Chapitre 17 – Embuscade

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 Quand il descendit de dix mètres, avec le renard sur ses pas, il remarqua que le déferlement hors du tram s'arrêta et il commença à bouger lentement vers l'Ouest de nouveau. Isa'th prit alors l'animal sous son bras droit et se prépara à sauter du rocher où il se tenait. C'est alors que le vieux fermier cria : « Doucement petit ! Te fatigue pas, il y a au moins et le tram n'attend personne ! Remonte par ici si tu peux, mais vu tes bonds tu devrais t'en sortir très bien. » Finit-il en ricanant. Le vieil homme les guida ainsi que ses deux ânes : « Alors, d'où vous venez pour voyager seuls et avec si peu de provision ? » Mais tout ce que le fermier eut pour réponse fut un silence gênant. « Tu as perdu ta langue ? Il y a un long chemin jusqu'à la gare, autant faire connaissance, non ? » Toujours aucune réponse. « J'aurais plus de conversation avec le chien.

- Renard. Ajouta-t-il doucement.

- Mh ?!

- C'est un renard, pas un chien.

- C'est un début de conversation. Dit-il en ricanant. Tu ne délies toujours pas ta langue ?

- Je veux juste aller à Lazulis au plus vite … » Marmonna-t-il.

 Ils continuèrent de marcher lentement, les brindilles mortes jonchaient le sol et craquaient sous les sabots des ânes. Isa'th faisait attention à en éviter le plus possible, lançant son regard aux alentours, gardant dans un coin de l'oeil le vieil lexidae qui essaierait de s'approcher de lui. Il entendit finalement des craquements de bois. A une vingtaine de mètres sur le côté, des pas lourds et nombreux. Un sifflement attrapa son attention, il réagit instinctivement et tendit son arme sur la trajectoire de la flèche qui finit ouverte en deux. Le bois tranché resta figé sur la lame mais il le chassa d'un mouvement sec. Il prit la pose que lui avait appris l'homme du Sanctuaire. Il cherchait l'endroit d'où venait le tir et regarda également les alentours à la recherche d'autres tireurs embusqués. Il ne distingua qu'une pointe de flèche venant de devant lui. Il lança d'une voix haute : « J'ai eu une très mauvaise journée dernièrement, alors si vous partez maintenant vous aurez une chance de repartir en vie. » A la fin de sa phrase, trois hommes sortirent des feuillages, dégainèrent des épées courtes et se rapprochèrent. Puis ils furent rejoints par deux autres qui restèrent à distance avec des arcs, flèches bandées. « Est-ce que j'ai bégayé ? Je vous ai dit de partir. Continua Isa'th.

- Gamin, t'es tout seul. Seul contre cinq. Donc : la bourse ou la vie ?

- Dernier avertissement. Répéta le porteur avec une voix plus tremblante.

- Gamin, sans déconner ... » Répondit un archer, exaspéré.

 Un des lexidaes attaqua le jeune homme en frappant verticalement vers sa tête. Le coup fut dévié en glissant sur la longue lame noire. Isa'th profita de l'ouverture pour frapper avec le pommeau de son arme l'arrière de la tête. Le premier bandit tomba au sol. Un des archers décocha une flèche en direction du jeune homme qu'une légère bourrasque redirigea vers un arbre situé derrière lui. Après un bref échange de regard avec l'archer, il se propulsa vers lui avec de l'air sous les semelles, les coupes du manteau au vent, et brisa l'arc en deux. Un autre coup de pommeau dans la tempe du bandit lui fait perdre conscience et il resta appuyé contre l'arbre. Isa'th ramassa deux couteaux dans la veste du bandit qu'il venait d’assommer et les lança dans les bottes du dernier voyou armé d'une épée et invoqua une bourrasque qui le fit tomber. Lorsqu'il sauta sur les épaules de celui-ci, la lame noire était tendue vers le cou du bandit : le tranchant de l'épée contre la jugulaire aurait pu le tuer instantanément mais le jeune homme restait debout à contempler la peur dans les yeux de l'homme à ses pieds. « Lâche ton arme ou le vieux y passe ! Hurlèrent les deux derniers, le renard n'osait intervenir.

- Quoi d’autre ? Demanda le jeune homme, calme.

- Quoi ?

- Si vous le tuez, vous, vous resterez vivant, debout et au même endroit. Alors votre tour viendra. Je vous en prie : partez. Dit-il en descendant des épaules. Ne vous approchez plus jamais de moi. »

 Ceux qui se tenaient encore debout récupérèrent leurs alliés et, en regardant d'un dernier coup d'oeil haineux. Le vieil homme se releva et demanda à son cadet : « Tu n'allais pas vraiment les tuer pas vrai ?

- Je ne veux tuer personne. » Répondit-il sur la défensive.

 Le renard regarda son compagnon avec tristesse et se dirigea vers lui, levant la tête pour montrer son affection, attendant des caresses en réponse. Après deux ou trois frottements sur le crâne de l'animal, un sourire apparut sous les cheveux blancs du porteur. « On devrait se remettre en route, d'autres pourraient revenir en renfort.

- Ils sont jeunes et tu leur as foutu la trouille. Je ne pense pas les voir de si tôt. » Répondit le fermier, pensant pouvoir rassurer son interlocuteur.

 Ils continuèrent à longer la lisière de la forêt de sapins. L'odeur que le vent apportait ramenait Isa'th dans ses souvenirs qu'il avait gardé de la Vallée du Vent et les entraînements que Druni lui demandait de faire tous les jours. Puis il repensa à la dernière fois qu'il avait vu son père physiquement, cette nuit-là. Les écailles immatures qui avaient poussé rapidement après son passage à Sirnak étaient à présent devenues aussi solides que celles de son père et formaient des anneaux de métal, partant de la main jusqu’au coude. Des plaques commençaient à se soulever sur le dos de la main et les griffes qui remplaçaient les ongles étaient plus aiguisées que jamais. La propagation n'atteignait pas l'épaule : il n'y avait pas d'écailles dessus, elles s'arrêtaient au niveau de l'aisselle. La brise apportée par le vent caressait la peau d'Isa'th mais malgré le risque que cela représentait, il voulait exposer ses deux bras. Après tout, l'un des deux était un spécialiste en la matière, mais il se contentait de la partie lexidae de son corps exposé à l'air. Les cheveux au vent, il sentit une odeur agréable et chaleureuse venir d'une petite maison à côté d'un pré peuplé d'ashas : de petits herbivores aux cornes formant des spirales qui peuvent être redressées pour se défendre. Ils sont surtout élevés pour leur fourrure chaude. Contrairement à d'autres herbivores, leurs sabots ne forment pas des arcs de cercle : les pattes postérieures forment trois pointes au bout, utiles en montagne, et les antérieures, des coussinets pour amortir les éventuelles chutes. Le pré se situait non loin d'un des pieds d'une colline. « Enfin arrivé, je craignais vraiment de ne pas revenir à temps. Dit le fermier.

- Qu'est-ce que vous vouliez atteindre ? Demanda Isa'th

- Des amis chasseurs passent de temps en temps et on se troque des marchandises, je ramène quelques bricoles du marché sur mes ânes alors j’espère que ça leur plaira.

- Qu'est-ce que c'est que cette odeur au fait ?

- Ahahah tu as senti ça ? Ma fille finit son pain, je te le ferai goûter et là tu reconnaîtras que les dieux existent pour donner un don pareil. »

 De là où ils se tenaient, la maison en bois du fermier semblait très petite, ils étaient en hauteur par rapport à celle-ci alors les deux lexidaes accompagnés du renard blanc descendirent jusque là-bas. Arrivés devant la maison, le fermier reconnut sa fille sortant le pain chaud en direction de deux autres hommes installés. Isa'th voyait deux lexidaes en piètre état dont l'un d'eux avait un tissu ensanglatné autour de la tête. Le fermier, surpris, marcha à cadence suffisamment rapide pour distancer le jeune homme et hurla : « Hé ! Où sont les autres ?!

- Morts, tués à Sirnak par...un monstre, un porteur !

- Quoi ?! Mais ... Ils ne peuvent pas exister, les dieux les ont bannis ! Mais alors, Biggs et Wedge ? » Demanda le fermier avec une voix triste

 La seule réponse qu'il eut fut un hochement de tête horizontal et les larmes de sa fille. « On a rien pu faire Strago, il était ... C'était pas un soldat, c'était une bête déchaînée. Il a tué ces gens comme si de rien n'était et personne n'a su lui résister. Le village était en feu et quand on est parti des enfants étaient restés en arrière, alors un groupe de volontaires y est retourné. On les a retrouvé avant d'atteindre le village mais certains ont insisté pour voir l'étendue des dégâts. Plus aucune trace du porteur et le plus étrange c'est qu'il n'y avait plus aucun cadavre dans le village, tous enterrés sur une colline avec des bouquets de fleurs de montagne sur les tombes. » Dit le deuxième homme en serrant ses bras autour de lui en tremblant. « Les mômes ont décrit un jeune homme à moitié nu couvert de sang de la tête aux pieds avec une épée noire encore sanguinolente et un bras recouvert de lambeaux de peau ! Les enfants ont réussi à lui échapper. Mais on n'a pas creusé les tombes, ce n'était pas nous ni les enfants. Je comprends pas ...

- C'est horrible … Je suis désolé pour ces conditions gamin mais tu pourrais nous laisser un … ? »

 Strago s'arrêta brusquement quand il remarqua la disparition d’Isa'th et du renard. Ainsi que le pain chaud apporté par la jeune fille et quelques tranches de viandes.

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