La Croix

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 Période très étrange que la rémission d’une morsure vampirique. Après un mois, Jamal n’était pas tout à fait sûr d’en être vraiment revenu. Bien sûr il n’avait plus d’hallucinations, il avait même pu reprendre le sport mais il se sentait à côté de la plaque, comme absent de sa propre vie.

 Sir Hawke avait reçu un blâme pour son audace mais son coup d’éclat avait fonctionné, Charles et lui avaient déjà passé plusieurs entretiens peu concluants avec des chevaliers oints impressionnés par leurs exploits. Jamal n’avait aucune envie de travailler pour un type qui serait bien incapable de lui apprendre quoi que ce soit tant il serait occupé à soigner son image en se gavant de petits fours. L’un d’entre eux, Sir Eustache Lake, le neveu du président de la chambre des Lords, était même parvenu à prouver à Jamal qu’il ne savait rien du fait qu’il existait diverses espèces vampiriques. Ce fut à ce moment que les paroles de Leeroy lui étaient revenues en mémoire « un laquais, incapable ne serait-ce que de crever ailleurs qu’à la botte de son maître ». Il ne voulait pas passer sa vie à brosser le tapis rouge pour ménager la semelle d’un gros bambin ignare de quarante ans passés bien incapable de déployer l’épée qu’on lui avait confié. Il voulait servir Dieu et sa création en y maintenant l’ordre et en empêchant les ténèbres de s’étendre. Il n’avait plus envie de poursuivre ces entretiens avec des pontes de salons aux titres ronflants qui l’assommeraient de leurs anecdotes mondaines et lui demanderaient sans honte d’aller se battre à leur place.

 L’existence l’épuisait, il ne se levait le matin que par habitude, parce que son corps était bien éduqué et agissait sagement, comme une machine bien huilée en attendant que son esprit ne se mette en marche. Il se levait à l’Aube, s’habillait, allait courir, se lavait, mettait son uniforme, déjeunait, partait en cours ou à la bibliothèque en fonction de ce qu’Archibald faisait ce jour-là.

 Archie était son sémaphore et prenait ce rôle très au sérieux. Il prenait tout les matins le temps d’ajuster sa cravate et ses cheveux, de s’assurer qu’il avait dans sa sacoche le matériel nécessaire pour ses leçons de la journée. Jamal le suivait docilement sans jamais poser de questions, comme un enfant peut suivre sa mère à travers une foule.

 Jamal admirait la patience et le dévouement de son ami. Archibald ne le brusquait jamais, il lui parlait avec douceur, lui frôlait l’épaule pour lui indiquer qu’il leur fallait partir, s’assurait qu’il mange bien. Il rendait supportable le brouillard et la migraine permanente dans lesquels Jamal passait ses journées.

 Le reste du monde autour d’eux ne se montrait pas aussi clément. Charles ne le regardait même plus, Jamal avait essayé de lui parler de la chanson des lacets mais son camarade avait baissé la tête et avait changé de place en marmonnant qu’il n’avait pas de temps pour ça. Léo continuait de l’appeler « Tandoori » et de lui mettre un coup de poing dans l’épaule à chaque fois qu’ils se croisaient et Leeroy le regardait fixement comme s’il avait des cornes qui lui poussaient sur le front.

 Les autres aspirants et écuyers, tous les autres, pour peu qu’Archibald ne s’éloigne cinq minutes, venaient le secouer comme un prunier en beuglant « champion ». Ce n’était pas vraiment pour le féliciter puisqu’ils s’amusaient aussi à l’appeler « le vétérinaire » en se relayant l’histoire du loup-garou de l’examen. « L’homme qui murmurait à l’oreille des abominations » était le titre qui avait été gravé au canif sous son nom sur la porte de sa chambre.

 Jamal aurait probablement été blessé par ce type d’attentions s’il n’avait pas passé ses jours et ses nuits à planner à dix pieds du sol.

- Singh ! L’aborda vivement Sir Hawke alors qu’il quittait la bibliothèque en suivant mollement Archie. Le père de Van Helsing vient d’envoyer un colis pour toi. Ça vient tout droit d’Antarctique, y’avait une lettre avec.

 Le maître d’Armes lui lança un paquet de la taille d’une pomme, grossièrement entouré d’un épais ruban adhésif sur lequel était collé un visa d’expédition. Il lui remit la lettre plus calmement.

- Va dans mon bureau si tu veux lire au calme. Lui intima-t-il en chassant d’un geste de la main Archibald qui s’approchait en protestant.

- Bien Sir. Répondit Jamal docilement. Mais j’ai un cours de prévu avec Miss Galaway…

- Tu crois que la grammaire va changer si tu manques une leçon ? File, Bryant va la prévenir. Hein Bryant ?!

 Sir Hawke brusqua Archibald d’une tape sur l’épaule et fit signe à Jamal d’aller dans son bureau.

 Une fois installé dans l’étroite pièce encombrée d’antédiluviens meubles de chêne massifs. Le jeune homme posa son sac au sol et s’assit sur le fauteuil râpé qui faisait face au bureau de son maître d’Armes. Il n’attendit pas que son professeur le rejoigne et ouvrit immédiatement l’enveloppe qui accompagnait le paquet.

 Une écriture nerveuse en déliés étroits disait ceci :

« Cher Jamal,

Votre Grand-Père souhaitait que je vous remette ceci lorsque vous serez en âge de l’avoir. Me sont parvenus les récits de vos exploits avec Charles, portez-le avant d’être mort. Surtout ne le montrez à personne. Il n’obéira qu’à vous mais méfiez-vous de lui. Vous me semblez être un garçon raisonnable, restez-le.

Dites à Charles que je vais bien, mon encre gèle, je ne peux écrire plus.

Sir Tobias Van Helsing. »

 Jamal tendit l’oreille, il entendait Sir Hawke parler avec le professeur d’Histoire dans le couloir. « Mais enfin Wilbur, soyez raisonnable, nous avons besoin d’une nouvelle cafetière en salle des professeurs, ce n’est pas parce que vous ne buvez pas de café que… » L’argumentaire se poursuivait sur le fait que les professeurs de matières classiques n’avaient pas à enchaîner les nuits blanches et les réveils à l’aube mais qu’un bon café assurait la survie de leurs collègues. Sir Hawke ne serait probablement jamais le représentant d’un syndicat enseignant à l’ouïr de son agacement patenté qui basculait vers l’insulte. Cela laissait le temps à Jamal de dépiauter son paquet à l’abris des regards. Il saisit une paire de ciseaux dans le secrétaire de son professeur et attaqua le ruban adhésif sans subtilité. Il se doutait bien de ce que contenait le paquet mais il n’y cru qu’une fois son héritage au creux de sa main.

 Arrache-cœur lui brûlait la paume, son rubis luisait de tourments de sang. L’épée de Sir Karan, celle qu’il avait porté autour de son cou jusqu’à son dernier souffle. Jamal, dans un réflexe idiot, porta le médaillon contre ses lèvres et le huma, il sentait le métal. A quoi s’attendait-il ? Il n’aurait pas retrouvé l’odeur de l’eau de Cologne de son grand-père après autant de temps. Pourquoi aurait-il ne serait-ce que voulu la sentir ? Pour s’imaginer se faire rosser une dernière fois ?

 Les pas de Sir Hawke qui s’approchaient le pressèrent et Jamal passa simplement la chaîne autour de son cou avant de la cacher sous son col, l’épée dissimulée derrière sa cravate. Il reprit place comme si de rien était, des sueurs froides dans le dos à l’idée de devoir mentir à Sir Hawke sur le contenu du colis.

- Pardon Singh, mes collègues sont buttés parfois, c’est dingue ! Alors, ce colis ?

 La bouche entre-ouverte, Jamal cherchait quelque chose à lui répondre tout en regardant les débris du paquet.

- Nom d’un chien, Tobias… Soupira profondément Sir Hawke. Je suis désolé fiston, c’est un bon gars mais par moments il est encore plus à l’Ouest que son fils. Il a dû oublier de mettre ce qu’il devait t’envoyer dans le paquet. Je vais lui écrire pour lui signaler si tu veux…

- Non Sir, ça ira…Balbutia Jamal. Sir Van Helsing m’a tout expliqué dans sa lettre, c’est exactement ce que mon grand-père souhaitait me transmettre.

 Jamal s’appliqua à soigneusement rassembler les restes du paquetage sous le regard effaré de son maître d’Armes. Il les posa dans sa corbeille à papiers et plia la lettre du père de Charles pour la ranger dans son agenda.

- Sir, m’autorisez-vous à retourner en classe ? Demanda-t-il en refermant son sac.

- Oui. Souffla Sir Hawke avec lassitude en passant ses gros doigts caleux dans ses cheveux grisonnants.

 Jamal était pressé de sortir de son bureau de peur qu’il ne remarque l’épée sous ses vêtements. Il jeta son sac sur son épaule et sortit sans se faire prier. Il avait déjà remonté la moitié du couloir vers sa salle de classe lorsque Sir Hawke l’interpella.

- Attends !

 Mince ! Il avait dû le voir, ou alors il avait remarqué un détail dans l’assemblage de papier journal et de ruban adhésif qu’il avait jeté dans sa corbeille qui allait le trahir.

 Jamal se sentit grincer des dents, Arrache-cœur lui semblait incandescente sur sa poitrine, pas moyen que Sir Hawke ne la remarque pas. L’homme se dirigea vers lui d’un pas décidé, ses yeux gris animés par une colère lointaine, ses joues creuses crispées de mécontentement. Jamal sentit monter dans ses yeux des larmes de culpabilité, n’était-ce pas là la pire chose qu’il puisse faire ? Mentir à une personne qui lui faisait profondément confiance, quelqu’un qui l’avait formé, qui avait pris des risques immenses sur un coup de poker pour assurer son avenir.

 La main de Sir Hawke tomba lourdement sur son épaule et le tira vers son poitrail d’ours. Il le sera contre lui et lui frotta le dos dans une tentative maladroite de geste tendre.

- Ton Grand-père était un salaud. Lui grommela le chevalier. Tu es un bon garçon Singh, tu seras un grand chevalier, n’en doute jamais.

- D’accord Sir. Se mit à trembler Jamal, anxieux à l’idée que Sir Hawke ne découvre son épée.

 Son maître d’armes le relâcha et lui ébouriffa les cheveux, l’air paternellement ému. Il lui fit signe de retourner en classe et Jamal fit demi-tour, raide comme la justice pour rejoindre sa classe de Littérature.

- Je suis navré Miss Galaway. S’inclina-t-il en entrant aussi doucement que possible.

- Oh, allons, ce n’est rien, parfois le deuil affecte notre vie de manières bien surprenantes. Installez-vous Jamal. Je vous donnerai une copie du cours à la fin de l’heure, vous passerez me voir si vous avez des questions. Nous poursuivions notre lecture de La Reine des Fées, le troisième Chant du cinquième livre. Page six-cent-vingt-cinq de votre édition. Léonard, pouvez-vous reprendre la lecture je vous prie. En n’oubliant pas que vous lisez du Spencer et pas l’annuaire des télécoms, mettez-y un peu de rythme, faites vivre la musique du texte. C’est un poème épique après tout !

 Sir Galaway était connu pour savoir rendre n’importe quel sujet barbant, son épouse était tout le contraire. Manifestement passionnée par son sujet, elle enseignait avec beaucoup de patience et de dynamisme et se donnait à corps perdu dans ses lectures quitte à faire répéter certains passages. Pour l’heure elle servait de métronome à Léonard en cognant régulièrement ses phalanges sur le coin de son bureau pour lui faire garder la mélodie du poème. Ses lèvres frémissaient silencieusement sur sa lecture, savourant chaque syllabe. Jamal finit par se laisser porter par le texte malgré la monotonie de la voix de Léonard. Il se laissa glisser à nouveau dans l’état semi-comateux qui était devenu son quotidien depuis la morsure, oubliant même qu’il portait la lame de Sir Karan autour du cou. A la fin du cours, alors qu’ils reprenaient le chemin de la maison des aspirants, il s’approcha de Charles pour lui passer le bonjour de son père.

- Merci, c’est gentil. Hésita Charles avant de le fuir.

 Une profonde fatigue envahit alors Jamal. Il allait s’allonger un peu avant le dîner. S’allonger et profiter du silence quelques temps avant de retrouver le brouhaha et les bousculades à la table du dîner. Il monta dans sa chambre sans répondre aux questions d’Archibald. Il aurait dû s’arrêter par politesse mais il n’en avait plus la force.

 Sur la porte de sa chambre, une chauve-souris avait été clouée, les ailes écartées, son petit ventre velu fendu de haut en bas. S’ils avaient seulement dégradé l’un des modèles empaillés de la réserve zoologique, Jamal aurait pu le pardonner. Cependant, cette bande de malades était aller décrocher la pauvre bête de Dieu seul savait où pour la torturer et la crucifier. Dans quel but ? Salir une porte ? Insulter quelqu’un ? Jamal décrocha la pauvre créature éventrée et lui croisa les ailes sur le ventre pour l’empêcher de se répandre sur le sol. Cette petite bête faisait à peine la taille d’un doigt, quel courage de la part des écuyers de l’Ordre de Saint Georges. Passer d’occire les dragons à mutiler les pipistrelles, c’était glorieux.

 Il enveloppa la chauve-souris dans un mouchoir qu’il noua soigneusement et posa sur le bord de son bureau avant de nettoyer sa porte et les lames de parquet sur lesquelles ce sinistre présent avait coulé. Il se lava ensuite les mains dans le petit lavabo de sa chambre, ferma sa porte à clés et s’effondra sur son lit. Il enterrerait la chauve-souris tout à l’heure avant le dîner.

 Le visage dans son oreiller, Jamal se laissa sombrer. Il sentait le soleil lui brûler la nuque, le sable lui fouetter la peau, le goût du sel sur ses lèvres craquelées. Le monde basculait, le crépuscule saignait les cieux et les cieux coulaient sur ses pieds. Dieu, les diables, debout dans un marécage sanglant. Il avançait sans voir son corps, il se sentait seulement buter contre les os. La chair putréfiée qui collait à sa peau, l’odeur entêtante du fer qui montait et assit sur une pierre les yeux froids, profonds, qui le happaient.

 Les yeux de Sir Karan sur la face d’un lion. Un lion décharné, gris de son âge et de la poussière des champs de bataille, un lion qui tourna lentement sa face vers lui. Il voyait tout, il savait tout, il le jugeait aussi durement que l’avait jugé Sir Karan.

 Il entendait son nom, la voix puissante, caverneuse qui lui déliait des mantras, en hindi, en arabe. Jamal n’avait jamais appris ces langues mais leur sens parvenait à l’atteindre, elles l’atteignaient parce qu’elles provenaient de sa tête, parce qu’elles résonnaient dedans comme un chant dans une cathédrale.

« Tu ne comprends rien fils, tu ne comprends rien, je vais te faire entendre. »

« Fils, fils, tu es le Serviteur, ne t’incline pas devant le mauvais maître. »

« Fils, l’œuvre se fera par ta main, ne tarde plus, ne tarde plus, avance, je te guiderai, tu bâtiras les nouveaux chemins des Hommes. »

 Jamal s’éveilla en nage, le souffle court, la nuit était tombée. Arrache-cœur pesait sur sa poitrine à l’étouffer. Il la saisit, la porta à ses lèvres, huma son parfum de fer. Le lion, il ne lui était pas étranger, son regard et celui de Grand-Père ne faisaient qu’un. La lettre de Sir Van Helsing lui demandait de rester raisonnable, il avait dû rêver. Sa journée avait été riche en émotion après tout, il ne devait pas se laisser prendre à des délires mystiques à chaque fois qu’il cauchemardait après avoir pensé à Sir Karan.

 Les lames qui murmuraient à l’oreille de leur porteur ça existait, elles s’appelaient Excalibur, Galuth, Durandal… C’étaient des lames de légendes qui possédaient une conscience propre et pouvaient choisir leur porteur. Arrache-cœur pouvait-elle en faire partit ? Il n’était pas impossible que Sir Karan y ait enfermé un esprit malin pour pouvoir user de son pouvoir pour combattre les ténèbres. Pas de conclusions hâtives, il allait écrire à Sir Van Helsing pour lui demander plus de renseignements sur cette lame.

 Il se leva, se passa le visage à l’eau fraîche et récupéra la chauve-souris pour aller l’enterrer. Il passa par la cabane du jardinier pour récupérer une bêche et s’enfonça dans le bosquet le plus proche. Il choisit un bel orme pour installer la sépulture de la petite bête et creusa profondément pour qu’elle ne soit plus embêtée par qui que ce soit.

 Il prit une minute pour se recueillir avant d’aller ranger son outil et de rejoindre la table du dîner où il fût accueilli avec des aboiements et des sifflements tentant d’imiter ceux des chauves-souris.

- Alors Singh ? T’as enterré ta fiancée ? Elle était belle hein ?! Se moqua un écuyer dont Jamal ne connaissait même pas le nom.

- Il s’est enfermé avec elle dans sa chambre, la nuit de noce est consommée les gars ! Beugla un second.

- Ferme ta gueule ! Bondit Archie, les oreilles rouges de rage.

- Laisse tomber. Le calma Jamal en prenant place à table.

 Il n’avait pas envie de se soucier d’eux, c’étaient des lâches et des imbéciles désœuvrés. La seule chose qui pouvait l’atteindre était qu’ils seraient un jour chevaliers et qu’ils demanderaient à un pauvre aspirant de s’acquitter de leur devoir pendant qu’ils se goinfreraient à un brunch quelconque. L’idée que des déchets pareils se retrouvent oints, ça lui filait la gerbe ni plus ni moins, enfin, avec un peu de chance ils finiraient par prendre en maturité et par mériter ce titre au-delà du fait d’être né dans la bonne famille.

 Alors qu’il allait entamer son assiette de pâtes, un des gars de la chauve-souris se pencha pour cracher dedans. Jamal poussa un soupire, se leva et débarrassa sa place. En plus ils gaspillaient la nourriture.

 Des bruits de disputes le sortirent de son anesthésie. Archibald était passé au-dessus de la table pour se battre avec ces crétins. Deux contre un avec les autres imbéciles autour qui les encourageaient. Jamal posa son assiette dans le bac prévu à cet effet et tenta de tirer Archie de la situation indigne dans laquelle il s’était fourré.

 Les deux étaient aussi forts que bêtes et tapaient aveuglément. La pommette en sang Jamal se contentait de repousser sans répliquer en essayant de convaincre Archie de ne pas surenchérir. Si Léonard avait pu venir les aider ça aurait été apprécié. Cependant, il semblait que l’héritier de la noble famille Alistair ne se sentait pas de se frotter à deux garçons plus vieux et plus costauds qu’eux. Au bout du compte le maître d’Armes des écuyers dû intervenir et les congédier dans leurs chambres. Leurs opposants, dénoncés par leurs camarades, qui avaient au moins le mérite de l’honnêteté, partirent faire un tour dans le bureau du doyen.

- Jam’, qu’est-ce qu’il se passe dans ta tête ?! Pourquoi tu te laisses faire comme ça ?! Se scandalisa Archie en essuyant son nez écrasé.

- Et toi depuis quand tu te bats avec les autres ? Si je t’avais laissé faire tu serais en train d’attendre dans le bureau du doyen pour te faire tirer les oreilles. Répliqua Jamal.

- Mais bordel Jam’ ! Fais-toi respecter un peu ! Secoues-toi ! Tu mérites mieux que ça ! S’énerva-t-il aux larmes.

 Jamal poussa un profond soupir. Quand est-ce que le Collège de Saint Georges était devenu un ramassis de pestes en bas-âge qui se mettaient des béquilles dès que les adultes avaient le dos tourné ? Il avait envie de retourner se coucher et de ne plus penser à ces sottises.

- Ecoute Archie, le respect ce n’est pas quelque chose qui s’acquiert à coups de poings… Je suis très touché que tu souhaites me défendre mais je n’ai pas envie de m’abaisser à leur niveau tu comprends ?

- Vous êtes d’une grande sagesse messire… J’espère que votre sagesse vous remplira l’estomac ce soir. S’inclina profondément Archibald pour la première fois acerbe depuis des semaines, comme s’il débordait de ne pas avoir pu cracher son fiel.

- Je n’avais pas faim de toute manière. Balaya Jamal en se sentant la migraine tisser sa toile entre ses teempes.

 Archibald hésita une seconde et se retourna pour vérifier qu’ils étaient bien seuls dans le couloir. Il lui prit la main et l’attira dans sa chambre avant d’en fermer soigneusement la porte.

- Va t’asseoir. Lui intima-t-il en lui désignant sa chaise de bureau. Ils t’ont bien arrangé la joue, je vais m’en occuper.

- Tu ne devrais pas soigner ton nez avant ?

- Non, c’est bon, il n’est pas cassé, je vais mettre un bout de compresse pour éponger, ça suffira.

 Il s’appliqua rapidement à nettoyer son visage et à s’aménager la narine avant de venir lui désinfecter la pommette.

- Bon, ce n’est pas si terrible. Soupira-t-il en lui étudiant le visage avec soin. Ces deux crétins frappent moins fort que ton Grand-père.

- Et toi qui pensait que c’était la peine d’y prêter attention. Pouffa Jamal.

- Je suis vraiment désolé, je n’aurais pas dû leur rentrer dedans mais c’est vraiment insupportable de te voir comme ça. T’es mou, bon Dieu !

- Ça ne devrait pas l’être, je suis un grand garçon, je me suis toujours débrouillé, non ?

- Ah, pardon, j’avais pas remarqué ! Bondit Archie en grimaçant un sourire narquois. Tu aurais dû me le dire plus tôt, j’aurais été bien moins blessé de voir une personne que j’aime errer comme une âme en peine.

- Tu n’as pas à souffrir pour moi, je vais bien, je te le promets. Lui assura-t-il en lui prenant les mains.

- Maître du Stoïcisme. S’inclina une nouvelle fois Archibald avec aigreur. Enfin, j’ai des biscuits pour ton dîner.

- Je n’ai pas faim ce soir. Lui rappela Jamal.

- Navré, je ne me souviens pas de t’avoir demandé ton avis. Répondit-il en cherchant un paquet de biscuits au beurre dans le tiroir de son bureau.

- C’est du harcèlement, de la maltraitance et de l’humiliation ce que tu me fais là. Se défendit mollement Jamal avec un demi-sourire.

- Amour vache. Répondit-il en lui secouant le paquet sous le nez.

 Jamal prit un biscuit et le grignota distraitement en observant Archibald évoluer dans son milieu naturel. Ses cheveux châtains qui le couronnaient de boucles aux reflets de cuivre, ses yeux noisette bordés de longs cils bruns, les tâches de rousseurs sur ses pommettes, son petit nez en bouton superbement orné de sa fusette en compresse. Il était joli garçon, vraiment, pas aussi spectaculairement beau que Leeroy mais très mignon, c’était vraiment le moins qu’on puisse dire. S’il prenait un peu de temps pour parler aux filles qui partageaient ses cours de premiers soins il n’aurait sans doute pas le moindre mal à trouver des prétendantes. Est-ce que les filles aimaient l’humour grinçant, la mauvaise foi assumée et les sourires malicieux ? Si c’était le cas Archie n’aurait que l’embarras du choix pour sa promise. Est-ce que c’était vraiment le moment de parler de ça ? Il n’y aurait probablement jamais de moment propice pour ce genre de conversations. Comme Archie avait fini par se détendre et retirait ses chaussettes pour se mettre à l’aise, Jamal se lança.

- Quand le vampire m’a mordu, j’ai cru que j’allais mourir… Commença-t-il en regardant le fond du paquet de biscuits. J’ai pensé à toi.

- Ah ? Répondit simplement Archie, la gorge serrée.

- Je n’avais pas vraiment peur, mais j’ai eu des regrets te concernant. Poursuivit Jamal en fourrant rapidement un nouveau biscuit dans sa bouche pour ne pas avoir à donner de plus amples explications.

 Archie finit de retirer ses chaussettes et les lança dans sa corbeille à linge sale, la bouche pincée, les sourcils froncés, le regard assombrit de méfiance. Il attendait la suite. Jamal sentit monter en lui un vent de panique, les tempes dans un étau, il aurait dû se taire, manger son biscuit et monter se coucher. Comment formuler ce qu’il avait ressenti de façon claire et sans mettre son ami tout à fait mal à l’aise.

- J’ai l’impression que je ne suis pas vraiment… Juste avec toi. J’ai vraiment envie que tu comprennes à quel point tu es important pour moi et… Jamal sentait sa gorge se serrer, et les biscuits lui avaient séché la langue. Il fit une pause pour se mordiller l’intérieur de la joue et se ménager un instant de réflexion supplémentaire. Je comprends que tu t’inquiètes que nous ne puissions plus nous voir quand nous serons écuyers. Cette idée m’est…complètement insupportable à moi aussi. Je n’ai pas envie de partir d’ici, je n’ai pas envie de moins vous voir… Ce collège est ma maison, vous êtes ma famille et le fait que tu aies peur qu’on ne puisse plus se voir après et que Charles refuse de me parler. Jamal se sentit frémir de haut en bas et des larmes vinrent lui piquer les paupières. Nous ne sommes même pas encore séparés et je vous perds déjà.

- Je vois. Soupira Archibald en se levant de son lit. Je sais exactement ce dont tu as besoin. Lève-toi.

 Jamal se râcla sa gorge dans une tentative piteuse d’en défaire les nœuds et obtempéra une nouvelle fois sans discuter. Les pieds nus, Archie lui fit signe de le suivre et se dirigea d’un pas décidé vers la chambre de Van Helsing pour tambouriner à la porte comme un perdu.

- Laisse-le tranquille. Essaya de le retenir Jamal. Il n’a pas l’air dans son assiette en ce moment, tu…

- Charlie ! Ordonna son camarade en le repoussant et en continuant de frapper du poing sur la porte. Ouvre immédiatement, ou je beugle tes petits secrets dans tout l’étage !

- Tu n’as aucun secret sur moi. Répondit un filet de voix de l’autre côté de la porte. Et tu n’oserais jamais faire ça…

- Veux-tu vraiment tenter l’expérience ?

- Je ne négocie pas avec les terroristes ! S’affermit Charles.

 Archibald prit une grande inspiration et recula d’un pas avant d’entamer d’une voix forte et claire.

- A l’âge de six ans, Charles Van Helsing avait une fâcheuse tendance à…

 La porte s’ouvrit sur le petit blondinet, livide, ses grands yeux bleus lagune écarquillés, comme possédés. Archie, un sourire aux lèvres poursuivit sa tirade.

- … être l’enfant le plus sage de sa classe. Acheva-t-il avant de baisser d’un ton. Bien, Charlie, il faut que tu parles à Jamal !

- Non ! Répondit Charles en tentant de se replier dans sa chambre.

 Archie glissa son pied nu dans l’entrebâillements de la porte pour la retenir et poussa un grognement de douleur. La grimace sur son visage témoignait d’un profond regret mais il déglutit sa douleur et insista.

- Archie, laisse tomber, s’il n’en a pas envie ce n’est pas la peine de le forcer. Soupira Jamal en attrapant son ami par les épaules. Je suis vraiment désolé Charlie, nous ne voulions pas te déranger… Passe une bonne nuit, à demain.

- A demain. Souffla timidement Charles avant de refermer sa porte une fois le pieds d’Archibald en dehors de sa trajectoire.

 Charles avait toujours eu une présence discrète, vaporeuse, presque fantomatique mais là il n’avait l’air que d’être l’ombre de lui-même. En un mois, lui qui n’était déjà pas bien costaud, semblait d’avoir perdu beaucoup de poids. Son visage poupon s’était creusé et l’angoisse tirait ses traits. Il n’était pas bien, pas bien du tout et Jamal s’était tellement penché sur son nombril ces derniers temps qu’il ne l’avait même pas remarqué.

- Ah ben bravo, je me suis fait éclater le pieds pour rien maintenant. Grommela Archibald.

- Je comprends ce que tu essayes de faire et je comprends que ça te fasse de la peine de nous voir comme ça mais tu ne peux pas juste nous rentrer dedans pour nous forcer à aller mieux. J’apprécie tes efforts mais ce n’est pas comme ça que ça marche.

- Alors je fais quoi Jamal ?! S’empourpra Archibald, les poings serrés. Je vous laisse pourrir sur place ? J’arrête d’aller chercher Charles dans son lit pour qu’il aille en classe ? J’arrête de te défendre quand on t’insulte, et je vous laisse vous vautrer comme deux cochons dans la fange ? Quand on tombe par terre on se relève tout de suite ! On n’attend pas que la terre change d’orbite pour nous remettre à la verticale !

- Tu n’essayes pas de nous relever, tu veux nous faire courir un marathon avec les jambes cassées. Je comprends que tu sois frustré mais parfois les gens ont juste besoin de temps ! Tu ne peux pas tout réparer juste en poussant un peu Archie.

 Les mâchoires crispées, les poings serrés, son camarade laissa s’installer un silence glaçant. Soutenir son regard faisait à Jamal l’effet de coups de couteaux dans le ventre, il aurait tant voulu baisser les yeux mais il ne pouvait pas céder, pas sur ce terrain-là, pas si Charles était impliqué.

- Il a raison… Renifla une petite voix derrière la porte. J’ai juste besoin d’être un peu tranquille.

- J’ai compris ! Répliqua rudement Archibald. Je vais arrêter de vous ennuyer, je suis… profondément désolé.

 Il regagna son étage en essuyant des larmes de frustration. Il avait besoin de digérer l’information, ils en reparleraient demain matin.

 Le front brulant, les os glacés, le cerveau posé dans du coton, Jamal regagna sa chambre et en ferma la porte à clé. Archie était si bien intentionné, si aimant, c’était un déchirement de le repousser ainsi mais on n’aidait pas les gens en les forçant à se parler ni en leur faisant du chantage.

 Jamal ferma les yeux et tenta de cesser de frissonner. Les cheveux dressés sur la nuque, il avait la nausée. Il allait se préparer pour sa nuit, se blottir sous ses couvertures, laisser le brouillard dans son esprit éteindre ses synapses.

 Changé, toiletté, couché. Le médaillon de son grand-père toujours autour du cou. Devait-il l’enlever pour dormir ? Sans doute. Le rêve qu’il avait fait plus tôt n’était peut-être qu’une vue de l’esprit mais il ne fallait jamais sous-estimer les objets consacrés. Après-tout, Sir Van Helsing lui avait bien dit de se méfier de cette épée. Il se redressa une ultime fois, retira son médaillon et le rangea soigneusement dans le tiroir de sa table de chevet. Avant de se laisser choir sur son oreiller. Un cochon dans la fange. Archie n’avait pas tout à fait tort.

 Il se tourna dans son lit, un puits dans le ventre, un abysse dans la poitrine. Les ténèbres dont on leur disait si souvent de se méfier, une morsure avait-elle suffit à l’achever ? Avait-il définitivement plongé en refusant l’aide d’Archibald. Y avait-il précipité Charles à sa suite ?

 Sans se souvenir de s’être levé ni même d’avoir marché, il se retrouva devant la porte de son camarade et y frappa discrètement.

- Charlie, tu dors ? Hésita-t-il.

 La porte s’entrouvrit sur son ami, blême, silencieux, sur le point de s’évaporer. Jamal, immobile, déglutit et hésita de longues secondes, la bouche entre-ouverte.

- Je peux dormir avec toi ce soir ?

 Charles le laissa entrer sans rien ajouter. Ils se couchèrent, le regard vide et la chair froide jusque dans l’âme et le cliquetis de l’interrupteur de la lampe de chevet sonna le départ d’une charge incroyable de larmes et de spasmes anxieux. Ils ne se disaient rien, ils pleuraient dans le noir l’un à côté de l’autre en oubliant presque de respirer par moment. Impossible de savoir combien de temps ça avait duré, ni même comment cet épisode avait bien pu finir. Jamal ne reprit conscience que le lendemain, les bras serrés autour de Charles comme s’il cherchait à le faire entrer dans son nombril pour combler le néant qu’il était devenu. Ils avaient vu la mort ensemble par deux fois, ils avaient manié sa faux, ils avaient frôlé le creux de sa main.

- J’ai tapé aussi fort que j’ai pu Jamal. Frissonna Charles. Je te promets…

- Je sais. Tu m’as sauvé, tu sauves toujours tout le monde Charlie, c’est ce que tu fais de mieux.

- C’est pas vrai… Tu étais couvert de sang, tu ne bougeais plus et j’avais tellement peur. Si je m’étais laissé aller une seconde de plus tu…

- Mais tu ne l’as pas fait. Ce que tu as fait c’est que tu as abrégé les souffrances de ce pauvre garçon et que tu m’as sauvé la vie. Notre plan était très risqué, nous le savions, nous l’avons fait en toute connaissances de causes, nous avons évalué et maîtrisé les risques que nous avons pris. Bien sûr que c’était un peu brouillon parce que nous manquons encore d’expérience mais avec du travail…

- On dirait vraiment que Hawke t’a chié dans le crâne, arrête de me sortir ces conneries ! Cracha Charles avec dédain.

 Jamal se redressa, bouche-bée, perdu. Charles ne s’était jamais montré grossier, il n’avait jamais remis en doute l’autorité ou le bien fondé des dires de leur maître d’armes et même s’il était en désaccord avec certains professeurs sur certains sujets, il l’avait toujours exprimé d’une façon extrêmement respectueuse et mesurée.

- Ce que je t’ai dit le soir de l’examen, c’était n’importe quoi et je suis désolé pour ça… Déglutit douloureusement son camarade. On n’envoie pas des âmes damnées rejoindre le Seigneur pour mettre fin à une vie de souffrances. Nous sommes des monstres, d’horribles monstres. J’ai tué Jamal, je lui ai ouvert le crâne en deux et à aucun moment je n’ai pensé à Dieu ni à mon devoir. Je pensais à te sauver toi, je pensais à rattraper une grosse bêtise, je pensais que c’était terriblement plaisant de voir jaillir du sang et de la cervelle et qu’il l’avait bien mérité. Le vampire tuait parce qu’il avait faim… moi je l’ai massacré parce que j’en avais le pouvoir, parce qu’il ne faisait pas attention à moi. Il t’avait lâché, il avait annoncé sa reddition, je l’avais déjà achevé et je continuais de le frapper, je le frappais de toutes mes forces et c’était la chose la plus fantastique que j’ai fait de toute ma vie. Je suis pire qu’eux.

- Je ne sais pas quoi te dire Charlie… Balbutia Jamal, sous le choc.

- Il n’y a rien a dire. J’ai franchi un cap, je vais rendre ma lame, je vais… je vais demander à partir et je vais… Je ne sais pas… Je ne me sens pas capable de vivre avec les gens normaux. Je n’ai jamais imaginé que je puisse faire autre chose que chevalier et maintenant que j’ai du sang sur les mains j’ai peur d’avoir envie de tuer à nouveau. Je ne sais pas quoi faire Jamal. Si je reste ici mon état va empirer, si je pars, je ne sais pas si je ne risque pas de devenir tout aussi dangereux.

- Tant que tu le sais, tant que tu restes vigilant… Je ne pense pas. C’est sans doute très égoïste de ma part, parce que je ne veux pas que tu t’en ailles mais il me semble qu’il vaut mieux avoir à ses côtés quelqu’un qui a peur de tuer parce qu’il sait que c’est une chose horrible qui fait ressortit le pire en lui que quelqu’un qui est convaincu de bien faire en abattant aveuglément tout ce qui passe à sa portée. Ce que tu m’as dit le soir de l’examen ça m’a réconforté mais ce n’est pas une chose que l’on peut appliquer aveuglément. C’est pour ça que l’on est ici… Être chevalier, préserver les gens de la magie et des maléfices, c’est un rôle qui demande énormément de compétences techniques mais c’est aussi une épreuve de foi. Nous ne sommes pas là pour apprendre des leçons de moral et les recracher bêtement, si l’on pouvait se contenter de ça nous n’irions pas sur le terrain et nous n’aurions pas besoin de poursuivre notre apprentissage avec un mentor. Nous sommes là pour apprendre à faire preuve de discernement. Comment dois-je faire, moi, homme imparfait, pour servir le dessein de Dieu, pour préserver l’équilibre entre ce qui est souhaitable et ce qui ne l’est pas. Nous allons échouer Charles, un nombre incalculable de fois avant d’être capables de remplir notre fonction de la bonne manière et peut-être même que nous n’y arriverons jamais. Ce qui fait un chevalier, un bon chevalier, ce n’est pas sa capacité à ne jamais commettre d’erreur. Ce qui fait un bon chevalier c’est le fait qu’il prenne la responsabilité de ses actes, qu’il porte le poids de ses échecs et qu’il s’en serve pour devenir meilleur, chaque jour, chaque heure, chaque seconde qui lui est accordé sur terre. Ce que tu as ressenti en tuant le vampire c’est apocalyptique… Au sens premier du terme. C’est une croix que tu vas devoir porter, elle sera là quoi que tu fasses. Tu vas devoir apprendre à t’en servir pour devenir un homme meilleur, ça va peut-être te demander toute ta vie pour y parvenir mais tu vas pouvoir le faire.

 Charles, le visage ruisselant happait l’air comme un poisson hors de l’eau, incapable de faire le moindre bruit intelligible, il crispait ses doigts dans son oreiller.

- Tu es Charles Van Helsing ! Tu es le plus grand incantateur que le Collège Saint George ait connu ! Insista Jamal en parvenant à tirer l’ombre d’un sourire à son ami. Tu es mon frère, tu n’es pas seul, tu ne le seras jamais. Si ta croix est trop lourde à porter je serai là, si tu as peur de suivre la mauvaise voie, je serai là aussi. Je t’aime, je t’aime de tout mon cœur parce que tu es une personne merveilleuse. Tu es un homme bon Charles, les monstres ne s’inquiètent pas de ce qu’ils font de monstrueux.

- Tu es trop bon pour moi. Renifla Charles en lâchant enfin son oreiller.

- Oh, ça va ! Grommela Jamal en souriant. Tu ne vas pas faire ton Archie ! Je suis assez grand pour décider pour qui je suis trop bien ou pas.

Charles se laissa tomber lourdement contre son épaule et se berça lentement entre ses bras. Jamal le garda précieusement contre lui jusqu’à ce que la cloche de la maison sonne l’heure du réveil général.

- Tu devrais te passer le visage à l’eau froide mon Charlie. T’es tout congestionné.

 Charles acquiesça, encore un peu fébrile de s’être livré, il laissa Jamal rejoindre sa chambre pour se préparer. Ils avaient au programme de ce matin une séance de sport qui leur ferait le plus grand bien. Rien de tel que de se faire chauffer les muscles de bon matin sur un parcours commando pour s’aérer l’esprit et se remettre les idées en place.

 En arrivant dans sa chambre, Jamal trouva un papier glissé sous sa porte. Une longue lettre d’excuses confuse et barbouillée de larmes qui lui venait d’Archibald. Jamal la plia et la rangea soigneusement dans sa table de chevet. Devait-il emmener Arrache-cœur avec lui pour la journée ? Il l’avait oubliée ici hier soir et il pouvait s’estimer heureux que les deux amateurs de chauves-souris ne soient pas venus retourner sa chambre pendant la nuit. Mieux valait éviter de la laisser sans surveillance, surtout qu’il risquait d’essuyer des représailles à présent.

Il passa la chaîne autour de son cou et sentit le médaillon lui brûler la peau aussitôt qu’il la frôla. Il allait devoir s’y habituer, il avait juste besoin d’un peu de temps.

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