Chapitre 37 – Le casse du siècle

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Caché derrière un pic, un vaisseau approchait vers la montagne où se tenait le groupe. La tension montait, Kali essuyait ses larmes encore une fois et ordonna de ranger tout le matériel et de grimper en hauteur. La tente fut démontée, les sacs remballés et les parachutes amorcés. Une course haletante débuta : les trois gagnèrent en hauteur péniblement. Relm suivait la cadence de plus en plus loin et le vaisseau se rapprochait d'eux : une belle coque en bois clair. L'heldir est très apprécié des esprits. Les défunts malchanceux qui laissent leurs souvenirs trop importants les hanter et leurs magies laisser une trace de leurs passages se réfugient souvent vers les heldirs, derniers refuges qu'ils peuvent trouver dans les forêts pures de toutes agressions. Ces forêts sont paisibles avant tout car des esprits ont effrayé les premiers à être tentés de couper ce bois. Alors fabriquer un vaisseau entier avec ce bois, le commanditaire devait être quelqu'un de fortuné. En plus de la coque, les cinq ailes du vaisseau : deux sous la coque, une qui servait de dérive et deux autres qui étaient gonflées d'air chaud et des hélices tournaient rapidement pour soutenir l'appareil. Les toiles étaient d'un blanc éclatant, les voiles supérieures arboraient le symbole de Lazulis, l'archipel aux eaux claires et cieux étoilés : une lune dans l’œil d'un renard de profil.

Ils étaient en position, le vaisseau en contrebas, Isa'th surplombait les autres et ils se préparaient. Le vent était fort à cette altitude mais il ne pouvait pas le ralentir à cause de cette excitation qui l'habitait maintenant, le vaisseau s'approchait et une multitude de questions lui venait à l'esprit : « est-ce que je peux sauter cette distance ? », « est-ce que les autres iront bien ? », « est-ce qu'on arrivera sans problème sur ce vaisseau ? », « est-ce qu'il y a beaucoup de feu dessus ? », « est-ce que … » Toutes ces questions s'envolèrent quand il les vit sauter dans le vide. Relm se tenait à Kali sur son ventre et Oneeki avait perdu son sourire face à cette tension et ils disparaissaient de la vue d'Isa'th qui s'approcha pour observer la scène : un seul parachute déployé. Relm et Kali tombaient tandis qu'Oneeki se dirigeait vers le vaisseau avec difficultés.

Le temps sembla s'arrêter autour de lui, un moment d'absence. Une vision d'horreur lui venait, leur corps sans vie dans la grotte sous la cascade en entendant leurs plaintes : « pourquoi ne nous as-tu pas sauvés ? » Le roc sous ses pieds se brisa. Aucune affinité dans ce vent. Une pression pure et puissante le propulsa en direction des deux filles en train de s'échouer. Les quelques arbres qui poussaient ici furent brisés par la pression. Il fila à grande vitesse vers elles, l'air bourdonna et siffla dans ses oreilles mais c'était son dernier problème : le vaisseau se rapprochait trop et il le dépasserait bientôt à cette vitesse. Elles criaient en tombant, en ne parvenant pas à utiliser les parachutes, elles paniquaient et tombaient de plus en plus vite, le vide les appelait et les attirait. Une main les retint enfin. Isa'th attrapa le sac de Kali et tira de toutes ses forces pour déployer les toiles carrées qui s'y trouvaient mais à cette vitesse, un seul des parachutes resta intact et n'était pas suffisant pour stopper leur chute et le vaisseau n'était plus qu'à quelques mètres. Isa'th déploya les siens en les entortillant aux liens de ceux de Kali et de ceux de Relm, puis planta ses griffes dans le bois d'heldir, le déchirant sur plusieurs mètres puis, finalement, arrêta leur chute. Oneeki était déjà arrivé, accroché à la rambarde du vaisseau. Dans sa tentative, Isa'th s'était déboîté l'épaule et se retint de relâcher un cri et encore moins son emprise sur les deux autres. Il respirait fort et en attrapant les cordages il tira de toutes les forces qu'il pouvait rassembler pour ramener les deux filles à la coque pour qu'elles s'accrochent par elles-mêmes. Tandis que le bras droit d'Isa'th était encore ancré dans le bois, Kali observa son sauveur pour enfin le reconnaître et lui dit avec d'autres larmes : « Isa'th ? Pourquoi est-ce que tu es là ? Je t'avais dit de rester à … Tu ne devais pas … Tu es revenu encore au bon moment, hein ? Demanda-t-elle avec un léger sourire pour remplacer la panique d'enfin mourir mais de devoir en plus entraîner quelqu'un d'autre avec elle.

  • Je pensais bien faire mais je crois que je me suis blessé à l'épaule droite. Répondit-il en cachant sa douleur par un autre faux sourire. Tu peux grimper à partir de là ?
  • Je crois, oui. Tu vas bien ? S’enquérait-elle, une question qu'elle savait déplacée mais elle ne contrôlait plus aucune de ses émotions après cette expérience de mort imminente.
  • Je m'en sortirai. »

Elle essuya ses dernières larmes de vie qu'elle croyait maudite et remonta en aidant Relm, puis, en vérifiant que la voie était claire, marcha sur le pont en bois du vaisseau en tirant Isa'th de là où il se tenait. Oneeki l'aida à remonter et se rendit compte, en observant son bras droit, que malgré la solidité de ses écailles, elle n'était pas suffisante pour empêcher tout dommage interne. Désarticulé, il avait du mal à se concentrer et à utiliser sa magie, c'était pourtant maintenant que les Chats Noirs avaient besoin de toute l'aide possible. « Restez bien groupés, cachés dans l'ombre on aura plus de chances. Le vrai problème ça va être de retrouver la cargaison en passant à travers ces gardes, on devrait commencer par la soute … Expliqua-t-elle en essayant de se ressaisir.

  • Il faudrait soit les neutraliser, soit les distraire mais qu'est-ce qui attirerait l'attention d'au moins vingt gardes ?
  • Et si on brûle leurs voiles ? Proposa Relm.
  • Je pense qu'elles sont traitées et dans le pire des cas où ils seraient effectivement pourris, je n'ai pas envie de devenir un tueur. Se moqua Oneeki, à la grande joie d'Isa'th.
  • Il faut les attirer ailleurs le temps de voler, c'est ça ? Demanda le jeune homme aux cheveux blancs.
  • Tu as une autre idée bizarre derrière la tête ? Demanda son ami.
  • Si il y avait beaucoup de vent et que le navire a dû mal à bouger correctement, plusieurs personnes seraient nécessaires pour aider, non ?
  • Donc … tu veux faire chavirer le vaisseau pour distraire les autres ? Le problème c'est que la cargaison pourrait être endommagée à cause de ça …
  • D'accord, je ferai attention.
  • On va devoir se contenter d'être discret … Termina Oneeki, inquiet.

Sur le pont, le groupe se tenait vers la rambarde du côté tribord, caché derrière des caisses en bois. Quelques gardes passaient à côté d'eux en observant les airs avec des boissons chaudes aromatisées aux herbes. Les grandes ailes du vaisseau se gonflaient d'air et les réservoirs de carburants situés dessous étaient utilisés pour renouveler l'air chaud, ils prenaient beaucoup de place mais la taille importante du vaisseau compensait ce problème et des étincelles arrivaient au dessus d'eux et l'huile sous pression à l'intérieur s'embrasait. « Vous avez une idée de ce qu'ils peuvent transporter ? Demanda Isa'th.

  • Je ne suis pas sûr, mais même s'il arbore un renard et une lune c'est peut-être juste une contrefaçon plutôt osée.
  • Pourquoi ?
  • On ne se fait pas passer pour une des familles les plus puissantes du monde quand on a toute sa tête.
  • Alors on va voler cette famille ?
  • Non … Ces types ne sont pas de Lazulis, je les ai déjà vu quelques fois traîner à Aelton. Ce sont des types du Vautour du Pont, les vrais dirigeants d'Aelton. Répondit Kali.
  • Comment ça ?
  • Pour faire simple : un maire sert de spectacle pendant que les Vautours lui disent quoi faire dans les coulisses en échange d'un salaire plutôt élevé. Tout le monde, sauf ceux qui habitent Aelton, ignorent comment le pouvoir est dirigé ici, à chaque fois que le maire reçoit quelqu'un de haut-placé de l'extérieur il se débrouille pour que le touriste n'entende jamais parlé des Vautours ou de la corruption. Et si jamais quelqu'un voulait parler d'eux en public ou encore pire, à l'extérieur de la ville … Ils finissent toujours par le retrouver et laissent un couteau planté dans l'oreiller pour montrer qu'ils peuvent les atteindre n'importe quand et n'importe où. Expliqua Oneeki
  • Donc on va voler le groupe de voleur le plus puissant d'Aelton alors qu'ils pourraient essayer de nous tuer pendant qu'on dort ?
  • C'est ça oui. Tu regrettes maintenant ? Demanda Oneeki avec un sourire forcé.
  • Non mais il y a de quoi s'inquiéter on dirait. »

Isa'th tenait encore son épaule à cause de la douleur et de sa descente de la montagne, le front de Isa'th était parcouru de gouttes de sueur et dans cet état les sons qu'il entendait était aussi clair que s'il était dans les eaux profondes : « … oi, Isa'th. Ressaisis-toi, on doit bouger. » Exigea Oneeki en secouant l'autre lexidae. Il reprit ses esprits petit à petit, ravala sa salive et prit des respirations lentes et le plus détendues qu'il pouvait. Mais dans ce milieu qui lui était inconnu, il ne savait comment agir pour les aider et observait du mieux qu'il pouvait. « Où est-ce qu'il cacherait un trésor sur un vaisseau ? Se demanda Relm.

  • Sûrement pas à la surface. Répondit ironiquement Oneeki en regardant les patrouilleurs.
  • Le problème c'est qu'il se trouve sans doute dans les étages inférieurs, et pour y accéder on va devoir trouver l'accès en passant par les gardes et ensuite transporter le butin jusqu'aux navettes de secours. Combien de gardes d'après toi ?
  • Je dirais au moins cinq sur le pont, trois aux commandes pour ce que je vois du cockpit. Pour ce qui est de l'intérieur c'est suffisamment calme pour qu'on ne l'entende pas d'ici mais j'éviterais de me prononcer sur ça. Si on descend ça sera par l'escalier à dix mètres là-bas. Continua Oneeki en pointant du menton le dos d'Isa'th qui essayait de suivre la conversation.
  • On passe l'un après l'autre, on serait à découvert et quelqu'un pourrait remonter.
  • Je commence. Termina Kali.

Kali tournait la tête de gauche à droite que se soit pour voir ou pour entendre un bruit de pas dissimulé par le vent autour d'eux. Kali désigna aux autres le sol et pointa son pouce vers le haut en continuant d'avancer. « Très bien, le bois ne craque pas, un avantage dans cette merde monumentale. Rouspéta Oneeki. Dès qu'elle vous fait signe : Relm et Isa'th vous la rejoignez, je fermerai la marche.

  • Compris. » Ajoutèrent les deux autres qui assistaient à leur premier vol professionnel.

Kali se plaqua contre le mur où des escaliers l'attendaient et jeta avec hésitation un regard dans l'escalier qui donnait accès à l'étage inférieur. Elle était cachée de l'autre partie du pont, symétrique par rapport à la longueur du vaisseau, séparées par le cockpit et ses escaliers de part et d'autre de la salle de commande et d'un salon. Elle agita sa main vers les deux novices qui l'imitèrent en cherchant un garde qui passerait par là. Aucun signe. Accroupis, ils se précipitèrent vers Kali en effleurant le sol de leurs pas légers. Onneki s’apprêtait à les rejoindre quand un bruit parasite le retint : quelqu'un venait. Le peu qu'il s'était avancé, il parvint à se cacher de nouveau et attendait. Patiemment. Respirant par la bouche le plus lentement possible. Les trois autres voyaient passer le garde qui, par chance, s'arrêta pour contempler le vide entre eux en s'appuyant contre la rambarde. Oneeki glissa sur le bois lissé jusqu'à l'escalier où il put enfin se détendre de cette première étape et ils descendirent l'escalier absent de toute autre vie. En bas, ils prirent un court temps pour évaluer leur situation : « un escalier qui monte pour la salle de commande, l'autre pour la salle des machines et éventuellement … la cargaison. » Indiqua Kali en prenant une profonde inspiration. Misant sur la chance, ils prirent l'escalier descendant pour trouver alors un couloir dont le mur de droite donnait sur des caisses en bois et diverses pièces réparties de chaque côté de l'allée, perpendiculaire au premier couloir. « Isa'th, commence à ouvrir les caisses discrètement, Relm tu fais le guet, Oneeki, avec moi. On explore plus loin.

  • Compris » Déclarèrent les autres.

Isa'th faisait face à un bloc de planches de bois collés entre eux, les interstices ne permettaient pas de voir le contenu, le couvercle n'était que peu différent du reste si ce n'est qu'il y avait un cadenas d'un côté et une paire de gonds de l'autre. Isa'th hésita un moment à casser le cadenas mais Kali était claire en précisant « discrètement » alors il regarda de l'autre côté pendant un moment : il ne l'entendait même pas de là où il se tenait, seulement des signes qu'elles adressaient à Oneeki et quelques mouvements de lèvres. Même s'il comprenait que cette situation était différente de celle qu'il chérissait, il était jaloux de ne pas recevoir son attention. Il se ressaisit pour aller faire son rapport à Oneeki : « j'ai regardé dans les coffres, ils ont des vases en céramiques et des herbes séchées : jasmins et tilleul.

  • Aucun des coffres n'est ouvert, comment est-ce que tu sais ce qu'il y a dedans ? Demanda-t-il en jetant un œil derrière Isa'th.
  • J'ai enlevé les cylindres de métal qui bloquaient les gonds, je ne voyais pas comment ouvrir le coffre sans casser le cadenas. Désolé …
  • Ne t'excuses pas, c'est bien vu mais tu as réussi à les remettre ?
  • Oui ?
  • Très bien, très bien, très bien. Continua Oneeki qui sembla déçu quand il rangea une pochette d'accessoires de crochetage.
  • On doit faire fausse piste, j'ai fouillé tous les coins et aucun signe de trésor et si on descend c'est dans la salle des machines et je ne pense pas que ça soit là. Annonça Kali qui se rapprocha d'eux.
  • Pourquoi ? Demanda Isa'th.
  • Habituellement, les gardes comme ceux là n'ont pas suivi de formation pour diriger un navire de cette taille, il y aurait donc un personnel privé et civil qui s'occupe de cette partie mais engager des civils et leur confier la garde d'un trésor est trop risqué, l'un d'eux pourrait se servir et le cacher dans un coin que les patrouilleurs ne connaissent pas. Expliqua Oneeki.
  • On retourne à l'étage et on cherche dans les quartiers. Ordonna Kali.
  • Je crois que quelqu'un descend ! » Ajouta Relm en se retournant vers les autres.

Oneeki réagit alors en attrapant Relm par le col pour la tirer en arrière et l'amener derrière une des caisses à droite du passage vers les escaliers. Isa'th et Kali se cachèrent derrière d'autres coffres qui se trouvaient en face des deux autres. Attendant de connaître la direction que prendrait le garde, les pas se rapprochèrent tandis que l'attente devenait de plus en plus insupportable à maintenir leur respiration la plus lente possible. Seul Isa'th y arrivait sans gêne, les autres avaient des moments d'inattention où il lâchèrent un gémissement parasite. Le bois grinçait tandis que le cœur des voleurs envoyaient des bruits sourds à leurs oreilles. Il venait vers eux, un sahuaguin d'un mètre soixante-dix, il portait une lourde veste en fourrure blanche et des jambières raccordées aux bottes montantes en cuir marron mais son visage et le haut de son crâne était dissimulé par une capuche. L'homme devant eux s'étirait en envoyant ses bras le plus loin possible de son dos en soupirant. Il bloquait le passage vers les escaliers. Relm eut de plus en plus de mal à garder son calme et commença à respirer rapidement. Et, malheureusement, trop bruyamment : le garde, persuadé d'entendre des souris, s'approcha de la caisse sur sa gauche et découvrit la cause des gémissements : une petite fille seule, pleurant et retenant sa bouche de ses deux mains, tout en regardant le garde avec ses yeux remplis de larmes. « Hein ? Qu'est-ce que tu fais ici, toi ? Depuis quand t'es là au juste, il y en a d'autres ?

  • Non … » Murmura Relm qui voyait Oneeki derrière le garde.

Il avait fait le tour de la caisse pour se tenir dans le dos de l'autre lexidae pour passer son bras gauche sur la gorge de l'autre et la main droite bloquant la bouche et le nez tout en soulevant le garde en le tirant en arrière. Le souffle lui manquait quand il fut pris par surprise et il accumula de la bave sur sa lèvre inférieure. Isa'th, surpris en regardant l'expression de l'autre lexidae qui sembla souffrir du manque d'air, tenta de se retenir de hurler : « Qu'est-ce que tu fais ?! Tu vas le tuer ! » mais en voyant ses yeux se fermer et l'étreinte d'Oneeki se dé-serrer pour laisser glisser la mâchoire du garde sur son avant-bras gauche avant de placer sa main devant la bouche de l'autre. « Ne t'inquiètes pas, il n'est pas mort, seulement dans les vapes. ». Ce qui amena Isa'th à soupirer de soulagement tandis que Relm essayait de se calmer et Kali commença à se ronger les ongles : « Et merde, ils vont remarquer qu'il en manque un ! On fait un raid éclair alors, on doit trouver ce butin. On devrait avoir dix minutes avant qu'ils ne s'en rendent compte, si ce n'est pas ici, ça doit être dans les cabines des officiers. » Expliqua-t-elle aux deux débutants. Ils posèrent le sahuaguin contre une des caisses, dissimulé de la plupart des regards inattentifs, puis montèrent les escaliers.

De retour sur le pont, un des patrouilleurs passait devant eux pour aller à l'arrière du vaisseau, ils en profitèrent pour monter à l'étage supérieur : les quartiers, le salon et la salle des commandes s'y trouvaient. En haut des escaliers, ils trouvèrent le salon partagé sur sa longueur, quelques gardes s'arrêtaient pour regarder les aquariums, les peintures, ou pour s'arrêter un moment devant le service de table comprenant le buffet de viandes et d'alcool portant des noms pour le moins absurdes pour Isa'th : « Il ne peut pas y avoir de phénix aqueux » pensa-t-il en regardant une des bouteilles au cul circulaire. Ils commencèrent par entrer dans la partie centrale du salon où ne se trouvaient que quelques amuses-gueules faits à partir de fromage frais et herbes sur plateau d'argent. Des aquariums sur le côté contenaient des serpents d'eau immobiles et froids ainsi que quelques bouteilles immergées dans leur bassin pour la température recherchée provoquée par ces animaux. Ils continuèrent leur route en maintenant le rythme soutenu qu'ils s'étaient imposé pour passer les portes en bambous clair et à carreaux de toiles blanches devant les fauteuils en coussins de plumes et décorés de coutures représentant des passereaux. Le plafond de la salle suivante donnait sur un balcon de la chambre du capitaine : elle surplombait la scène avec ses rambardes aux barres de fer et rampes de bois huilé. Après s'être réparties chaque couloir, ils se firent signe pour indiquer l'absence de gardes et se dirigèrent ensemble vers l'escalier central qui donnait au balcon. Personne devant eux, ils avancèrent en se collant au mur au cas où un des gardes aurait eu l'idée de regarder au-dessus de lui. La porte était visible. Une lourde porte en érable décorée de plaques de métal dorées sur les côtés ainsi que d'une poignée en fer en forme de boule voisine d'une serrure qui amena Oneeki à lâcher un « Bordel de merde.

  • Qu'est-ce qui ne va pas ? Demanda Isa'th.
  • Une serrure à huit éves, c'est déjà assez compliqué avec une seule alors huit …
  • Le plus simple serait d'avoir la clé mais le capitaine doit être dans la salle des commandes avec des gardes ou bien il s'est enfermé à l'intérieur, dans les deux cas … ça craint.
  • On peut encore essayer de … »

Pendant qu'Oneeki et Kali cherchaient d'autres solutions pour ouvrir cette porte, Isa'th demanda à Relm : « Comment est-ce qu'on peut ouvrir une serrure sans avoir la clé ?

  • On peut la crocheter ou verser de l'acide à l'intérieur, je ne connais pas d'autres méthodes …
  • « Crocheter » ?
  • Sur les serrures il y a des goupilles de différentes longueurs qui sont tendues par des ressorts qui gênent la rotation du barillet. Et la clé permet de régler la hauteur des goupilles pour que leur tranche soit alignée à la ligne de césure qui sépare les deux plaques. En crochetant, on simule la clé en plaçant une barre de fer qui maintient une force de rotation tandis qu'on pousse les goupilles une par une parce qu'il y a toujours un ordre de résistance à la rotation du barillet. Expliqua Oneeki pour se débarrasser et pouvoir retourner penser sans s'occuper des enfants.
  • D'accord, et quand tu as dis « bordel de merde » c'était parce qu'il y a plus de goupilles à déplacer sur une serrure à huit éves ?
  • D'habitude il y en a quatre ou cinq par éve, donc de trente-deux à quarante goupilles … »

En essayant de regarder à travers la serrure qui ne laissait passer que peu de lumière, il s'intéressa ensuite au son en plaquant son oreille contre le bois. Aucun bruit. Pas même un léger ronflement comme ceux que Kali avait l'habitude de faire. Alors, il plaça sa main droite en formant un « v » entre l'index et le pouce qu'il plaça de chaque côté du manche, la deuxième phalange de l'index contre la garde, et trancha le verrou entre la porte et le cadre de la porte. Des tranches de bois restaient collées à la lame noire. « Isa'th?! Qu'est-ce que tu fais ?!

  • Il ne nous reste que cinq minutes d'après toi et c'est le même temps qu'on a pris pour aller du premier sous-sol à ici. Si on doit voler la clé au capitaine en supposant qu'il se trouve effectivement dans la salle des commandes, ça nous prendrait à peu près la même durée pour aller la chercher.
  • Oui, je vois où tu veux en venir avec ça mais préviens moi avant de faire ça la prochaine fois. Répondit Kali.
  • D'accord, désolé. »

La porte enfin ouverte, ils entrèrent dans les quartiers à la recherche de trésor. Cette pièce était très différente des autres, plus spacieuse : six mètres de longueur pour quatre de largeur. Et plus décoré : quatre lustres brillants et transparents ornés de bougies éteintes dominaient la pièce. Ils étaient tous semblables : une demi-sphère pour bas composée de treize fils de fer entourés de perles de cristal, le nombre de perles par fil diminuait au fur et à mesure que la sphère se refermait. Ainsi qu'un cylindre constitué de la même manière que le reste : des fils descendants parcourus de boules transparentes. La demi-sphère était suspendu en l'air par un long cône identiquement fait mais cette fois portant un anneau doré au milieu de celui-ci et des feuilles d'or montantes au sommet. Le plafond était peint en trompe l’œil : une illusion de ciel rempli d'oiseaux brillants malgré Ali'i dans leur dos qui n'était seulement représenter comme un disque jaune avec des semblants de flammes sur son contour. Plus loin, on devinait Mahina comme un disque blanc tacheté accompagné non pas d'oiseau cette fois mais de points blancs comme étoiles. Les murs étaient décorés de tableaux représentant des aristocrates, allant des vieillards croulants sous les parures et médailles gagnées de manières honorables ou non aux guerriers anoblis par les rois. Les peintures étaient très réalistes mais les cadres semblaient plus riches, des squelettes de bois et, comme les lustres, des feuilles d'or incrustées dans le cadre. Puis, vers le lit, des rideaux écarlates cachaient légèrement les étoiles séparées de la pièce par des grandes fenêtres verticales verrouillées par une serrure transparente.

Le sol était recouvert d'un immense tapis représentant un plan poitrine d'une jeune madra-rua : de longs cheveux blancs lisses virant au rose pâle aux pointes, trois mèches devant le visage. Ses oreilles blanches aux poils rouges à la pointe s’associaient à sa mine triste de par ses yeux écarlates à moitié clos et l'absence de sourire de son visage fin et blanc. Elle portait une robe avec des manches très longues qui dissimulaient ses mains. L'habit était formé de rectangles de tissus soyeux cousus et pliés mais non recoupés. Le haut était assez simple : blanc et refermé sur lui même, parcouru de couture rouge vermillon, des manches larges au niveau des avant-bras mais cousu pour refermer la manche aux poignées. De la même manière, les coutures et tissu supplémentaires laissaient des épaulettes sur les côtés. Tout autour du portrait, des filigranes dorés parcourait les quatre côtés du tapis rouge ainsi que des vagues de flammes tout autour de la jeune femme. Isa'th était tenté de regarder l’œuvre mais les motifs de flamme l'en dissuadèrent et s'en éloigna avant de paniquer de nouveau. Il y avait beaucoup de chaises sur le côté, semblables aux autres dans les couloirs, mais qui, cette fois, paraissaient bien insignifiantes par rapport au grand lit au fond de la pièce : des colonnes torsadées assistaient le dessus du meuble, comparables aux lustres pour ses feuilles d'or ascendantes aux coins. Mais le bas du lit était un matelas mou habillé de draps dorés et écarlate à la couverture épaisse. « Où est-ce qu'il cacherait son butin … Relm, cherche au-dessus du lit. Oneeki, vérifie qu'il n'y ait pas de caches secrètes vers les murs et les chaises. Isa'th. Viens par là.

  • D'accord ? Répondit-il surpris.
  • Je sais que j'ai dit que tu étais spécial autrement que par ta magie mais je pense qu'on va vraiment en avoir besoin plus tard.
  • Oh … Fit-il, déçu.
  • Alors … Tu ne vas sans doute pas aimer mais … je vais devoir remettre ton épaule moi même, d'accord ?
  • Je crois, oui. Comment on va faire ?
  • Tu vas devoir mordre ça le plus fort possible, pour t'éviter de crier à cause de la douleur … et il faudrait aussi que tu détendes tous les muscles de ton bras droit. Dit-elle avec gêne.
  • Vas-y. » Termina-t-il en prenant dans sa bouche le vêtement déchiré avec un nœud d'arrêt au milieu.

Il prit de grandes inspirations, puis bloqua, et expira pour se détendre. Assis en tailleur, il dénuda son épaule en enlevant son manteau et sa chemise et la montra à Kali. Les écailles s'étaient arrêtées en dessous des deltoïdes, allant donc jusqu'au triceps brachial. On pouvait encore voir un épiderme beige sur son épaule mais surtout l'emplacement de l'humérus par rapport à l'articulation. Kali, dans le dos d'Isa'th, posa sa main droite contre le triceps et sa gauche sur le trapèze et le prévint tandis que l'autre tenait de sa main gauche son arme : « À trois : un … deux … trois ! » Annonça-t-elle en tirant de sa main droite et en poussant de sa gauche. Isa'th leva la tête de surprise et de douleur en lâchant un rugissement de douleur en mordant le nœud le plus fort qu'il pouvait pour ne pas hurler. Haletant, il finit par se calmer au bout de vingt secondes et retira le nœud de sa bouche en cherchant à regagner son calme puis ajouta : « Merci. Dit-il péniblement en essayant de sourire.

  • Tu peux le bouger ? Demanda Kali, inquiète.
  • Oui, ça lance encore mais ça devrait aller. Conclu-t-il en faisant des cercles avec son épaule tout en bougeant ses doigts.
  • Repose toi un peu, je vais chercher avec les autres. »

En remettant ses habits, Isa'th continua d'observer la jeune madra-rua malgré lui. Mais il n'était pas sûr de qui elle était ni si elle correspondait exactement. Les flammes le dissuadèrent d'observer son visage alors il décida de se lever pour rejoindre les autres. « Pas d'endroit creux sur les côtés. Annonça Oneeki.

  • Rien vers le lit non plus. Ajouta Relm.
  • Mais les informations doivent être justes … Pourquoi est-ce qu'on ne le trouve pas ? Se demanda Kali.
  • Peut-être que c'est ça le trésor ? Marmonna Isa'th en levant les yeux au plafond.
  • Quoi ? Demanda-t-elle en suivant son regard.
  • Ça ressemble à quoi des diamants ? Demanda-t-il en se rappelant un des livres qu'il a lu ainsi qu'en regardant un des lustres.
  • Ils ont caché le butin dans les fournitures ? Réalisa Oneeki.
  • Démontez les meubles ! » Ordonna Kali, réjouit.

Isa'th monta sur le lustre, défaisant les fils de fer en les coupant de ses griffes, il les ramassa ainsi que les larmes de diamants déjà taillées et donc de prix important. Oneeki déballa le plus de sac et retira tout ce qui n'était pas utile à l'intérieur : couture superficielle, tissu et tout poids inutile ou espace mal employé étaient éliminés pour permettre aux bijoux de remplir les sacs. Relm commença à désosser les feuilles d'or. Kali s'occupa de retirer les peintures des cadres pour les enrouler sur eux-mêmes et désosser les cadres pour les ranger au fond des sac pour placer les toiles au-dessus d'eux. En descendant des lustres, Isa'th prit un instant pour observer de nouveau le tapis doré : pourquoi cette jeune femme l'obsédait ? Il ne l'a regardé pas comme il regardait Kali mais il ne pouvait pas s'empêcher de ressentir une impression de déjà vu, le visage stoïque dont les yeux trahissaient une certaine tristesse. « On pourrait prendre ce tapis ? Demanda-t-il.

  • Je ne suis pas sûre. Il est imposant et il perdrait de sa valeur si on le coupe, et on a déjà un beau butin avec ça.
  • Tu sais qui ça pourrait être ?
  • C'est la princesse de Laniakeä. J'ai le même portrait dans un des livres que me prête Aman pour m'apprendre à lire. Expliqua Relm.
  • Évidemment … Murmura Isa'th. Tu as lu autre chose à propos d'elle ?
  • Qu'elle serait tombé très malade très jeune et que ce portrait est d'un rare où elle est en état de tenir debout. Le roi l'aurait obligé à le faire.
  • Et maintenant ? Comment va-t-elle ? Demanda-t-il.
  • Aucune idée, il paraît qu'elle n'a pas d'énergie interne. Il y en a qui pensent qu'elle est une bâtarde, d'autre qu'elle est maudite …
  • C'est pour ça alors … ? Se demanda Isa'th en se tenant le bras droit.

Oneeki finit de tasser les affaires dans les sacs et de les fermer du mieux qu'il pouvait. Mais dehors, on entendait des bruits de pas agités : Isa'th entendu une voix rauque hurler au loin « Fait chier ! Ils ont assommé un garde, trouvez-les ! » et prévint les autres qu'il fallait sortir. Ils entendirent les bruits de pas se diriger vers eux, des bruits très peu espacés et lourds. « Relm ! Ouvre une fenêtre ! Isa'th et Oneeki ramenez tous les sacs vers elle ! » ordonna Kali en se mordant la lèvre inférieure en réfléchissant. La jeune fille attrapa de la ceinture d'Oneeki deux tiges de fer : une longue et épaisse, l'autre, également longue mais pourvu d'une extrémité courbe et fine. Elle planta les deux dans la serrure en ne les tenant que par le bout des pouces et des indexes. Elle tournait, levait, forçait ses fines mains autour de la serrure tandis que des gouttes de sueur trahissaient son anxiété et son stress. Elle sourit enfin quand elle entendit le barillet tourner et la fenêtre s'ouvrir vers l'intérieur. « Rendez-vous ! Hurla un des gardes en tendant son épée longue vers le centre de la pièce. Hein ? Se demanda-t-il en remarquant l'absence de personne dans celle-ci.

  • Merde ! Ils ont déjà vidé la chambre ! Continuez de fouiller ! » Ordonna un autre derrière lui.

Les Chats Noirs descendirent des quartiers du capitaine en longeant le mur extérieur, ils s'accrochèrent aux lampes, aux rebords de fenêtres : Relm était passée devant, Kali la suivait de près puis Isa'th et Oneeki fermait la marche. La collection ramassée était très handicapante : les sangles des sacs appuyaient sur leurs épaules, les attirant inexorablement vers le vide. Relm était encore plus désavantagée par sa petite corpulence du fait que la distribution des sacs était faite à la va-vite : elle portait autant de sacs que les autres mais dans cette situation, ses bras tremblaient. Elle eut la mauvaise idée de regarder ses pieds pour s'assurer de ne pas rater le prochain rebord, mais son regard se perdit deux secondes dans la profondeur de l'espace entre elle et le reste du monde qui lui manquait. Son pied droit glissa sur le bois et ses bras ne parvinrent pas à la retenir des sacs, elle tombait en tendant sa main droite vers les autres. Isa'th lâcha prise un moment pour finalement planté ses griffes dans le bois de nouveau, tirant encore une fois sur son épaule et le fit pousser un cri de surprise mêlé à de la douleur, et attrapa Relm par sa main gauche. Tandis que Kali tendit rapidement sa main pour attraper sa cheville gauche en fléchissant les genoux et en se tenant à son poignard, enfoncé plus tôt dans le bois. « Allez Relm, tiens bon. On y est presque. Dit Kali, qui espérait la rassurer en la ramenant vers la coque.

  • J'en peux plus … Ajouta Relm en se mordant les lèvres pour se retenir de pleurer quand les deux la tirèrent pour qu'elle s'agrippe de nouveau.
  • Passe moi tes sacs. Termina Kali en faisant le tour de la tête de Relm avec son bras droit pour la débarrasser.
  • Merci … »

Même si la situation n'était pas la plus désirable, Isa'th était impressionné par la résolution de sa chef : elle gardait son calme et on lisait sur son visage la conception de plans de secours et de moyens de s'en sortir. Il reconnaissait le conflit entre la famille qu'elle s'était créée et le devoir qu'elle devait appliquer, même à la plus jeune membre. Il ne put pas non plus s'empêcher d'esquisser un sourire niais en remarquant la courbe tracée de son dos lorsqu'elle fléchit ses genoux, puis il se reprit pour ne garder que des joues roses de gênes. « Ça fait plaisir qu'il y ait des choses qui ne change pas même quand on est dans la merde jusqu'au cou. Reconnu Oneeki.

  • Langage … Répondit Relm d'un sourire camouflé par les larmes.
  • Autant pour moi, ça serait dommage que les types qu'on vole me trouvent grossier alors qu'on se connaît à peine. Continua-t-il en espérant lui faire décrocher un sourire authentique.
  • Il y a plus de chance qu'ils nous montrent la sortie en nous donnant des paniers repas plutôt que de te trouver SEULEMENT grossier. » Ajouta Kali qui comprit la manœuvre.

Les trois essayèrent de se retenir de rire, Isa'th se contenta de sourire en les regardant. Ils manquaient de plateforme à laquelle s'agripper, ils avaient atteint le bas du vaisseau : les ailes inférieures qui servaient de gouvernail s'étendaient comme celles d'un oiseau dont les os étaient remplacés par des poutres de bois et les plumes, en toile solide. « Isa'th, tu peux voir ce qu'il y a en dessous ?

  • Oui. »

Il prit son arme pour l'enfoncer horizontalement, passer ses jambes par-dessus le côté non tranchant et pencha sa tête vers le bas pour observer quiconque patrouillait. Il balaya la tête de chaque côté et copia Kali en agitant sa main droite en avant et en arrière plusieurs fois pour leur indiquer que la voie était libre. Ils s'élancèrent pour atteindre la plateforme de fer où se trouvaient les vaisseaux de secours. Pour une fois, la chance semblait leur sourire. Ils accoururent vers un des vaisseaux en relâchant un lourd soupir de soulagement et Isa'th sourit en s'imaginant voler à bord de cette machine inconnue : une coque triangulaire mais arrondie de cinq mètre de longueur pour trois de large, deux toiles rétractables verticales et descendantes, deux couches de toiles dont les armatures donnaient une forme arrondie se trouvaient au dessus d'une lanterne à allumer, des ailes rétractables sur le côté avaient la même forme que celles d'en dessous. La coque était faite de chêne et reliée par des barres de métal et sur le pont il y avait une cabine serrée. Ils jetèrent les sacs à l'intérieur et se dépêchèrent de monter à bord. Mais Isa'th hésita en pensant à ce qu'il verrait quand il serait en l'air, il était excité mais aussi nerveux de voir une vision du monde qui lui était inconnue. Il fut interrompu par : « Allez, Isa'th dépêche toi ! Ordonna Kali.

  • Désolé, j'arrive. Répondit-il en mettant un pied dans le vaisseau de secours.
  • Enfin trouvés. Fin de la route pour vous. » Annonça un des gardes.

C'était le sahuaguin qu'Oneeki avait assommé, il se tenait sur le côté gauche de Isa'th et le fusillait du regard. Il portait dans son dos deux longues gourdes croisées en cuir, elles partaient du haut des épaules pour arriver aux hanches, des bouchons en fer au bas des gourdes. Les deux continuèrent de se regarder. La tension ne faisait qu'augmenter. Oneeki, Kali et Relm attendaient de connaître la suite : ils tournaient leur regard de chaque côté, empoignant leurs armes, craignant la suite, la respiration agitée. Le sahuaguin commença à prendre une posture souple : pied gauche en avant, le droit en arrière, main gauche ouverte vers le haut, la droite vers le bas. « Ne fais pas un pas de plus, petit. Tu le regretterais … » Isa'th tenta sa chance en avançant le bassin et en s'appuyant sur sa jambe gauche, le sahuaguin réagit : il forma un cercle horizontal pour finalement faire rejoindre ses mains. Quand il commença son mouvement, de l'eau sortit des gourdes pour former deux lourdes larmes d'eau sous pression s'élancer vers le porteur, il les voyait s'approcher. C'était la première fois qu'il voyait une autre magie que la sienne, quelque chose de plus lourd que l'air qu'il essayait de contrôler se déplacer devant lui de manière fluide et gracieuse. Si possible, il aurait préféré obtenir les conseils de son opposant plutôt que d'avoir à l'affronter. Les deux projections se séparèrent : l'une se dirigea vers le pied droit, la plus rapide, alors que l'autre, vers la tête. Les larmes d'eau se rapprochèrent, Isa'th se projeta en arrière en propulsant l'air sous son pied gauche et se tint sur la barrière derrière lui et observa les projectiles : l'eau suspendu en l'air, perdit peu à peu de sa transparence et finit par atteindre le fer de la plateforme : une partie du sol et un pylône étaient couverts de pics de glace. Le jeune lexidae était émerveillé à la vue du changement d'état et regardait cette fois le mage en face de lui : il fit un autre cercle d'avant en arrière, horizontal, l'eau revint vers lui en décrivant des anneaux autour du sahuaguin. « J'ai besoin de renforts ! Hurla le mage d'eau. Bordel, il fallait qu'ils aient un mage … » Se murmura-t-il à lui-même en sentant le souffle du saut.

Il fit de grands cercles verticaux, l'eau s'amincit pour former deux vagues transparentes qui s'avancèrent vers le porteur : le sol était parcouru de deux lignes espacées de cinquante centimètres, les plaques de métal du sol étaient tranchées sous la pression et la vitesse de l'eau. Isa'th,surpris, invoqua une bourrasque autour de lui en faisant un pas en arrière et en tendant son bras avec son poignet, les doigts fléchis, l'eau s'écarta vers lui de trente centimètres de chaque côté et Isa'th garda une pose défensive : pied droit en arrière, jambes fléchies, mains ouvertes et doigts légèrement tendus, gauche en avant et droite en arrière, dos droit. « S'il vous plaît … Laissez nous partir, je ne dois pas me battre … Implora-t-il.

  • Tu aurais dû y penser avant d'essayer de voler ce navire, gamin ! » Hurla-t-il en ramenant l'eau vers lui, tentant de renverser Isa'th en lui fauchant les pieds.

Kali lança son poignard qui bloqua le pied du mage dans le sol, le laissant crier de douleur. « Les voilà ! Arrêtez-les ! » Hurla un garde qui descendait les escaliers en trombe .Isa'th remarqua l'hésitation du mage d'eau et provoqua une autre bourrasque : il fit le tour de sa tête avec son bras droit, croisa les bras et les lança vers le sol. Le vent emporta le sahuaguin, retirant le couteau de la plaie, et le fit s'écraser sur les autres. Il lâcha-t-il un hurlement de douleur en regardant le couteau baignant dans son sang. « Un mage de vent ? Depuis quand ça existe, ça ? Et c'est quoi cette maîtrise au juste ?

  • Vous … N'avez jamais vu ça ? Demanda Isa'th en relâchant sa garde.
  • Non, jamais. Répondit son ancien adversaire en remarquant que les autres étaient assommés. Tu n'es même pas fatigué …
  • Pourquoi est-ce que je le serais ? C'est si peu commun que ça ? Continua-t-il, inquiet mais surtout énervé.
  • Eh ! On doit partir ! Prévint Oneeki.
  • Je ne peux pas te laisser partir comme ça gamin … On se reverra bientôt !» Annonça péniblement le mage qui rassemblait ses forces pour une dernière lame d'eau dirigée vers les voleurs.

L'eau trancha les aussières qui retenaient le bateau de secours sur lequel les Chats se tenaient, il commençait à tomber. Leurs yeux s'ouvraient de surprise en constatant leur vaisseau et sa cargaison étaient en perdition. Le vent sifflait dans leurs oreilles et cachait leur cris dans l'obscurité. L'agitation était omniprésente, le vol d'Isa'th était très différent de ce qu'il avait désiré. De ce qu'il avait compris, le feu gonflait les ailes d'air chaud, mais rien que l'imaginer lui rappelait de mauvais souvenirs. Il ferma les yeux. Il rassemblait le vent en faisant des cercles avec ses mains, principalement avec sa droite, passant par la tête, tournant autour de sa main gauche, les vents autour d'eux commencèrent à s'annuler. Il leva finalement son bras droit, déchirant sa manche, il invoqua les vents ascendants pour gonfler les voiles du vaisseau de secours, ralentissant peu à peu la chute du vaisseau. Les voiles se faisaient emporter par l'air invoqué, le mât se fissurait sur le pont, le vent ne cachait plus l'anxiété des Chats et les cris devinrent perceptibles de nouveau. Isa'th continuait de faire tourner ses bras autour de lui, la chute devenait plus lente et les autres purent ouvrir leurs yeux sans crainte de la mort et les nuages s'éloignèrent pour laisser place au ciel étoilé. Kali déserra sa prise sur Relm pour se lever et observer au-dessus d'elle : la nébuleuse traça au-dessus d'elle les indénombrables points scintillants à l'intérieur de rivières de couleurs allant du violet sombre au orange en passant par le cyan. Le froid de cette hauteur était pénétrant. Relm se cramponnait à Oneeki en cherchant la moindre chaleur mais Kali ne le fit pas. Elle se tenait debout derrière lui, observant les étoiles sous la brise chaleureuse concentrée vers les voiles, la vue qui lui manquait depuis sa venue à Aelton : un ciel étoilé, rappelant la grandeur du monde dans lequel elle vivait qui ne se limitait plus à une cage de pierre et de bois. Libre sur ces quelques mètres carrés, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir un sourire euphorique en observant la scène. Elle se tourna pour regarder ensuite Isa'th : haletant, il peinait à bouger ses bras, même ses yeux tremblaient de fatigue, le vent devenait de plus en plus irrégulier, le vaisseau perdait en attitude. Mais le reste de son visage : sourcils, lèvres, front et larmes, tous crièrent béatitude. La fatigue l'empêchait finalement de retenir ce débordement d'émotions après avoir finalement touché le ciel que son père lui avait promis. Il était en train de voler. C'était épanouissant de réaliser ce rêve d'enfant. Il était tellement abasourdi par le défilé de lumières autour de lui, le vent frottant sa peau et caressant ses oreilles qu'il ne prêtait pas attention à la situation dangereuse dans laquelle ils étaient. « Isa'th ! Qu'est-ce qu'il y a ?! Demanda-t-elle.

  • Je suis juste … fatigué … Répondit-il.
  • On doit se poser le plus tôt possible. Isa'th ! Essaie de nous faire atterrir lentement ! Relm ! Déploie les parachutes restants ! » Ordonna Oneeki.

Relm prit le sac d'Oneeki rapidement en détachant les sangles, attacha les parachutes restants aux rembarres du pont qui se déployèrent au gré du vent. Isa'th tomba à genoux … « On l'a fait ! On a réussi ! Ahahahah ! Viens là toi ! Hurla Oneeki en levant Relm du sol.

  • Eh ! Ils sont là ! Annonça Aman en reconnaissant au loin son frère et les autres, elle couru dans leur direction.
  • Aman ?! On l'a fait, on est rentré avec le butin ! Dit Relm en se libérant de l'emprise d'Oneeki.
  • Tu t'en es bien sortie, Relm ? Tu n'as rien ?! S'inquiéta Aman en inspectant la jeune fille.
  • Non, je n'ai rien. J'ai eu peur par contre …
  • Ça va aller, c'est fini. Vous allez bien vous autres ?!
  • Isa'th est épuisé, on se dépêche de le ramener. Prends ses affaires s'il te plaît. Demanda Kali.
  • D'accord ! Répondit Aman.
  • Allez Isa'th, on rentre.
  • Tu … pourrais m'aider à marcher ? Demanda le jeune homme en titubant.
  • Viens là. Merci d'être resté, Isa'th. Je ne peux pas parler pour les autres mais je pense que ces personnes seraient fiers des efforts que tu as fait. » Annonça-t-elle en souriant, les joues roses.

Il sourit en l'entendant, s'imaginant qu'il pourrait se racheter en repoussant ses méfaits. Ce qu'il avait aidé à faire paraissait inoffensif, aidant les autres dans le besoin, il était fier de se tenir à côté d'elle. Les Chats Noirs se dirigeaient vers leur repère en empruntant le chemin repéré par Aman plus tôt. Le vaisseau de secours était tiré par Atlas, Mesa et Minos. Le plus grand, en tête de ligne, avait attaché des cordes torsadées à la base du mât qu'il tirait avec l'aide de Minos pendant que Mesa amenait des cylindres en caoutchouc devant le vaisseau pour rendre les traces du vaisseau moins visibles et faciliter le transport. Ils le démontèrent en le plus de pièces possibles, retirant les clous des planches et les voiles du mât. Ils restèrent un moment sous le ciel pour apprécier les étoiles qui les avaient accompagnées durant leur opération, Isa'th en profita pour s’asseoir en tailleur, respirant lentement pour essayer de récupérer l'énergie interne qu'il venait d'utiliser mais la douleur de son épaule le lançait et perturbait sa concentration. Ils se dépêchèrent ensuite pour remonter le passage pour ne pas se faire surprendre par une patrouille de gardes. La rue, dégagée, les accueillait. Ils marchèrent discrètement, rasant les murs en portant leurs lourds tributs sur leur dos pour enfin arriver au repaire. « Vous avez pris votre temps ! Leur dit Salem qui attendait sur une chaise.

  • Salem ? Depuis quand es- tu là ? Lui demanda Mathusalem.
  • Dix minutes, je voulais faire mon impression. Vous avez réussi on dirait, ça s'est bien passé ?
  • Quelques contre-temps par ci par là. Répondit Oneeki
  • Nous ça s'est bien passé, pas eu grand chose à foutre pour tout te dire. Ajouta Mesa.
  • Bon, je me débrouillerai demain pour distribuer ça. Vous avez besoin d'autre chose ? Demanda Salem.
  • De l'alcool et beaucoup de repos pour les autres.
  • Je peux trouver ça. »

Ils laissèrent le butin et les parties du vaisseau au sol pendant que les sahuaguins amenèrent des bouteilles qui attirèrent la curiosité d'Isa'th mais il ne s'était pas encore habitué à l'odeur à leur ouverture. Ils remplirent cinq coupes d'alcool, se les passèrent les uns aux autres en riant. Oneeki racontait les péripéties que son groupe avait rencontrées : « On voit le vaisseau au loin après avoir attendu ce qui semblait être une éternité. Il est enfin à notre portée. La tension atteint son paroxysme. On saute en piquant vers le vaisseau !

  • Ooooh. Répondirent les autres en admiration.
  • Mais Kali et Relm sont en perdition, elles tombent dans le vide ! Alors, Isa'th qui attendait au-dessus de nous, fonce à toute allure vers elles grâce à sa magie et la rattrape pour déployer les « parachutes ». Insista Oneeki en regardant Aman.
  • Comment tu sais qu'il attendait au-dessus de nous si tu es parti en premier ? Demanda Kali d'un air accusateur.
  • … Isa'th, tu peux m'aider sur ce coup là ? Demanda Oneeki, apeuré, au jeune homme.
  • Oneeki m'a dit de vous suivre avec une heure de retard. Répondit-il, innocemment.
  • Hé ?! J'ai dit « aidé », explique pourquoi je t'ai dit ça !
  • Je n'étais pas rassuré de vous voir tous partir et j'en ai parlé à Oneeki qui m'a conseillé de m'accrocher aux choses auxquelles je tiens. Répondit-il en rougissant.
  • Isa'th … On en a parlera plus tard en privé, d'accord ?
  • D'accord ? Répondit-il, confus car il était sûr d'avoir bien agir cette fois.
  • Et maintenant place à la bibine ! Ajouta Aman, essayant de détendre l'atmosphère. Tiens petit ! » Ajouta-t-elle en tendant son verre à Isa'th.

Le jeune homme suivit les autres dans leur célébration à la phrase : « Gloire aux Chats Noirs ! » malgré le risque d'être entendu par une patrouille de garde qui traînerait dans la ruelle, et bu le contenu de son verre au même rythme que les autres : d'un coup. Il passa la plupart de la soirée étalé sur la table, la tête dans les bras avec le renard qui posa sa tête sur ses genoux. Les muscles de son dos, de son épaule se détendirent enfin après sa première opération. Endormi, il ne remarqua pas le départ de la plupart des Chats, ne laissant que Crésus et Kali qui le réveillèrent, assis autour de la table avec le sahuaguin en face de Kali qui était à gauche de Isa'th. « Et voilà la star du moment qui retourne enfin dans le monde des vivants. Tu t'es vraiment pété le bras tout seul ?

  • Laisse le tranquille.
  • Ouais ouais, je sais. Je me demandais juste comment ça aurait tourné si le vaisseau était passé vers un autre groupe ou juste si tu avais pris des personnes différentes pour ton groupe.
  • J'espère qu'on s'en serait sorti.
  • Non … pas d'autre … ma Kali … » Marmonna Isa'th en se tournant vers elle.

Il s'endormit immédiatement sur ses cuisses, renforçant la gêne crée à l'instant. Kali rougit en souriant, écartant la mèche de cheveux qui cachait le visage endormi de Isa'th. « Il ne tient vraiment pas l'alcool. Constata Crésus

  • Non, c'est pas plus mal. Continua-t-elle en caressant ses cheveux.
  • Bon, je vais vous laisser un peu d'intimité. Dit-il en se levant de sa chaise.
  • La ferme ! Et vas te coucher ! Répondit-elle, énervée.
  • Oui oui, bonne soirée tous les deux.
  • … Idiot. » Marmonna-t-elle.

Crésus sortir par la trappe en laissant paraître un dernier sourire narquois en se retournant. Il fut remplacé par le renard qui alla renifler le visage du jeune homme puis se posa sa tête à côté de celle de ce dernier en fixant Kali du regard, à la recherche de réponses. « Ça va toi ? Demanda-t-elle et elle reçut comme réponse un mouvement de tête horizontal. Tu … comprends ce que je dis, pas vrai ? S'enquérait-elle mais le renard agita sa tête verticalement. Tu es plus malin que tu n'en as l'air. Répondit-elle en réponse, mais l'animal grogna de mécontentement. Ahaha. Désolée, mais tu m'as tendu une perche là. Elle gratta le haut de sa tête pour se faire pardonner, il fermait les yeux en appréciant l'offre. Tu viens te coucher aussi ? » La demande surpris le renard qui redressa ses oreilles d'un coup mais suivit Kali portant Isa'th en le faisant appuyer son bras sur la nuque de la jeune femme. Arrivée en haut, elle assoit Isa'th sur son lit pour retirer son manteau et sa chemise pour les poser sur la chaise à côté. Elle prit encore un moment pour inspecter les cicatrices qui parcouraient son corps, de son entraînement avec son père aux attaques qu'il a subies. Elle exprima sa pitié en parcourant les plaies à la recherche de l'une qui nécessiterait des soins mais elle s'arrêta au bras droit et aux écailles. Elles attirèrent le renard qui sembla plus intéressé par la propagation de la métamorphose, elles grimpèrent le deltoïde cette fois. Ils s'inquiétaient en voyant les écailles plus vieilles se regrouper en anneaux et Kali se demandait ce qu'il adviendrait si les écailles se propageaient encore plus, voire sur tout le corps. Mais son inquiétude se dissipa quand elle regarda le visage paisible de l'endormi : bouche entrouverte, le corps resserré contre lui-même, allongé sur sa gauche, main gauche contre la tête et droite contre la bouche. Elle sourit en le regardant. Elle se déshabilla et défit sa queue de cheval pour se mettre sous la couette avec lui et invita le renard à grimper sur le lit pour ne pas dormir sur le sol. Puis, elle le regarda encore une fois, le sourire aux lèvres pour lui souhaiter une bonne nuit en l'embrassant sur le front en décalant ses mèches, elle sourit davantage en se blottissant contre lui.

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