Chapitre 34,5 – Le renard et le printemps

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La dragonne blanche était partie depuis une semaine alors. Les pertes étaient encore très grandes, aucun renfort ne les avait rejoint. Les survivants se rassuraient sur les spéculations optimistes autour du messager mais l'attitude des plus gradés les ramenaient à la réalité. L'inquiétude était surtout générée par Madra-Rua qui restait dehors à scruter le ciel, surtout de là où elle était venue. À chaque fois qu’il sortait de la tente de Lithilmin, les membres du campement craignaient qu'il reconnaisse le fracas des ailes de la supérieure. Mais il se contentait de regarder l'horizon. Il restait seul à inspecter le soleil se coucher, attendant qu'il révèle une masse blanche puissante au loin. Pendant que la nuit tombait, il profita de ses couleurs charbonneuses pour disparaître dans la forêt. En marchant, il veillait à ce que le cristal de l'erakasera ne traîne pas sur le sol ou abîme les alentours. Il le tenait proche de lui car c'était un des cadeaux les plus importants qu'on lui avait confié. Dans cette pénombre, les flammes sauvegardées de la dragonne et alimentées par le renard éclairaient la scène avec une douce lumière. C'était un exercice simple pour Madra-Rua mais la précaution que tout le monde lui recommandait le bloquait aux bases. Ce qu'il gardait de plus valeureux étaient les restes de flammes de son âme sœur. Bien que ce que contenait le cristal était alimenté principalement par le renard, la démonstration de puissance l'amena à essayer de se concentrer davantage à contrôler la magie autour de lui directement plutôt que de commander les flammes à l'intérieur de lui. La différence entre les deux était finalement Madra-Rua lui-même et, à sa grande frustration, il ne pouvait pas se débarrasser de cet intermédiaire, de ce corps tordu par les drogues qui lui échappait encore.

Il retrouva finalement l'endroit où il rencontra le maître de Rakameto. Il posa le cristal qu'il lui avait offert à l'endroit même où il l'avait saisi pour la première fois. Assis en tailleur en gardant le dos bien droit, il attendait que le visage de pierre apparaisse encore en face de lui. Il avait hâte de le rencontrer encore une fois mais il semblait profondément endormi. Madra-Rua s'ennuyait assis ainsi. Il en profita pour reprendre les exercices de respiration que lui avait enseigné son mentor. Pourtant, son esprit s’égara, le regard enflammé de la bête était ancré dans son esprit. Les cadavres enflammés qui furent les victimes de ses yeux ne le préoccupaient pas plus que ça, ils avaient l'habitude. Ce qui le dérangeait le plus était l'expression qu'elle essayait de dissimuler. Un profond désespoir masqué par le mépris et la rage. Le plus dérangeant était qu'il s'identifiait à elle. Plus vieux, sans avoir rencontré Rakameto ou Lithilmin mais ayant quand même réussi à ne plus être un loriwe, il aurait sans doute fini comme elle. Il se sentit si chanceux. Seule et sans guide elle devait être désemparée. Le temps qu’elle aurait passé ainsi était inconnu à cause de la longue longévité des dragons. Vivre aussi longtemps en volant sans but. Il avait pitié d'elle. Son innocence retrouvée, il n'avait plus qu'une pensée en tête : et s'il pouvait l'aider ? Ce n'était pas important pour lui que les soldats soient morts, ils n'étaient pas Lithilmin et encore moins Rakameto. Mais comment pouvait-il abandonner sa moitié ?

L'agitation de Madra-Rua réveilla finalement l'erakasera qui activa son visage et les petits yeux se révélèrent pour observer la queue agitée du renard en voyant l'auteur du cadeau si précieux. En remarquant l'épée chargée de flammes dorées laissée au même endroit où elle apparut pour la première fois. Ses lèvres solides se séparèrent et murmurèrent lentement : « Je suis navré de ne pas avoir pu intervenir … les conséquences auraient été désastreuses … pour vous comme pour moi.

  • Je comprends, Rakameto m'a expliqué. Répondit-il avec un tendre sourire.
  • Pourquoi êtes-vous revenu … vous à qui j'ai offert mon éclat ?
  • Je veux des infos ! Je voudrais des informations sur elle s'il vous plaît. Se corrigea-t-il.
  • Sur elle … ? Je n'ai jamais appris son nom, je doute de mes capacités à vous renseigner …
  • Mais vous l'avez déjà rencontrée, non ?
  • Quelques fois oui … Lors de mes errances j'entendis parler d'une sublime dragonne belliqueuse qui chassait tout prétendant … rien d'inhabituel, personne ne veut servir de mère couveuse.
  • Qu'est-ce qu'il y a de différent alors ?
  • Elle tue les prétendants … elle préférerait éviter tout le monde parce que personne ne peut lui arriver au talon … Son pouvoir fait sa mesure, elle n'en à cure de la manière dont elle l'utilise …
  • Elle me ressemble en fait. Ajouta-t-il en toute simplicité. J'essaie de faire attention de comment je l'utilise, Rakameto et Lithilmin m'ont dit de faire attention parce que c'était dangereux. Mais je crois savoir pourquoi elle penserait ça.
  • Quelle raison justifierait tout cela … ? Demanda-t-il perplexe.
  • J'ai gagné beaucoup récemment. J'ai vécu dans une cage très longtemps et ils m'ont montré le monde. Je brûlais tout le temps et maintenant le feu m'aime bien. J'ai beaucoup à perdre d'un coup alors j'ai tout intérêt à devenir fort pour protéger ce qui m'importe. Alors elle … Elle préfère peut-être être prête à protéger ce qui lui importe maintenant qu'elle a cette force. Mais maintenant, elle a passé toute sa vie à rejeter les autres, rejeter ses attaches par peur d'être blessée. Elle est seule mais elle refuse d'être aidée parce que ça reviendrait à s'ouvrir aux autres. Elle est triste mais elle est trop fière pour s'avouer vulnérable. Elle a besoin d'aide mais elle n'osera pas la demander.
  • Vous voulez l'aider … ? Pourquoi … ?
  • Parce qu'elle aurait pu être moi. Ou plutôt parce que j'aurais pu être elle si j'avais été malchanceux. »

L'erakasera observa le renard en face de lui qui était on ne peut plus sérieux. Il sentait à travers le sol la différence de comportement depuis sa rencontre avec la dragonne. Madra-Rua était paralysé à sa première interaction et voilà qu'il voulait la revoir de nouveau. Pour un optimiste, il était moins inconscient que Rakameto mais il restait quand même sous sa tutelle. Les actes suicidaires devaient encore être hors de sa portée. Il y avait tant à apprendre de ce jeune ullelian insouciant, ses capacités innovantes et hors du commun et voilà qu'il allait tout jeter par pitié. L'erakasera voulait le convaincre d'abandonner ce projet, c'était trop téméraire et stupide. Mais ses yeux : il gardait un sourire aimable par respect mais s'il était effacé, les flammes derrière restaient très menaçantes. Il grandissait si vite et tout ce qu'il s'était passé entre ces deux rencontres s'était un échange avec une dragonne hostile. Lui, qui le considérait faible il y a peine une semaine, devenait de plus en plus curieux quant à sa progression fulgurante. « Tu te lancerais dans l'inconnu pour le salut d'une meurtrière … ? Salut qu'elle pourrait rejeter sans aucun doute.

  • Mais ce n'est pas parce que je ne pourrais rien faire que je ne devrais rien faire. Je ne suis pas fort, pas encore en tout cas, mais on m'a dit que je devais utiliser mon pouvoir correctement alors je voudrais aider des gens. Ça l’inclut alors, non ?
  • Et si elle décide qu'elle ne veut pas de ton aide … ? Penses-tu vraiment que tu pourrais lui échapper … ?
  • Non. Mais j'essaierai de l'aider jusqu'à ce qu'elle accepte. Répondit-il innocemment.
  • Tu es désespérant … Elle devrait élire domicile sur la plus grosse île à l'ouest d'Estra. Elle veille dessus comme son plus grand bien, sa seule possession.
  • Merci ! Comment j'y vais ?
  • Je retire ma déclaration : tu es affligeant … Je me suis installé sur le Continent, à Estra plus précisément. » expliqua l'erakasera en regardant la pierre en dessous se fissurer pour révéler une carte en trois dimensions.

Les rochers s'élevèrent du sol pour former une sphère tenant sur un pilier. Le noyau était représenté comme une masse dense autour de laquelle se fixait d'autres stalagmites. De fil en aiguille, des grottes se formaient et la sphère augmentait de volume. Plus tard, des halls plus grands se bâtirent au-dessus des grottes en laissant passer des trous dues à l'érosion. Avant de pouvoir expliquer que les océans recouvrent ces Limbes et Abysses par d'innombrables cascades qui étaient contrebalancés par la vapeur générée aux endroits les plus chauds en s'approchant du noyau, Madra-Rua était abasourdi par la modélisation en trois dimensions en face de lui. Il ajouta alors le Continent sous formes d'îles larges connectées par quelques ponts en pierre au-dessus de l'eau. Finalement d'autres colonnes apparurent pour faire tenir les îlots flottants qui représentaient les Cieux. Il y avait grossièrement quatre niveaux, du plus haut au plus bas les surfaces sont de plus en plus importantes : les Cieux, le Continent, les Limbes et les Abysses. Sur les six îles principales, l'erakasera pointa par une autre pointe indépendante de la modélisation en trois dimensions de la planète. « Nous sommes sur Estra. La plupart des ullelians vivent sur cette petite île à l’Est. Expliqua-t-il en pointant d'un autre pic Laniakeä

  • Comme moi ? S'étonna-t-il. Ils sont en sécurité ?
  • Votre espèce est peu nombreuse comparée aux autres … Tu n'es pas le seul loriwe et je doute que tu sois le dernier, ils entraînent encore ta génération sans aucun doute.
  • Comment est-ce que je pourrais les aider eux aussi ?! S'exclama-t-il. C'est plus facile que de convaincre la dame, non ?
  • Ce n'est pas plus difficile en tout cas. Répondit-il en prenant un air inquiet … Voilà l'île qui t'intéresse pour le moment, elle devrait encore s'y trouver.
  • Donc je dois aller … par là ? Désigna-t-il sa gauche en regardant Ali'i défiler très lentement dans le ciel.
  • Oui … » Répondit-il, désespéré.

Le renard parti excité vers le campement à droite en ignorant complètent l'indication de l'erakasera. Celui-ci grogna de désespoir et tenta de déterrer tous ses membres pour se couvrir le visage et pouvoir hurler sans que personne ne puisse l'entendre. Madra-Rua courut avec conviction vers ses mentors sur ses deux pattes arrières comme s'efforçait de lui apprendre Rakameto. Son dos était de plus en plus droit et ses muscles pouvaient alors supporter son corps. L'intervention de la dragonne traita ses vaisseaux sanguins pour les enrichir grandement en énergie, les méridiens ne grandissent pas excessivement contrairement aux précédentes drogues qu'il prit. C'était le meilleur équilibre qu'il pouvait espérer, il agissait comme le cristal finalement. Son corps était incroyablement léger et contrairement à la perforation douloureuse de tous ses membres, se déplacer révélait ses vaisseaux s'il y prêtait suffisamment attention.

Lorsque les muscles fléchissaient, l'énergie se comportait comme des racines de glace se brisant en propageant l'onde et se solidifiant immédiatement après. Aucune douleur à la propagation mais il imaginait très bien le son cristallin clair et aigu tant la sensation était agréable. En s'élançant dans les bois, l'énergie qu'il qualifiait de « feu » restait très calme, leur seigneur était particulièrement serein après tout. Finalement, la vague de glace qui se brisait atteint finalement son crâne, son nez et ses oreilles. L'odeur des amal'jha lui parvint : une odeur de sueur mélangée à l'émission régulière de peur. Ils étaient tous fatigués et bouleversés par les événements datant de la semaine dernière. Son cartilage recouvert de fourrure récolta leurs plaintes et respirations irrégulières. Finalement il localisa des froissements de papier et d'outils en bois jetés sur la table suivis de plaintes d'un homme. En reconnaissant Rakameto il accourut vers lui. En enlevant la toile de la tente qui bloquait son chemin, il vit son ami au-dessus d'une carte composée de plusieurs pages superposables percées de trous fins causés par un compas. « Oh, Madra-Rua ! Tout va bien ? T'en as eu marre de regarder dans le vide ?

  • J'étais parti voir le Vieux ! S'expliqua-t-il, fier de lui.
  • Ah bon ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ? Demanda-t-il en cachant son matériel.
  • Je voulais en savoir plus sur la dragonne. Je trouve qu'elle me ressemble et que je devrais l'aider.
  • L'aider ? Je pensais qu'elle pourrait nous aider, pas l'inverse. Tu as dû te rendre compte de la différence entre avant et après son apparition sur ta magie.
  • C'est plus agréable ?
  • Dans un sens, oui j'imagine. Qu'est-ce que tu as appris d'autre ?
  • Elle est peut-être sur la grosse île à l'ouest d'Estra !
  • Plus bas ! Ajouta-t-il en tirant Madra-Rua par le bras pour le traîner au centre de la pièce. C'est trop ambitieux et pas assez établi comme projet. Ça ne fait qu'une semaine, on devrait leur laisser plus de temps pour se remettre. Quand on sera prêt, je désigne quelqu'un pour diriger le camp, le Vieux devrait déménager par la même occasion. S'il n'a pas perdu la main il devrait réussir à couvrir ses traces, si ce n'est pas le cas reste à voir s'il vaut mieux que les autres restent avec lui ou non.
  • On y irait ensemble alors ? Se renseigna-t-il avec excitation.
  • Une expédition de ce genre je préfère y allait avec Lithilmin mais ça m'étonnerait qu'elle veuille laisser les autres derrière, c'est la seconde plus gradée en plus d'être médecin après tout. Mais on ne peut pas se permettre de se déplacer avec le groupe complet, on serait ralenti et rien que nous deux avions déjà du mal à lui tenir tête. C'est énervant mais ils nous ralentiraient plus qu'autre chose.
  • On fait comment alors ? On attend que Lithilmin accepte de venir ?
  • J'imagine. Elle est encore plus têtue que moi pour te dire. Je lui parlerai pour la laisser se préparer à l'idée mais compte bien une semaine au moins avant qu'elle ne vienne.
  • D'accord, je devrais faire quoi en attendant ?
  • Balade toi dans le camp. Je sais pas. Vérifie comment elle va plutôt, ça lui fera plaisir.
  • D'accord ! » répondit le renard, enchanté à l'idée de la revoir.

Il partit avec enthousiasme pour l'amal’jha qui avait laissé une telle impression sur sa joue. Sa tente sentait le bois brûlé et le sucre avant même de la voir au loin. En s'approchant, les remous d’ustensiles à l'intérieur attirèrent son attention. Personne ne s'était blessé récemment au point de requérir l'attention de Lithilmin, les méfaits de la dragonne relevaient seulement de l'ordre psychologique sur les survivants, ses attaques étaient très localisées. Démonstratives plutôt que stratégiques, il fallait des personnes pour raconter les événements et sans médecin les soldats isolés avaient peu de chance de survivre. Il y avait beaucoup de tombes à creuser. Trop d'un seul coup, même pour un médecin de guerre. Elle avait déposé un sac rempli de matériel médical à l'intérieur du matelas le plus rapidement possible en remarquant le renard noir s'approcher précipitamment vers elle. La verrerie et les outils tranchants ou fragiles ne devaient pas être brusqués mais la curiosité de Madra-Rua précipita sa course. En entrant finalement, il la surprit à se redresser rapidement pour dissimuler le trou dans son dos. « Ah ! Madra-Rua ! Je voulais vous voir justement. Vous pourriez vous asseoir s'il vous plaît ?

  • Oui. Je voulais vous voir aussi d'ailleurs. Ajouta-t-il en se rappelant le baiser avant l'attaque. Je dois vérifier comment vous allez ! Annonça-t-il avec un grand sourire.
  • C'est … très attentionné de votre part. Réagit-elle en rougissant. Je … je suis désolé de demander ça mais … est-ce que vous pourriez garder un secret ?
  • Oui !
  • Je veux partir … J'en ai assez de cette guerre, j'ai vu trop de soldats blessés et encore beaucoup plus à enterrer. Je veux m'enfuir. Je sais que c'est lâche et simpliste comme solution mais je ne peux plus … ! Énuméra-t-elle pour se justifier auprès de lui.
  • Je comprends. Quand j'étais loriwe, y en avait beaucoup qui n'osaient pas se battre parce que les autres leur faisaient aussi mal que les esclavagistes. On savait … on ne savait pas parler mais on se comprenait. Il fallait partir mais on ne pouvait pas. On hésitait entre les drogues faciles et l'évasion difficile.
  • Mais dans ce cas là, il s'agit de choisir entre abandonner les autres qui serait facile et rester ici qui … » bégaya-t-elle péniblement.

Il l'interrompit en la prenant dans ses bras. L'empêcher de parler pouvait sembler cruel, l'empêcher d’extérioriser toutes ses inquiétudes lui écrasait la gorge férocement. Mais il s'agissait surtout de la retenir, d'éviter qu'elle ne s'écrase au sol une nouvelle fois. Qu'elle puisse profiter d'un support. Il tourna autour d'elle pour qu'ils puissent s'asseoir sur le lit. Elle s'agrippait à lui en tirant sa tunique contre lui. En la voyant trembler, il ramena sa queue autour d'eux pour la recouvrir en s'allongeant sur le matelas. Madra-Rua tenta de lécher sa joue une nouvelle fois pour essayer de la réconforter mais manger les mèches n'arrangeait pas la situation. En remarquant son échec, Lithilmin le regarda avec un air curieux gâché par des yeux imbus de larmes. Elle s'avança alors jusqu'à lui pour l'embrasser fougueusement à la grande surprise du renard. Elle passa son visage entre ses mains pour le rapprocher d'elle. Lorsqu'elle se retira, il reprit enfin son souffle et pu regarder la jeune amal'jha plus distinctement. Les cheveux en bataille passaient devant son regard. Le blanc rosé dissimulait l'émeraude et éclats orangés des yeux. Les deux respiraient péniblement. L'expiration de Lithilmin était enivrante et ses yeux humides empêchaient l'ullelian de détourner son regard. Elle remarqua enfin son influence sur le jeune homme et enleva la queue qui la rapprochait pour se retirer : « Désolé ! C'était inapproprié ! Comment est-ce que vous vous sentez? » Mais il était dans l'incapacité de réagir autrement que de s'agripper à elle par la tunique à son tour en cherchant ses mots. Ses lèvres tremblaient en pensant à celles de Lithilmin. Elles étaient si fermes et moelleuses mais même Madra-Rua se doutait de l'impertinence d'une requête pareille. La jeune femme n'était pas dupe et pour taire leurs inquiétudes caressa la queue de l'animal pour s'étendre au dessus de lui et laisser ses mèches l'entourer et se mêler aux poils noirs mats de ses oreilles.

En retombant sur lui pour l'embrasser, ses bras entourèrent la tête du jeune homme. Elle pouvait sentir la transpiration tomber de la racine de ses cheveux. Madra-Rua tarda à penser à respirer par le nez mais quand la solution lui parvint, il saisit sa chance pour profiter de l'échange pour retenir Lithilmin contre lui. Sa queue hirsute passa « par hasard » sous sa tunique. Les chatouilles provoqués tirèrent la jeune femme de l'emprise qu'elle avait en lâchant un gémissement de surprise. Elle lui fit la moue d'avoir dérangé l’ambiance installée mais en regardant attentivement ses yeux, sa grimace se dissipa. Les gouttes d'eau reflétaient l'orangé enfoui sous les éclats rouge foncé de ses iris . Elle l'invita cette fois à essayer en tendant ses bras vers lui pour l'enlacer. Lorsqu'il s'approcha, il se contenta de s'installer confortablement contre elle pour profiter du “feu” qui l'habitait. Il n'avait nullement prêté attention à la façon avec laquelle elle lui fit perdre ses moyens et réfléchissait aux différentes sensations qui le submergeaient. Amusée, elle souleva son visage par le menton pour l'embrasser encore une fois. Il s'en rendit compte alors. Les rivières de glace qui se brisaient sous la propagation des ondes pour se solidifier encore avaient vraisemblablement cette fois manqué la dernière étape. Leur deux énergies ne se contentaient plus de rester en place et voguèrent librement en leur sein. Ainsi, Madra-Rua fut témoin de la même différence physique avant et après l'apparition de la dragonne. Il n'était, heureusement, plus question d'avoir peur pour leur vie. Ils étaient tous les deux là à profiter de la présence de l'autre dans l'extase la plus totale.

Tout le monde s'était couché à part les quelques désignés pour des rondes autour du camp à tourner en cercle. L'orage rendait les bruits difficiles à discerner au loin et la crainte d'une attaque dans cette situation était à craindre. Mais ce n'était pas important pour les deux amants. Lithilmin prenait les devants en aidant le jeune homme à retirer ses vêtements mais il restait intimidé face à elle. Il essayait de recouvrir ses nombreuses cicatrices par ses mains tailladées également. En se cachant derrière sa queue qui absorbait la lumière de Mahina, Lithilmin ne put retenir son sourire devant cette scène touchante. Bien que la pluie dehors faisait entrer une odeur de terre mouillée plutôt agréable en plus des gouttelettes sur le sol et au sommet de la toile de la tente, elle était concentrée sur l'arôme dégagé par le renard.

En se rapprochant pour chasser délicatement la queue de son chemin, les poils de jais engendraient le même son que des herbes lorsque ses doigts cuivrés les faisaient défiler entre eux. Ils étaient si doux qu'elle eut soudainement l'envie de s'endormir contre et de se blottir sur le matelas avec. En remontant la soie noire naturelle, elle observa le renard agité par ses caresses qui tenait également sa queue contre lui pour ne rien laisser transparaître. Elle eut de la pitié en regardant l'état de ses membres blessés. Il avait l'air si vulnérable. Ses traits étaient en contraste complet avec l'atmosphère autour de lui : ses poils noirs mats absorbaient la lumière des éclairs au dehors et le vert de la toile ou des arbres fléchissaient devant eux. Sa peau claire tailladée était irrégulière mais les efforts physiques qu'il accomplissait quotidiennement alors rappelait à l'ordre dans sa structure et finalement, ses entailles se transformaient en détails pour rendre son apparence plus unique et attirante. « Du jais rutilant au milieu de la forêt » se dit-elle.

En choyant sa peau, Lithilmin approcha ses lèvres des mains de Madra-Rua pour embrasser ses cicatrices. Il eut l'impression que cette énergie inconnue à son corps allait réussir à faire disparaître ces marques disgracieuses de ce simple contact et son relaxant. « Essaie de te détendre. Je voudrais qu'on soit plus proche. » Une requête bien difficile à réaliser. Pour le rassurer, elle enleva à son tour ses vêtements pour qu'ils soient effectivement plus proches. La peau de Madra-Rua était brûlante mais elle voulait la sentir contre elle, s'approcher de ce petit Ali'i timide qui réchauffait la tente à lui seul. L'air portait son odeur mais entre les deux, le contact le plus important venait de l'autre. La peau ambrée de Lithilmin complémentait celle de Madra-Rua, même constatation entre leur crinière. Aucun des deux ne put retenir un gémissement en tenant l'autre au plus proche d'eux, la sensation était si poignante qu'ils durent vérifier que l'autre ressentait la même passion. La tension rompue, ils purent rire un temps pour détendre l'atmosphère et apprécier pleinement l'incandescence du corps voisin.

Madra-Rua initia le baiser à la grande surprise de la jeune femme qui apprécia l'audace lorsqu'elle sentit la chaleur qui l'habitait la parcourir à son tour. Elle se sentit fondre et était dans l'incapacité de réfléchir davantage ou de ruminer ses craintes qu'elle enfouissait au plus profond d'elle. Par cette chaleur qu'elle invitait, les inquiétudes qu'elle avait semblaient si insignifiantes. Elle chassa finalement la larme où s'accumulèrent ses démons, en espérant que la chaleur de leur corps la fasse évaporer par bonne mesure, relâchant sa voix et enlaçant Madra-Rua contre elle en caressant sa peau. Quant à lui, il ressentit le corps de la jeune femme presque aussi distinctement que le sien. La mélodie qu'elle laissait échapper à son insu résonnait dans ses oreilles duveteuses passionnément. Sous une dernière catharsis, les deux amants exaltèrent avant de crouler sous leur poids. En ramenant sa queue autour d'eux, Madra-Rua respirait rapidement pour embrasser encore une fois la jeune femme au dessus de lui qui s'allongea sans résistance sur lui. Elle logea finalement sa tête dans le creux de l'épaule de l'ullelian avec pour seule couverture la queue hirsute du jeune homme sur ses hanches.

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