Chapitre 38 – La meilleure des nuits

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Isa'th se réveilla petit à petit dans le lit confortable, un filet de bave sur le côté de la bouche tandis qu'il se tenait sur le dos avec les bras dispersés de part et d'autre du reste du corps et le renard comme couverture. Le seul bruit qu'il entendait était la respiration paisible de l'animal, il s'attendait à se réveiller sur l'agitation qui occupait les Chats Noirs mais surtout à la présence de Kali. Il se leva en faisant attention à ne pas réveiller son compagnon de route et descendit les marches en ne trouvant qu'une note sur la table : « Salut Isa'th, je te laisse ce message si tu t'es réveillé avant mon retour. C'était pour te dire que je vais essayer de trouver une tenue pour toi pour le bal, je sais que tu as encore du mal avec les gens alors j'ai pensé que c'était une solution adéquate. J'espère que tu seras en forme pour ce soir ! » Elle signa son message avec un dessin de chat aux yeux fermés avec sa patte droite près du visage. Il sourit en posant la feuille sur la table à sa place. Il prit un temps pour regarder autour de lui et affirmer qu'il était bien seul puis il remonta pour s'asseoir en tailleur, joindre ses mains pour former un cercle avec les pouces et les indexes en se chevauchant. Il prit une grande inspiration, bloqua, et expira. Il se concentra sur le Sanctuaire, son père, les pétales, l'épée tout en essayant de renier l'homme sous la cascade à tout prix. La lumière devenait de plus en plus discrète mais il ne l'avait pas encore atteint, il réfléchissait encore à la veille et son épaule droite le démangeait encore. Il repensa alors à ce qui lui luxa l'épaule, le vent qu'il invoqua et la sensation de vide qu'il ressentit en imaginant ses deux amies dans la grotte. Il rouvrit les yeux et fit quelques moulinets avec son épaule en grimaçant. Le vent brutal qu'il provoqua l'inquiétait encore, contraire à celui enseigné par son père adoptif : souple, doux, agréable. De la douce mélodie de son enfance à l'explosion de puissance des derniers jours, il douta de sa capacité à suivre les principes qu'on lui apprit. Fatalement, il pensa alors à la prédiction de ce dragon : si pendant son voyage, tout ce qu'il prenait pour acquis était remis en cause, quand étaient-ils de ses chances de réussir à changer cette même fatalité ?

Il se remit en place, poings serrés et plaqués contre eux-mêmes. Il imagina le son léger de la rivière qui parcourait les ruines, les pétales qui suivaient le cours d'eau, les chutes qui s'enchaînaient dans le plus grand calme pour faire place à la mélodie du vent qui se plut à tournoyer autour de Druni, en tailleur et les yeux clos. La lumière dans la pièce semblait diminuer. Il tenta d'ouvrir les yeux mais il ne vit rien d'autre que du noir. Pas de son, il ne s'entendait même pas respirer. Bien qu'il avait déjà fait ce voyage plusieurs fois, le chemin lui paraissait toujours aussi effrayant et étouffant. Et voilà qu'il s'en sentait chasser pour se réveiller avec le souffle coupé. Contrairement aux itérations précédentes, il n'y avait pas de renard pour le guider mais surtout aucun crime à justifier à son père. Il n'avait pas besoin du Sanctuaire. Il n'avait pas besoin d'être conseillé. Il pouvait profiter de la tranquillité car il était généreux. Il a fait un sacrifice qui s'est révélé être bienveillant. La haine envers lui-même s'amoindrit drastiquement car ce pas de géant qu'il avait accompli pour contredire le dragon était non négligeable devant ses autres méfaits. Lorsque le renard s'approcha pour l'aider à atteindre son père, Isa'th put le retenir d'un simple geste de main gauche et un sourire irrépressible. Il allait bien. Il arriva même à entretenir sa main griffue sans être dégoûté par elle, il était flatté d'avoir attiré les regards de Kali grâce à elle. « Un beau métal … ? » se murmura-t-il à lui-même en frottant avec sa peau le dos de sa main. Il préférait penser aux écailles magnifiques de son père que celles qui parcouraient son corps pour trancher ceux qui s'approcheraient.

Le soir venait. Isa'th enfila la tenue que Kali lui avait acheté : une chemise turquoise aux broderies blanches sous une veste noire avec des emblèmes d'aigle sur les bras, l'intérieur était doublé de velours rouge, le col remontait sur le cou tandis que le centre de la veste restait ouvert, gardant les parties de la veste accrochées par des boutons en bois. Des gants blancs aux coutures croisées sur les métacarpes. Le pantalon était serré, de la même couleur que la veste. Les deux bottes en cuir noirs étaient resserrées par cinq boucles de ceintures, remontant jusque sous les genoux. En vérifiant son allure dans le miroir de la chambre, il avait du mal à bouger à cause des épaules mais le plus dérangeant fut les réductions de mouvements causées par le pantalon et les orteils compressés. Il essaya de bouger plus librement mais il s'arrêta rapidement quand il entendit des craquements dans son dos. Il tenta de se rappeler les mouvements qu'il effectuait avec Kali il y a quelques jours mais le manque de partenaire rendait l'exercice plus dur. L'ouverture de la trappe en bois surpris Isa'th au point de sauter sur place et d'écarquiller les yeux vers celle-ci. Oneeki sembla tout aussi surpris lorsqu'il rentra finalement dans la pièce en regardant l'autre. « Est-ce que tu pourrais m'aider Oneeki ?

  • Ça dépend, je dois me déguiser aussi ? Demanda-t-il, perplexe.
  • Non, tu pourrais m'aider à danser ?
  • Oh oh oh non, bien tenté petit mais je ne danse pas. Pourquoi est-ce que tu as besoin de répéter ? Tu vas faire un spectacle ?
  • Je ne pense pas, non. Je me demande si je danserais suffisamment bien ce soir.
  • Je sais qu'on en a déjà parlé et que ça t'a sans doute plus stressé qu'autre chose mais c'est encore essentiel que tu la sortes d'ici. Sauf que, connaissant Kali, elle a vraiment envie de te suivre. Bien danser ou non. On doit surtout se concentrer sur cacher ton bras, donne le pour voir. »

Isa'th le tendit en pensant à ce qu'il venait de lui dire. Tandis qu'Oneeki tirait sur le gant blanc en essayant de se rendre compte si les écailles étaient voyantes ou si elles déchiraient le tissu, il remarqua surtout que les anneaux sur le bras droit tendait la manche de la chemise et de la veste au maximum, à la limite de la déchirure. « Ça ne passera pas, on doit changer de manche. Retire la veste et la chemise, je vais tenter un truc.

  • Quoi ?
  • Ton bras ne passera pas inaperçu avec une manche aussi tendue, je peux peut-être bricoler une manche rapidement avec les deux habits.
  • D'accord, merci Oneeki. Dit-il en enlevant le haut.
  • Une préférence particulière pour la manche ? Demanda-t-il en tenant la chemise et la veste.
  • Comment ça ?
  • Je peux peut-être essayé de faire un symbole particulier ou une répartition des couleurs.
  • Ah ? Comme tu veux ?
  • Hm, t'es pas difficile au moins. Ça me changera des vêtements déchirés d'Aman. Répondit-il en souriant.
  • Pourquoi est-ce qu'ils étaient déchirés ?
  • Elle se bat avec n'importe qui pour pas grand chose. Ça en fait de l'expérience à force. »

Oneeki se posa sur la chaise en coupant légèrement les habits à leur manche droite puis il les saisit à deux mains et les déchira aisément. Il recousu ensuite les déchirures aux épaules des vêtements, à croire qu'il n'y avait jamais eu de manche à cet endroit tant la précision était bonne. Il coupa les nouveaux morceaux de tissu, prit des mesures sur le bras de Isa'th : la longueur, la largeur des plus grands anneaux, les tours de bras autour de ceux-ci. L'irrégularité des cercles rendait le travail plus difficile pour lui, il marmonna quelques insultes quand Isa'th ne regardait pas. Ce dernier était assis en tailleur, éloigné de la table car il pensait déranger s'il s'en approchait trop pour poser des questions sur les mouvements qu'Oneeki faisait faire à son aiguille. Ce qui arrangeait le couturier car ses insultes ont déjà été reprochées d'être dites trop souvent devant les enfants. Il forma finalement une large manche, turquoise et noire. Oneeki avait réussi à faire apparaître des plumes turquoises sur un fond noir et un aigle blanc vers le coude avec la broderie blanche de la chemise. Il reprit la veste à une seule manche pour y coudre par-dessus la nouvelle partie. « Vas-y, essaie le tout encore une fois. » Lui dit-il. Alors Isa'th enfila la chemise trouée et la veste. Le bras droit passa sans problèmes, toutes les écailles étaient cachées par du tissu. Oneeki prit de la distance pour vérifier encore une fois tous les détails : il tira sur le gant plusieurs fois, vérifia que le col était bien placé pour qu'on ne devine pas les écailles vers l'épaule, que la manche soit alignée avec les anneaux pour ne pas les trahir. « Ça m'a l'air bon ... C'est pas désagréable, tu arrives à bouger ?

  • C'est serré aux jambes mais ce que tu as fait a l'air de fonctionner. Répondit-il en faisant des moulinets avec son bras.
  • Quand on sortira, on devra éviter les grosses foules. Les gardes sont sur les dents après s'être fait dévalisés. Ils essaient encore de sauver les apparences mais ça va être dur.
  • Comment est-ce qu'ils sauveraient le coup ?
  • Ça fait moins mal de dire qu'il y avait effectivement quelques traîtres étrangers qui avaient vidé le vaisseau avant le décollage plutôt que de dire qu'il y avait quatre citoyens qui leur ont glissé entre les doigts pendant le vol.
  • On repassera par les poutres ?
  • Ouais, il y a un petit coin sans trop de personnes, quelques arbres et un peu d'eau.
  • Pourquoi il n'y aurait personne alors ?
  • Les moustiques. On a Mesa pour ça, t'inquiètes.
  • D'accord. Répondit-il, inquiet. Quand est-ce qu'on y va ?
  • Pressé ? Demanda-t-il d'un sourire narquois.
  • Je ne sais pas … Je me demande si cet endroit sera aussi vide que tu le dis, je … ne pense pas pouvoir approcher d'autres gens comme ça. Je me demande si j'arriverais à danser.
  • Stop, continue pas comme ça, ça sert à rien. On va aller là-bas, on va boire et manger, on va rigoler et tu vas t'éclater. D'accord ? Dis-t-il pour le rassurer.
  • D'accord …
  • On partira dans quelques minutes encore. Oh ! J'ai une idée ! Bouge pas, je reviens ! »

Il partit dans la chambre de Kali, du bas on l'entendait fouiller et jeter des affaires sur le lit. Isa'th remarqua surtout les injures refoulées prononcées lorsqu'il faisait tomber plusieurs affaires d'un coup. Il arrêta finalement son excavation quand il prévient alors « Je l'ai ! ». Il redescendit alors avec plusieurs bricoles encore cachées dans sa main. « Assieds toi là pour voir, et sors tous tes cheveux des vêtements. » Isa'th s'exécuta alors en les tirant ensemble de sa main gauche. Oneeki commença par tirer les cheveux de derrière la tête vers le centre, il les parcourut par poignée pour les attacher par un élastique noir recouvert de coton. Il prit ensuite quelques mèches de devant pour les rabattre contre le haut du front, les relâcha et les remit pour s'assurer de la longueur et de l'esthétique. Il clipsa finalement les mèches de la droite du visage de l'autre avec une barrette bleue, posée en oblique. Isa'th fut surpris de la visibilité qu'on lui proposait, il n'imaginait pas ses cheveux si long et la queue derrière lui le fit brièvement penser à celle de son père qui chassait quelques insectes lors des étés désagréables. « Est-ce que … Ça me va bien ?

  • Ouais ! Super ! Pour tout te dire, je pensais me rater complètement. La dernière fois que j'ai touché aux cheveux de quelqu'un d'autre, il a fallu tout raser derrière pour égaliser.
  • C'était ceux d'Aman ?
  • Ouais … Tu as reconnu les marques de morsures sur les bras ? Répondit-il en se frottant la tête, amusé.
  • Tu penses qu'elle aimera ?
  • Kali ? Faut voir, tu utilises ses affaires. Je n'ai pas encore vu quelqu'un les utiliser sans s'en prendre une. Mais il y a un côté qu'elle aura du mal à négliger …
  • Comment ça ? Lequel ?
  • T'es trop mignon avec tes barrettes ! Je voudrais garder une peinture de ça ! Annonça-t-il, fier de son travail et de son petit protégé.
  • Eh ! Je ne suis pas mignon, arrête avec ça. Répondit-il, gêné en chassant les mains d'Oneeki qui cherchait à l'embrasser.
  • Mais si t'es mignon, pourquoi tu crois que je me sens comme le papa poule à cause de ça ? Allez gamin, on va voir ta fête. Ne bois pas, ne fais pas ce que tout le monde te dis et je passe te prendre, compris ?
  • Kali ne pourrait pas me raccompagner ?
  • Si tu lui demandes gentiment, peut-être. On y va mon petit ?
  • Ne me perds pas dans la foule s'il te plaît …
  • Pas moyen, garde la capuche en attendant qu'on arrive. »

Oneeki ouvrit la marche et le renard la fermait. Après avoir ouvert la trappe et être descendu dans la ruelle, Isa'th faisait de petits pas. Il craignait encore le regard des gens. Ils s'approchèrent de la rue principale et bien que les gens s'inquiétaient, le spectacle qui s'offrait à lui lui fit oublier ses cicatrices pendant un moment. La rue n'était pas sombre à cause de la fumée ou du manque d'Ali'i, elle était éclairée par plusieurs lanternes en suspens dans l'air : des pavés de tissus creux qui étaient remplis d'air chaud par les anneaux imbibés de liquide inflammable. Sur leurs faces extérieures on pouvait voir des dessins de pierres précieuses plus ou moins taillées ou brut selon la richesse du niveau de la ville ou la fête avait lieu. Isa'th reconnaissait les couleurs brillantes des améthystes, des iris et des azurites sur celles-ci. Les lanternes retenues par les fondations des maisons les plus aisées de la ville moyenne illuminaient les échoppes de la rue.

L'odeur envahissait le nez de Isa'th, il sentait que l'eau lui montait à la bouche : il n'avait pas mangé en pensant au bal et à la pression qui retomberait sur lui. Il regarda autour de lui avec émerveillement pendant que la gorge d'Oneeki se serrait à l'idée qu'Isa'th reconnaisse la source des lumières en hauteur. Mais il prêtait plutôt attention aux couleurs que portaient les autres autour de lui. Tout le monde était habillé différemment : on retrouvait des styles vestimentaires orientaux et occidentaux, quelques boréales et australes. Mais les plus marquants étaient ceux de Laniakëa : en occident, il est coutume de porter des vêtements serrés à la taille par une ceinture large mais fine qui fait plusieurs fois le tour d'ailleurs. Le vêtement traditionnel d'été est une robe arrivant de la tête aux pieds avec peu d'espace pour des mouvements de jambes, caractéristique nécessaire aux temps de paix. Révélant ainsi le manque d'animosité par la restriction personnelle de ses mouvements. Les manches peuvent être longues et larges ou courtes et serrées, l'intérêt est de montrer avant tout les motifs tels que les fleurs, oiseaux. Ces tenues rappelaient d'ailleurs aux deux Chats celle qu'ils virent sur le portrait de la madra-rua dans le vaisseau. Les accessoires sont limités : la beauté réside dans la simplicité avec ces tenues. Une veste de couleur unie pour les plus frileux ou bien une ceinture plus épaisse pour que l'on puisse donner une apparence plus bombante au nœud qui reste souvent dans le dos ou encore des sandales en bois. Au nord, on aime garder son intimité : les vêtements exposent très peu de peau, les fourrures dominaient la hauteur de la personne. Les habits longs et blancs rappelaient la neige qui donnait habituellement la teinture naturelle. Certains osaient le contraste en portant des gants et chaussures noirs. Ce qui l’intrigua ensuite fut la musique qui résonnait dans les couloirs de la ville. Des cuivres, des cordes pincées paradaient dans la ville moyenne, accompagnés de chants clairs. Les passants aimaient suivre les paroles ou les rythmes qu'ils entendaient, sifflant approximativement ou fredonnant un air semblable. « Eh Isa'th, on va passer par là. Passe moi le renard » Conseilla-t-il en montant sur des poutres éloignées. Elles s'enfonçaient dans la pénombre à l'abri des lanternes, ce qui les arrangeait tous les trois. Cependant, l'animal sembla vexé et préféra sauter jusqu'aux fondations en grognant. Isa'th traîna derrière eux, cherchant à suivre du regard la lumière étrange des lanternes. Bien que la fascination lisible sur les yeux du jeune homme irradiait, le renard tira la manche gauche pour le tirer de son obsession pour le forcer à monter et suivre Oneeki. Ils parcouraient les planches de bois chaotiques en tendant l'oreille pour distinguer un éventuel air d'Atlas et de son instrument ou un rire extravagant de Salem qui aurait réussi à se libérer des « riches à deux balles » comme il aimait les appeler. L'espace autour d'eux se resserrait et la progression devenait plus difficile, Oneeki et Isa'th devaient se baisser, faire des pas de côtés s'ils espéraient progresser. Le dernier essayait avant tout de ne pas abîmer la tenue confiée par Kali ou de déranger le travail d'Oneeki en déchirant la manche ou en faisant traîner ses cheveux. « Est-ce qu'il y a une raison particulière pour faire cette fête ? Demanda Isa'th. La rue était très différente quand je suis arrivé ou quand on se déplaçait en ville.

  • Ouais, on fête annuellement la réconciliation des peuples. Ça serait la meilleure chose que ces dieux ont faite. Ajouta-t-il ironiquement.
  • C'est aujourd'hui ? Ma perception du temps est nulle sans voir Ali'i.
  • C'est sûr ça aide pas. C'est Ashura qui aurait « arrangé » ça pendant que les autres rebâtissaient les pays, c'est ça ?
  • C'est ce que j'ai lu, oui.
  • On a beau s'amuser, ça reste une connerie cette fête … Marmonna-t-il.
  • Comment ça ?
  • « Arrangé » n'est pas le bon mot. « Forcé » par contre … Si ces enfoirés existent vraiment, j’espère qu'ils se demandent s'ils ont merdé. Oh oui, ils ont arrêté des conflits. Ils empêchent les gens de vivre en contrepartie … Des gosses lâches et cruels. Ils choisissent la méthode la plus simple en ne prenant compte qu’eux mêmes en nous regardant assumer leurs conséquences … Désolé, je pourris l'ambiance plutôt vite quand j'entends trop parler de ceux-là.
  • J'y arrive bien aussi, tu seras pas seul au moins. Répondit Isa'th, essayant de le détendre.
  • Tu fais de l'humour, toi maintenant ? C'est bon à savoir » Termina Oneeki en tapotant le dessus de la capuche de Isa'th.

Ils continuèrent de longer, encore et encore. Isa'th remarqua alors que le renard venait de descendre dans un recoin et qu'il semblait amusé de la vue qui s'offrait à lui. Les deux autres accélérèrent alors la cadence et débouchèrent enfin sur la sortie du tunnel. Ils virent un très long arbre, le seul d'Aelton d'ailleurs. Un trou dans les habitations et les fondations créé par un orage et trop de métal au même endroit a dissuadé tout le monde d'essayer de bâtir quelque chose ici. Le peu de végétation présente en a profité pour atteindre la lumière et enfin créer de la verdure plutôt que de continuer à faire pousser des herbes jaunes faibles. L'arbre grandit et toujours gourmand de nouvelle lumière, il grandit en un tronc fin et incurvé qui tendait vers la lumière. Plus Isa'th regardait le tronc, plus les feuilles vertes ressemblaient à la queue de métal de Druni. Quelques Chats Noirs étaient déjà là, ils discutaient dans leur tenue élégante dans la plus grande insouciance bien qu'ils étaient complices d'un crime important. Il y avait Relm, Aman, Mesa, Minos et Mathusalem. Ils ne sortaient pas de l'ordinaire par leur tenue, sauf Mesa qui ne prit pas la peine de changer de style. Elle préférait avoir une tenue qui lui permettait de cacher autant de couteaux que nécessaire : le pantalon en cuir avait beau être serré, les bottes étaient suffisamment larges pour cacher quatre couteaux dans chacune. Elle avait une veste légère noire aux épaules azures et col rabattu, sans manches. Le tout par-dessus une chemise blanche aux manches courtes et avec une capuche. Relm avait un pull léger blanc avec peluche de renard comme capuche : la mâchoire supérieure en tissu était rabattue et de longues oreilles remplie de coton pendaient en arrière. Elle portait un short en viscose et des chaussures sans lacet en tissu. Elle portait un collier avec un motif de plume en or, un autre trésor qu'elle déroba aisément. Aman attendait cette fête depuis un moment, elle avait économisé pour enfin acheter cette robe verte décolletée, le dos couvert par une fermeture éclair. Ouverte à la jambe, le contraste entre son teint sudiste doux et les écailles vertes rugueuses intéressait particulièrement les passants qui l'apercevaient sur son chemin ici, l'intention qu'elle espérait. Des sandales tressées en cuir peint de la même couleur dévoilaient légèrement ses petits pieds. Minos et Mathusalem étaient habillés presque identiquement. Ils portaient une chemise blanche à manches longues, un brassard en cuir sur un bras qui contenait une trousse de crochetage. Ils avaient aussi des chausses noires qui passaient par-dessus les semelles de leurs chaussures. Relm fut la première à remarquer les nouveaux arrivants et fonça en priorité vers le renard pour lui montrer son manteau et une pomme qu'elle avait acheté pour l'occasion « On n'est pas les derniers ? Demanda Oneeki.

  • Ils accompagnent encore Kali pour trouver une tenue. Répondit Mesa.
  • Ils ont besoin d'être trois pour ça ?
  • Kali a des goûts terribles … En vêtements ! Autant pour moi Isa'th !
  • Pour quoi ? Demanda-t-il.
  • Euh pour rien, laisse tomber. Mais oui, Crésus l'aide à choisir.
  • Et Atlas alors ? Demanda Isa'th.
  • Il grogne quand des gens s'approchent trop d'elle avec des yeux louches. C'est étrangement efficace pour ce que j'en ai vu.
  • Est-ce que … Kali a déjà fait ce genre de fête avec d'autres personnes ?
  • Oh, est-ce que notre petit spécialiste serait jaloux ? Demanda Mathusalem.
  • C'est juste que … vous dîtes qu'elle n'a pas de goût en vêtements alors que ça doit faire plusieurs années qu'elle est là. Je n'ai pas l'impression qu'elle fasse beaucoup ça, je voulais juste être sûr … Répliqua-t-il, gêné.
  • Ouais, c'est ça. Et non, rassure-toi, elle ne fait pas ça tous les ans. J'ai un peu peur du résultat d'ailleurs. Si on pouvait éviter les os brisés des emmerdeurs ça m'arrangerait. » Ajouta Mesa.

Ils parlaient encore du casse en vérifiant qu'ils étaient bien les seuls autour de l'arbre d'Aelton. Relm expliquait à quel point elle avait peur lors de la descente de la paroi du vaisseau, Aman la félicitait d'avoir réussi à se reprendre. En réponse, elle sourit en serrant le renard par dessous les pattes avants, il avait du mal à respirer et sembla frustré de ne pas pouvoir atteindre la pomme qui se présentait devant lui. Minos sortit d'un sac qu'il avait gardé près de l'arbre plusieurs bouteilles opaques portant des noms différents : alcool d'absinthe, coucher de soleil oriental, le bon vieux marin, quadruple cidre, … Et des plats déjà préparés à base de pâte, tomates séchées, fromage de brebis, bacon fumé, pignons de pin, basilic, ail et huile d'olive principalement. Il distribua des assiettes en carton ainsi que des verres et des couverts qu'il remplit presque tous : Aman disputa Minos pour ne pas avoir fait attention en servant le verre de Relm avec le quadruple cidre. Isa'th donna son verre à Oneeki en peur des résultats et préféra essayer la nourriture. Il ne laissa pas l'occasion aux trois absents d'en goûter, il en redemanda encore et encore tant la gourmandise était grande. Isa'th resta encore à l'écart des autres malgré les conseils qu'il avait reçus. Il en profita pour observer les alentours : le renard semblait énervé de servir de simple animal de compagnie à nourrir et câliner mais l'attention chaleureuse qu'on lui proposait l'emmena à prendre sur lui-même. Relm parvenait encore à le contraindre et à frotter sa tête contre le dos du canidé, donnant une illusion plutôt grotesque d'un renard harcelé par un autre, plus têtu et trop affectueux. Oneeki se plaisait à raconter une fois de plus l'histoire « Le plus grand casse du siècle » à laquelle il participa. À chaque itération, il cherchait à embellir l'action en y ajoutant de nouveaux effets sonores. Il prenait de plus en plus de légèreté en la racontant, la connaissance de la chute rendait la chose plus aisée. Et bien qu'ils l'avaient déjà entendu, ils ne pouvaient s'empêcher de pendre aux lèvres d'Oneeki qui semblait toujours apporter quelque chose de nouveau au récit, il faisait de la rétention d'informations pour être sûr d'avoir une histoire digne de durer au bouche à oreille. Bien qu'il était impératif que celle-ci ne voyage pas trop.

Isa'th ne tenait pas à entendre encore une fois comment il s'était déboîté l'épaule quand il ne s'était pas contrôlé. Il attendait impatiemment le retour des trois autres Chats. Nerveux, il voulait se gratter avec ses griffes mais alors le travail d'Oneeki aurait été gâché, il se contentait de faire faire des aller-retours à sa main droite vers son épaule gauche. Il remarqua ensuite les tremblements de sa main gauche qu'il essaya d'arrêter en prenant de grandes respirations mais rien n'y faisait. Il enleva enfin sa capuche pour qu'il puisse profiter de la douceur des gants blancs pour passer rigoureusement sur le dessus du crâne, sans déranger les accessoires d'Oneeki. La lumière tamisée provoquée par les lanternes lointaines ne rendait pas justice à l'éclat de ses cheveux. Pourtant, on entendit un hoquet de surprise venant d'une ruelle un peu plus loin. Ils étaient arrivés : Crésus, Atlas et Kali, tous préparés pour l'occasion. Atlas eut du mal à trouver une tenue à sa taille, il avait son ancien pantalon mais une chemise blanche qui semblait sur le point d'éclater tant elle dessinait ses muscles de manière précise. Il était forcé de se tenir le plus droit possible ou les coutures du dos auraient explosées. Ses chaussures étaient plus adaptées à la construction de chantier qu'à danser : de solides semelles en métal dessous et une protection au-dessus des orteils similaires ne faisait pas parti des standards des fêtes. Crésus portait une veste blanche à manches longues bleues avec des croix rouges sur la longueur en passant par le coude. Le bas de la veste était aussi bleu où des motifs de roses entièrement blanches florissantes. Il portait également un nœud rouge au col. Aucun d'eux deux ne prit la peine de se peigner pour l'occasion. Kali portait une robe d'été semblable à la veste de Crésus : principalement blanche et décolletée, les manches courtes étaient bleues avec des croix rouges sur la longueur du bras par dessus un rectangle blanc. Un nœud rouge serrait sa taille. La dentelle qui passait dessous servait de transition au bas de la robe, bleue aux motifs de roses blanches avant de passer aux fanfreluches qui finissaient l'habit juste au-dessus des genoux. Ses chaussures rouges écarlates avaient des talons élevés et exposaient le dessus du pied sauf sur une longueur qui rejoignait un anneau au niveau de la cheville. Elle avait ses cheveux mi-longs roux détachés, quelques mèches cachaient les trapèzes tandis que les autres restaient en arrière avec une autre passant entre ses yeux. De même, le manque de lumière ne rendait pas ses cheveux flamboyants mais d'un rouge discret. Un collier avec une fleur en verre au bout d'une chaîne légère en métal terminait sur sa poitrine. Elle resta gênée sur tout le trajet de l'allure qu'elle avait en marchant avec ses chaussures inconnues jusque-là et du nombre de fois où elle se tordit la cheville. La gêne diminuait quelque peu lorsqu'Atlas jetait des regards aux spectateurs. Elle qui avait l'habitude de toujours garder des vêtements sobres utiles aux cambriolages, porter cette robe révélatrice et légère, libérer ses cheveux et cette mèche qui gênait alors sa vue déviait trop de ses standards. Les joues roses étaient alors un accessoire indissociable de la tenue.

Les deux se regardèrent alors : ils furent tout d'abord choqués de la vue qui s'offrait à eux, le travail apporté par leurs amis brillait de réussite. Ils restèrent bouche bée en regardant les détails apportés cette nuit : la répartition des cheveux, la valorisation ou la dissimulation d'éléments spécifiques. Mais surtout le changement drastique de thème rendait la transformation plus belle encore. Après être restée cinq secondes absentes, Kali s'approcha finalement d'Isa'th du mieux qu'elle put : elle trébucha en avant à quelques pas de lui mais il parvint à l'enlacer à temps en se baissant. Il retira son bras droit par réflexe tandis qu'il la releva, craignant encore la réaction des autres à la vue d'un porteur. Kali ne fut pas dupe, elle remarqua qu'il avait également détourné son regard du sien. Alors elle plaça sa main gauche dans la droite de Isa'th en lui souriant. Il savait que les Chats Noirs l'avaient accepté, qu'il avait enfin des amis qui pouvaient l'aider et répondre à ses questions. Mais la nouvelle était toujours aussi surprenante et agréable bien que le gant restreignait la chaleur qu'il aurait ressenti. Elle prit un temps pour inspecter ses cheveux : « Est-ce que tu as pris mes barrettes pour te coiffer ?

  • Oneeki l'a fait, oui.
  • Il va falloir que je lui apprenne deux trois trucs sur voler mes affaires. Mais il a fait un super boulot. Répondit-elle en suivant les mèches du bout de ses doigts, Isa'th inspira vivement et recula légèrement en réponse, gêné. Désolée, je me suis emportée. La veste te va bien, j'aurais dû penser à cette manche, heureusement qu'Oneeki y a pensé.
  • Oui, et tu … Hésita-t-il, il voulait retourner le compliment.
  • Je … ? Attendit-elle en se penchant en avant pour bien entendre sa réponse, souriante.
  • La robe te va bien, tu … Je suis extrêmement ému de te revoir ainsi surtout après avoir été séparés ? Tenta-t-il enfin, Kali regretta un peu de s'être autant rapprochée.
  • Merci Isa'th ?
  • Désolé, j'ai essayé de traduire un mot qui sert à décrire une émotion précise mais je ne voyais pas comment l'amener.
  • Ça m'a plu, t'inquiète. Le taquina-t-elle. Alors … Tu es prêt pour danser ce soir ? Demanda-t-elle, rougissante.
  • Je crois, oui. Je voudrais vraiment rester avec toi mais j'ai peur de ne pas danser assez bien. Continua-t-il, inquiet.
  • Ne t'inquiète pas pour ça, j'ai un mal fou à marcher avec ces chaussures. Si on danse mal, ça ne sera pas de ta faute. Mais si tu es stressé, ne t'inquiète pas. Rien ne presse. Et si on rejoignait les autres ? J'ai hâte de frapper Oneeki, de tous les autres il n'y a que lui qui nous regarde avec ses yeux remplis d'étoiles. C'est énervant. » Ajouta-t-elle en riant, il l'a suivi dans son élan.

Ils partirent en direction des autres Chats, ils parlaient encore du casse : « Salem a réussi à revendre les bijoux ?

  • Il a dû en retailler la plupart pour ne pas éveiller les soupçons. Avec ça, il devrait pouvoir racheter la sortie de plusieurs personnes.
  • Comment ça ? Demanda Isa'th.
  • Aelton attire les gens avec ses belles promesses de richesse. Mais arrivés en ville, les gens payent une certaine taxe d'entrée par un contrat louche qui les condamne à rester ici.
  • Mais les gens qui « rachètent » leur liberté pourraient prévenir des dangers de la ville, non ? Constata Isa'th.
  • Ils pourraient. Mais les vautours retrouvent toujours ceux qui essayent et les kidnappent, sans laisser de traces. Ce qui se passe à Aelton reste à Aelton.
  • Donc les vols que vous réussissez permettent de libérer des personnes de l'emprise des dirigeants d'Aelton ?
  • Voilà. Confirma Aman.
  • Mais si vous contredisez leur autorité, vous ne risquez pas de vous faire attaquer par ces vautours ?
  • Avec l'argent qu'ils récupèrent, ça m'étonnerait qu'ils posent trop de questions.
  • Mais peut-être qu'ils auraient récupéré plus d'argent s'ils avaient gardé ces personnes ?
  • C'est plus intéressant pour des types avec une cuillère en or dans le cul de récupérer beaucoup d'argent d'un coup que d'attendre qu'il tombe. Répondit Oneeki.
  • Cuillère dans le … ? Voulait demander Isa'th mais la claque qu'Oneeki reçut par Kali l'interrompit.
  • Langage ! Lui dit-elle.
  • Pardon, pardon ! » S'excusa-t-il alors. Isa'th fut surpris de constater la proximité entre violence faible et humour, la claque faisant glousser les plus proches.

Tous ceux autour de lui souriaient en se faisant passer les mets et les boissons, les odeurs défilaient devant lui. Il en vint à manquer celle de l'herbe qui restait discrète, remarquable lorsque l'on s'allongeait à ses côtés. Il ne constata que très tard que Kali était partie voir Relm qui « étouffait » encore le renard en lui mettant sous le nez différentes nourritures qu'il serait susceptible de manger. Il l'a suivait du regard, elle riait en voyant l'animal se servir dans l'assiette de la petite fille à « contre-cœur ». Elle frotta leur tête en réponse du spectacle absurde. Il fut interrompu par Atlas qui lui tendit un verre rempli à ras-bord d'alcool. Bien que l'odeur le perturbait, il fut suffisamment curieux pour s'en approcher un peu plus et tremper rapidement sa langue dans la coupe, comme un chat qui lapait le lait. Il prit alors un instant pour sentir son verre mais il ne retrouva aucune odeur qui correspondrait aux goûts ressentis. Oneeki s'avança alors de lui, ivre et lui dit : « Alors gamin ? Tu en es où ?

  • Comment ça ?
  • Tu as déjà dansé avec elle ou pas ? Je dois avouer que je me suis … absenté un petit moment quand j'ai pris ce verre.
  • Non, je n'ai pas encore dansé avec elle.
  • Bah pourquoi gamin ? Demanda-t-il, attristé.
  • Je ne suis pas sûr de la manière dont je devrais demander ...
  • Facile : main gauche dans le dos, pied gauche en arrière tendu, paume droite tendue vers le ciel, coude plié. Tu baisses la tête et là tu demandes : « Danseriez-vous avec moi, ma damoiselle ?
  • “Damoiselle” ?
  • “Damoiselle.” Insista-t-il.
  • Et c'est tout ?
  • Oh oui, tu peux toujours picoler si tu sens que ça peut t'aider.
  • Comment est-ce que ça m'aidera de boire quoi que ce soit ?
  • Ça aide beaucoup, crois moi. Ça décomplexe énormément. Atlas ! Une coupelle pour le jeune homme ! » Hurla-t-il en bégayant.

Il retrouva alors Aman taquiner Kali sur sa tenue extraordinaire, allant jusqu'à vérifier si elle n'avait pas gardé sous cette robe un bas plus habituel pour elle. Mais la tentative de Kali à la griffer avec ses ongles semblait indiquer que non. Atlas récupéra l'attention d'Isa'th en le tapant de l'épaule, il faillit perdre son équilibre. Il montra qu'on pouvait boire le contenu d'un verre très rapidement, puis il pointa du menton Kali et fit un dernier clin d’œil au jeune lexidae. Il l'imita alors, sans se décourager au dernier moment, plus rien dans son verre mais l'ivresse montait vite à sa tête. Il prit alors sa dernière gorgée ainsi que son courage et avança en direction de Kali, du mieux qu'il put en tout cas : sa démarche était de moins en moins droite. Plus qu'un mètre. Il tendit alors la main et interrompit les attaques maladroites de Kali en direction d'Aman. « Dan … Danseriez-vous avec moi … Ma damoiselle ? Demanda-t-il timidement.

  • Avec plaisir. » Répondit-elle avec un tendre sourire amusé.

Elle saisit alors sa main droite en posant ses doigts de sa main gauche dessus. Il la tira alors vers lui et la fit tourner autour d'elle même avant de faire croiser leurs mains, leur torse se touchant. Les autres se mirent à rire en regardant l'un et l'autre. Atlas se dépêcha alors de récupérer son instrument et gratta quelques cordes, lançant un rythme soutenu par rapport à l'expérience des deux danseurs. Enfin, Isa'th amena Kali sur un long pas : il la tira en arrière, les mains plaquées l'une contre l'autre et contre leur poitrine. Elle se baissa légèrement avant de pivoter autour d'Isa'th en posant sa main gauche sur l'épaule droite d'Isa'th, il plaça sa main droite sur sa taille. Il tourna alors à son tour autour d'elle en se baissant et en lançant son pied gauche qui décrivit un grand arc de cercle. Il fit faire ensuite un tour à sa partenaire autour d'elle même tout en tenant sa main droite de sa main gauche tandis que celle de Kali faisait le tour de son corps. Finalement, le tour fini, il laissa sa main gauche sur le bas du dos de le jeune femme, la droite, contre sa nuque et s'inclina pour laisser le haut de son corps horizontal, sa jambe droite, tendue et la gauche, fléchie. Kali se laissa tomber en arrière : le dos, toujours horizontal mais la jambe gauche envoyée en hauteur, quarante-cinq degrés par rapport au sol. La droite, fléchie, formait trois angles droit : entre le tronc et la cuisse, entre la cuisse et la jambe, entre la jambe et le pied. Sa main droite se posa délicatement sur le dos de Isa'th et la gauche se laissa tomber, dos de la main contre le sol. La musique continua encore, s'amenuisant pour marquer la fin du spectacle mais le début d'un autre couplet. À la fin du mouvement, leurs cheveux retrouvèrent alors la gravité, tombant au sol, ils dissimulèrent la lumière pour laisser une grande intimité au couple qui se regarda intensément dans les yeux. La respiration haletante, quelques mèches blanches tombant sur le visage en sueur de la jeune fille, l'emprise qu'ils exerçaient sur l'autre s'intensifia. La tension retomba lorsqu'elle sourit encore une fois avant de l'embrasser sur la joue et en lui disant dans l'oreille : « Je crois bien avoir transpirer plus que la dernière fois. » La musique s'arrêta alors et ils se relevèrent sous les applaudissements des autres Chats Noirs, replaçant les cheveux qui se mettaient devant leur visage tout en essayant de récupérer leur sang froid après s'être exposés devant les autres. « Oooooh. Exprima Oneeki qui était définitivement ivre. Ça c'est mon gamin ! Bien joué petit ! C'était super ! Dit-il maladroitement, se comportant comme un papa-poule.

  • Merci … Répondit le danseur qui restait gêné de l'attention qu'il lui réservait.
  • Bon … C'était super Isa'th, merci. Ajouta Kali, souriante.
  • Pour moi aussi, est-ce que … On pourrait recommencer plus tard ?
  • J'y compte bien. » Lui murmura-t-elle dans l'oreille.

La danse finie, les autres osèrent s'approcher enfin pour apporter eau et mouchoirs aux animateurs. L'intimité laissait place au rire pour que les autres parlent du tour qui venait de se dérouler devant eux : « Quand est-ce que tu as appris à danser, Kali ? Demanda Relm.

  • J'avais des bases, elles remontent à un bon moment. Répondit-elle en pensant à son ancienne famille, les aisées requièrent des enfants de savoir danser pour les événements festifs pour ne pas humilier les parents. Mais c'est lui qui a mené derrière, c'est à lui qui faudrait poser la question.
  • Ton père de trois mètres de haut à réussi à danser avec toi ? Demanda alors Mesa, curieuse.
  • Non. Il mesure cinq mètres de haut. La magie qu'il m'a appris utilisait beaucoup de mouvements circulaires. J'ai imaginé des mouvements de duo à partir de là sur le rythme d'Atlas et …
  • C'était super ! Allez, on refait ! Proposa Mesa.
  • Refait quoi ? » Demanda Crésus qui était parti aider Oneeki à boire d'autres bouteilles.

Mesa traîna la plupart des membres tandis que Relm essayait désespérément de faire bouger Atlas, il consentit alors à se déplacer de lui-même. Oneeki et Crésus marchèrent de moins en moins normalement, à croire qu'ils essayaient déjà d'imiter maladroitement Isa'th. Atlas, Minos et Mathusalem furent commis d'office pour faire les musiciens : le géant continua à faire trembler les cordes de son instrument en tournant avec Relm, Mathusalem s'occupa des percussions en frappant un tissu tendu sur un cône de bois. Et Minos fredonnait des voyelles dans un rythme qui lui restait en tête. Il battait le tempo en claquant des doigts de la main gauche et en fléchissant les genoux. Les autres suivirent le rythme : Mesa commença à faire des aller-retours lents de droite à gauche en croisant ses jambes et poussant l'air avec ses paumes. Crésus tapant le sol de son talon droit en faisant coulisser ses bras devant son visage dans un rythme effréné, ne se souciant que de peu de la place qu'il laissait autour de lui. Oneeki essaya de copier les mouvements qui se présentaient devant lui, on aurait dit qu'il trébuchait continuellement : seules ses jambes bougeaient en donnant des coups secs dans l'air, les mains restaient sur sa taille. Il sauta sur place, enchaînant la série de trois coups d'un côté, deux de l'autre. Il tourna alors sur lui-même, ce qui effraya les autres qui connaissait son état, et finit par plaquer son talon droit au sol, le pied relevé. Relm sautait sur place en levant ses bras puis osa davantage en faisant une roulade avant en passant sous le renard qui semblait inquiet de toute l'agitation autour de lui. Il restait timide et gêné en voyant les mouvements décontractés autour de lui. Il suivait du regard les autres, d'un œil curieux et éloigné mais amusé. Aman continua de balancer ses bras au-dessus d'elle tout en fléchissant les genoux, restant statique. Elle se tendit une dernière fois pour tourner autour d'elle même jusqu'à perdre son équilibre et retourner au premier mouvement. Quant à Kali et Isa'th, ils reprenaient une version plus calme de leur pas en se déplaçant, synchrones, de gauche à droite avant d'attraper la main gauche de l'autre et tourner autour d'elles. Lorsque la musique sonna ses dernières notes, ils libérèrent alors leurs doigts pour s'éloigner d'un pas et se saluèrent en avançant le genoux droit, main gauche dans le dos et droite contre la poitrine. Ils s'inclinèrent de trente degré en avant en gardant en vue les yeux et le sourire de l'autre.

Les musiciens s'arrêtèrent alors et s'approchèrent des autres pour profiter d'une accolade très amicale. Atlas leva Relm du sol pour la poser sur son épaule et la faire rire aux éclats. L'alcool devenait de plus en plus encombrant pour Isa'th, l'équilibre se réduisait et la vue ralentissait. « Excusez-moi, mais je suis vraiment fatigué. Est-ce que je pourrais rentrer ? Demanda-t-il.

  • Bien sûr, je vais te ramener gamin. Répondit Oneeki en ayant du mal à le regarder droit dans les yeux.
  • Merci … Mais tu te rappelles de ce qu'on avait parlé avant de partir ?
  • Non … ? Ooooh ! Si, je me souviens ! T'inquiètes pour les barrettes, Kali remarquera rien.
  • Qu'est-ce que je ne remarquerais pas ? Demanda-t-elle à Oneeki qui venait de lui dire ça en face d'elle.
  • Oh pardon. Kali ne remarquera rien. Dit-il en face de Isa'th cette fois.
  • Oneeki … Reprit-il désespérément.
  • Oh, l'autre truc. Aaaaah, je me sens faible ! Mes forces m'abandonnent ! Si seulement un Chat roux généreux pouvait raccompagner mon gamin à travers l'obscurité de la ville ! Dit-il dramatiquement.
  • Qu'est-ce que tu as bu au juste ? Demanda Isa'th, inquiet.
  • Un peu de tout … Plusieurs fois.
  • C'est bon, laissez celui-là décuver. Je te ramène, Isa'th. Répondit alors Kali.
  • Merci. »

Ils saluèrent les autres, convinrent facilement le renard de les suivre malgré les gâteries proposées par Relm. Le passage autrefois étroit semblait beaucoup plus accessible. Le regard assuré de Kali malgré les difficultés du trajet, ses chaussures et le fait qu'elle assurait aussi le passage en tirant le jeune homme par la main droite. Le gant blanc gênait, il passait à côté de trop de chose par rapport aux dernières sensations. Il lui faisait suffisamment confiance pour ne plus faire attention au chemin qu'il prenait, ses yeux étaient encore rivés sur cette peau claire. Contrastant avec l'obscurité, elle éclairait la scène à sa manière. Ses détails restreints, petits mais importants, lui manquaient déjà alors qu'il venait de danser avec elle. Et avant de trop s'en plaindre à lui-même, ils arrivèrent enfin devant la maison, l'escalier et la trappe. Isa'th profita de l'endroit pour enfin retirer ses vêtements étouffants en commençant par retirer sa veste, la manche sur mesure, la chemise et les bottes. Il lâcha un soupir de soulagement en écartant ses orteils. « Tu veux prendre un bain ?

  • Oui s'il te plaît.
  • Je vais te préparer tout ça. Tu arrives à enlever ton gant ? Lui demanda-t-elle en le voyant s’agiter sur sa main.
  • Non … Le tissu a dû se coincer dans une écaille.
  • Ahahah, fais voir maladroit. Répondit-elle en riant, retournant le gant pour trouver l'écaille incapacitante.
  • Je me demandais aussi … Est-ce qu'on pourrait prendre le bain ensemble ou est-ce que c'est trop ?
  • Ensemble ?! Répondit-elle, surprise.
  • Tu m'as aidé la dernière fois, c'était agréable et je voudrais retourner la faveur. Ce n'est pas possible ?
  • C'est juste que … Non, rien. Monte dans la baignoire, je vais chercher de l'eau. Garde ta serviette cette fois.
  • D'accord. » Répliqua-t-il, réjoui.

Il monta les escaliers jusqu'à la chambre où il déposa ses affaires sur la chaise à côté du lit, il prit une serviette qui traînait sur la baignoire et l'enroula autour de sa taille. Il se posa à l'intérieur et attendit l'arrivée de Kali avec l'eau. Il repensait à sa dernière expérience avec cette baignoire et du sang qu'il avait versé. Il se tenait encore l'épaule gauche avec ses griffes et suivait lentement les cicatrices qu'il avait laissées en imaginant les voix. « Arrête, enlève ta main. Je suis fatiguée de devoir nettoyer du sang. Réprimanda Kali qui avait fini de se préparer, une serviette large qui entourait sa poitrine et sa taille.

  • Désolé pour ça.
  • Ne le sois pas. Mais si tu recommences, je passerais la serpillière avec ton corps. Répondit-elle avec une voix menaçante mais exagérée.
  • D'accord !” Répondit-il, vraiment concerné pour sa sécurité.

Elle versa la moitié du sceau sur son dos, l'eau restait dans le fond en céramique. Elle refroidissait la sueur accumulée lors de la danse, coulant sur les cicatrices et les brûlures. Kali frotta le dos tendu avec un pavé de tissu absorbant. Passant entre les omoplates, suivant les côtes, la colonne vertébrale. Les écailles. La routine se répétait : elle passait ses doigts sur sa peau et les cheveux, il frissonna malgré la chaleur qu'ils apportaient. Tous deux s'amusèrent à voir l'autre réagir au contact : baissant la tête ou en la levant, le tactile restait un inhibiteur d'aisance. L'absence de sang restait un embellissement non négligeable. « À ton tour ? Demanda-t-il en se retournant, gardant la serviette bien attachée cette fois.

  • Oui … » Répondit-elle en lui donnant le gant et le sceau, elle tenait fermement sa serviette.

Elle était encore plus tendue que lui, elle s'enferma sur elle-même en se tenant les genoux. Elle inspira avant de finalement dévoiler le haut de son dos, elle tremblait tant la gêne était grande. Elle qui était toujours concentrée sur Aelton et de foncer sur la préparation d'un casse dont elle aurait entendu parler, elle faisait abstraction des relations charnelles qui n'auraient pu que la perturber. Elle espérait d'ailleurs éviter de s'attacher à quoi que ce soit avant de fonder les Chats Noirs et de créer leurs relations industrielles puis amicales. Elle y repensait et trouvait son attitude de plus en plus téméraire et stupide. Il l'interrompit en prenant sa revanche en lui versant d'un coup sec l'eau sur le derrière de la tête, elle se redressa aussitôt en poussant un petit cri de surprise et lâcha prise sur ses genoux pour se retourner vers lui et lui lancer un regard irrité imbu de gêne. Elle avait eu sa leçon et l'acceptait aussi bien qu'il l'a subi. Il ne prit pas le risque d'essayer de la laver avec sa main droite et massa lentement avec le gant autour de la main gauche. Sans regarder derrière elle, elle saisit alors cette main « affreuse » et la plaça sur le bas de son dos délicatement, sans risquer de se couper en faisant glisser le dos des griffes contre elle avant de les étendre. Même sans se retourner, Isa'th devinait qu'elle rougissait tout en gardant un sourire faible, dissimulé dans un coin. Il essaya alors de continuer avec sa main droite mais le cri refoulé de Kali le força à changer de méthode, il préféra commencer par les cheveux, moins sensibles. Il laissa le gant tombé dans l'eau et préféra prendre de l'eau de la baignoire dans la paume gauche pour les amener vers les cheveux rouges pour les faire filer entre les doigts griffus. Il continuait à laver les mèches de devant en les ramenant en arrière pour ne pas mouiller l'avant, encore protéger par la serviette. Il s'arrêta alors en remarquant les fils écarlates qui restait entre ses écailles. Il voulait s'excuser mais à peine ouvrit-il la bouche que Kali le rassura en lui disant qu'elle en avait d'autres et qu'il ne lui avait pas fait mal. Il passa alors au dos, faisant le tour des épaules en se faisant toucher délicatement les épidermes : doux et beiges de lexidae ou rude et noir de porteur. Craignant les griffures, il cacha sa main droite dans le gant et caressa son dos de haut en bas suivant les muscles encore tendus. Il hésita à passer plus bas mais le cri de surprise qu'elle avait poussé plus tôt l'en dissuada. Elle prit sur elle même pour amener elle-même les mains de Isa'th là. Aucun mot n'était prononcé, le premier qui parlait dirait sans doute n'importe quoi qui rendrait la situation encore plus gênante. Isa'th prêtait attention au dos nu de Kali : même avec les bleus, les nœuds et les éraflures, il restait très séduisant.

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