Chapitre 32 – Lézard et chats

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Les préparations se mettaient en place, les membres se rapprochaient d'Isa'th mais lui, qui cherchait à comprendre comment est-ce qu'il pouvait aider, conservait une certaine distance entre eux. Même après avoir été accueilli chaleureusement il préférait être sûr qu'il ne représenterait aucun danger pour eux, ou eux pour lui. Oneeki tenta de le rassurer en le prenant sous son épaule droite et lui dit : « Alors ? L'endroit te plait ?

  • C'est couvert, et ça a l'air mieux isolé que les autres endroits où j'ai pris l'habitude de dormir, alors je vais dire oui ? répondit-il en s'écartant de son emprise en essayant de ne pas l'offenser.
  • Oh, ne répète pas ça à Kali, on est chez elle. Je suis plutôt sûr que la dernière fois que je me suis moqué de sa façon de ranger … je ne l'ai plus jamais fait en fait. réfléchit-il en riant, mais il remarqua rapidement que son auditeur ne souriait pas autant que lui. Tu sais, et si tu allais faire un tour un peu avec tout le monde ? C'est toujours bien d'avoir quelqu'un autour de soi à qui tu peux faire confiance, autant apprendre à leur faire confiance maintenant.
  • Mais comment est-ce que je fais ça ?
  • Oh, euh … essaie de te tenir à un mètre de distance de leur visage, sois poli et respectueux et essaie de leur raconter quelque chose d'intéressant ou la première bêtise qui te passe par la tête pour lancer la conversation. On essaie, vas-y.
  • Tu sais utiliser la magie ? J'aurais besoin du plus de conseils possibles.
  • Non, je connais pas de mage non plus.
  • Tu as lu quels livres ? J'ai surtout aimé la description de la vie des rapaces de … s'excita Isa'th en commençant à farfouiller dans son sac.
  • Bon, pour une première fois je vais parler en premier. Toi tu … attends un peu avant de dire tout ça, d'accord ?
  • D'accord. »

Oneeki et Isa'th s'approchèrent d'abord de Mesa qui s'amusait avec son couteau fétiche : une lame droite courte aiguisée dans les deux sens avec un manche simple, sans ramification ou détail dessus. Elle le faisait tourner dans sa main, glisser entre les doigts, lancer dans les airs. Il y avait plusieurs coupures sur ses mains, son agilité avec son couteau venait de ces moments à bouger la lame en ne levant que quelques doigts. Quand elle remarqua qu'Isa'th suivait le couteau des yeux, elle voulut le narguer en lui lançant le couteau qui tourna suffisamment vite pour qu 'on ne puisse plus compter le nombre de tours qu'il faisait, ou encore la distinction entre le manche et la lame. Isa'th attrapa la lame entre son pouce et son index droits et regarda Mesa avec un air curieux et demanda : « Qu'est-ce que je dois en faire ?

  • Rend le moi, je vais te montrer. » répondit-elle d'un sourire sournois.

En sortant par la trappe elle fit de grands gestes à Isa'th pour qu'il l'accompagne. « Vas-y, suis la. Tu restes poli, tu te tiens droit et ne fais surtout pas de blague. On verra plus tard pour ça.

  • D'accord. » confirma-t-il, angoissé

Cette sahuaguin portait des vêtements serrés, une chemise noire retroussée jusqu'au coude sous une veste légère beige sans manches. Un pantalon bleu marine maladroitement enfoncé dans des bottes courtes marrons en cuir. Un sac dans le dos attachée par une bandoulière qui passait par dessus sa veste. Des cheveux ébouriffés déteints. Mesa et Isa'th se trouvaient dans un cul de sac à côté de leur repère. Les maisons en bois étaient abandonnées et se détérioraient, les quelques fondations restantes étaient parcourues d'entailles et de notes gravées à côté de disques et de sphères abîmés : « 16/20 », « 15/20 », « 18/20 ». Mais malgré la protection que pouvait fournir les Chats Noirs, il craignait encore que son bras droit soit trop visible alors il le cacha sous des bandages et sa chemise. « Tu as déjà lancé des couteaux ?

  • Quelques uns oui, je dois recommencer ?
  • Ouais, pour le moment lance celui-là sur cette poutre. » exigea-t-elle en lui tendant le premier couteau qu'elle lui avait lancé.

Il tint l'arme, lui fit faire des petits sauts dans sa main gauche en cherchant son centre de gravité puis l'attrapa par la pointe de la lame et d'un coup sec du poignet, planta la lame dans le bois. « Bien pour un premier lancer. Maintenant … plus dur … » continua-t-elle en courant accrocher un disque de bois de deux centimètres de large pour dix de diamètre. Quand elle s'enleva, elle fit légèrement tourner le disque sur lui même mais le couteau fila et atteint la cible au centre dans un bruit sourd. « Oh, bien joué. Essaie avec plusieurs maintenant sur la sphère ! » Dans l'excitation, Mesa lui tendit ses couteaux dans la plus grande insouciance. Elle partageait ses jouets avec le nouvel enfant timide. En les pesant à leur tour, Isa'th les lança avec la même période, atterrissant les uns après les autres soit sur la sphère soit sur des poutres derrière. Trois sur la cible mais trois autres dans le bois autour. Au final, Mesa garda tout de même un air surpris pendant plusieurs secondes en regardant la sphère penchée à cause du poids des couteaux et Isa'th attendait sa réponse en demandant : « Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

  • Maintenant...concours ! annonça-elle en lançant un couteau dans la sphère qui fit tomber ceux d'Isa'th. Celui qui touche toutes les cibles au centre le plus rapidement à gagner : on va prendre cinq disques chacun et les cacher ici ! On ferme les yeux, et au top départ on doit chercher toutes les cibles et lancer. Partant ? demanda-t-elle en sautant sur place.
  • D'accord. hocha-t-il de la tête en récupérant les dix disques et couteaux.

Mesa plaça deux de ses cibles en hauteur derrière des poutres des maisons abandonnées, ne laissant que le centre de la cible et les bords visibles. Les trois restants bien positionnés en évidence sur des poutres autour d'eux. Ils se tournaient le dos, un couteau dans la main gauche et les autres dans la droite. Mesa se prépara en ne tenant qu’un couteau avec sa main directrice, les autres lames attendaient avec impatience sur son côté. Elle était prête à marquer ses cibles et trouver celles d’Isa'th. Isa’th se contenta de tenir autant de couteaux dans chaque main en respirant profondément. « Tu comptes jusqu'à trois, puis on se lance. Proposa-t-elle.

  • Un … deux … trois. » Termina-t-il.

Mesa se retourna sur elle même et lança deux couteaux rapidement vers ses deux cibles cachées derrières les planches. Puis elle prit trois couteaux de sa main droite et lança un par un les lames sur ses dernières cibles, toutes étaient marquées autour du centre. Satisfaite, Mesa laissa échappé un rire en remarquant qu'Isa'th tenait encore tous ses couteaux. Elle se mit en position pour tirer sur les cinq dernières. Mais elle ne les trouva pas. Elle chercha mais ne voyait aucune planche qu'elle n'avait pas déjà marquée. Perturbée, elle demanda : « Mais … Où est-ce que tu les a mises ?!

  • Il fallait les cacher, non ?
  • Oui mais à ce point là, c'est peut-être exagéré. Et pourquoi tu n'as encore rien lancé ?
  • Je n'ai pas encore compris comment atteindre les tiennes là-bas.
  • Ah ! Autant pour moi, c'était peut-être tôt pour te défier comme ça. Il faut faire attention à lancer vite sans faire trop de tours … je vois pas comment expliquer. Ça se fait à l'instinct. Il faut leur donner de l'effet avec un coup sec du poignet.
  • De l'instinct … ? »

Il lança trois des couteaux de sa main gauche en l'air pour n'en laisser que deux entre son index et majeur, entre son annulaire et son auriculaire, qu'il arma en direction des cibles dissimulées. Il prit une inspiration et les lança tous ensemble horizontalement. On sentit un courant dans cette partie isolée de la ville : les couteaux prirent des directions différentes, ils s'éloignèrent pour enfin prendre les mêmes chemins que ceux de Mesa. Il récupéra les trois envoyés en l'air pour les lancer de la même manière en tournant avec sa main gauche. Il laissa tomber quatre de ceux qui restaient dans sa main droite. Il prit une pose plus longue cette fois-ci. Il regardait une des cibles de Mesa attachée à une poutre en évidence : il y en avait cinq intacts derrière elle. Mesa commença à comprendre et prit une grande inspiration, ses pupilles se dilatèrent et un sourire nerveux se dessina sur son visage. Isa'th lança le dernier, investi de vent, le plus perpendiculaire possible. Il traversa la poutre et les planches en éclatant les disques. En retirant les planches, elle éclata de joie en hurlant : « C'était génial ! Comment tu as fait ?! C'est ta magie, c'est ça ?! C'est ta magie ! Recommence ! Lance celui-là ! » hurla-t-elle en lui tendant le couteau le plus fin qu'elle avait, il l'attrapa et le lança contre la poutre qui fut traversée sans résistance. « C'est super ! Mais ça fait combien de temps que tu travailles dessus ?

  • Ça doit faire quatorze ans après qu'on se soit rencontré.
  • Oh, dommage. Tu pourrais m'apprendre ?!
  • Quoi ? Non non non ! Je ne sais pas comment enseigner, on m'a juste appris à l'oral, je n'ai aucun document qui pourrait t'aider.
  • Mais c'était super ! Tu sais faire quoi d'autre ?!
  • Je devrais être capable de me déplacer plus rapidement d'après mon père, il a aussi essayé de m'apprendre à trancher des choses sans les toucher mais je me suis coupé quand j'ai essayé. J'arrive à faire léviter une feuille.
  • Ton père t'a appris quelque chose qui avait une chance de te couper ? demanda-t-elle inquiète.
  • J'étais censé réussir. répondit-il sur la défensive en essayant de justifier son père.
  • Mais ça a l'air plutôt dangereux en plus d'être difficile, pourquoi est-ce qu'il t'apprendrait ça ?
  • Je lui avais demandé quand il m'a dit que je pourrais voler si je m'investissais suffisamment.
  • Tu pourrais voler ?! C'est génial ! Et l'épée, elle sert à quoi ? »

La question de Mesa renvoya Isa'th dans ses pensées, surtout sur le contexte où il obtint cette arme. Et les tâches de sang encore difficiles à nettoyer sur ses vêtements. Ses mains commencèrent à trembler mais quand il sentit le vent autour de lui affluer il parvint à enfouir ses pensées avant d'être totalement submergé par les plaintes des morts qu'il redoutait dans son sommeil. « Elle m'aide à me concentrer, et quand je voyageais on ne m'approchait pas trop grâce à elle.

  • Oh, d'accord. Et j'ai une idée ! Quitte à s'entraîner, tu devrais aller voir Atlas, il est bon avec un bâton, ça remplacera ton épée. » dit-elle en voulant desserrer la tension en constatant la main droite tremblante de son interlocuteur.

Mesa s'en alla en première à toute vitesse vers la rue principale, laissant Isa'th derrière elle. Il remarqua enfin son absence et s'inquiéta en doutant du chemin qu'il avait pris pour venir jusqu'ici. Sa respiration s’agitait et sa tête suivit le mouvement. Il cherchait autour de lui le premier des Chats qui pourraient le guider dans ce labyrinthe. Il se lança dans un passage au hasard, pensant trouver un coin familier mais il n'en fut rien. Alors il monta sur plusieurs poutres pour distinguer un endroit particulier. Mais rien ne lui sautait aux yeux, il scruta encore et encore, sans succès. Et il paniqua. « Hé ! Qu'est-ce que tu fais là-haut ?! » Interpella un jeune lexidae d'un groupe de quatre. Ils étaient mal habillés d'après les standards qu'Isa'th connaissait déjà : torses nus, graisse mise en évidence, mal rasés, mains tremblantes et pupilles dilatées. « Je... je me suis perdu.

  • T'inquiète gamin, t'es pas tout seul. Tes potes sont dans le coin ?
  • « Potes » ? Non, ils ne sont pas là. répondit-il en cherchant de qui il parlait.
  • Descend va, on devrait pouvoir les trouver. répondit-il avec un air malicieux.
  • Merci mais … je devrais les trouver moi même. dit-il, essayant de les éloigner de lui.
  • Oooh allez ! Tu vas pas rester seul dans ton coin comme ça ?! » insista l'inconnu.

Isa'th fut surpris en entendant ce son guttural qui semblait montrer son mécontentement. Sentant que la poutre faiblissait, il descendit de lui même violemment et fut surpris par l'interlocuteur qui passa son bras autour de son cou pour le traîner vers le groupe. « S'il vous plaît, je devrais rentrer tout seul.

  • Connerie ! Comment tu t'appelles ? On va te faire visiter les coins sympas. Alors gamin ? Ce nom ?
  • Isa'th Seth mais...
  • C'est de quelle origine ça ? Tu me raconteras ça sur le chemin. Au bar ! »

Le groupe s'en alla dans une ruelle sombre, un petit passage de plus en plus étroit. La tuyère qu'ils empruntèrent passait par des endroits de plus en plus inquiétant : les passants étaient en mauvais état, ils déambulaient avec un équilibre approximatif, les yeux vides et les poches retournées. Les regards qui se tournaient vers le groupe effrayèrent Isa'th qui hésita à s'enfuir à chaque pas mais la prise d'un des membres le retenait et il ne passerait pas inaperçu si une bourrasque passait dans cette allée fermée. « Merci de l'offre mais je ne crois pas que ce soit le bon chemin pour que je rentre.

  • Ah non ?! Tu es là depuis longtemps à Aelton ?! rétorqua un des inconnus, offusqué.
  • Non mais...
  • Alors je connais les rues mieux que toi, suis un peu !
  • Je ne devrais pas rester près de vous, il faut que je m'en aille … marmonna-t-il.
  • Mais non gamin, ais confiance ! Qu'est-ce que tu as à perdre ?!
  • Moi rien mais …
  • Voilà ! Problème réglé ! Allez, suis et regarde pas trop les autres. »

Un des passants les interpella : il titubait en plein milieu du chemin, bloquant la progression du groupe. Il se tenait devant eux tant bien que mal, des traces de vomi sur le contour du visage, les yeux injectés de sang, la barbe drue et la tenue en lambeaux. « S'il vous plaît … J'ai besoin de plus … plus … prononça-t-il difficilement, se grattant la gorge pour essayer de faire sortir les mots plus facilement.

  • Fous le camp le vieux ! Hurla un des membres en bousculant Isa'th pour attraper le passant par le col, les vêtements menaçants de se déchirer à cause de la traction.
  • J'en ai besoin, je vous en prie ! Juste un peu …
  • On a dit … fous le camp ! suivit un deuxième qui le projeta au sol qui poussa ensuite le jeune homme avant qu'il n'ait le temps de s'inquiéter pour l'épave.
  • Et voici petit, le monde s'ouvre à toi : le behemoth boiteux ! »

Isa'th resta perplexe pendant un moment en regardant l'homme gisant au sol et marmonnant des inepties. Cette taverne était située sous les fondations d'une boutique de préteur sur gages. L'entrée était délabrée, les briques sortaient du mur. Des personnes gisaient sur le sol, respirant bruyamment. Ils se levaient de temps en temps pour tousser voire pour vomir très peu de nourriture, principalement du liquide dans les tons orangés. « « Behemoth boiteux » ? Pourquoi « boiteux » ?

  • Oh t'as pas encore goûté le « tueur de dragon ». répondit-il en riant.
  • Alors gamin, Seth c'est ça ? Qu'est-ce que tu faisais tout seul dans cette ruelle ? enchaîna-t-il sans lui laisser le temps de répondre.
  • Je n'étais pas seul, je m'entraînais avec Mesa avec des couteaux.
  • Mesa ? On est censé le connaître ?
  • Je ne pense pas, non. C'est une voleuse alors je dirais que son nom devrait rester caché. Mince … se dit-il à lui même en remarquant son erreur.
  • Une voleuse ?! Attend … est-ce que c'est une sahuaguin ? demanda-t-il, inquiet.
  • Non. ajouta-t-il en essayant de se rattraper.
  • Tiens gamin ! Ça te requinquera ! » hurla un membre extérieur du groupe en tendant une bouteille odorante au jeune homme.

Il y avait de nombreuses traces de griffures d'ongles et de dents sur le contour. Même sans connaître l'alcool et ses effets, Isa'th était persuadé que le contenu de cette bouteille n'était pas que bénéfique. « Je devrais y aller, je dois encore rejoindre les autres. dit-il d'une voix timide en se levant du tabouret.

  • Et où tu crois aller comme ça ? demanda un grand sahuaguin qui sembla sortir de nulle part pour se tenir derrière lui et l'empêcher de bouger.
  • Je … dois partir, ils m'attendent.
  • Qui …?! C'est bien toi qui a passé la douane tranquillement ? Comment t'as fait, t'es un pourri ?! Tu t'es penché pour payer le passage ?!
  • Non, je voulais juste aider et … » essaya-t-il d'expliquer en s'écartant des autres et en serrant son bras droit en sentant son cœur s'emballer mais un grand bruit capta son attention.

Deux lexidaes venaient de tomber en arrachant la porte de son cadre au fond de la taverne. Les consommateurs voisins furent aussi surpris et se levèrent en panique, dégainant leurs armes rudimentaires : couteaux émoussés et tessons de bouteille en verre. Ils prirent un instant pour observer l'état des deux victimes pour constater qu'ils leur manquaient quelques dents, certains bras étaient anormalement tordus et de la bave coulait de leur bouche. Enfin, quelqu'un entra dans la salle, marchant dans la bière renversée qui colla alors à ses longues bottes. Elle essuya du sang qui coulait de ses narines et fit craquer ses doigts en tendant ses bras vers ses victimes : « Vous savez comment ça marche, je veux les infos et le terrain. Après je partirai. » Isa'th resta pensive un moment en regardant Kali affronter ces personnes : est-ce qu'il valait mieux l'aider elle, ou les autres qui gisaient au sol, ensanglantés ?

La salle était sur le qui-vive, attendant qui osera s'approcher en premier. Les plus proches reculèrent en faisant le moins de gestes brusques. D'autres atteignirent leur arme sous la table mais dès que le regard de Kali se porta sur eux, ils s'arrêtèrent immédiatement, de peur de recevoir un tabouret au visage. Un lexidae saoul se leva en trombe, brisant sa bouteille sur la table et gaspillant le liquide contenu. Il couru maladroitement vers elle et tendit son tesson vers le visage de Kali. Elle passa son bras droit au dessus de celui de son adversaire, attrapa sa main avec sa gauche pour enfin casser le bras de l'opposant. Bien qu'il se mit à hurler de douleur, elle n'hésita pas à lui mettre un crochet du gauche, le faisant tomber lourdement au sol. Le voisin à droite de Kali se leva et tenta de lui couper la gorge avec sa dague mais elle parvint à l'esquiver en se penchant en arrière et finalement, sortit la sienne pour l'enfoncer dans le poignée de l'agresseur et dans le bois de la porte et remettre un coup de pied en utilisant la semelle de sa chaussure. Isa'th eut pitié du pauvre homme accroché à la porte qui pleura en essayant de retirer la lame. Il hésita à aller aider les autres mais il craignait qu’elle se mette à l'attaquer lui aussi. Un autre ennemi se jeta sur elle avec une petite épée. Bien que celui-ci était encore plutôt sobre, Kali n'eut aucune difficulté à se rapprocher dès qu'il lança son lourd coup. Elle le bloqua en se décalant légèrement et arrêta le bras de l'adversaire avec son coude. Elle tourna sur elle même dès qu'elle attrapa son poignet et le leva alors qu'elle tenait aussi le coude. Il se retrouva alors sur le dos baissé en essayant de se relever avec son dernier bras libre. Elle le rabaissa encore en frappant le derrière de son genoux et finalement le balaya d'un autre coup de pied au visage, il se retrouva à glisser sur la longueur de la salle, ramassant échardes et flaque de bière sur le chemin. Isa'th admira la force avec laquelle l'adversaire glissait vers lui. Les techniques qu'elle employait l’impressionnait mais il se méfiait de l'état des autres et ressentit un profond soulagement quand il arrivait à trouver un pouls régulier aux victimes. Le suivant l'a pris par surprise et parvint à lui porter un coup au visage ce qui la déséquilibra, les autres voisins saisirent l'opportunité et l'un se glissa derrière elle pour passer ses bras autour des siens et enfin bloqua sa tête avec ses mains. L'autre remit un coup au visage de Kali qui se vengea en crachant sur l'agresseur ce qui choqua les adversaires et relâcha leur emprise sur elle. Elle enchaîna par un coup de tête en arrière et frappa le plexus de celui de l'avant d'un direct puis lança un crochet à celui de derrière. Les derniers motivés attaquèrent en groupe : le premier la frappa au torse mais elle le repoussa d'un coup de pied dans la cage thoracique. Le second n'eut pas le temps d'armer complètement son coup que Kali le frappa d'un direct à la gorge, il tituba en arrière essayant de reprendre son souffle. Ensuite, le troisième lui lança un coup de pied vers les jambes qu'elle parvint à arrêter avec sa main gauche. Il essaya alors de la frapper au visage mais elle passa dessous en conservant sa garde haute pour préparer son coup et écrasa l'opposant au sol avec un coup de coude. Le premier revint pour seulement se faire faucher par un coup de pied bas de Kali. Lorsqu'il reprit enfin son souffle, le second fonça vers elle mais elle le frappa au ventre et roula sur son dos pour lui lancer un uppercut qui le souleva du sol. Le premier se prit un coup de pied horizontal dans le thorax mais l'action de Kali fut interrompu par le troisième qui la frappa brutalement sur le dessus du crâne et elle se vengea en relançant un coup de poing sur celui-là. Deux d'entre eux se mirent à attaquer ensemble. Elle commença par parer avec son bras avant de frapper les côtes de celui de gauche puis de lancer un coup de pied à l'autre qu'elle relança dans la gorge du premier. Le pied encore suspendu en l'air, elle le lança dans le ventre du troisième qui recula un grand coup. Elle finit encerclée par les trois. Isa'th osa enfin sortir pour la rejoindre. Ils ne lui laissaient cette fois aucune opportunité et la martelait de coups qu'elle bloquait comme elle pouvait. Repoussant chaque attaque et cherchant une ouverture, elle finit par esquiver un coup maladroit, ils se frappèrent alors entre eux et Kali en profita pour lancer un coup sauté avec son poing et son pied opposé. Celui qui resta conscient se releva péniblement mais lorsqu'il posa un pied au sol, genou fléchi, elle prit appui dessus pour frapper violemment sa tête avec le dessus de son pied. Ils gisaient au sol, gémissants, cherchant à prendre appui pour se relever. Elle reprit son souffle et sembla satisfaite de sa victoire. En s'essuyant le visage elle nargua : « Vous essayez au moins d'attaquer en même temps. Il vous faut bien ça pour avoir une chance. Toi là-bas, tu veux tenter ta chance ?! proposa-t-elle à un inconnu. Et toi alors, tu veux … qu'est-ce que tu fous ici, toi ?! demanda-t-elle, perdant son sourire narquois en regardant Isa'th encore abasourdi par le combat.

  • Je … J'accompagnais celui-là. bégaya-t-il en pointant du doigt la personne qu'il rencontra dans la rue. Il m'a dit de le suivre mais …
  • Tu te rends compte de ce qui aurait pu t'arriver dans un coin pareil ?!
  • Mais ils ne m'ont pas laissé partir, je t'assure. Et si j'avais essayé de les repousser … s'arrêta-t-il, incapable de finir sa phrase mais le fait qu'il tenait son bras intensément fut suffisant pour donner une raison à Kali.
  • Dépêche toi, je te ramène. » répondit-elle en sentant sa joue lui faire mal.

Elle se dirigea alors vers un des hommes battus et arracha un papier qui dépassait de son pantalon, il essaya de le retenir mais Kali lui lança son genoux dans le visage. « Super … et vous gardiez un truc pareil sans rien tenter ? Marche devant Isa'th, on a tout ce qu'il faut. » Ils sortirent du behemoth boiteux et se dirigèrent vers leur repère. Remarquant qu'elle ne prenait pas les devants cette fois-ci il jeta des regards en arrière pour s'assurer qu'il avait bien compris ce qu'elle lui avait demandé de faire. « Kali ? Qu'est-ce qu'il y a ? » demanda-t-il, inquiet en notant qu'elle s'appuyait contre les murs. Sa respiration était haletante et sa main, sur une blessure sur le haut de sa cuisse. « Ça va aller, t'inquiète. Juste une blessure qui s'est rouverte. Pars devant, je te rejoins bientôt. » Isa'th retourna vers elle et passa sa tête sous son aisselle pour la soutenir et l'empêcher de trop s'appuyer sur sa blessure. « Qu … qu'est-ce que tu fais ?!

  • Je ne suis pas sûr du chemin de retour, ils m'entouraient et m'empêchaient de prendre de bons repères. Et ils pourraient revenir s'en prendre à nous.
  • Tu aurais pu les battre. Comme les douaniers.
  • C'était différent. Je réagissais juste à ce moment là parce que je voyais des gens en danger. Mais je ne veux pas me battre juste pour moi.
  • Qu'est-ce que tu veux dire ? Demanda-t-elle, surprise.
  • Parce que … je les battrais sans doute. » répondit-il avec un regard triste.

Elle ne posa pas d'autres questions en remarquant le regard tremblant et le bras droit agité. Elle le savait sensible et attentionné. Mais le ressenti le plus éclatant était sa haine envers lui même. Envers quelqu'un qui était toujours insuffisant et qui n'apportait rien de positif pour les autres autour de lui. Il n'avait pas d'autre raison de se défendre que sa propre survie. Elle le voyait se perdre dans ses pensées, leur trajet tanguait de plus en plus. Elle voulait l'aider. Non seulement parce qu'elle le voyait comme un autre condamné de la vie mais aussi car cette vision négative de lui même causerait sa perte et lui ressemblait. Être exigeante avec lui pour l'aider à progresser et lui montrer des chemins différents étaient une première étape. Elle n'était pas suffisante car elle restait inquiète. Elle osa alors dire ce qu'elle aurait aimé entendre : « Merci Isa'th. J'aurais dû dire ça plus tôt mais je te trouve admirable. Que ce soit la force de ta volonté, tes convictions et ton désir de t'améliorer constamment … Je suis désolée que tu n'arrives pas à te voir comme je te vois. Ce que je veux dire c'est que … je suis très contente de t'avoir rencontré. Et je suis très fière de ce que tu deviens chaque jour. Mais tu peux être faible avec nous, je veux faire en sorte que tu n’ais pas à te battre » expliqua-t-elle avec un tendre sourire. De simples mots qui suffirent à faire trembler et ses lèvres et ses yeux. Il respira difficilement mais il était bien plus calme en chassant ses pensées négatives. Il n'avait pas lu assez de livres pour être capable d'exprimer toute sa gratitude.

Lorsqu'ils arrivèrent enfin chez Kali, le renard bondit vers eux pour les inspecter. Le bras droit du porteur était la priorité mais l'aspect négligé de la jeune femme inquiéta beaucoup l'animal. Le sang glissait le long de sa jambe et tachait le parquet. Elle s'assit sur la première chaise qui lui passait sous la main. Suite à quoi, l'inquiétude d'Isa'th atteignait son paroxysme : « Où est-ce que vous gardez votre matériel de soin ?! exigea-t-il de savoir en se levant, prêt à détaler pour aller le chercher.

  • C'est dans ma chambre à l'étage à côté du lit mais t'inquiète, je sais faire. » tenta-t-elle de le rassurer en lui frottant la tête insouciamment.

Elle fut choquée de ne pas le voir reculer d'effroi après avoir été touché. Elle se rendit compte de son erreur mais cette fois-ci il n'avait pas l'air mal à l'aise en étant en contact avec quelqu'un d'autre. Même s'il était plus préoccupé par la blessure en face de lui, la plus grande partie de sa vie a consisté à s'éloigner des autres se dit-elle. Il s'arracha de son emprise sans remarquer la main qui jouait avec ses mèches blanches. Elle pouvait l'entendre fouiller sous le lit en sautant sur le sol et déferla les marches pour descendre auprès d'elle. Avec toutes les boîtes contenant du matériel qui lui échappait. « Qu'est-ce que je dois faire maintenant ?!

  • Ça va aller je te dis, passe moi celle-là. Ça fera l'affaire. rassura-t-elle en désignant la seule boîte utile et la plus usée.
  • Comment est-ce que je peux t'aider ?!
  • Euh … Je crois qu'il y a un bout de verre dans ma cuisse. Ça m'emmerde depuis un moment maintenant. Je crois qu'il est juste là. » indiqua-t-elle en baissant son pantalon jusqu'à ses genoux.

Il y avait moins de cicatrices que sur ses mains mais la peau révélée était enjôleuse. La chemise sombre cachait tant bien que mal ses sous-vêtements mais la vue ne fut pas le plus problématique. Le combat qu'elle venait de mener était éprouvant à n'en pas douter et le reste de sa journée était elle aussi chargée. L'odeur de sa transpiration libérée par le cuir qui quittait enfin son corps était plutôt agréable, celle de fer qui émanait de son sang gâchait la saveur. Kali fut flattée de voir l'effet qu'eut sa peau sur le jeune homme malgré les cicatrices, les hématomes et le verre incrusté sous la peau. « Je pense que ça sera plus simple si tu utilises tes griffes pour l'enlever, plus fines. » L'idée en elle même était bonne mais Isa'th se perdit de nouveau dans ses pensées en imaginant le sang sur ses écailles encore une fois. Il avait envie de vomir. Elle voulut le retenir d'essayer en le voyant hésiter mais il ravala sa peur car il voulait aider. En posant la gauche sur la cuisse pour s'assurer qu'elle ne bouge pas Kali eut un sursaut et se redressa sur sa chaise, il rapprocha la droite de la plaie. Elle était si douce qu'Isa'th perdit de vue l'objectif pour observer les tressaillements de la jeune femme et les quelques poils clairs qui avaient survécu à la tenue serrée. « Je peux le voir d'ici. Est-ce que tu es prête ? demanda-t-il, la gorge serrée.

  • Vas-y. » annonça-t-elle en se mordant la main.

En essayant de se rassurer sur le sang qui allait parcourir ses doigts une nouvelle fois, Isa'th regardait ailleurs à chaque fois qu'il n'était pas prêt à mener l'opération. Le visage crispé de Kali força le porteur à traverser la chair de cet être si important pour lui pour la soulager. Le pouce et l'index piquèrent la peau pour atteindre le fragment. Un cri refoulé de douleur émanait de la patiente qui sentait le froid du métal aspirer la chaleur de son corps en même temps qu'il tirait le verre en dehors de la chair. L'éclat vint doucement, Isa'th s'assura de ne rien couper de plus qu'il n'avait déjà fait en plantant ses griffes à l'intérieur. Lorsqu'il montra enfin l'arme à Kali qui sentit sa cuisse se soulager, il se détendit au point de retomber au sol en essuyant le sang sur ses doigts. Elle parvint enfin à se pencher pour attraper les bandages à côté de lui. Elle prit une gourde d'eau qui traînait sur la table pour nettoyer maladroitement la blessure. Rouspéteuse, faute de désinfectant, elle ferma la plaie pragmatiquement avec le tissu qu'elle récupéra et stoppa l’hémorragie. « Tu vois ? Bientôt comme neuve. Merci Isa'th, ça va aller ?

  • Pardon ? demanda-t-il sans lever les yeux de ses mains qui n'arrivaient pas à faire disparaître le liquide pourpre.
  • Fais voir. C'est mon sang après tout, le moins que je puisse faire c'est de le nettoyer. »

Elle parvint à atteindre ses mains tremblantes pour frotter les griffes avec ses doigts humides. Elle fit glisser les griffes contre sa peau, elles produisirent un léger son cristallin à leur contact. Elle les astiqua avec un tendre sourire sur ses lèvres en regardant finalement Isa'th dans les yeux : « Tu n'aimes pas ton bras, pas vrai ? Tu n'as pas que de bons souvenirs mais tu vois que tu peux faire de bonnes choses avec. Je les trouve très belles ces écailles. Et voilà, j'ai fini. Tu as une journée pourrie, va te reposer dans mon lit. Tu étais avec qui avant d'aller au bar ?

  • Mesa. On lançait des couteaux ensemble. Elle voulait m'emmener voir Atlas mais je l'ai perdu de vue avant d'arriver là-bas.
  • Très bien, j'irai les chercher pour les prévenir. Repose toi, tu veux ? Tu as intérêt à être dans le lit quand je reviens. » annonça-t-elle avec un ton menaçant défait par un sourire chaleureux.

Il sentait qu'il était déplacé mais rien ne le tirait de son sommeil, il était dans un endroit bien plus agréable que d'habitude : ce n'était pas l'herbe ou les ailes de Druni qui faisait ce lit. C'était chaleureux, l'humidité était très faible et les parois moelleuses. Il avait l'impression d'être dans la plus grande et la plus douce des fleurs dont l'odeur emplissait son être et calmait ses autres sens. Recroquevillé sur lui même, il sentait sur lui l'étreinte chaleureuse qui semblait de plus en plus familière. L'inattention fit place aux sens engourdis qui étaient suffisamment présent pour comprendre la situation actuelle : Isa'th était au repaire des Chats Noirs dans une pièce à l'étage sur un lit dans les bras de Kali, assoupie également. Elle ne portait plus que sous-vêtements et chemise de nuit blancs. Elle était sur son côté gauche, les yeux clos mais la bouche à demi-ouverte expirant un air chaud périodique sur le sommet du crâne d'Isa'th qui se trouvait juste au dessus de sa poitrine. Elle le serrait contre elle en montrant l'expression la plus détendue possible, ses mains passées derrières sa tête se croisaient pour se glisser délicatement dans ses cheveux. Les yeux du jeune homme s'illuminèrent en se réveillant et en reculant lentement pour ne pas la réveiller : elle se montrait sans défense, les lèvres brillantes et attirantes, les cheveux longs en batailles qui se dispersaient sur son visage, l'odeur confuse de transpiration et du cuir chevelu. Elle n'était pas en train d'affronter qui que ce soit ou de jeter sa vie parce que ça aurait été la meilleure chose à faire avec le peu de temps qui lui restait. Elle avait la liberté de le « gaspiller » ainsi, de le dépenser comme elle le souhaitait en tout cas.

De tout ce qu'il avait expérimenté comme contacts, il n'avait jamais pensé que ces quelques détails embellissaient autant la scène. Il continuait de retourner dans sa tête les raisons de la confiance qu'on lui accordait, cherchant comment son discours sur le destin l'avait mené dans ce lit auprès d'elle. Mais tandis que son esprit s'agitait sous la réflexion, Kali laissa échapper un gémissement pour finalement resserrer son emprise sur Isa'th ce qui le laissa d'autant plus perplexe mais de plus en plus détendu. Il commença à refermer ses yeux et essaya de l'imiter en l'enlaçant également : avec hésitation et tremblements, il approcha ses mains du dos de Kali et serrait jusqu'à ce qu'il se rende compte de la pression qu'il exerçait sur la poitrine de la lexidae. En gardant cette pose il essaya de préserver de ce moment du mieux qu'il pouvait pour enfin se rendormir avec un sourire.

Tard dans la soirée, plusieurs bruits réveillèrent Isa'th et le sommeil profond de Kali relâcha sa prise. Il se glissa hors du lit en prenant à garde à tout geste parasite qui pourrait arracher Kali de ses rêves. L'absence de couverture se fit vite ressentir, compte tenu du fait que les habits du jeune homme se trouvait sur une chaise éloignée du lit. Quand il remarqua qu'il était persuadé de ne pas s'être déshabillé lui même, gêné, il réagit vite et attrapa les habits avant de descendre et reconnu des Chats Noirs qui rirent en vidant le contenu d'une bouteille autour de la table avec une petite lanterne. Il y avait Crésus, Mathusalem et Minos qui se lançaient des cartes portant numéros et figures aristocratique de différentes espèces. Pendant ce temps, le renard observait la partie sur sa chaise. « Eh ! J'avais raison ! Il est doué! Ça me fait 2 pièces d'argent ! réclama Crésus à Minos. Oh mince, désolé Isa'th ! J'éteins la lampe. remarqua-t-il en remarquant le jeune homme paralysé qui observait la flamme dansante et arrogante.

  • Mais tu vas parler moins fort, oui ? Qu'est-ce que tu croyais que Kali voulait dire quand elle nous a demandé de se taire si on restait ? contesta ce dernier, agacé de sa défaite.
  • Oneeki a toujours d'aussi bons yeux. Tu devrais être flatté Isa'th, ce n'est pas tout le monde qui arrive à la séduire. dit Mathusalem.
  • Séduire ? Comment ça ?
  • Et il est novice en plus de ça, et beh. C'est rageant de penser que c'est inné un truc pareil. Tu viens bien de descendre de la chambre de Kali, non ?
  • Oui ? Je me suis réveillé dans son lit, je n'ai pas remarqué qu'elle m'avait rejoint. Est-ce que j'ai mal agi ?
  • Du tout, t'inquiète. Tiens, viens t’asseoir. invita le vieil sahuaguin en prenant un verre vide pour le remplir de liquide fermenté, ce qui repoussa le jeune homme pendant un instant.
  • Qu'est-ce que c'est ? Je n'ai pas encore senti ça.
  • Alcool, la base fondamentale de toutes les sociétés. Ça aide à se détendre principalement ou pour se marrer entre potes, vu que tu es réveillé tu auras deviné quelle option on a choisi. ricana Minos. Tu bois ?
  • Je vais goûter. dit-il en vidant cul-sec le contenu de son verre puis toussa en sentant sa tête s'alléger. C'est … chargé.
  • Tu n'étais pas sensé le boire comme ça en même temps. Fermentation, le plus long et frustrant mais le résultat … ajouta Crésus en ricanant.
  • De quoi vous parliez au juste ? demanda Isa'th pour détourner la conversation de son rougissement et de son mal à la tête.
  • Oh, on ressassait juste les vieux souvenirs. répondit Mathusalem.
  • Ah ah ah, vous vous rappelez du pot de magicien ? demanda Minos aux deux autres.
  • Plutôt oui, Salem l'a recherché pendant un mois après en avoir entendu parler. Quand il l'a enfin trouvé et qu'il était … utilisé, il l'a regardé pendant des heures et quand il s'est réveillé le lendemain, il avait disparu ! Il l'a cherché tout le matin suivant en accusant toutes les personnes qu'il pouvait. Finalement, un type a frappé à sa porte l'après-midi pour savoir s'il avait vu un pot de chambre voler vers lui. D'après Salem … l'odeur du type était indescriptible ! finit Crésus en regardant Isa'th du mieux qu'il pouvait avant d'éclater de rire, ce que le lexidae ne fit pas puisqu'il ne reconnut pas la part amusante de l'histoire.
  • Vous vous connaissez depuis longtemps ? demanda le jeune homme.
  • On a volé nos premiers bijoux ensemble il me semble. répondit le sahuaguin.
  • Ah oui, l'âge d'or. On se contentait de vivre au jour le jour sans se soucier de ce qui arriverait si on commettait une erreur. On était idiots.
  • Comment ça ?
  • On a plus ou moins grandi ici, à Aelton, mais ça nous a pris énormément de temps pour se rendre vraiment compte dans quel genre d'environnement on évoluait. À profiter des plaisirs ponctuels on ne se rendait pas compte que le voisin est assoiffé.
  • Tu es bien bavard quand tu es saoul. constata Minos. Mais je suis plus curieux à propos de toi Isa'th … laissa-t-il plané d'un air suspicieux. Alors comme ça … Kali t'a laissé dormir dans son lit ?
  • Oui, elle voulait que je sois là quand elle rentre. Quand je me suis réveillé, j’étais dans ses bras et …
  • C'est comme ça que les meilleures histoires commencent. sourit Mathusalem d'un ton curieux.
  • En me gardant près d'elle … Je sentais clairement son parfum, c'était enivrant.
  • Son parfum ? A quel point étais-tu près d'elle au juste ? continua-t-il en riant.
  • Contre sa poitrine … marmonna Isa'th, rouge de gêne.
  • Et par curiosité, est-ce que vous avez eu des … comment t'expliquer ça … des moments intimes où tu t'es senti … particulier ?
  • Oui, avant d'entrer dans les Chats Noirs, elle m'avait déjà pris par la main et c'était … incroyable. Je n'avais jamais senti ça, mon père avait souvent les écailles froides et rugueuses et c'était le seul contact que je m'autorisais après être devenu un porteur. Alors … qu'elle se laisse approcher aussi imprudemment de moi en me tenant la main c'était … inespéré. Je ne sais pas comment le décrire. C'était … choquant, j'ai eu l'impression de pouvoir compter les battements de mon cœur qui résonnaient dans ma tête. »

C'est avant tout grâce à l'ivresse montante dans leur tête que les sahuaguins furent particulièrement émus du ressenti du jeune homme face à ses nouvelles expériences et leurs yeux brillèrent de compassion et de joie. « T'inquiète pas mon petit ! On ne te laissera pas tomber ! » hurla Mathusalem en attrapant Isa'th en bloquant ses bras, le soulevant du sol d'une manière plus brutale mais chaleureuse à sa manière. En pleurant toutes les larmes de son corps. Surpris mais amusé, les deux autres les rejoignent en les enlaçant et tous sourirent chaleureusement. Isa'th se mit à rire aux éclats en observant les sahuaguins l'embrasser avec de chaudes larmes et des paroles incohérentes pour la plupart et négligeables pour les autres. Dans la pièce seulement éclairée par les trous dans les planches ou les fenêtres de l'étage supérieur le rire se propagea entre eux et réveilla la jeune femme qui resta dans son lit pour sourire à son tour. Quant au renard, il sembla à la fois comblé et perturbé à cette vue.

Après s'être souhaité bonne nuit, les Chats se séparèrent, laissant Isa'th seul avec Kali qui était encore dans son lit. Après être descendu de cette étage, il se demandait encore s'il devait y remonter ou si l'acte était déplacé maintenant que la décision n'appartient plus qu'à lui. Il n'avait rien lu de tel dans tous les livres qui l'accompagnait depuis la Vallée du Vent, seulement des guides sur les progrès scientifiques contemporains ou la géographie. Cupide de retrouver cette sensation enivrante, il montait les marches de l'escalier le plus délicatement possible sur les parties adjacentes au mur pour limiter le bruit de grincement des planches. Il voyait Kali sur le lit : elle avait bougée et dormait maintenant sur son dos avec la couverture renversée sur son côté droit et les mains renversées de part et d'autre du buste. Isa'th s'approchait sur la pointe des pieds : il ralentit la chute de ses orteils par une brise et se trouva à côté du lit. Mais Kali bougea une nouvelle fois pour tourner le dos à Isa'th qui, déçu, hésita à amener sa main droite vers elle en pensant que, inconsciemment, elle la sentait et l'a trouvé repoussante malgré son éloge. Il finit par éloigner sa main d'elle et reparti vers l'escalier quand il entendit le meilleur murmure qu'il pouvait entendre : « Isa'th … » dit-elle dans son sommeil en laissant échapper un soupir, ce qui amena le jeune homme à faire demi-tour : il devint attentif non pas au corps ou aux odeurs qui l'abasourdissait, mais aux mots qu'elle pouvait dire ensuite. « Plus à pleurer … ». En prenant son inspiration, il sentit son cœur accélérer tandis que son nez se mit à piquer et sa vision se troubler. Mais en repensant ensuite à ses mots : il se retint et remit ses habits sur la même chaise et retourna dans le lit. En voyant les poils sur la peau de Kali se dresser, il tira la couverture sur eux. Mais il restait un problème dont la solution devait être rapide : devait-il la prendre dans ses bras ou non ? En repensant à sa réaction quand il approcha son bras droit, il se contenta de la courbure que prirent ses cheveux ainsi que de leur odeur et se mit à sourire en se mettant sur le dos, fermant les yeux. Il sentait pourtant Kali bouger encore une fois. Elle se tourna jusqu'à ce que, sans qu'Isa'th ne se sente capable de bouger à ce moment, elle se trouve sur lui, face à face, sa tête à côté de la sienne et leurs bras reprirent leur position habituelle en enlaçant l'autre. Ceux du jeune homme se tenait dans le dos de la jeune fille qui elle passait les siens derrière la nuque de l'autre. Et ainsi, ils s'endormirent tous les deux avec le même sourire. Pendant cette nuit, ils oublièrent les destins funestes qu'on leur avait annoncé en pensant à la chance qu'ils avaient d'être dans les bras de l'autre.

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