Les Champions de la Lumière.

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  Ce n’était pas l’endroit rêvé pour faire ses premières armes, pour les évaluer c’était sans doute parfait mais pour le moment Jamal avait du mal à se soucier de son examen de fin de cycle. Debout en équilibre sur une poutre, qu’il devinait vermoule malgré la pénombre, il cherchait ses camarades du regard.

  Ils étaient cinq, Charles, Léonard, Leeroy, Archibald et Jamal, il faisait un peu tâche il devait l’avouer. Petit hindou perdu au milieu de la noble descendance de la chevalerie Anglaise, il était loin d’être le plus attendu de la fournée annuelle. Ça ne l’empêchait pas de briller, d’excellentes notes tant dans les matières classiques que dans son cursus d’apprenti chevalier et un comportement exemplaire en toutes circonstances, il n’était pas drôle du tout mais ça n’avait pas d’importance. S’il parvenait à réussir cet examen, il obtiendrait sa première épée, il pourrait être choisit comme écuyer par un chevalier oint, il pourrait lui-même prétendre à la chevalerie. Enfin, il pourrait faire honneur à son père et au père de son père.

  Encore fallait-il qu’il vienne à bout de la créature que ses professeurs avaient lâché dans ce manoir.

  Comme un idiot, il avait suivi les ordres de Leeroy, forcément, tout le monde écoutait Leeroy. Sa haute taille, la noblesse de ses traits, son regard tranchant comme une lame, il avait des yeux de givre qui faisaient autorité. Assez bêtement, lui et les autres s’étaient tous accordés sur le fait que Leeroy serait leur chef naturel et incontesté, il en était ainsi depuis leur premier jour au collège de Saint Georges, ils avaient alors huit ans.

  Il restait que son plan d’action était stupide et que Jamal l’avait su dès l’instant où la phrase « On va se séparer pour chercher la bête » avait passé les lèvres de Leeroy, il avait pourtant obéi parce que Leeroy avait cette façon de parler qui faisait que personne ne pouvait douter de ses dires un seul instant. Le véritable art de faire passer des vessies pour des lanternes !

  La gorge serrée, il s’accroupit et laissa son pied glisser le long de la poutre pour voir s’il pouvait se décaler un peu pour avoir une meilleure vue d’ensemble sur le grand hall. Une mollesse sous sa semelle lui fit comprendre que ce serait imprudent. Jamal ramena sa jambe sous lui et se redressa précautionneusement. Ce poste n’était pas aussi intéressant qu’il l’avait pensé, il allait redescendre et chercher à rejoindre les autres à l’ancienne en parcourant les pièces et en priant pour ne pas tomber nez à nez avec la bête.

  Au moins, il avait maintenant une bonne idée de la manière dont était conçu le manoir. Il y avait ce grand hall qui débouchait en étoile à sept branches sur six pièces et un escalier de marbre. A l’étage, la coursive était ouverte de sorte qu’au sortir des chambres les convives aient une vue panoramique sur le rez-de-chaussée et l’extravagant dôme de verre qui servait d’unique source de lumière à cette cathédrale autrement aveugle. C’était dans l’un des contreforts du dôme qu’était plantée la poutre sur laquelle il s’était perché.

  Jamal chercha à tâtons des accroches dans les moulures pour descendre aussi silencieusement que possible. Il n’y avait rien dans les environs pour l’instant et il était préférable que cela reste ainsi tant qu’il pendouillait à moitié dans le vide.

- Psst, Tarzan ! Viens par-là !

  Jamal se laissa glisser sur la pointe des pieds avec la souplesse d’un chat et, le dos précautionneusement collé à la rambarde, se faufila vers la voix plus que familière.

- Archie, vous avez trouvé quelque-chose ? S’inquiéta Jamal.

- « Nous » ? Y’a pas de nous vu que ce l’autre connard a jugé bon qu’on se sépare. Je crois que Charles et Léonard se sont rejoint et je crois surtout que Leeroy s’est planqué en attendant qu’on fasse tout le boulot pour lui. Fulmina Archie en plissant le nez.

- Ça ne serait pas très inspiré de sa part… On ne sait pas ce à quoi on a affaire. Si ça se trouve il est en train de se faire vampiriser dans un placard. Se crispa Jamal.

- Ça en fera au moins un parmi nous qui se sera fait sucer cette année…

- Répugnant ! Grimaça Jamal en lui mettant un coup de coude. Viens, sir Hawke a dit qu’il avait caché des armes dans le manoir, on doit les trouver sinon on ne s’en sortira pas.

  Ils devaient aussi retrouver les trois autres pour s’assurer qu’ils allaient bien. Ce n’était pas si exceptionnel que cela de perdre de preux apprentis lors de leurs examens de fin de cycle. La moyenne était de deux par ans et il était hors de question pour Jamal que lui et ses camarades fassent grossir les statistiques.

  Toujours le dos au mur, ils s’apprêtaient à entrer dans une première pièce lorsqu’un bruit humide attira leur attention. Le cœur battant, désarmé, Jamal saisit un chandelier en étain couvert de toiles d’araignées et s’y accrocha comme à son Salut. Archie le suivit après s’être munit d’un guéridon défraîchit.

  La boule au ventre, Jamal tâchait de se remémorer les formules que ses professeurs lui avaient enseignées pour éloigner les monstres. Ce n’était pas le moment de balbutier. Si c’était la créature et qu’elle les repérait, il allait en avoir besoin.

  Lentement, il jeta un coup d’œil par la porte entrouverte.

  Elle était là, la Bête, accroupie dans un tapis de poussière affairée à se repaître d’une chair sanglante parée de laine grise liserée de bleu azur. La lune baignait ce macabre spectacle d’une lueur presque attendrie.

  C’était une lune pleine qui nourrissait son engeance velue : un loup garou. La viande qu’il déchiquetait était vêtue de l’uniforme du collège de Saint George, aucun doute possible.

  Jamal sentit une soudaine emprise sur son bras et manqua de rétorquer par un coup de chandelier. C’était Archie, tremblant, luttant pour ne pas laisser son souffle s’emballer, les yeux prêts à sortir de leurs orbites, le visage baigné de larmes. Jamal l’attrapa par le col et colla sa face morveuse à son épaule. Il n’était pas sûr que ce soit l’un de leurs camarades, ça pouvait être un leurre posé par sir Hawke pour occuper la bête et les troubler. Ça pouvait aussi être Charles, Léonard ou Leeroy… Mieux valait ne pas y penser, mieux valait tout faire pour que ça ne finisse pas par être Archibald ou Jamal et pour cela Archie devait se calmer, il devait se calmer tout de suite.

 Sans quitter le loup-garou du regard, Jamal serra de toutes ses forces Archie contre son épaule pour étouffer ses larmes et recula en gardant brandit son chandelier. Il manqua de trébucher sur le guéridon qu’Archie avait abandonné et fit bruyamment grincer une lame de parquet. La seconde de silence qui s’ensuivit fût interminable jusqu’à ce que les bruits de bouche et les claquements de langue gloutons de la bête ne reprennent. Jamal fit aussi rapidement et silencieusement que possible pour trainer son camarade dans une pièce à l’autre bout du couloir qui, miracle ! était une salle de bains.

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