Chapitre 29 – Les Chats Noirs

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En entendant la réponse d'Isa'th, Kali sembla surprise mais avant tout émue. Elle se releva en passant sa main pour frotter ses yeux. Elle se rhabilla et récupéra le poignard qu'Isa'th lui tendait. Sur cette poutre d’acier les deux jeunes gens se regardèrent : l’un gardait un visage triste et l’autre souriait avec des yeux aux bords des larmes. Un regard très différent était porté sur eux : le renard sembla furieux et descendit de la poutre en premier et fut rejoint par les deux autres lexidaes. « La nuit va bientôt tomber, viens ! » Annonça Kali avec enthousiasme. Elle partit dans la ruelle pour rejoindre la rue principale. Quand elle y était, elle fit de grands gestes pour attirer les deux vagabonds qui la rejoignirent. Il y découvrit quelque chose de nouveau pour le jeune homme : tous les lexidaes, sahuaguins et quelques amal’jhas s'étaient rassemblés et riaient. Ils festoyaient en se racontant leurs histoires drôles et aventures de leur travail quotidien. La première réaction d'Isa'th le changea de son humeur devenue habituelle puisqu’il se remit à regarder les alentours avec curiosité et un certain entrain. « Viens voir, il faut que je te les présente. » S'exclama-t-elle en apercevant un regroupement de sahuaguins et de lexidaes. Parmi eux se trouvaient : cinq sahuaguins dont un qui dépassait tous les autres, trois lexidaes de bien petites tailles comparées aux précédents. Quand Isa'th et Kali se rapprochèrent du groupe un des sahuaguin dit avec une voix usée : « alors, c’est lui ? Tu es sûre de toi, Kali ?

  • Absolument, notre spécialiste. Je vous avais dit que je le convaincrai.
  • Et tu lui as fait le service complet j’imagine ? » Demanda une lexidae.

Elle avait la peau mate et des cheveux bouclés noirs sur un visage moqueur et la bouche entrouverte. Une chemise blanche avec des motifs de feuilles vertes couvrait le haut de son corps laissant un décolleté révéler le haut de son torse. Elle portait également un pantalon de cuir serré et des bottes hautes jusqu’au bas des cuisses. En entendant cela, un autre lexidae aux traits similaires lui répondit : « Aman ! Sois plus respectueuse ! Désolé Kali, et pour toi aussi. Je m’appelle Oneeki, enchanté. » Dit le deuxième lexidae en tendant sa main droite à Isa'th qui regarda le renard en attendant une réponse du comportement à effectuer. Isa’th répondit en tendant la gauche, serrant celle d’Oneeki qui sourit, confus. Il était plus grand que sa sœur de dix centimètres. Il avait les cheveux rasés de près et portait comme elle une chemise blanche avec des motifs verts mais son torse était entièrement caché. Un pantalon de cuir ample accompagné de bottes courtes lui couvraient les jambes. Afin de briser ce moment étrange, Isa'th demanda : « Vous êtes frère et sœur ?

  • Tu dis ça parce qu’on est noirs ?! Demanda Aman, offensée.
  • Non, à cause des lobes des oreilles et des iris. J’ai lu que les membres d’une même famille avaient très souvent ce caractère en commun, alors j’ai pensé que … Répondit Isa'th timidement.
  • Ahahah, tu as de bons yeux. Et rapides en plus. Oui, on est bien frère et sœur tout droit sortis de Dreirhiel, sudistes purs souches. Dit-il en souriant encore de son visage chaleureux. Mais on devrait rentrer, on ne sait jamais si les gardes nous tomberont dessus. Les groupes les inquiètent maintenant, ils deviennent paranos.
  • Comme d’habitude, compris ? Demanda Kali.

Les autres répondirent la même chose sauf Isa'th. Tous les membres du groupe se séparèrent en plusieurs groupes : les trois lexidaes dont Aman et Oneeki partirent avec une jeune fille devant une boutique de nourriture tandis que les sahuaguins se séparèrent en deux groupes de deux et le plus grand parti dans la ruelle perpendiculaire aux festivités. « Allez viens, on doit se retrouver plus tard. » Expliqua Kali. Elle le guida à travers la rue principale mais la foule empêchait Isa'th de la suivre correctement et commençait à la perdre de vue. Puis, quand elle disparut il s’inquiéta. Tous ces gens autour de lui pouvaient être en danger s’il perdait le contrôle, encore une fois. Il respira de plus en plus fort seulement en y pensant et balaya son regard de droite à gauche en espérant voir ses cheveux rouges au loin, mais aucune trace d’eux. Il essaya de se propulser comme à d’habitude mais la panique l’empêchait de se concentrer et le renard lui mordait la botte pour l’en dissuader. Il respirait de plus en plus vite, il partit dans une des ruelles voisines à la rue principale en titubant et en longeant les murs quand il le pouvait. Le vent s’intensifia autour de lui malgré les murs étroits. « Hé, ça va ? » Demanda Kali en posant sa main sur l’épaule de Isa'th qui eut pour réflexe de se dégager du contact.

  • Tu … Tu ne devrais pas me toucher … Bégaya-t-il en se cachant encore sous sa capuche.
  • Tu n’as pas à te cacher, tu peux me faire confiance. Regarde. »

Elle approcha sa main gauche de celle d’Isa'th qui reculait instinctivement. Elle finit par attraper sa main gauche. « Arrête … » Murmura-t-il. Puis leurs doigts se croisèrent. Depuis le départ de son père à la Vallée du Vent, Isa'th n’était réconforté que par la chaleur du renard qu’il ne retrouvait que dans les nuits froides ou au cas où il avait une crise et avait besoin de se calmer. Voilà qu’il avait trouvé une nouvelle manière de se sentir apaisé. Ses doigts rencontraient un contact qu’il n’avait pas eu la chance de connaître, même quand il était dans la forêt. Il gardait la bouche entrouverte et savourait ce contact inconnu jusque-là en observant les croisements de leurs doigts. La chaleur qu’il ressentait de sa main gauche contrastait avec le métal froid qui faisait alors son bras droit. Le temps sembla s’arrêter autour d’eux. Mais avant qu’il ne s’en rende compte, sa capuche était contre son dos, révélant ses mèches blanches en bataille et ses yeux bleu profond. « Allez, les autres nous attendent maintenant. Ne me perds pas, d’accord ? » Dit-elle en cachant son visage pour se hâter vers leur cachette. Le renard regardait la scène comme s’il en était énervé et les suivit en grommelant. Ils ne se lâchaient pas, Isa'th regardait encore avec étonnement les mains serrées entre elles tandis que Kali regardait loin devant en essayant de retenir un rictus. Ses mèches se détachaient de sa queue de cheval rudimentaire pour cacher ses joues. A travers la rue, ils esquivèrent les passants et s’engouffrèrent finalement dans une ruelle étroite dont les murs semblaient se rapprocher au fur et à mesure. Kali finit par se libérer d'Isa'th pour escalader les murs et taper cinq fois sur des planches de bois dissimulées dans les fondations en hauteur. Quand elle s’éloigna dans les hauteurs, Isa'th la regarda s’éloigner comme un enfant à qui on aurait enlevé sa peluche. Après les cinq coups, la trappe en bois s’ouvrit et révéla la jeune lexidae du groupe ainsi qu'Oneeki qui dit alors à voix basse : « C’est bon, la voie est libre. » Il tendit sa main pour aider Kali à monter. Une fois hors de la ruelle, le sudiste tendit à nouveau sa main mais Isa'th était déjà en haut avec le renard blanc sous le bras droit. Il ne tenait toujours pas à ce qu’ils soient choqués par l’état de son bras et se devait de le garder caché. « Les présentations se passent aussi bien que prévu. Réprimanda Kali en regardant agressivement Aman. Je te présente Crésus, Mesa, Mathusalem, Minos et le très grand c’est Atlas. » Continua-t-elle en désignant du doigt un par un les sahuagins dont le dernier devait baisser la tête pour ne pas se cogner aux poutres de bois qui soutenaient l’étage supérieur. Ils le saluèrent à l’unisson sauf Atlas qui se contenta d’un « humpf » grommelé. Tous s’étaient présentés sauf une petite lexidae qui restait cachée derrière Aman, ne laissant paraître que sa petite tête blonde. « Et voilà la petite dernière, Relm. Tu dis bonjour ? » Sollicita Kali en s’appuyant sur ses genoux. « B’jour … » Réagit-elle tout bas en marmonnant. La réaction d'Isa'th ne fut pas celle attendue : il serrait de sa main gauche son avant-bras droit. Le plus fort qu’il pouvait. Tout en respirant fort. En le voyant ainsi, Kali réagit rapidement et dispersa la foule par un signe de tête et tout le monde retourna à ses occupations : les sahuagins nettoyaient du matériel et aiguisaient des lames, Oneeki regardait une carte de la ville, Aman s’occupait de Relm en partant jouer avec elle. Seuls restaient Isa'th, Kali et un renard blanc. L’une et l’animal regardant l’autre avec inquiétude. Il serrait toujours plus fort son bras dissimulé par des bandages. « Tu ne veux pas me montrer ?

  • Non ! C’est infecté et …
  • … Tu vois Atlas ? Un alchimiste cinglé lui a coupé la langue parce qu’il pensait que les organes de sahuaguin avaient des propriétés médicales. Il était volontaire contre suffisamment d’argent pour nourrir sa mère malade pendant un an. Oneeki et Aman ont traversé Dreirhiel et Hashia parce qu’on leur a raconté qu’Aelton pouvait rendre n’importe qui riche. Orphelins et sans travail, Oneeki a fait tout ce qu’il pouvait pour elle. Les autres sahuaguins et Relm ont perdu leurs parents dans une bataille de gangs. C’étaient des dommages collatéraux. Moi, j’ai été récupérée par un sahuaguin qui m’a considéré comme sa fille alors que j’étais une parfaite étrangère pour lui. Il a construit il y a longtemps les Chats Noirs avec Mathusalem mais il a été capturé en permettant aux autres de s’enfuir dans un casse qui a mal tourné. On a tous des faiblesses et des histoires que l’on aurait préféré éviter. Vivre normalement sans problèmes majeurs. Mais on doit faire avec. Qu’est-ce que tu as subi toi ?
  • … J’ai grandi dans la Vallée du Vent.
  • T’y as survécu ?
  • Je n’étais pas seul, j’avais mon père. Un très grand mage.
  • Qui c’était ?
  • Un dragon. Commenta-t-il avec un sourire nostalgique.
  • Un dragon ?!
  • Mais ça a fini par mal tourné. Un jour un autre dragon est arrivé, blessant mon père et disant qu’il avait commis une faute en vivant avec moi, et …
  • C’est là que ton bras …? »

Il défie les bandages. Malgré les plaintes du renard, il continuait, attirant les regards des autres Chats. Le tissu tombait et révélait des écailles, griffes et anneaux de métal entourant l’avant-bras. Certains se couvraient la bouche soit d’horreur soit de tristesse. D’autres prenaient de grandes inspirations avec des yeux ouverts. « Je suis devenu un porteur. Mon père m’a demandé de l’assimiler et depuis la transformation se propage … Je comprends que vous ne voulez pas que je reste, je vais partir. Je dois aller à Lazulis mais je ne sais pas pourquoi. Dans mon voyage, j’ai été traumatisé par le feu. » Il montra ses jambes pour montrer les marques de brûlures du bûcher et les cicatrices provoquées par les fers qui l’attachaient. « Des gens d’un village ont découvert mon bras et ont voulu me brûler par précaution. Je partirai dès que possible mais … J’ai été ravi de vous rencontrer. Je m’appelle Isa'th Seth. Je vous en prie, ne parlez de moi … de « ça » … à personne. » Il se dirigea vers la trappe en bois avec le renard. Il la soulevait et descendit dans la ruelle. La rue principale se trouvait juste devant lui. Il regarda le renard qui semblait approuver sa décision. « Isa'th ! » Entendit-il dans son dos, il se retourna et découvrit quatre lexidaes et cinq sahuaguins familiers. « Sûr que tu ne veux pas rester ? Demanda Kali.

  • J’ai pas été sympa avec toi, je pensais pas que tu avais dû subir tout ça. J’me rattraperai. Continua Aman.
  • Ça fait longtemps que j’habite ici, je t’aiderai à t’installer sans problèmes. Ajouta Mathusalem.
  • Ça fait partie de la tradition sahuaguin de s’occuper de sa famille, non ? Commenta Mesa
  • On les fera sortir de la basse sans problèmes avec toi ! Compléta Crésus
  • Tu dois être impressionnant avec ce bras ! S'exclama Minos.
  • Je te préviens, on va avoir beaucoup de boulot pour toi. Nargua Oneeki avec un grand sourire.
  • Tu resteras ? Demanda Relm, timidement.
  • On peut prendre soin de toi. Annonça Kali. On ne te dénoncera pas parce que tu es un porteur. Tu es juste un autre naufragé, comme nous. Alors ? Attendit-elle en tendant la main droite.
  • … Je ne veux plus être seul … »

Il tendit sa main droite, froide et tremblante. Elle se réchauffa.

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