La Rencontre (Partie 2)

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  Maman, qui astiquait furieusement la maison pour ne pas mourir d’appréhension, lâcha son chiffon à même le sol et partit ouvrir en tremblant.

- Céleste ! Lança une voix d’homme grave et enjouée. Depuis le temps que je rêvais de te revoir, comment vas-tu ?

  Il était Anglais, il lâchait les mots avec un accent pédant et précieux. Susan mit Gervaise au repos et se glissa hors du salon pour voir qui l’avait privée des dix dernières lignes de son roman.

  Elle avait joliment deviné, le gars était Anglais et grand, elle ne voyait pas vraiment comment le décrire autrement. Il avait de la prestance et les longues enjambées, qu’il fit pour dépasser Maman qui lui indiquait le salon, étaient souples et dynamiques. Susan se tapit dans l’ombre à l’angle d’un mur et l’intru lui passa devant sans la voir dans le couloir obscur, attiré comme un papillon par la lumière qui provenait de la porte entre-ouverte du salon. Du moins elle le cru un instant.

  Juste avant de pousser la porte, il s’arrêta et tourna lentement vers elle de grands yeux de chat d’un vert acide qui, elle le jurait, brillaient dans la pénombre.

- Viens petite, tu ne vas pas faire ta timide. Susurra-t-il avec un sourire qui fit monter en elle un vent de panique.

  Machinalement, Susan tâtonna à la recherche d’une arme de fortune. Rien, pas même un coupe-papier pour ouvrir le courrier. Susan dû se résigner à avancer les mains vides, les poings serrés pour saluer leur invité.

  L’homme se tourna tout à fait vers elle et s’accroupit pour se mettre à sa hauteur avant de lui tendre une longue main décharnée qui lui faisait l’effet d’une énorme araignée blafarde. Susan la regarda en plissant le nez suffisamment longtemps pour qu’il abandonne l’idée de se la faire serrer. Il préféra la lui écraser sur le sommet du crâne, sans doute était-ce dû à la fraîcheur nocturne, sa main était glacée et lui fit courir des frissons jusqu’au milieu du dos.

- Quel est ton nom, petite ? Sourit-il.

- Susan ! Intervint Maman en allumant la lumière dans le couloir. Elle s’appelle Susan.

  Maman la prit par les épaules et lui fit soigneusement contourner l’intru avant de la pousser vers la cuisine.

- Tu veux bien chercher les petits fours que j’ai préparé mon cœur ? Papa et moi allons nous installer dans le salon pour discuter.

  Maman n’était pas plus détendue maintenant que « Papa » était là. C’était le père de qui d’ailleurs ce mec ? Il pouvait aussi bien être le sien que celui de Maman. Il avait quoi, quarante-cinq, cinquante ans ? Maman l’avait eue très jeune, si ce gars était son père ça signifiait qu’il avait un penchant pour les adolescentes et ça, ça lui colla une nausée terrible.

  Alors qu’elle disposait les petits fours brûlants sur une assiette et que le fantôme de la main de l’intru lui gelait encore le haut du crâne, elle put entendre leur « invité » réprimander Maman dans la pièce attenante.

- Céleste. Qu’est-il donc arrivé à cette enfant ? Elle tient à peine sur ses jambes et boite comme un bedeau de patelin. Tu serais donc même incapable de faire un enfant correct et de l’élever de sorte qu’il reste en un seul morceau.

- Je…je ne… Tremblait Maman. Nous avons été séparées un moment… C’est une enfant très intelligente et gentille lorsqu’on lui en laisse le temps.

- Je n’en doute pas Céleste. Soupira l’homme en appuyant soigneusement son prénom comme un enseignant à bout de patience face à un élève limité. Il reste qu’elle est censée avoir quatorze ans et qu’elle a l’air d’une enfant… A-t-elle au moins ses règles ?

  Ces mots décidèrent Susan à fouiller dans le tiroir à couvert à la recherche du couteau à huîtres qu’elle glissa dans la poche de sa robe. Elle n’aurait pas beaucoup d’allonge mais ça suffirait amplement à le dissuader d’essayer de venir voir l’avancée de sa puberté.

  Armée, elle prit une grande inspiration et le plateau de petits-fours avant de l’amener dans la pièce attenante.

  Le vieux lui avait pris son fauteuil, il avait même négligemment posé son livre sur le rebord de la fenêtre. Il faisait comme chez lui ce vieux dégueulasse ! Maman, elle, était prostrée sur le canapé, blanche comme un linge, à deux doigts de pleurer. L’espace d’une seconde, Susan cru voir Annie, le cul dans la neige et la morve au nez. Elle chassa bien vite cette image de son esprit, elle ne devait pas se laisser distraire.

- Sers-nous à boire Céleste je te prie. Lança l’homme comme s’il parlait à sa bonne. Nous devons discuter Susan et moi.

  Susan était restée debout et Maman lui avait attrapé le poignet comme un naufragé s’accroche à son radeau. Susan se mordit la langue pour s’empêcher de sortir son couteau pour faire sortir ce gars de chez elles de force. Une confrontation physique directe serait forcément à son désavantage, surtout s’il la voyait venir, elle allait devoir tenter la chose autrement. Elle allait voir ce qu’il avait à dire puis si ce n’était rien d’intéressant elle le ferait sortir. C’était la solution de raison et, avec un peu de chance, Maman profiterait de son séjour à la cuisine pour s’armer elle aussi.

  Maman sortit à reculons et laissa la porte de la cuisine ouverte : une biche aux abois. Susan posa les yeux sur ce qui était manifestement son père, ça résolvait le mystère des yeux méchants et du long nez.

- Installe-toi. Osa-t-il en lui désignant le canapé.

- Je préfère rester debout. Refusa poliment Susan.

- Malgré ta jambe ? Tu n’as pas l’air très à l’aise.

- C’est toi qui me mets mal à l’aise. Répliqua Susan sans plus de détours. Qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce que tu nous veux ?

  Elle glissa les mains dans ses poches et serra le manche de son couteau tout en scrutant le moindre de ses gestes, prête à bondir. Il recula dans son siège et pouffa, qu’il rit seulement temps qu’il le pouvait.

- Chétive mais féroce à ce que je vois. Ses yeux verts pétillaient et Susan eut un haut le cœur. Je n’ai pas l’intention de te mener en bateau mon petit chat, tu peux t’asseoir sans craintes, je vais répondre à tes questions.

- Je préfère rester debout. Insista-t-elle.

- Têtue… Constata-t-il en haussant un sourcil. Eh bien c’est simple, je suis venu te chercher. Je comprends que l’attitude de ta mère ne te rende pas cette perspective très réjouissante mais crois moi… si elle a peur de moi pour de nombreuses et diverses raisons, certaines justes, je dois l’admettre, le reste n’est que le fruit de son imagination fertile. Je ne sais pas ce qu’elle t’a dit à mon sujet mais tu as très certainement déjà entendu parler de moi.

- Non. Lui annonça Susan de but en blanc. Je ne sais pas qui tu es et de ce que j’en vois je n’ai pas envie de le découvrir. Tu dis que tu viens me chercher ? Eh bien je refuse. La messe est dite, tu peux t’en aller.

  Elle était restée calme et mesurée dans son attitude. Non seulement ce gars sentait le vicelard à plein nez, mais en plus il ne se prenait clairement pas pour de la merde. Refuser aussi net représentait sans doute un risque de le voir s’énerver mais il n’avait pas l’air d’avoir remarqué le couteau dans sa poche, ça lui laissait une porte de sortie.

- Ce n’est pas un arrangement qui me semble très à mon avantage si tu peux me permettre. Sourit-il avec amusement.

- Ce n’est pas un arrangement tout court. Poursuivit paisiblement Susan, malgré-tout, soulagée de le voir garder son calme. Prends ton manteau et vas-t-en.

- Je n’ai même pas encore goûté aux petits-fours. S’offusqua-t-il faussement.

- Si c’est ça qui te manque dans la vie, je peux te les mettre dans une boîte pour que tu les emmène chez toi. T’auras qu’à les manger en pensant à moi si ça te rend triste que je ne puisse pas venir. Grinça Susan, agacée par son petit jeu.

- Tu ne veux pas savoir pourquoi je souhaite tant te récupérer ?

- Tu te demandes si j’ai mes règles et tu parles de m’emmener… J’ai vraiment pas envie de savoir ce qu’il se passe dans ta tête.

- Allons Susan ! Je suis ton père ! Se dressa-t-il soudain. Nous nous rencontrons pour la première fois et…

- Ce qui prouve bien que quatorze-quinze ans c’est ton terrain de chasse. L’interrompit-elle sans hausser le ton. Tu m’excuseras mais non merci. Sors de chez nous s’il te plais.

  L’homme s’approcha d’elle de son pas vif et énergique, les sourcils froncés, la mâchoire serrée. Susan ne bougea pas d’un poil et soutint son regard, si elle flanchait, Maman tomberait avec elle, si elle flanchait, ce type aurait la voie libre pour commettre toutes les horreurs qu’il avait en tête.

  Il était diablement grand l’enfoiré, il ouvrit les bras comme pour la saisir et le coup partit, brutal, vif, pile au niveau de l’appendice. Elle l’avait planté comme elle aurait repris son souffle après avoir manqué de se noyer, c’était un instinct de survie et le sang qui ruisselait sur sa main éveilla des souvenirs d’internat. Elle retira le couteau pour le poignarder juste un peu plus loin, dès qu’il ferait mine de bouger, elle frapperait à nouveau. Il avait fallu quatre coups à Lisa Beckermann pour se calmer, ça risquait d’être plus compliqué avec un homme adulte même s’il n’était pas bien épais.

  L’adolescente le sentit flancher contre elle et l’emporter avec le poids de sa chute. Ses jambes cédèrent sous elle et, écrasée sous lui, le sentant s’animer à nouveau une fois la stupeur des premiers coups passée, elle leva les yeux, avisa son cou, s’apprêta à l’égorger.

  Alors que sa lame allait piquer la trachée de son adversaire, une longue main pâle lui saisit le poignet et le tordit à lui faire lâcher son arme. Susan allait mourir ou pire pour peu qu’il lui en prenne l’envie. Elle ne pouvait pas poignarder, elle allait mordre et frapper et avant que l’homme ne soit parvenu à la restreindre totalement, son indexe parvint à trouver le chemin de son œil. Elle l’enfonça aussi loin que possible, sentant la mollesse et les résistances du globe jusqu’à ce qu’il ne cède sous l’assaut et ne sorte de son orbite. Elle l’attrapa et tira de toutes ses forces.

  L’œil vert dans le creux de la main, elle parvint à échapper à l’emprise de l’homme qui avait roulé sur le sol dans des gémissements de douleur. Bien qu’à bout de souffle et la tête saisie de vertiges, Susan lâcha l’œil et rampa vers la cheminée pour y prendre un tisonnier. Elle le lui planterait dans la tête s’il tentait quoi que ce soit.

- Vas-t’en ! Trembla-t-elle dans un feulement. Sors d’ici et vas-t’en !

  Elle pointait son arme de fortune vers lui et l’homme cessa de se tordre de douleur, les mains plaquées sur son visage, sans plus faire de bruit. Le silence qui régna alors sur le salon lui mit un coup au ventre. Il n’était pas mort, elle en était certaine, c’était bien pire que cela, il jouait la comédie.

  Susan se releva en prenant appuis sur le tisonnier et boîta jusqu’à la cuisine sans le quitter des yeux. Elle cria pour réveiller Maman, figée d’horreur.

- On y va ! Prends la voiture !

  Maman finit par réagir et sortit faire chauffer le moteur tandis que Susan fermait la porte à clés. S’il tentait de sortir par la fenêtre, il tomberait de suffisamment haut pour que ça le ralentisse. Susan se jeta sur le siège passager et Maman verrouilla les portières.

  L’adolescente s’attendait à ce que Maman parte à toutes blindes. Elle ne le fit pas. Elle restait là, crispée autour du volant, le visage ruisselant de larmes. Du coin de l’œil, Susan vit miroiter la lune sur une vitre, il s’apprêtait à sortir.

- Mais démarre merde ! S’il nous attrape il va nous… Elle s’arrêta et regarda la longue silhouette qui enjambait le rebord de la fenêtre. Ecoute, tu vas attendre qu’il approche, tu lui roule dessus et on dégage. Elle est solide ta voiture ?

- Je… Je ne sais pas. Renifla Maman.

- Mais bouges-toi nom de Dieu, Céleste !

  Susan lui mit un coup de poing dans l’épaule pour la réveiller. Maman appuya par réflexe sur le champignon et patina quelques secondes dans la gadoue avant de partir vers le chemin de gravier qui menait à la vraie route. Susan, le cœur battant, regardait par-dessus son épaule. Rien en vue, elle se rassit dans son siège et ne parvint à respirer qu’une fois sur l’asphalte.

- Nous allons nous rendre à la caserne de Gendarmerie de Saint-Thomas d’accord ? Nous allons leur dire que nous sommes poursuivies et ils vont nous mettre à l’abris. D’accord ?

- Ils ne peuvent pas. Hoqueta Maman derrière son volant. Ils ne peuvent pas, ça ne sert à rien.

- Bordel mais qu’est-ce qu’il t’a pris de coucher avec ce type ?! S’emporta Susan tremblante de fatigue et de peur.

- J’ai pas eu le choix ! Couina Maman en passant à deux doigts de manquer son virage.

  Remise en place par le coup de volant violant que Maman avait dû mettre pour ne pas quitter la route, Susan aurait pu se gifler. Bien évidemment qu’elle n’avait pas eu le choix, elle était terrifiée par ce mec, ce n’était pas la bonne question à poser.

- Pourquoi tu l’as invité ? Demanda-t-elle plus calmement.

- C’est compliqué… S’apaisa quelque peu Maman.

- On s’est battu, il voulait m’emmener avec lui. Insista Susan. J’aimerai bien un peu plus d’explications que « C’est compliqué ».

- Ce n’est pas le moment Susan. S’étrangla Maman.

- Un mec t’as violée et tu l’invite chez nous pour qu’il me tripote ! Tu m’as abandonnée en forêt en plein hiver ! Si tu voulais me tuer tu aurais pu le faire plus efficacement. Pourquoi tu m’as récupérée ? Pour me refiler à ce type ? C’est quoi ton putain de problème ?!

  Susan n’avait pas haussé le ton, elle se mordait la langue de rage et refusait de crier. Si elle criait Maman aurait une excuse pour chialer et elles ne s’en sortiraient jamais. Maman freina brutalement et fit glisser la voiture sur le bas-côté.

- Susan, mon cœur… Tu es la raison pour laquelle il me suit. Frémit-elle, accoudée sur son volant, désespérée, le regard dans le vide. J’ai tout fait pour l’empêcher de nous avoir, j’ai même préféré te laisser à une mort certaine plutôt que de le laisser nous avoir. En janvier dernier, il était présumé mort, cela faisait des années que plus personne n’avait eu de nouvelles de lui et… dans le doute, j’ai envoyé des messagers à ta recherche. Tu… tu es vraiment un sacré numéro toi… Qui aurait cru que tu tuerais l’un d’entre eux…. Sourit-elle pâlement.

- Je tue tout ce qui essaye de me tuer. Se défendit Susan. Tu as vu les cicatrices sur mon ventre ?! Je ne me suis pas fait ça en glissant sur du carrelage humide.

- Oui, oui, il y a eu une méprise entre vous, je m’en rends bien compte, ils n’étaient pas les êtres les plus… pertinents à envoyer à la recherche d’une jeune fille mais j’ai fait avec ce que j’avais sous la main…

- Bah oui tiens ! Les recherches dans l’intérêt des familles c’est pour les chiens, envoyons des abominations courir la campagne ! Balança Susan, secouée d’un ricanement hystérique. Je parie que ça ne t’a coûté que trois poulets et une vierge à sacrifier à la pleine lune.

- La sorcellerie n’est pas une affaire de…

- Non ?! Tiens, c’est une affaire de quoi alors ?! D’énucléation sans doute, j’en ai vu pas mal depuis Janvier dernier !

- Laisse-moi finir ! S’énerva Maman en donnant un petit coup de paume dans son volant. Je t’ai retrouvée, il fallait encore que je puisse te récupérer. Je ne pouvais pas juste me présenter et clamer être ta mère, on m’aurait mise en prison.

- Bah tu sais, à Sainte Rita ça aurait pu marcher. Ironisa Susan dont les poings étaient enfoncés si fort au fond de ses poches qu’elle aurait pu les arracher.

- J’ai attendu que tu sois sortie de là et j’ai… fait ce qu’il fallait faire pour que tu puisses venir à la maison.

  Les mains de Susan se détendirent immédiatement, sa mâchoire s’entrouvrit et un profond silence régna dans la voiture. Maman avait tué Edgard, elle avait aussi tué le pilote mais ça Susan s’en foutait, bien que ce soit parfaitement injuste pour lui. Comment s’y était-elle prise ? On lui aurait dit avant sa rencontre avec le cornu que c’étaient des histoires de magie noire, elle ne l’aurait pas cru mais après tout, ça ou autre chose. Susan sortit de la voiture sans plus rien dire.

  Elle entendit un appel, comme un écho au loin, rien d’audible, rien de suffisant pour la sortir de sa trance. Elle sentait le froid qui lui mordait la chair et avançait lentement hors du halo que formaient les phares de la voiture sur le bitume. Encore de la forêt, ça devenait redondant, elle était peut-être destinée à crever dans une forêt, ça devait être ça.

  Dans sa tête résonnait le rire d’Edgard, les battements de son propre cœur, le bruit de sa respiration. Le souvenir flou de la tête qu’il avait la première fois qu’elle l’avait vu se dessinait entre les arbres. Son gros ventre, son œil malade, la façon dont il l’avait prise sous les bras pour la mettre dans l’avion. S’il l’avait laissée pourrir à Sainte Rita il serait avec sa femme en train d’organiser un voyage en Floride comme chaque année. D’ailleurs il lui envoyait toujours une carte. Elle n’avait pas reçu de carte cette année.

  Le fantôme de son dortoir lui apparut dans la nuit, elle mettait les cartes dans sa table de chevet, dans son empressement à partir elle les avait oubliées. Des relents de poule au pot et de vieux livres, la dernière étreinte de Sœur Justine, une chaleur diffuse et enveloppante qui s’étiolait sous ce que Susan finit par reconnaître comme étant de la pluie.

  Il pleuvait à petites gouttes froides et éparses. Au loin, une longue silhouette maigre se détachait dans la nuit, se superposant avec celle du cornu. Susan se retourna, Maman était partie, la rougeur de ses phares s’évaporant au détour d’un virage. Elle était seule, elle avait toujours été seule et c’était mieux comme ça.

  Elle avait tué Edgard, ignoré l’affection de Sœur Justine, détourné le regard d’Annie alors qu’elle réclamait son aide. Quant à ce qu’on lui avait fait à elle… Disons qu’elle avait eu son lot de trahisons et de mesquineries. Alors bon, que ça finisse, que ça finisse maintenant une bonne fois pour toutes et qu’on en parle plus.

- Ne pleure pas ma belle. Lui dit la voix grave. Elle n’en vaut pas la peine.

  Une grosse araignée se posa sur le sommet de son crâne et l’homme s’accroupit devant elle, ses deux yeux bien en place, aussi verts et brillants que tout à l’heure. Il approcha lentement son visage du sien et Susan ferma les paupières, aussi fort que possible, pour amortir l’impact et le dégoût. Il embrassa son front et l’enveloppa dans son manteau avant de la prendre dans ses bras avec douceur.

- Viens, allons-nous-en, la soirée a été animée, tu as besoin de repos.

  Il la souleva de terre comme un rien et la porta contre son ventre comme on porte les grands enfants pour les mettre au lit. Elle se laissa faire sans se défendre, flasque et abandonnée. Puis elle sentit poindre contre sa poitrine quelque chose qui traversait la chemise ensanglantée de l’homme, c’était chaud, c’était tout ce qu’elle avait besoin de savoir. Elle passa ses bras autour de ses épaules pour s’y accrocher, sangloter, s’endormir sans se sentir sombrer, bercée par la souplesse de son pas.

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