Chapitre 18 – Doutes

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 Tandis qu'ils s'éloignaient, le porteur tenait à mettre le plus de distance entre eux et les fermiers, surtout des deux survivants de Sirnak. En courant, Isa'th respirait de plus en plus lourdement et il avait du mal à bondir en avant. Les larmes bloquaient sa vue. Après s'être éloignés du pré, ils retournèrent dans la forêt et s'arrêtèrent, les deux épuisés en s'appuyant contre un arbre. Le garçon respirait de plus en plus rapidement et se répétait doucement : « Ce n'est pas vrai … ils mentent … ce n'est pas moi … je n'ai jamais voulu ça … c'est le feu … il me brûle … arrêtez … laissez-moi … je ne voulais pas faire ça … qu'on me croit … je ne veux pas que ça recommence … tuez-moi s'il le faut. » Alors le renard blanc s'approcha et se blottit contre lui. La réaction fut immédiate : le garçon le serra contre lui en tremblant et en essayant de freiner ses larmes. « Je ne veux pas être seul … mais je veux en finir … je ne voulais pas le faire, je le jure … » Le vent s'intensifiait quand Isa'th répétait les mêmes paroles de plus en plus fort, il devenait puissant mais désordonné, froid et bruyant. Le renard baissa la tête du jeune homme, sans aucune force tellement celle-ci était devenue si faible et plaça son crâne contre le front d'Isa'th. Et après un moment de surprise il la sentit, une agréable sensation de chaleur se déversa en lui. Le calme le reprit et il observa l'animal en face de lui qui s'éloigna de quelques pas et se tint ensuite assis les yeux clos. Le porteur fit de même, en tailleur, il commença à méditer. Son esprit se détacha petit à petit de son corps, il se voyait de dos avec une présence impressionnante dans le bras droit en face de lui où il se dirigea. Le noir l'empêchait de voir sa destination à ce moment-là. Il sentit une brise chaleureuse venant face à lui. Finalement, il aperçut la lumière bleue rayonnante au loin. Si petite. Il s'y dirigea et se tint une fois de plus devant le renard blanc entouré de l'aura bleue qui l'avait guidé ici. La brise, de plus en plus forte, suivait la direction que l'animal indiquait mais de sens opposé. Petit à petit, des étoiles apparurent dans la brume noire qui servait de ciel, plongeant les deux compagnons dans une nuit étoilée. De nouveau les pieds dans l'eau, ils atteignirent le sanctuaire. Druni les y attendait, appuyé sur ses quatre membres. Il inclina la tête devant le renard pour lui jeter un regard menaçant, puis observa tristement son fils que celui-ci évita. « Nouvelle leçon. Lui dit Druni d'un air sec.

- Non. Répondit le fils

- Tu le dois.

- Pourquoi ?! Pour que je puisse de nouveau tuer ?!

- Un jour, tu apprendras pourquoi. Annonça-t-il d'un air triste qu'il essayait de retenir. Pour le moment, tu t'entraînes.

- Je ne prendrai pas le risque de blesser qui que ce soit d'autre, je ne veux pas qu'il reprenne le contrôle.

- Il l'a fait parce que tu avais besoin de lui, parce qu'il était ta seule chance il a dû faire cela.

- Ils avaient seulement peur ! Ils ne méritaient pas de mourir ! Pourquoi il ne s'est pas enfui ?!

- ... Trop de témoins. Répondit-il sèchement. C'est pour cela que tu vas t'entraîner, si tu n'as plus besoin de lui il ne viendra plus. Plus tu seras fort, moins il interviendra. Tu n'y arriveras pas si tu te morfonds tous les jours, il faut que tu apprennes à te pardonner.

- Pourquoi est-ce que je me pardonnerai ?! Je ne peux même pas revoir leur visage, je ne peux pas m'en souvenir, même ici. Je ne dois pas les oublier.

- Ne les oublie pas, tu es responsable d'eux mais ça ne doit pas t'empêcher de vivre. Je veux que tu sois capable d'avancer. Et pour cela, tu dois te pardonner. En tailleur. »

 Le fils s’exécuta et prit position face à son père, celui-ci se posa sur ses pattes arrière fléchies, celles de devant tendue et la queue faisait le contour de son corps. Les deux fermèrent les yeux en laissant l'eau les entourer. Le renard blanc assistait leur rituel à l'écart : ils répétaient une scène autrefois quotidienne dans la Vallée du Vent, les deux se mettaient à méditer pour se concentrer sur des exercices difficiles de magie nécessitant beaucoup de concentration. Isa'th faisait souvent cela avec deux feuilles. Il essayait de les faire voler en cercle en gardant la même distance entre elles et en sentant le vent autour de lui. Quand il parvenait à les faire léviter ainsi plusieurs secondes, au lieu de les perdre sur la colline en les envoyant trop loin, le fils réfléchissait et se posait des questions. Il se demandait ce que voulait son père ? Un si puissant dragon qui vivait à l'écart des autres, que gagnait-il à s'occuper d'un faible petit lexidae ? Mais toutes ces questions, il ne trouvait jamais de réponse et passait des nuits à rester éveillé, cherchant des explications, mais sans aucun résultat. Dans cette position habituelle, le porteur se demandait à quelle question il serait confronté cette fois-ci, et quand le dragon reprit il fut surpris : « Pas de question existentielle cette fois-ci. Je voudrais que tu réfléchisses à ta condition actuelle.

- Pour en penser quoi ?

- Ta magie t'a échappé tout à l'heure, c'est parce que tu ne contrôlais pas tes sentiments. La magie que je t'ai enseignée requiert une sérénité permanente. Vois tes méridiens comme des bassins remplis d'eau, chaque bassin relié à plusieurs autres. Ces bassins sont, dans ton cas où tu apprenais la magie depuis ton plus jeune âge, relativement gros et se remplissent proportionnellement à la quantité que tu vides pour employer ta magie. Mais à chaque fois qu'un bassin est utilisé, voire entièrement vidé, le processus de récupération peut être éprouvant. Cela est dû non seulement à la récupération mais aussi à l'élargissement des bassins qui conduit à une plus grande quantité d'eau. Mais quand tu utilises ta magie, tu dois faire attention à la manière avec laquelle tu la prélèves d'un bassin à l'autre : si tu la prends violemment en perturbant la surface de l'eau, le flux est perturbé et l'action de la magie devient déséquilibrée et grossière. La « Voix du Vent », plus que d'autres magies, requiert un prélèvement chirurgical mais rapide. C'est pour cela que tu dois être maître de tes actions mais avant tout : prudent. Ces bassins se remplissent quand tu consommes ta magie, mais ils pourraient 'déborder' si tu les mets trop à l'épreuve. Le vrai pouvoir se trouve entre la rage et la sérénité.

- Et pour m'assurer de me servir correctement des bassins je dois apprendre à me pardonner pour que le flux soit plus tranquille ?

- C'est ça, oui. Pour que tu puisses rentrer en pleine possession de tes moyens et donc contrôler ta magie idéalement, tu dois d'abord calmer ton esprit. Je comprends que tu t'en veuilles pour ce qui s'est passé, mais tu n'arriveras pas à te racheter si tu ne parviens pas à t'améliorer et réparer tes erreurs. »

 Isa'th resta muet pendant un moment puis ouvrit la bouche en disant : « Je ne sais pas comment faire ça.

- Je t'aiderai. Tu es ma responsabilité après tout. » Ajouta-t-il avec un tendre sourire.

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