Au boulot !

20 minutes de lecture

  A l’issue de leur semaine de vacances, Jamal et ses camarades avaient été sommés d’emménager dans la maison des aspirants où ils cohabiteraient avec leurs aînés, aspirants eux aussi ou déjà écuyers. La suite de leur cursus se partagerait à présent entre un planning de cours allégé, leurs premières missions en extérieur et la recherche active d’un mentor. Une fois écuyers, leur temps se partagerait entre le giron de leur mentor et leurs missions pour le Collège.

  En attendant ils avaient gagné le droit à une chambre individuelle chacun. Charles et Jamal sous les combles au quatrième étage, Léonard au second et Archie et Leeroy face à face au premier. Le rez-de-chaussée était réservé aux communs. Salon, bibliothèque, réfectoire, buanderie, Chapelle, infirmerie dirigée par le collège des filles dont les meilleures élèves se voyaient attribuer le droit de panser les petits bobos réels ou fictifs des braves aspirants de l’Ordre de Saint Georges.

  Jamal nota rapidement que le pire moment pour tomber malade était le mardi après-midi. En effet une file d’attente interminable se formait devant la porte de l’infirmerie. Les aspirants s’y tordaient en grimaçant de « douleur », un bouquet de fleurs à la main dans l’espoir d’être examinés par une demoiselle dont le nom était sur toutes les lèvres : Mathilda Booth. Les Booth était une famille très ancienne au sein de l’Ordre sans être particulièrement noble non plus ce qui faisait de Mathilda un bon partit envisageable pour la plupart des aspirants mais Jamal doutait que ce soit la raison principale de cet engouement. Pour l’avoir aperçue par hasard par la fenêtre alors qu’elle venait prendre son tour de garde, il devait admettre une chose : Personne ne pouvait voir Mathilda et ignorer qui elle était. Un bref coup d’œil, à une dizaine de mètres plus bas et il avait su que c’était pour elle que ses camarades se battaient. Ce n’était pas tant sa beauté, dont il n’avait saisi qu’une foisonnante chevelure d’or et une fort généreuse poitrine, qu’une sorte d’aura bienveillante qu’elle dégageait. Son sillage laissait dans le couloir un parfum de pomme au four et un profond sentiment de gaieté au point que, sans jamais l’avoir rencontrée, Jamal se surprit à être content de la savoir sous leur toit pour l’après-midi.

  A la fin de leur leçon d’escrime matinale, Jamal s’était vu confier par Sir Hawke un dossier contenant les missions qu’ils projetaient de faire faire aux aspirants dans les prochaines semaines afin que l’infirmerie s’équipe en conséquence. Il devait à présent tenter un passage en force à travers la foule pour atteindre la boîte aux lettres de l’infirmerie, inutile ne serait-ce que de tenter le confier en main propre aux infirmières du jour, ce serait se mettre à dos tous ses aînés et Léonard dont la langue pendait presque sur le parquet à l’idée de se faire examiner les amygdales. Alors qu’il réalisait à quel point il avait pris des épaules en tentant d’esquiver un coude plus agressif que les autres, une petite demoiselle au visage rond et à la chevelure de flammes se pointa sous son nez en fronçant les sourcils.

- Vous me décevez énormément Jamal ! Se pinça Lucrèce Alistair ouvertement courroucée. Ça ne me surprend pas de voir mon frère ici mais vous !

- Lucrèce. Rougit bêtement Jamal, soulagé de ne pas avoir à subir d’autres coups de coudes et bousculades pour s’acquitter de sa tâche. Je suis tellement heureux de vous voir, si vous saviez…

  Il s’interrompit pour la saisir par l’épaule et l’écarter du chemin de deux imbéciles qui avaient décidé de s’empoigner pour savoir lequel passerait en premier. Qu’ils se roulent par terre s’ils y tenaient absolument, Jamal s’en fichait mais il n’aurait pas supporté qu’ils blessent Miss Lucrèce au passage.

- Vous allez bien ? Lui demanda-t-il en l’attirant un peu plus loin dans le couloir alors que la bagarre se dissolvait déjà.

- Oui, je n’ai rien. S’empourpra-t-elle brièvement.

  Le rouge à ses joues emplissait ses yeux marrons d’étoiles, une mèche de sa longue chevelure fauve avait glissé de sa queue de cheval jusque sur sa joue. Jamal, l’esprit si troublé par cette charmante vision qu’il n’entendait rien d’autre que le galop de son cœur, remit d’une caresse les quelques cheveux rebelles de Miss Alistair derrière son oreille. Il l’avait fait sans y penser et avait frôlé du bout des doigts le satin d’une peau d’ange. Lucrèce s’avança d’un pas minuscule et posa ses mains fraiches sur son poignet. La plus belle femme du monde, une noble demoiselle et il avait posé sa sale paluche sur elle et elle n’avait pas fuis. Jamal devait dire quelque chose mais sa bouche répondait à peine et après l’avoir ouverte et fermée plusieurs fois sans succès, il parvint enfin à balbutier quelque chose d’audible.

- V-vous aviez un cheveu de travers… désolé.

- Merci de l’avoir remis en place pour moi. Sourit Lucrèce en baissant humblement les paupières. Je vois que vous avez un dossier pour nous, puis-je ?

  Elle pressa doucement ses adorables petits doigts blancs sur son poignet et Jamal se rappela soudain sa mission. Il acquiesça d’un hochement de tête bien trop vigoureux pour ne pas être ridicule et lui tendit le dossier. Lucrèce le parcouru rapidement du regard et le glissa sous son bras.

- Merci de nous l’avoir apporté, il va nous être très utile. Elle lui accorda le plus beau sourire que le monde ait connu, laissant voir ses fossettes et ses dents de nacre, Jamal avait l’impression d’entrer dans le temple de Salomon et qu’on lui présentait l’Arche d’Alliance. Je suis désolée de vous avoir accusé de venir faire l’intéressant pour venir voir ma collègue, c’était présomptueux de ma part, j’aurais dû savoir que vous étiez un homme de valeur. Me pardonnerez-vous d’avoir osé douter.

- Pas… pas de problèmes, vous êtes toute pardonnée. Articula péniblement Jamal en sentant son cerveau lutter pour ne pas le quitter définitivement.

  Lucrèce Alistair s’avança à nouveau et posa ses lèvres sur sa joue. Jamal pu sentir la chaleur de son buste contre le sien, l’emprise de sa main sur son bras, elle avait eu besoin de se hisser sur la pointe des pieds pour embrasser sa joue. S’il avait pu, il aurait hurlé de joie mais il se contenta de rester figé, rouge comme une pivoine des pieds à la tête et de la regarder s’éloigner à travers la foule des prétendants de Mathilda Booth en distribuant des coups de dossier sur la tête et des réprimandes à ceux qui refusaient de la laisser passer. Quelle bande d’imbéciles ! Qui que soit Mathilda et sans vouloir diminuer ses mérites, il n’y avait pas la moindre chance pour qu’elle atteigne la cheville de Lucrèce Alistair en beauté ou en grâce.

  Jamal parvint au bout de longues secondes à porter la main à sa joue qui le brûlait encore du baiser de Lucrèce. Il devait le dire à Archie immédiatement !

  Il tourna sur ses talons et se précipita dans l’escalier où il tomba nez à nez avec Leeroy. Ils ne s’étaient plus adressé la parole depuis l’enterrement de Sir Karan et ce n’était pas plus mal. Quoi qu’il puisse faire à présent, Jamal ne parvenait plus à enlever de sa tête le visage de Leeroy feignant de pleurer et ça le mettait bien trop mal à l’aise pour qu’il puisse le regarder comme avant. C’était comme si tout ce sur quoi il s’était voilé la face le concernant, comme si tout ce que leurs amis lui reprochaient depuis des années s’était soudain avéré. Ce qu’il avait pris pour de la noblesse c’était de l’arrogance, ce qu’il pensait être du charisme : le despotisme d’un enfant colérique. Ils n’avaient jamais suivi Leeroy par respect mais par crainte de le contrarier, c’était un fait. Jamal devait faire le deuil de ses illusions et il ne pouvait pas en vouloir à Leeroy pour ça, après tout il s’était monté la tête tout seul.

- Excuse-moi. S’écarta-t-il poliment. Tu veux passer ?

  Leeroy le dévisagea de ses yeux froids et fronça le nez de dégoût. Une chose était sûre et certaine, il était toujours admirablement beau et Jamal en eut un frisson.

- Tu cherches à monter en grade avec des filles de bonne famille Singh ? Tu sais au moins que ce n’est pas comme ça que le mariage fonctionne dans notre pays n’est-ce pas ? Je ne sais pas comment vous faites de là d’où tu viens mais ici les princesses n’épousent pas les mendiants.

- Oh la chose est sensiblement la même à Cardiff. Répliqua Jamal sans doute sous la mauvaise influence d’Archibald. Enfin que veux-tu… les filles adorent les récapitulatifs de missions et les listes de fournitures. Si tu es jaloux, la prochaine fois je demanderai à Sir Hawke de faire de toi son messager. Ajouta-t-il en haussant les épaules et en contournant Leeroy.

  Il n’était pas fier de lui, pas du tout, même si dans un coin de sa tête il entendait Archie applaudir. Il continua son ascension en tâchant d’ignorer la réponse de Leeroy et arriva devant la porte d’Archie en ayant perdu toute l’excitation provoquée par le baiser de Lucrèce. Il frappa tout de même à la porte et le trouva en train de s’arracher les cheveux sur le montage d’un squelette.

- Bon sang de bonsoir ! Mais pourquoi tu refuses de tenir ?! Saloperie de métacarpe !

- Un problème de fil de fer ?

- Oui et non, c’est le bon os au bon endroit mais l’accroche refuse de tenir. Je n’aurai jamais dû demander à Kenny de me l’envoyer, il l’a démonté comme un sagouin sans annoter les pièces et il a mis un mot dans la boîte avec écrit « bonne chance pour tes révisions ». Cette espèce de petite enflure ! J’espère qu’il va attraper une bonne diarrhée pendant son voyage en Australie, plus de douze heures d’avion avec la tourista ! Voilà ce qu’il mérite !

  Jamal saisit la reproduction d’os en résine et l’examina attentivement, le crochet ne semblait pas abîmé mais la pièce semblait un peu longue pour la main du modèle. Jamal s’approcha d’un début de pied qu’Archie avait déjà reconstitué et l’examina.

- Métatarse ! Pas métacarpe ! Non mais quel nul ! Merci Jam’.

- Je n’ai absolument rien fait mais de rien. Sourit Jamal en le regardant assembler le pied avec aisance. Tu as besoin que je ne t’aide pas pour le reste ?

- Volontiers. Sourit Archibald en se précipitant vers un classeur emplit de planches anatomiques détaillées pour le lui mettre dans les mains. Normalement je devrais y arriver seul, je suis sensé les connaître par cœur.

- Calme-toi, tu n’es pas obligé de tout faire ce soir si tu surchauffe on ira prendre l’air et on reprendra après.

- Tu as raison. On pourrait descendre voir la bataille pour Mathilda Booth en bas. S’amusa-t-il, les yeux brillants de malice. Au fait, tu as réussi à atteindre la boîte aux lettres ?

- Non mais j’ai croisé Lucrèce Alistair qui a pris le dossier pour moi. Rougit Jamal. Elle m’a même embrassé. Avoua-t-il, le ventre noué de joie.

- Pardon ?! Se retourna brusquement Archibald.

- Sur la joue ! Se défendit rapidement Jamal. Elle m’a juste embrassé sur la joue.

- Mouais… Se détendit Archibald, toujours méfiant. Fais attention à cette vipère.

- Archie ! S’offusqua Jamal.

Archibald écarta ses bouclettes châtaines de derrière son oreille pour dévoiler une cicatrice qu’il prit soin de lui mettre sous le nez.

- J’ai refusé de lui laisser ma place sur une balançoire au jardin d’enfant et elle a manqué de m’arracher l’oreille. Tu sais le pire ? Il y avait d’autres balançoires libres mais elle voulait la mienne ! C’est une ogresse ! Un monstre !! Un cataclysme ! Les américains auraient dû donner son nom à Little Boy avant de le lâcher sur Hiroshima ! Si tu te maries à cette fille je mets les voiles et on ne se verra plus jamais.

- Elle m’a fait un bisou sur la joue pour me dire merci, on n’est pas en train de publier les bancs. Soupira Jamal en levant les yeux au ciel. De toutes manières Sir Hawke m’a dit qu’on avait le droit de batifoler, que c’était normal et que ça n’avait pas vraiment de sens à nos âges.

- Qui « on » ? Toi et Lucrèce ? Tu sais comment on fait les bébés ? Tu veux vraiment avoir la réputation du type qui sème des bâtards aux quatre vents ? Non parce que s’ils sont de toi ça se verra tout de suite je te signale, t’as le plus haut taux de mélanine de tout le canton.

- Batifoler, pas procréer. Répondit Jamal en haussant les épaules. Il a dit que je pouvais bien embrasser qui je voulais si qui je voulais était d’accord et qu’on ne se faisait pas trop remarquer.

- Oui enfin il n’est pas venu te dire ça parce que tu te promenais dans le jardin et qu’il s’est dit soudain qu’il allait te faire un cours d’éducation sexuelle. Souleva Archie avec une moue.

- J’avais des doutes sur certaines choses et je lui ai posé la question. Admit Jamal. Il ne m’a pas précisé si c’était valable pour les filles mais je suppose que oui… enfin ça tombe sous le sens parce que…

- Oh mon Dieu, Jamal ! L’interrompit son ami. T’as fait des cochonneries avec Charles dans le crématorium !

- T’es malade ! Qui voudrait faire des cochonneries avec Charles ?! Bondit Jamal. Faudrait vraiment être tordu, il ressemble à un lapin de six semaines ! Dans le crématorium en plus ! Il faut vraiment que t’arrêtes de lire les revues porno de tes frangins ça te monte à la tête ! Il avait haussé le ton, scandalisé à la simple idée d’associer Charles aux émotions qu’il avait ressenti en serrant Leeroy.

- Tu as couché avec Leeroy ? Souffla soudain Archie, hésitant. Je pensais qu’il était juste vexé à cause de l’examen mais si ça se trouve il ne te parle plus parce que…

- Non, je n’ai pas couché avec Leeroy. Soupira Jamal déjà bien plus calme mais aussi bien décidé à ne pas exposer cet évènement peu flatteur pour son camarade. J’ai eu… disons certains désirs et certains… doutes et troubles concernant un garçon et j’ai eu besoin d’en parler et Sir Hawke m’a dit que ce n’était pas grave mais que je ne devais pas ébruiter ce genre de sentiments pour ne pas m’attirer d’ennuis ni en attirer au garçon que j’aime bien… enfin que j’aimais bien, je ne sais plus trop, c’est compliqué alors je préfère mettre ça de côté pour l’instant. En attendant j’aime bien Lucrèce aussi et ça m’a tout de même l’air plus facile d’être amoureux d’elle que d’un garçon même s’il y a peu de chances que ça se concrétise parce que bon… Je n’ai vraiment pas envie qu’il ait des ennuis avec sa famille et ça pourrait être, plutôt dangereux pour moi aussi à vrai dire.

  Archibald lâcha le fémur qu’il tenait jusque-là dans sa main droite et le fixa longuement, la bouche grande ouverte, les yeux à peine capables de cligner, il lui fallut une bonne minute pour se remettre en selle dans la conversation.

- C’est qui ? S’avança-t-il en tremblant.

- Ça n’a aucune importance. Esquiva Jamal. Ce ne serait pas une relation viable quoi qu’il arrive.

- Tu sais que je vais finir par le savoir ? Insista Archie.

- Si je pouvais le dire aussi facilement je n’aurais pas autant de doutes concernant mes sentiments pour lui et je ne serai pas aussi tenté par l’idée de batifoler avec Lucrèce.

  Archie ouvrit la bouche pour protester et fût interrompu par la cloche du rassemblement. Des aspirants allaient partir en mission, il restait à savoir lesquels. Frustré, il mit un coup de pied dans le fémur pour le rapprocher de la boîte dans laquelle il lui avait été envoyé et ne pas trébucher dessus à son retour et suivit Jamal jusqu’au salon.

  Charles y lisait en attendant que tout le monde se soit rassemblé autour de Sir Hawke et Sir Galaway pour entendre ce qu’ils avaient à leur proposer. Les derniers retardataires venaient bien entendu de l’infirmerie et étaient escortés sous bonne garde par Lucrèce et la fameuse Mathilda.

  Jamal devait admettre qu’elle était très jolie. Grande, un visage en forme de cœur, d’immenses yeux de biche d’un bleu cristallin, une bouche pulpeuse. Elle avait un visage de poupée de porcelaine juché sur un cou de cygne et un corps de playmate. C’était assez déconcertant, elle était svelte de partout sauf de la poitrine. Pauvre Miss Booth, Jamal ne lui aurait envié ni la lourdeur de ses prétendants ni les douleurs dorsales qu’une telle dotation de la nature devait lui causer. La façon dont elle prit soin de croiser les bras avant de rouler des épaules pour les soulager ne trompait pas, une poitrine pareille ce devait être une véritable malédiction.

  Son regard passa ensuite sur la plus petite, plus épaisse et moins bien pourvue Miss Alistair qui demeurait sans conteste la plus adorable création de Dieu. L’espace d’un instant il se demanda comment était sa poitrine à elle sous son gilet et la chemise de son uniforme, à quoi ressemblait le galbe de ses jambes sous l’ample jupe qui lui tombait jusqu’aux chevilles. Il avait un peu chaud et dû détourner le regard pour se calmer les esprits. Pourtant les questions fusaient dans sa tête. Lucrèce portait-elle des pantalons en dehors du Collège ? Lui arrivait-il de porter des bijoux ? Il n’arrivait pas à se rappeler si elle avait les oreilles percées. Il l’imaginait sans peine porter des pendants d’or et d’émeraude. Une seconde plus tard elle était dans son esprit, cheveux lâchés, vêtue de perles dans le faste d’un palais Florentin à contempler par la fenêtre le monde qui tenait dans le creux de sa main. Il remerciait le Ciel que personne ne puisse plus lire dans son esprit car si son Grand-père était venu à surprendre cette pensée-là Jamal en serait mort sur place.

- Bon, bande de petits branlotins de dortoirs ! Commença Sir Hawke de sa voix de stentor. Quand vous aurez fini de vous baver dessus on pourra peut-être vous donner à faire le travail pour lequel vous êtes payés ! Les missions du mois à venir ont déjà été transmises, j’afficherai le tableau des assignations dans votre réfectoire, des missions libres seront aussi à disposition des bonnes âmes qui voudront bien s’en acquitter veillez à vous inscrire, elles doivent être remplies avant le douze.

- Watson ! Beugla Sir Galaway sans prévenir, faisant sursauter la moitié de l’assistance, Sir Hawke comprit. Si vous vous intéressez tant que ça à l’anatomie féminine j’ai des planches à vous faire recopier et annoter, on verra si vous les aimez autant en tranches qu’en plein, je vous veux dans mon laboratoire à la fin de cette réunion et vous serez accompagné par autant de vos camarades qui ne savent pas se tenir !

- Eh, Sir, c’est suspect quand même que vous ayez autant de bonnes femmes en découpe dans vos classeurs !! Aboya un aspirant plus âgé et bien moins pâle que le dénommé Watson, faisant glousser ses camarades autour de lui.

  Sir Galaway avait de la voix mais il n’était pas un homme très impressionnant pour peu qu’on le dépasse d’une tête, ce qui était le cas de tout le monde dans la pièce mis à part Charles et peut-être Miss Alistair.

  Sir Hawke leva les yeux au ciel et fit signe à un aspirant de lui passer sa chaise, il saisit ensuite le plaisantin par l’oreille, le fit se coucher en travers de ses genoux et lui assena une parodie de fessée avant de le renvoyer s’asseoir.

- File, vilain galopin !

- Aïe Sir, je souffre… je ne pourrais pas suivre la fin de la réunion. Geignit-il en se frottant le derrière. Il faudrait que j’aille à l’infirmerie.

  Il se tourna ensuite vers Miss Booth en lui faisant un clin d’œil appuyé pour faire rire ses camarades une fois de plus. Quelle bande de malotrus ! Jamal se levait déjà pour intervenir lorsque Lucrèce passa sous son nez comme un boulet de canon en relevant ses manches.

- Allons, vous n’allez pas manquer quelque chose d’aussi important que la réunion mensuelle. Coupa-t-elle. Je vais vous examiner ici, baissez votre pantalon. Son ton était sans appel.

- Heu ça ira madame. Balbutia le fanfaron. J’ai pas si mal en fait.

- Ne faites pas l’enfant Bergmann. Dit-t-elle en sortant une paire de gants en latex de la poche de son tablier tandis que Sir Hawke tâchait de s’y retrouver dans ses fiches.

- Je voudrais bien un peu d’intimité… Hésita-t-il.

- Un peu de décence et de respect, c’est ce à quoi nous aspirons tous. Soupira-t-elle avec un sourire faussement attendrit. Pantalon ! Sécha-t-elle immédiatement.

  Il n’osa pas désobéir et lui présenta timidement ses fesses pâlottes qu’elle palpa sans ménagement et examina sous toutes les coutures.

- Dites-voir, ce n’est pas bien propre tout ça ! Commenta-t-elle en lui faisant signe de remonter son pantalon. Vous pensez à vous laver avec du savon tous les jours ?

- O-oui Madame. Rougit-il en rebouclant aussi vite que possible sa ceinture.

- Arrêtez de ne le faire qu’en parole, vous êtes à deux doigt de l’hémorroïde Bergmann, c’est sans doute ce qui vous oblige à braire quand on vous demande de poser vos fesses mais tout le monde ici à ses soucis et assez d’éducation pour les garder vous lui. Dit-elle sévèrement en ôtant ses gants pour les jeter dans la poubelle la plus proche. Faites moins de vélo et prenez plus de douches. Poursuivit-elle en notant quelques mots dans le calepin qui pendait à sa ceinture. Tenez, la prochaine fois que ça vous démangera dans votre pantalon vous pourrez passer directement à l’intendance pour récupérer ceci, ça vous évitera d’avoir à faire la queue.

  Elle déchira l’ordonnance qu’elle venait de lui faire et lui donna avant de retourner à sa place près de la porte dans un silence religieux. Les camarades de Bergmann n’étaient pas très solidaires et certains se mordaient les doigts pour ne pas hurler de rire face à la déconfiture de leur ami. Un regard mauvais de Lucrèce suffit à les remettre dans le rang malgré les larmes qui leur débordaient des yeux. Elle fit ensuite signe à Sir Hawke de poursuivre. Archibald avait un peu raison, elle était cataclysmique cette fille, elle était parfaite.

  Sir Hawke s’éclaircit la voix et reprit comme si de rien était après avoir remercié Lucrèce pour son intervention.

- Bien, la mission de ce soir : Nous allons voir ce que les nouveaux aspirants valent en conditions réelles. Macpherson, Bryant, Alistair, on a trouvé les traces d’une Dame Blanche qui effraie les habitants de la région, elle ferait soi-disant tourner le lait des vaches et pleurer les nouveau-nés, vous irez jeter un œil à tout ça, soyez prêts dans une heure. Balaya-t-il d’un geste de la main. Singh, Van Helsing, vous allez être contents, c’est l’occasion ou jamais de vous montrer à la hauteur de vos ancêtres, on a un vampire pour vous ! Vous partez maintenant ! Les autres… barrez-vous ou c’est moi qui vais vous examiner le fondement et ce sera à coup de pieds !

  Jamal eu besoin d’un peu de temps pour comprendre ce qu’on attendait de lui. Un vampire ? Il allait avoir besoin de détails, c’étaient des créatures intelligentes et les talents de Charles pour les incantations allaient être plus qu’utiles. Ils devaient se mettre bien au clair sur ce qu’ils savaient à leur propos avant de se lancer. Les vampires n’avaient pas une très bonne vue et leur mémoire était principalement olfactive. Ils commençaient à s’activer au coucher du soleil et tombaient dans un état catatonique au lever du jour. Charles et lui allaient passer une nuit blanche, le mieux était encore de pister le vampire, de trouver un moyen de le coincer hors de son tombeau et d’attendre que le soleil fasse son office. Ne pas entrer en confrontation directe, le moins possible en tout cas.

  Il y avait peu de chances pour qu’un vampire ne prenne la peine de dépenser son énergie pour les transformer. Chaque vampire, quelle que soit son espèce, possédait derrière le palais deux glandes semblables à celles des serpents. La première, dont la taille se développait lentement au fil du temps, contenait le baiser la substance qui leur permettait de transmettre leur malédiction. La documentation de l’Ordre estimait qu’il fallait une cinquantaine d’année à un vampire avant d’être capable d’en produire suffisamment pour infecter un homme adulte, ils l’utilisaient avec parcimonie et certainement pas comme un moyen de défense. La seconde était celle qui inquiétait Jamal. Bien plus développée que la première dès le départ de la non-vie du vampire, elle n’évoluait pas au cours de son existence mais le poison qu’elle contenait devenait plus intense au fur et à mesure que le vampire prenait en âge. Le venin, comme le désignait la littérature, était un puissant psychotrope qui leur permettait d’étourdir leurs proies. Des exemples d’hommes ayant développé une addiction au venin des vampires il y en avait plein les archives, ils devenaient alors des Ghoules, leur corps mutant petit à petit à force de s’imprégner de la magie morbide qui animait les vampires. Une morsure pouvait suffire à susciter un désir si puissant pour le venin que la victime était capable de vendre sa propre famille pour en avoir encore un peu.

  Les chevaliers qui chassaient les vampires finissaient d’ailleurs souvent par développer une obsession pour ces créatures et par ne plus vouloir chasser qu’eux. Etaient-ce les morsures à répétitions parfois traitées trop tard qui les poussaient à les traquer ou bien une simple fascination pour ces créatures si… humaines ? D’une façon assez peu délicate ces chevaliers étaient appelés « Les Mordus ». Le père de Charles qui venait de partir jusqu’en Antarctique pour traquer des vampires en était un sans équivoque quant à Sir Karan… Il ne parlait jamais de ses exploits mais Jamal avait entendu parler de sa traque des vampires dits de La Manticore de Calcutta à Damas sans relâche jusqu’à ce qu’ils ne présentent plus un problème suffisant pour que l’Ordre ne s’y penche. C’était ce qui lui avait valu son titre de chevalier et très probablement ce qui avait fait de lui un homme aussi sévère.

  Jamal se rapprocha de son Maître d’Armes pendant que les autres aspirants se dispersaient. Remonté comme un coucou Suisse, Archibald arrivait déjà pour protester la répartition des tâches.

- Sir ! Vous pensez vraiment qu’on devra être trois sur une Dame Blanche quand…

- Alistair pour la distraire, Macpherson pour la dissoudre et toi pour t’assurer qu’ils ne se perdent pas en essayant de rentrer à la maison. L’interrompit sèchement Sir Hawke. Rompez ! Je n’ai pas le temps de discuter avec toi Bryant, je dois briefer les autres.

- Mais ils ne seront que deux…

- On n’a pas besoin d’être vingt-cinq sur un vampire quand on est compétent. Dégage !

  Archibald serra les dents et les poings, plus contrarié par le fait d’être empêché de parler que par l’insulte. Il leur lança un regard inquiet et quitta la pièce en mâchonnant nerveusement sa lèvre inférieure.

- Je ne vais pas vous mentir les gars, ce que j’attends de vous cette nuit c’est un coup d’éclat. Le pari est risqué mais si vous vous en sortez vivants les chevaliers se rouleront à vos pieds pour vous avoir comme écuyers. Je serai en surveillance tout au long de votre mission mais je ne pourrais pas forcément intervenir à temps s’il venait à vous arriver quelque chose, soyez prudents. Vous allez devoir évoluer en milieux semi-urbain, prenez cela en compte, le moins de témoins possibles, si vous devez faire un cloître faites-le en dehors du village ou à couvert. Vous avez une idée de comment le prendre ?

- Il faudrait le faire courir jusqu’au lever du soleil. Marmonna pensivement Charles.

- Bien ! Sourit Sir Hawke avec fierté. Nous n’avons pas vraiment d’informations sur ce vampire mis à part qu’il est seul et n’a pas de ghoules humaines à son service. Il peut rester conscient quelques minutes encore après le lever du jours s’il est en forme, prenez ça en compte et méfiez-vous des animaux comme de la peste, s’il les a mordus ils lui répondront.

- Bien Sir ! Répondirent en chœur les deux aspirants.

  Charles et Jamal embarquèrent ensuite à l’arrière d’un mini-van avec pour tout bagage leurs uniformes, leurs épées et un petit sac de sel que leur avait confié Sir Hawke. Lorsqu’ils furent débarqués, à l’issue d’une longue route sinueuse, dans le village où le vampire avait été aperçu, il faisait déjà nuit. L’automne s’engouffrait cruellement dans leurs blousons et sifflait entre les cheminées, c’était une soirée idéale pour ramener la lumière dans le monde des hommes.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Yona Berthelin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0