soir.

*****

Hello tout le monde ! Je me lance dans l'aventure Scribay avec mon homoromance ! Vous avez pu faire connaissance avec Nathan et Ash avec ce premier chapitre ! J'espère que avez aimé me lire. À très vite pour la suite.

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