Chapitre 27,5 – Une flamme dans un cristal

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 "Madra-Rua. J'ai le nom … Madra-Rua." Articula-t-il péniblement face à Lithilmin qui le regardait avec intensité.

  • Mon nom EST Madra-Rua. Il est plus habituel d'utiliser un verbe d'état pour parler de soi. D'accord ?
  • D'accord." Répondit-il docilement, de peur de vexer son nouveau maître qui s'avérait si gentille jusque là.

 Elle essayait de poser un regard plus doux sur l'élève mais il ne se sentait toujours pas en sécurité. Il ne faisait confiance que par restriction. Des gens partaient toujours à sa recherche s'il partait. Il était toujours désigné avec abjection par les autres membres du camp. Il avait encore peur. Son corps avait progressé : la colonne se redressait petit à petit après six mois passés avec le médecin, ses muscles s'affermissaient mais son appétit semblait sans fin. Il utilisait sa magie innovante de manière spontanée et sans aucune gêne. "Comment vous sentez-vous maintenant lorsque vous produisez des flammes ?

  • Bien, j'aime bien les voir danser. Répondit-il timidement.
  • Ce que je voudrais savoir c'est … est-ce que vous seriez à l'aise pour parler de l'époque où vous étiez loriwe ?"

Bien qu'il apprenait encore les bases et subtilités du langage, il reconnaissait suffisamment de mots pour raviver des souvenirs douloureux dans son esprit comme sur son corps. Il réfléchit silencieusement et se retourna vers elle : "Oui, je me sens à l'aise.

  • Vous pratiquiez la magie sous l'influence de drogue militaire à l'époque. Quelles différences notables sentez-vous maintenant ?"
  • Il ne comprenait pas ce qu'elle disait dans sa première phrase mais la seconde le poussa vers son passé. Les flammes qui abritait son corps était différente : "Le feu à l'intérieur, il était … 'qui refuse d'écouter' ?
  • 'Indiscipliné' ?
  • Oui. Il s'incrustait partout sous ma peau et je voulais qu'il s'en aille mais il revenait à chaque fois qu'ils me perçaient. Il me faisait mal. Mais maintenant, il n'est plus là. Je suis tout seul dans mon corps avec le bon feu. Ajouta-t-il avec un grand sourire.
  • Pourriez-vous décrire davantage ? Demanda-t-elle en écrivant dans son carnet.
  • C'est … ap … apaisant ? Bégaya-t-il, incertain de la prononciation. C'est imposant quand il reste à l'intérieur. Quand il sort il est joyeux.
  • 'joyeux' ? Demanda-t-elle, surprise.

 Ils avaient tout deux étaient présent sur un champ de bataille. Lorsque le feu était impliqué, les bûchers de corps et leur odeur écoeurante lui venait à l'esprit. Ou bien les amas de plantes dont les fumées étaient empoisonnées. "Il danse !" Se contenta de décrire l'ullelian. En écoutant son air jovial et innocent, Lithilmin ne put s'empêcher de sourire sincèrement en réfléchissant à ses notes. Il agitait sa queue noire mat avec excitation en observant la réaction de son interlocuteur. Lorsqu'elle se retourna vers son bureau pour noter son rapport concernant son patient, celui-ci pensa avoir mal agit. Sa queue s'arrêta. Ses oreilles se baissèrent. Une petite voix demanda : "Est-ce que je vous déçois ?

  • Pardon ?
  • Vous ne me parlez pas beaucoup et vous me grondez souvent. Mais je ne comprends pas ce que je fais de mal. Si vous me dîtes ce que je fais de mal, je suis sûr que je peux m'améliorer et vous ne serez plus déçue !" Quémanda Madra-Rua, désespéré de ne pas être puni de nouveau.

 Elle s'approcha lentement de lui mais assurément. Elle tendit finalement la main vers son visage mais il ferma les yeux en envoyant ses oreilles le plus loin possible de crainte qu'elle les arrache. Elle ouvrit finalement la bouche : "Je vous l'ai déjà dit, vous ne m'appartenez pas, personne ne vous possède. Vous ne me devez rien. Je suis exigeante avec vous car je voudrais que vous puissiez rattraper le retard que vous avez pris en devenant loriwe. Je voudrais que vous puissiez être une personne parmi toutes les autres. Je voudrais vous aider autant que je puisse et je vous aiderai encore mieux si vous me faisiez confiance. Mais c'est tout à fait compréhensible que vous ne me croyiez pas encore. Culture différentes obligent. Vous ne m'avez jamais déçue, et je pense que je ne serais jamais déçue de vous. Je suis déjà très fière des progrès que vous avez fait.

  • Mais … est-ce que vous êtes heureuse ?
  • Je suis heureuse d’être avec vous."

 À cette réponse, sa queue s'agita dans tous les sens une nouvelle fois. Entendre ça encore une fois, il ne pouvait pas s'en lasser. Avoir une telle confiance envers quelqu'un qu'elle connaissait peu. Des mots très simples mais pour Madra-Rua ils avaient un poids incommensurable. La joie l'envahissait et les chaînes qu'il s'imaginait s'effaçaient de plus en plus. Elle atteignit son paroxysme lorsqu'il reconnut les pas lourds d'un certain adversaire qu'il rencontra six mois plus tôt. Il allait revoir Rakameto après un mois d'absence. Il agita sa queue tellement fort sur le sol que des étincelles sortirent des poils pour s'élever doucement dans les airs. Le bruit interpella Lithilmin qui se tourna vers lui mais trop lentement : il eut le temps de se rapprocher de son visage et lui lécher la joue. Sa façon à lui de montrer son affection. Il quitta ensuite la tente précipitamment pour partir à l'encontre de son ami. Le médecin resta encore choquée à l'intérieur en tenant sa joue encore chaude. Puis un sourire se dessina sur ses lèvres en voyant les poils noirs s'éclipser vers le soleil.

"Eh ! Comment ça va ?!" Demanda Rakameto en se baissant au sol pour tendre les bras. Le renard courra à quatre pattes autour de lui pour lui sauter dessus. "Doucement ! De quoi on a parlé la dernière fois ?!

  • 'Pas sauter sur les gens' ?
  • Pas sauter sur les gens. Tu as bien fait tes exercices quand j'étais absent ?
  • Oui !" Excité de faire ses preuves à son maître décontracté, il s'éxecuta sur le champ.

 Pour prouver ses dires il enleva les vêtements qui couvrait son dos : la colonne était bien moins courbée qu'à leur première rencontre et les muscles autour se dessinaient remarquablement compte tenue du peu de temps qu'il y avait consacré. Ses manches quittèrent aussi son corps et révélèrent les membres renforcés qu'il avait gagné. Il tendit ses bras vers Rakameto avec fierté pour montrer ses progrès : "Bien ! Tu ne t'es pas relâché dis moi ! Il est fort ce bras ?

  • Oui ! Répondit-il en fléchissant.
  • Et tu as aussi fait les exercices de respiration ? Demanda-t-il, plus concerné.
  • Oui ?"

 Madra-Rua était surpris puisqu'il pouvait difficilement montrer qu'il respirait mieux à son mentor. Il se mit en tailleur et joignit ses mains en croisant les pouces. Le regard de Rakameto s’intensifia quand la poitrine du renard gonfla. Il pouvait sentir de là où il se tenait que la température autour d'eux augmentait. Lorsqu'il expira l'air se refroidit aussi rapidement. Il continua de respirer lentement en attendant de recevoir un autre compliment du géant. Déçu de sa performance il essaya de respirer plus fort et plus longtemps. La gorge de Rakameto était sèche et ses yeux lui faisaient mal. Mais il sentait surtout les regards pesant des autres soldats sur eux, ils commençaient à reculer et à pester contre l'auteur le plus suspect. Lorsque le plus vindicatif s'avança finalement : "Ce n'est pas assez de le nourrir il faut en plus qu'il utilise sa magie maudite en public ?! Tu ne comptes vraiment prendre aucune mesure et le laisser tout brûler à la première occasion qu'il devienne 'perturbé' Rakameto ?

  • Silence, ce n'est vraiment pas le moment de le déconcentrer. Annonça-t-il, inquiet.
  • Non ! Il a raison, c'est maintenant ou jamais. Vous ne vous rendez pas compte quel danger il représente pour ceux qui restent dans le camp !
  • J'ai dit : silence. Il utilise encore sa magie 'maudite', comme vous dîtes, inconsciemment et sans précaution. Il doit s'entraîner ou son corps et tous ceux autour sont en danger. Expliqua-t-il en transpirant et respirant péniblement.
  • Tu n'as pas l'autorité de prendre une telle décision Rakameto, il est temps que ce problème soit portée aux supérieurs !" Exclama le premier soldat en frappant violemment le géant de pierre à l'arrière de la tête avec un petit marteau.

 Trop exténuée pour réagir au coup porté, Rakameto tomba au sol si soudainement qu'il trembla de son poids. Madra-Rua perdit sa concentration et regarda son mentor au sol avec étonnement. Lorsque son regard se perdit sur les agresseurs, des flammes émanaient de ses poils et cheveux. "Il recommence, préparez-vous au combat !" Les rudiments du langage n'étaient pas nécessaires pour comprendre qu'ils étaient hostiles envers lui. Madra-Rua était lassé. Il se contentait de s'entraîner et d'apprendre car c'était apparemment tout ce qu'on attendait de lui. Peu importe combien il était inexpérimenté à ce moment là. Il savait que les gens en face de lui, ceux-ci qui étaient si excités à l'opportunité de le défier, étaient très faibles comparés à lui. Il le sentait plutôt. L'impression de puissance que dégageait son ami au sol ou l'attitude reposée mais agressive de son professeur étaient bien plus imposantes que la leur. Ils n'étaient pas importants pour lui. Ils le rabaissaient dès qu'ils le pouvaient, comme beaucoup trop d'autres lorsqu'il était dans une cage. Et voilà qu'il n'avait plus à les supporter. Les flammes s'estompèrent momentanément. Madra-Rua claqua sa queue sur le sol en dessinant une langue de feu avec elle puis jeta un regard noir aux agresseurs. Leur peau devint rouge spontanément. Ils tombèrent alors à leur tour sur le sol en haletant à cause de la fièvre. Le renard s'était contenté de faire chauffer leur sang et de se débarrasser des gêneurs le plus rapidement possible sans atteindre son ami encore sonné. Il le prit alors sur son épaule et le traîna comme il put vers la tante de sa sœur. "Rakameto ?! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?!

  • Moins fort, moins fort … J'ai encore la tête qui sonne.
  • Laisse moi voir. Heureusement que tu as le crâne solide. Qui t'as fait ça ? Une mutinerie dans ce calme ce n'est pas normal.
  • Un idiot, donne lui du temps pour se calmer. Répondit-il en se frottant la tête.
  • C'est de l'ordre de la trahison, ça ne peut pas rester impuni. Même avec ta clémence il reste un danger pour tous les autres dans le camp s'il est capable de s'en prendre à un supérieure.
  • Il s'est fait avoir d'un seul coup parce que le petit les à regarder de travers. Je ne pense pas qu'il fera le malin de si tôt.
  • Madra-Rua ? Lui demanda-t-elle, étonnée.
  • Je voulais juste qu'ils arrêtent de nous regarder de haut alors qu'ils étaient faibles. » Répondit-il innocemment.

 À cette annonce, les deux amal'jhas se regardèrent avec inquiétude en cherchant les mots exacts pour calmer la situation. Lithilmin réfléchissait à son raisonnement simpliste qui témoignait de l'enseignement qu'il avait reçu en tant que loriwe. Les forts survivent, les faibles se font trahir. Maintenant, en difficulté, elle se demandait comment il imaginait les personnes les plus proches de lui. Son frère était dans cet état à cause d'un camarade et elle s'était déjà écroulée de fatigue plusieurs fois devant lui auparavant. Alors Rakameto, insouciant, rétorqua : "Madra-Rua, il y a quelque chose que j'aurais dû t'expliquer avant mon départ. Puisque tu as subi un traitement très particulier avec toutes ces drogues que tu as reçu, ton corps possède des méridiens d'une taille très importantes.

  • Les méridiens c'est ce qui permet de faire de la magie ?
  • Voilà. Le problème c'est que ton corps n'a pas l'entraînement nécessaire pour supporter la magie que tes méridiens créent. Ta magie dépasse ton propre corps actuellement et c'est dangereux.
  • Même avec les exercices que je fais ?
  • Je suis désolé de dire ça, à toi surtout, mais je pense qu'on va devoir augmenter l'intensité de ton entraînement. Les exercices de renforcement musculaire que je te fais faire d'habitude ont pour but de renforcer ton corps et améliorer ta posture mais ce sont surtout ceux de respiration qui sont importants.
  • Pourquoi ?
  • Quand vous les faîtes, vous entraînez votre corps à distribuer l'énergie interne à travers tous les vaisseaux sanguins. C'est éprouvant si vous êtes très concentré et vous finissez par renforcer votre corps ainsi. Expliqua Lithilmin en gardant ses distances.
  • Ça c'était pour mon premier point : ton corps est puissant, plus que tu ne l'imagines. Que tu ais survécu à toutes ces expériences relèvent d'une chance miraculeuse. Ensuite, ce dont je voulais te parler, c'est le pouvoir en lui même. Tu sais ce que ce mot veut dire, pas vrai ?
  • Quand on peut faire quelque chose ? Répondit-il, sentant qu'il ne s'agissait pas d'un simple test de vocabulaire que Lithilmin lui aurait fait passé.
  • Quand tu as parlé d'être dérangé par les autres qui te regardent de haut alors qu'ils seraient faibles, ce n'est pas comme ça que je vois les autres.
  • Comment tu les vois alors ? Demanda Madra-Rua de plus en plus curieux.
  • Plus il y a de pouvoir, plus j'ai envie de m'en servir pour les bonnes raisons. J'étais un bon mage donc j'ai pu entrer dans l'armée. J'ai fait mes preuves donc ils m'ont proposé une promotion. Et ça ne risque que d'empirer. Plus on devient puissant, plus les responsabilités s'accumulent.
  • Je ne devrais pas trop faire de flammes, même si des gens sont hostiles ?
  • C'est dans cette idée, oui. Mais au final, ce que tu fais de ta magie fait partie de toi et tu utilises bien tes bras comme tu veux. C'est juste une question d'expérience et de point de vue.
  • Je ferai attention … Répondit-il, navré.
  • Pas grave. Je vais te préparer un sac de voyage, on va partir quelque temps toi et moi. J'ai des choses à te montrer."

 En attendant cette nouvelle, Lithilmin ressenti une légère pression dans sa gorge. Madra-Rua, quant à lui, était excité de sortir. Surtout s'il pouvait le faire avec ce maître là.

Il passait de bon moments avec Rakameto mais il la connaissait beaucoup mieux et elle était très avenante envers lui. Ce qui le dérangeait le plus était de se réveiller sans voir le médecin à l'œuvre de bon matin pour son traitement et ses repas. C'était sa première pensée en tout cas. Ensuite lui revint l'odeur sucrée des cheveux ondulés relâchés du chignon qu'elle arborait lors de ses heures studieuses. La distance qui le séparait d'elle, aussi faible semblait-elle être, devenait de plus en plus insupportable au fur et à mesure qu'il réfléchissait au temps qu'il passerait loin d'elle auprès de Rakameto. Il reconnut le doute envahir Lithilmin lorsque ses yeux s'humidifièrent légèrement. « Est-ce que je pourrais vous parler en privé Madra-Rua ?

  • Bien sûr. répondit-il spontanément.
  • Lorsque Rakameto part avec son escouade, la force militaire de notre groupe diminue grandement. Vous serez seuls cette fois mais notre puissance sera tout de même amoindrie. Je ne sais pas ce qu'il a en tête mais j'ai besoin que vous fassiez très attention à ce qu'il dit pour que vous reveniez le plus rapidement possible.
  • D'accord ! Il nous protège Rakameto mais qui le protège lui ? demanda-t-il, inquiet.
  • Il a l'air toujours sûr de lui mais cette guerre l'a fragilisé aussi. Savez-vous ce qu'il voulait faire avant de devenir soldat ? Il voulait juste se battre et se battre parce qu'il adorait ça comme sport. « Tant de façons de se battre avec le même objectif : battre son opposant, s'en est beau » c'est ce qu'il disait. Mais maintenant, il veut juste rentrer et se reposer sur une colline pour s'occuper d'une ferme. Ça le rend malade de se battre maintenant. Il préférerait s'enivrer et manger dans le calme avec un beau paysage.
  • Ça a l'air bien comme vie. se demanda-t-il. Et vous ?
  • Quoi moi ?
  • Vous voudriez faire quoi quand vous pourrez arrêter ?
  • En toute honnêteté, Madra-Rua, je ne pense pas que j'aurais le luxe de me poser cette question. répondit-elle d'un faux sourire sous des yeux fatigués.
  • Mais si vous pouviez ?
  • Madra-Rua, c'est compliqué. Les amal'jha ont peu de chance de gagner cette guerre et …
  • Rakameto vous protégera ! »

À cette réponse naïve à laquelle elle s'attendait de sa part, elle ne put s'empêcher d'être déçue de penser qu'il ne s'impliquerait pas plus que ça malgré le temps qu'ils ont passé ensemble. La lueur qui avait quitté ses yeux dû à l'exténuation se raviva un moment en même temps que ses joues rougirent. « Et si … et si j'étais en danger, est-ce que vous accourriez à mon secours ?

  • Bien sûr ! répondit-il avec un sourire attendrissant et la queue agitée. Quand la guerre sera finie on pourra être tranquilles et vous pourrez vous reposer. Et vous enivrer et manger dans le calme aussi !
  • Merci. J'aimerais beaucoup me reposer avec toi. Rakameto est dehors, vous devriez y aller. Ajouta-t-elle avec un tendre sourire.
  • Oh ? À bientôt ! »

Avant qu'il ne quitte complètement la tante, elle l'interpella une dernière fois en touchant timidement ses oreilles. Lorsqu'il se retourna, elle profita de l'effet de surprise pour embrasser son front. « Faîtes attention là-bas et revenez vite s'il vous plaît. » Les cheveux blanc rosé s'enfoncèrent un moment contre lui. Il ignorait s'il s'agissait simplement d'odeur ou de phéromones à cet instant qui se déversèrent. Elle s'était suffisamment approchée pour que dans ses yeux le renard discerne des éclats orangés caché sous l'émeraude. Madra-Rua assimilait encore la pression qui venait de s'exercer sur sa peau et le bruit des lèvres qui s'éloignaient de sa joue. C'était chaud. Il ressentait le « feu » qui l'habitait mais ce contact semblait plus chaud encore pourtant son effet le plus remarquable fut la sérénité apporté au déferlement ardent en son sein. Alors qu'il cherchait ses mots il se sentit tirer en arrière par une immense main rocheuse. « Bon ? Tu viens ? » Mais rien ne lui venait en tête. Il suivit Rakameto en jetant des regards en arrière pour voir Lithilmin le saluer de la main avec un tendre sourire.

Ils quittèrent le campement et s'enfoncèrent dans la forêt. Madra-Rua ressentait encore le vrombissement dans le sol ainsi que les oiseaux s'envoler tout autour d'eux. Ils les dérangeaient sans aucun doute, mais les rapaces qui se retirèrent était très loin d’eux. Le renard était sur ses gardes mais il était surtout inquiet de comment il pourrait se défendre sans utiliser sa magie. Remarquant l'inquiétude de son protégé, Rakameto parla : « T'inquiètes pas, va. Tu vas bientôt le rencontrer, je t'assure il est très sympa. » Ils déambulèrent sans vrai destination d'après Madra-Rua, les oiseaux s'en revinrent à leur nid après l'agitation et observèrent les deux vagabonds en contrebas. Les sifflotements reprirent et envahirent les oreilles duveteuses du renard, il les entendait comme s'ils étaient juste à côté de lui à lui casser les tympans. Tout autour de lui étaient amplifiés, il redécouvrait le monde avec des sens qui avaient progressé au delà de son contrôle. Ali'i était trop brillant, l'odeur de la sève des arbres atteignait son museau et celle de l'herbe piquait sa langue, le vent frappait son corps violemment. Et ces oiseaux. Il leur jeta des regards noirs dans l'espoir de les voir prendre soudainement feu. Ce corps était devenu beaucoup trop sensible. Les drogues poussaient ses méridiens à leur limite et comme l'avait prédit Rakameto, son physique n'était pas capable de suivre une progression aussi fulgurante. Mais même avec la cacophonie, la douleur et l'insupportable, Madra-Rua se sentait vivant. Il avait l'impression de ressentir tout ce qu'il avait manqué en grandissant dans une cage ou sur un champ de bataille. Cette fois là, personne ne cherchait à le martyriser ou le tuer. Ses sensations le renvoyaient vers des souvenirs détestables mais il était alors capable de les associer à ce terrain enchanteur aux oiseaux bruyants, vent violent, herbe nauséabonde. Pourtant, ces arbres autour de lui étaient étrangement froids et les fissures à l'intérieur révélaient d'étranges émeraudes en son sein. Il n'y prêtait pas plus d'attention car l'astre tout en haut le fascinait plus que toute la scène autour de lui. La chaleur qui se déversait sur son visage, le cartilage de ses oreilles et sa queue, cette grande sphère visiblement brûlante au loin lui rappelait le « feu » à l'intérieur de lui qui parcouraient ses vaisseaux sanguins mais d'une manière plus coordonnée et artistique. Il pensait même que c'était peut-être cela à quoi ressemblait son cœur. Lithilmin ne tenait pas à ce qu'il assiste à ces opérations et préférait éviter les images sanglantes dans ses leçons. Elle voulait l'épargner par pitié de ce qu'il avait déjà enduré.

« On s'approche, viens voir ! » Rakameto révélait un gouffre dans la forêt ou des masses de terres se croisaient devant un mur de pierre lissé par l'érosion, ils formaient un cercle dans lequel descendirent les deux amis. Madra-Rua regardait autour de lui en cherchant la raison de leur présence sans succès. Les amas de terre étaient un peu retournés mais il n'y avait pas de traces de pas dessus. Les roches se fissurèrent et quelques cailloux tombèrent de temps en temps. Puis le vrombissement reprit : la terre sous leurs pieds et autour d'eux se levèrent un peu avant de retomber lentement. Il était définitivement plus intense que les fois précédente. Madra-Rua le sentait. Derrière cette masse rocheuse se trouvait un « feu » très intense. À chaque sursaut de la terre, sa chaleur se dissipait dans toutes les racines, dans quelques troncs des arbres. C'était une impression étouffante, ce que cet autre « feu » dégageait avait une envergure bien trop grande. La chaleur qui atteignait sa peau n'était pas hostile mais elle était trop puissante pour être acceptée sans méfiance.

« Tu vas te réveiller le vieux ?! J'ai quelqu'un à te présenter ?! » hurla encore l'amal'jha en direction du visage de pierre. D'autres cailloux tombèrent pour laisser apparaître de grands yeux noirs qui inspectèrent ceux en face de lui. Un erakasera, la bête mythique qui faisait figure de proue sur le marteau du géant de pierre sortit ses membres imposants du contour de terre qui encerclait ses interlocuteurs pour relever sa tête. Le renard prit peur face à ce monstre de puissance qui était si proche de son visage et se réfugia derrière son ami en attendant le prochain mouvement de la masse de pouvoir sur le qui-vive. Elle continua de le fixer avec un regard agressif alors Rakameto les interrompit : « Oh le vieux ! C'est bien lui qui lançait des flammes partout mais il va beaucoup mieux maintenant, il contrôle même bien ! Du coup je viens te demander la permission qu'il reste sur ton dos avec nous autres, qu'est-ce que tu en penses ? »

  • Toujours aussi insouciant malgré les leçons que j'ai essayé de t'inculquer … exprima la voix grave avec une élocution très articulée. J'ai rencontré peu d'ullelian, et ceux que tu rencontrais étaient des adversaires … Pourrais-tu te porter garant de celui-ci sans aucun remord à ces éventuels écarts …?
  • Ouais, bien sûr ! répondit l'étourdit sans hésiter en tapotant la tête de son ami pour frotter ses oreilles entre les doigts.
  • Encore une fois, tu serais garant de cet inconnu …? demanda-t-elle en se rapprochant encore plus, pour sentir le cuir chevelu du renard qui était très impressionné. Il a déjà perdu le contrôle une fois et votre campement a bien failli brûler … Il va sans aucun doute te décevoir une seconde fois.
  • Il ne m'a jamais déçu. Ne le sous-estimes pas. répondit-il fermement, le sourire effacé pour afficher un regard autoritaire.
  • Soit … » ajouta la voix agacée.

Un pic vert émeraude sortit du sol : une lame courbée longue et large creuse présentant trois orifices circulaires sur le côté non tranchant. « J'offre un de mes éclats à ton compagnon par respect de notre amitié Rakameto … Mais s'il se trouve aussi valeureux que tu l'avances il ne l'utilisera jamais.

  • Quel intérêt de lui donner ça alors ? demanda le géant souriant sincèrement étonné.
  • Tu n'apprends jamais … » désespéra la voix grave.

Lorsque son ami lui montra l'arme du bout du menton et l'invita à s'approcher. Madra-Rua renifla le cristal avec méfiance. Ce n'était pas l'odeur proche du fer qui le frappa en premier mais une particulièrement étrange qui en émanait. Il voyait presque la chaleur autour du pic remonter et s'effacer dans l'humidité des feuilles au dessus d'eux. Le son strident qu'il entendait en se rapprochant le perturbait, il était doux étrangement mais désagréable à la longue. Il le saisie finalement et sentit la différence de température, il eut l'impression de se faire aspirer. Le « feu » qui l'habitait se faisait saper par le cristal qui semblait se remplir de magie petit à petit. Rakameto et l'erakasera regardèrent la lame déborder de flammes tandis que le renard récupérait rapidement en soulevant l'arme imposante. « Vas-y ! Laisse le « feu » passer par les trous ! ». À cette commande, Madra-Rua agita l'arme pour quelques tours en relâchant toutes ses flammes dans l'arme. À la grande surprise des spectateurs, le renard à la magie étonnante et spectaculaire était incapable de manier l'arme qui devenait une extension de lui même lorsque le « feu » le remplissait, elle déferlât vers un arbre et le trancha brutalement en deux en laissant le brasier dévorer les restes. Rakameto se tint la tête avec un regard amusé mais suffisant. Lorsqu'il se rendit compte de son erreur, le renard sauta sur la victime et s'agita autour. Il tenta d'apaiser le feu en le suppliant mais rien n'y faisait. L'erakasera regretta son cadeau et d'autres cristaux sortirent pour engloutir les flammes et retirer son geste. Avant que les éclats oranges disparaissent sous l'effet des verts, Madra-Rua expira lentement les yeux clos. Expirer puissamment et lentement. Les flammes se dissipèrent finalement à cette commande. « Sa commande » méditèrent les spectateurs. Le feu est sauvage, on ne le domestique pas. Ce que le campement utilisait pour se réchauffer, ce qui recouvrait un champ de bataille au dessus de la poussière, du sang et de la terre n'était que la langue de la flamme. Rakameto voyait un commandant maladroit dont le rythme cardiaque et la respiration suffisait à apaiser le plus butor des éléments pour lui enseigner la forme et la grâce. La hiérarchie entre le renard noir et les flammes qu’il commandait s’établissait. Son sourire triomphant nargua son ami rocheux qui resta dubitatif en voyant l'animal retirer le cristal de l'arbre de toutes ses forces pour finir par retomber sur ses fesses avec une grande épée comme récompense. Il se retourna pour s'excuser auprès de Rakameto mais son sourire se transforma en rire étouffé alors ce qu’il avait fait ne pouvait pas être aussi mal. « Bien joué pour les flammes mais je pense que tu as oublié quelque chose. Lui indiqua-t-il.

  • Quoi ? Se demanda le renard.
  • Tu as coupé un arbre sans faire attention, non ?
  • Oui ! Répondit-il fermement.
  • Alors tu devrais t'excuser auprès du propriétaire.
  • Je suis désolé ! » s'exclama-t-il en baissant la tête sous l'influence de la grosse main calleuse de son mentor.

Les deux se prosternèrent devant l'erakasera qui étaient fatigué de devoir faire affaire à deux « Rakameto ». Aucun idiot n'oserait s'approcher du nomade avec des intentions de vol de matériaux précieux. Les voyages qu'il entreprend laissent toujours des marques dans son sillage mais les nombreux membres fins sous le colosse permettent de dissimuler ses empreintes des téméraires qui aimeraient l’exploiter. éviter les voleurs était simple mais les supérieurs sont autrement plus obstinés. Ce sont les interactions avec les supérieurs qu'il évitait. Ce sont, comme la plupart des êtres au potentiel magique puissant, des personnes asociales et arrogantes. Communiquer avec de si petites créatures est abject et en rencontrer est rabaissant. L’erakasera ne cherchait pas la validation sociale de ses pairs, il ne pouvait rien en tirer à vrai dire. Cette vision du bonheur est incomplète puisqu'elle dépend des autres plutôt que de soi même. Surtout pour des roches qui aiment être à l'origine des changements. De plus la réflexion n'a lieu que si on rencontre un autre supérieur pour être jugé, les erakasera avec peu d'amour propre acceptent d'abriter quelques vermines pour rester les plus asociales possible.

« Prête moi ton attention encore un instant ullelian … Quand considères-tu que quelqu'un est fort …?

  • Quand il est puissant ?
  • Mais encore … ? insista-t-il, fatigué de l'immaturité de son interlocuteur.
  • Quand il … »

Alors qu'il cherchait ses mots, il se retourna vers Rakameto pour espérer qu'il lui explique ce qu'il manquait. Mais lui ne regardait que l'horizon. Si l'inatteignable et idéal sont magnifiques alors la paix est une vue fantastique. Ce gouffre qui les séparait était déprimant. Comment pourrait-il espérer l'approcher ? À cette vue, Madra-Rua repensa à la conversation qu'il eut avec Lithilmin. « C'est quand il n'a pas à se battre ?

  • Pourrais-tu développer ? Attendit l'erakasera.
  • Celui qui sait qu'il va gagner il n'a pas d'intérêts à se battre. C’est comme moi avec le feu, il faut juste être ferme et … avoir plus … comment dit … plus d’autorité ! Mais le pacifisme ne peut être imposé que par le plus fort. »

En écoutant leur conversation, Rakameto se retourna pour voir son ami et enfin regarder son frère d'arme. Ému, il se rapprocha de lui et le prit par les épaules : « Est-ce que tu le penses vraiment ?

  • Oui ?
  • Mais est-ce que tu penses qu'on peut devenir fort d'après ta définition ? demanda-t-il, inquiet.
  • Je crois, oui. Je suis devenu plus fort depuis que je te connais en tout cas. » répondit-il jovialement.

Le géant souriant tomba à genoux pour enlacer l'animal qui le réconfortait. Il se relâcha enfin et laissa ses larmes couler. Des larmes de bonheur. Il le serra contre lui avec une respiration tremblante. Madra-Rua répondit en l'entourant de sa queue chaude et le cristal qu'il venait d'obtenir de la montagne mobile. Ils restèrent entre les bras de l'erakasera satisfait qui s'endormit paisiblement en voyant son protégé entre de bonnes mains. Ils restèrent une heure le temps que la frustration du géant se disperse dans les bois. Ils regardèrent le chemin de retour, le géant et le renard souriants. Silencieux, ils n'avaient pas besoin de se parler, tout s'était dit. Le campement était en vue.

Pourtant l'atmosphère devint pesante. Une ombre se projetta sur tous. Ils levèrent les yeux et perdirent instantanément leur sourire. Un dragon massif survolait l'erakasera. Ses ailes scintillantes faisaient trembler les arbres et écraser les herbes en bas. La pression qu'il exerçait sur les deux vagabonds était étouffante, ils étaient pétrifiés. Lorsqu'il s'éloigna ils purent enfin reprendre leur respiration. Madra-Rua était extrêmement surpris, il y avait encore des personnes qui pouvaient le paralyser de peur malgré le progrès qu'il avait fait depuis qu'il était loriwe. Des flammes s'échappèrent de sa queue et de ses oreilles, sa nervosité transpirait de toutes les pores de sa peau. Rakameto le tira de ses pensées en le secouant de toutes ses forces, il avait l'impression que sa nuque allait lâcher tellement elle était agitée. « Reprend-toi ! On doit agir mais il va falloir être très prudent, il faut évacuer le campement et cacher tout le monde. Ce truc là haut risque de s'en prendre au vieux s'il se rend compte qu'il nous accepte et s'ils se battent on sera pris dans la mêlée ! On n'y survivra pas. Je veux que tu me suives de près, que tu ne fasses pas un bruit et que tu gardes la tête basse. Est-ce que tu comprends ?!

  • Ou … oui. » Bégaya-t-il.

Ils s'accroupirent et rampèrent discrètement sur les branches mortes pour se rapprocher des autres amal'jhas. Mais ils avaient été devancés. Le dragon les dominait tous. Ses écailles blanches brillantes irradiaient de flammes dorées intimidantes. Il fixait intensément les insectes au sol, balayant son regard de gauche à droite, curieux de savoir qui serait assez idiot pour le défier. Tous les membres du campement étaient à genoux, la tête baissée devant cet être supérieur. Certains pleuraient de peur ou étaient tout bonnement incapables de respirer normalement en sa présence. Ils étaient submergés par le torrent de son pouvoir qu'il ne pouvait dissimuler. Les prisonniers pouvaient sentir l'air insoutenable devenu beaucoup trop chaud, ils suaient et les plus proches n'étaient encore conscients seulement à cause de la peur. La mort était imminente, le brasier qui les emporterait était juste en face.

Madra-Rua et Rakameto pouvait également sentir son pouvoir de là où ils se tenaient. Le géant était enragé mais savait mieux que quiconque que la sagesse était leur salut possible. Quant au renard, il inspecta la bête blanche massif en face de lui. Le monstre avait quatre ailes qui le recouvrait comme un manteau écrasant. Son dos était parsemé de lames rugueuses dirigées vers le ciel. La queue semblait être constitués de pétales d'écailles mais la pointe était une lance grotesque aux deux protubérances enflammées. Ses pattes ressemblaient au cadeau que reçu Madra-Rua de l'erakasera : des cylindres constitués les doigts et d'autres perçaient ses membres. S'ils fonctionnaient de la même manière que le cristal, s'approcher imprudemment reviendrait à se faire écraser à une vitesse fulgurante sous l'effet de la propulsion du membre massif du dragon. Finalement, quatre cornes chaotiques entouraient sa face charbonneuse dont deux lumière dorées s'échappaient. Le cœur enflammé du renard semblait bien ridicule comparé à celui en face de lui. S'il pouvait commander à quelques feux qui dévoraient inlassablement un arbre de s'arrêter, lui pouvait sans doute ordonner au « feu » du petit canidé de se rebeller contre son maître. Il l'avait sous les yeux, la force brute qui submergeait ses adversaires par son charisme. Il avait gagné dès qu'il était apparu dans le ciel. Il était là à contempler l'étendu de son pouvoir sur ces êtres inférieurs.

« Même s'il était distrait on n'arriverait pas à le distancer … On ne peut pas l'affronter nous mêmes … Si le vieux s'implique personne ici ne survivrait et il perdrait sans aucun doute … Réfléchis … Réfléchis … ! se dit-il à lui même.

  • Tu es sûr que tu ne peux pas l'affronter ? demanda son ami qui avait accepté son infériorité mais Rakameto restait son mentor après tout.
  • Tu le sens, non ? Si on s'approche on brûlera avant de l'atteindre … Il faut être malin, mais c'est au delà de nous ça …
  • Mais on ne peut rester ici ! S'exprima Madra-Rua.
  • Je sais ! Mais on n'a pas le droit à l'erreur. On ne sait même pas ce qu'il veut … Fais le tour et attend que j'ai son attention … » ordonna le géant.

Rakameto se leva et marcha très lentement vers son ennemi à découvert. La frustration débordait de son visage et ses jambes tremblaient. « Mon seigneur ! Ou … ma dame ? Que nous vaut le plaisir de votre visite ? » La dragonne blanche regarda dans sa direction, le regard quelque peu déçu. Il s'approcha à son tour en laissant ses prisonniers exposés. Ses traces de pattes laissaient la terre dessous calcinée. Les gouttes de sueur qui se formaient sur Rakameto s'évaporèrent instantanément. Il tenta d'inspecter les pupilles de la bête pour y trouver l'objet de ses pensées mais ne trouva que des flammes. Les ailes encerclaient Rakameto qui était sur le point de s'effondrer à cause du manque de dioxygène. Lorsqu'elles touchèrent le sol, le dragon s'embrasa pour les dissimuler : « Qui … es … tu …? prononça-t-elle lentement, elle parlait pour la première fois depuis longtemps.

  • C'est un honneur de parler avec vous ! Mon nom est Rakameto, le géant souriant ! Je doute que vous ayez entendu parler de moi, je suis un humble officier amal'jha après tout.
  • J'ai entendu parler … de toi. Tu es … le protéger de ce nomade. J'aimerais m'entretenir avec lui … au plus vite. »

Sa voix entourée de flammes et d'écailles était une menace et son interlocuteur n'était pas en mesure d'être désagréable. Le géant souriant était tout petit comparé à elle. Mais il gardait pourtant un sourire nerveux en face d'elle car son ami marchait prudemment sur les brasiers étrangers qui crépitaient derrière elle. Il était difficile de les convaincre de se calmer pour que ses pieds restent intacts mais leur commandante était occupée. Les claquements de langues de feu dissimulaient les bruits de pas. Madra-Rua prenait sous ses ailes les mêmes amal'jhas qui auraient voulu le tuer plus tôt mais la peur qui les pourrissaient les empêchaient de bouger le moindre muscle. Ils ne pouvaient que regarder avec horreur leur nouveau maître. Le renard continua de les enfoncer dans la forêt en les portant par dessus son épaule et lorsque la chaleur était plus clémente ils arrivaient enfin à parler : « On n'a … on n'a rien pu faire … qu'est-ce que tu fais …?

  • Je vous aide à partir. On ne peut pas rester ici.
  • On ne peut pas s'enfuir, il nous rattrapera ! »

« Notre dernière conversation était plutôt envenimeuse. Je doute qu'il veuille voir grand monde.

  • Envenimée. Reprit-elle, désemparée.
  • Pardon, ma dame ? S’enquérait-il en suant à grosses gouttes.
  • J'espère sincèrement que tes dires sont plus pertinents que ton vocabulaire. Reprit-elle en intensifia ses flammes. Où puis-je trouver ton seigneur ?
  • Je vous assure, je ne sais pas où il est maintenant. Expliqua-t-il, la respiration coupée.
  • Moi qui pensais que tu me respectais vraiment … pourtant … tu me mens. »

Le cercle de flamme se dissipa mais l'air était toujours aussi maussade. Son regard embrasé se porta sur ses prisonniers. Et ainsi la moitié brûlèrent instantanément. Les quelques amal'jhas que Madra-Rua avaient éloignés hurlèrent en essayant d'enlever leur peau qui les brûlait, s'arrachant eux mêmes l'épiderme avec leurs ongles. Mais rien n'y faisait, l'asphyxie les tua en premier et leur corps restèrent calcinés. À la surprise de la dragonne, un ullelian se tenait encore debout, recouvert de feu mais sa peau ne brûlait pas. Le renard résistait tant bien que mal à l'assaut du brasier en repoussant le feu qui s'accumulait sur lui. Rakameto put enfin reprendre son souffle lorsque l'ennemie redirigea son attention sur l'avorton récalcitrant qui se débarrassait plus aisément que les autres de son attaque. Son étonnement était encore plus grand lorsque la nouvelle vague de chaleur échoua à l'incendier. Même si elle le projeta quelques mètres en arrière, le renard se tint encore débout, effrayé. Madra-Rua essayait de rester concentré malgré le charisme de son adversaire. Son premier vrai adversaire depuis son sevrage. Son « feu » lui échappa encore et se rependit sur le sol en brûlant à son tour le sol sur lequel il se tenait. Et la vue de cet être hors de sa portée l'écrasa et la panique l'accabla. Des larmes de frayeur gênaient sa vue.

« Qui es-tu ? demanda-t-elle, plus surprise que vexée d'avoir manqué ses attaques.

  • Je … je … marmonna-t-il en essayant de contrôler les flammes qu'il invoquait.
  • Ton nom, donne le moi. commanda-t-elle en faisant jaillir son pouvoir par tous ses membres en embrasant le ciel.
  • J'ai le nom … Mon nom est …
  • Je te commande de me dire ton nom ! s'impatienta la dragonne. Tu devrais la sentir, la différence entre nous deux. Apprend ta place ! »

La différence était de plus en plus floue pourtant. Les flammes générées par la bête ne semblaient plus aussi chaude qu'avant. Cette puissance «absolue» était étroitement proche de la magie pure qui circulait dans l'air. Celui-ci était devenu extrêmement dense et ceux qui y respiraient encore profitaient de la contribution de la grande masse blanche de pouvoir. Et ça, Madra-Rua le ressentait. C'était tout ce qu'il pouvait sentir à vrai dire : l'inspiration accroissait les feux dans le campement tandis que l'expiration les éteignait. Il sentait son corps se faire transpercer de part en part lorsque ses poumons répartirent les particules. Elles étaient beaucoup plus chargées que d'habitude et les méridiens du renard étaient avares d'énergie. Lorsqu'il sentit sa gorge le brûler de toute cette énergie qu'il assimilait il parla enfin, calmement : « Mon nom est Madra-Rua.

  • D'où viens-tu ? Demanda-t-elle de plus en plus intéressé.
  • J'étais un loriwe.
  • « Étais » ?
  • J'ai reçu de l'aide. Je suis meilleur qu'avant.
  • Tu n'es pas fort pour autant, ne te surestimes pas.
  • Je sais que je suis faible, je ne peux pas vous battre comme je le voudrais.
  • Tu oserais m'affronter ?
  • Le fort est celui qui soumet les autres sous sa volonté. Je ne suis pas sûr de ce qu'il y a de différent, mais vous n'êtes pas forte.
  • Tu oses ?! » hurla-t-elle vers sa direction

Le dragon recommença son assaut en fermant violemment ses ailes devant elle ce qui lança une vague de flammes qui était destinée à tout emporter. Sa nouvelle puissance obtenue, Madra-Rua ressentit aisément celle qui lui était offerte involontairement en face de lui. Il observa les lèvres enflammées s'écraser sur le sol et continuer de plus en plus paisiblement. Le cristal qu'il saisit fermement laissa échapper toutes les flammes qu'il avaient accumulées devant lui. Elles étaient trop faibles pour repousser le brasier de son adversaire mais l'air entre les deux se consuma bien vite. Lorsque les flammes devenues rouges le touchèrent, elles s'évaporèrent lentement dans l'air en épargnant le paysage derrière lui, emplissant le cristal à rebord. « Je vous en prie, je ne veux pas me battre. Épargnez nous.

  • Existent-ils d'autres personnes comme toi ? s'inquiéta-t-elle.
  • Je crois. Je voudrais les aider eux aussi. Pour l'instant, je vous aiderai vous. »

Le dragon était choqué de ses mots. Elle inspecta le regard triste de la personne en face d'elle. Parmi les deux, ce serait elle l'animal blessé qui nécessiterait de l'aide ? Cette pensée envahissait son esprit et sa curiosité prit le dessus : « Si vous désirez m'affronter, partez à ma recherche et je le permettrai. Jusqu'à notre prochaine rencontre, je vous déconseille d'user de votre pouvoir, encore moins de votre clémence. Le pacifisme ne peut être exercé seulement par le supérieur. » Conseilla-t-elle avant de partir aussi vite qu'elle était apparue. Son ombre se projeta au loin en emportant toute la chaleur de la scène avec elle.

Cette conclusion était la même que celle à laquelle il était parvenu plus tôt. Madra-Rua observa le feu qu'il avait capturé : les flammes reprirent leur éclat doré et elles déferlèrent à l'intérieur, sauvagement. Le vert émeraude autour d'elles perdait en couleur. Le pouvoir contenu se calma en suivant la respiration plus calme que prenait le renard en voyant son opposant partir. Alors qu'elle semblait venir pour les éliminer, il reconnut une âme sœur en elle. Une personne qu'il aurait pu devenir en d'autres circonstances. Il était devenu curieux quant à cette prochaine rencontre, voire excité. Mais ses préoccupations plaçaient le dragon loin derrière.

Il fouilla le campement à la recherche de Lithilmin en lâchant sans égard le cadeau de l'erakasera. Sa tente était sa première idée pour chercher, il chassa les toiles sur son chemin pour observer l'intérieur. Sans succès, il ne restait qu'un grand corps calciné. Malgré la vue il était quelque peu rassuré en ne reconnaissant pas cette personne. Mais dehors il ne voyait personne non plus qui ressemblait à elle. Il courut, apeuré, vers Rakameto en quête de conseils mais lui non plus était introuvable. L'animal était seul au beau milieu de tentes vides et cadavres charbonnés. Enfin, il entendit : « Par ici ! ». Son ami était bien en vie et avait abrité les survivants loin de la direction de la dragonne. Le renard les retrouva enfin, ils étaient encore tous bouleversés et les blessés gémissaient en l'absence du médecin occupé. Lithilmin sautait d'un patient à un autre sans reprendre son souffle. Elle était pourtant aussi paniquée que les autres mais restait professionnelle. Lorsqu'elle vit son renard, et ses patients dans un état stable, elle lui sauta au cou pour se relâcher enfin. Elle craqua une nouvelle fois en le tenant. Elle le serra contre elle pour s'assurer qu'il était bien là. Ses jambes ne la soutenaient plus mais elle voulait encore se tenir à lui. Il essaya de la rassurer en les entourant de sa queue et l'accompagner au sol mais rien n'y faisait. La dragonne avait provoqué des dommages trop importants pour être négligés sans avoir rencontré aucune autre résistance que l'animal de service qui n'avait pas pu porter de coup. Elle griffait presque ses vêtements en essayant de le tenir encore plus prêt d'elle, son nez coulait en même temps que ses yeux sur la tenue de Madra-Rua qui était impuissant encore une fois. « Qu'est-ce qu'il s'est passé au juste ? Demanda Rakameto.

  • Je crois qu'elle veut que je parte à sa recherche.
  • Tu ne peux pas ! Interrompit Lithilmin. Je t'en prie …
  • Je ne partirais pas si tu n'es pas d'accord. Mais je pense que je devrais la suivre
  • Pourquoi ?
  • Elle me ressemble. Et peut-être que je peux l'aider. »

Rakameto transporta les blessés dans leur tente respective et vit partir Madra-Rua avec Lithilmin dans ses bras. Elle était beaucoup plus grande que lui et les efforts physiques qu'il avait accompli jusque là étaient impressionnants, mais Rakameto reconnu une différence entre le renard qui rencontra son maître et celui qui s'éloignait de lui alors. Le même commentaire pouvait être fait sur lui. Il se sentait aussi différent après s'être tenu aussi prêt du supérieur qui le regardait de bien au dessus. « Madra-Rua ! Si jamais tu y vas, il est hors de question que tu y ailles seul. Ce n'est plus une question d'entraînement, on est exposés et compromis.

  • J'aurais besoin d'aide, oui. » répondit-il avec un faux sourire en balayant son regard de son ami à Lithilmin.

Lorsqu'ils entrèrent enfin dans la tente, Madra-Rua s'écroula sur le lit en posant la médecin maladroitement. Surprise, elle voulut questionner le renard quant à sa condition physique mais fut choqué de ne découvrir qu'un animal apeuré fatigué de garder un visage normal devant les autres. Il paniqua une autre fois auprès d'elle – comme elle l'avait fait plus tôt – en s'accrochant à elle, apeuré. Les deux étaient ensemble, craignant ce qu'ils leur arriveraient ensuite.

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