Chapitre 14 – Une longue route

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 Isa'th se prépara au départ. Il déposa une fleur sur chaque tombe de la colline. Bien qu'il savait que c'était inutile, il espérait diminuer sa peine ainsi. A chaque fleur qu'il déposait, une question venait dans son esprit : quel était le visage de cette personne ? Il ne se souvenait d'aucun des individus qu'il avait tué. Il ne se rappelait que des maisons incendiées et des traces de sang au sol. Les brûlures du bûcher laissèrent des cicatrices sur les jambes qui ne pouvaient pas se dissiper. Une autre marque était apparue sur sa tête : après avoir lavé le sang qui recouvrait les cheveux autrefois noirs de Isa'th, ils avaient viré à un blanc éclatant. Il s'habilla de nouveaux vêtements qu'il avait trouvé dans un sac chez Dunsyl : il garda les chausses noires qu'il avait déjà ramassées, des bottes en cuir souple, une chemise blanche qui recouvrait les deux bras, un cache-poussiere marron foncé dont les chutes étaient découpées en trois parties. Il avait également une doublure bleue à l'intérieur, des manches relevées et une capuche. Une partie de gantelet en acier qui n'avait pas été abîmée par les flammes recouvrait le bras gauche du porteur. Un long morceau de tissu bleu autour de la taille servait à tenir le fourreau en bois noir du sabre qu'il avait récupérer à ses dépens.

 Le renard revint avec des provisions après que Isa'th eut fini de s'habiller. Il avait récupéré des pommes, une gourde d'eau en métal, poissons et autres viandes séchées dans des caisses de marchandises qu'avait apporté des marchands. Le jeune homme le prit sur lui et ils commencèrent à traverser le pont. À ce moment-là, ses yeux, creusés par la fatigue et la peine, regardèrent en arrière et pendant un instant, crut y voir les flammes qui le dévorèrent. Il fut pris d'une crise de panique et s'écroula au sol en respirant brutalement en essayant de s'accrocher à quelque chose pour se relever. L'animal accourra alors vers lui dans l'espoir de l'aider mais le bras gauche de Isa'th le retint, et il dit : « Ca ira, ça va me passer. Tu vois ? Déjà debout. On reprend. » Il tenta tant bien que mal de rassurer le renard blanc mais celui-ci n'était pas dupe car il pouvait clairement voir des gouttes de sueur quitter la racine de ses cheveux. Ils quittèrent Sirnak à cinq heures du matin, le plus tôt possible, pour éviter une attaque de soldats qui aurait entendu parler de la destruction du village des survivants. Ils continuèrent de marcher jusqu'à atteindre un cours d'eau sept heures plus tard. Ils remplirent la gourde d'eau, se répartirent les provisions et eurent un déjeuner frugal. Le renard avait l'air embarrassé quand le jeune homme le nourrissait en lui découpant et tenant les morceaux de viandes mais Isa'th s'amusait à le voir baisser la tête dès qu'il avait eu son morceau de viande : c'était la première fois qu'il souriait depuis l'accident de Sirnak. Le renard appréciait cette vue de son ami et le regarda en souriant, avec un morceau de viande sur le côté, ce qui fit sourire encore plus le jeune homme, jusqu'à ce qu'il arrive enfin à rire puis le renard tenta de cacher son visage avec ses pattes. Le déjeuner terminé, le renard sauta dans l'eau et éclaboussa le garçon, il se lavait du mieux qu'il pouvait mais ses membres ne lui permettaient pas vraiment d'atteindre son dos ou d'autres parties du corps alors Isa'th quitta son cache-poussière, sa chemise, son gantelet et sa ceinture improvisée et se dirigea vers le renard en levant les mains comme s'il était un prédateur sur le point de sauter sur une proie. Le renard grogna en voyant approcher le jeune homme, mais celui-ci avait déjà sauté pour attraper l'animal réticent et le força à accepter son aide pour la toilette du canidé.

 Ce dernier remarqua, entre deux grognements, que la propagation de la métamorphose du bras droit d’Isa'th s'étendait de ses doigts jusqu'en dessous de son épaule : les anciennes plumes de métal qui recouvraient son avant-bras s'étaient refermées sur elles-mêmes et entouraient complètement cette partie de son corps, formant des anneaux de métal autour de l'avant-bras. La jonction entre l'avant-bras et le coude était à ce moment recouverte de deux plaques de métal entourant ainsi le coude. Les écailles adoptaient une structure plus solide et stable mais avec des propagations rapides et irrégulières. Sans s'en rendre compte, le renard ne se débattait plus : malgré les griffes rugueuses qu'étaient devenus ses ongles, les frottements entre les doigts de Isa'th et le crâne de l'animal étaient agréables. Le renard finit par s'endormir dans les bras du porteur qui, après avoir affiché un regard étonné puis un sourire, finit par le porter et le sortir du cours d'eau. Quand le renard se réveilla d'une bonne sieste de trois heures il se rappela les circonstances de son endormissement puis se cacha la face avec ses pattes si bien lavées par Isa'th qui lui, restait assis en tailleur en tenant le sabre sortit de son fourreau sur ses genoux. Il s'était entre-temps rhabillé de tous ses vêtements.

 Une légère brise l'entourait tandis qu'il gardait ses yeux clos. Il semblait très concentré, au point d'en suer. L'animal s'approcha de lui et posa sa patte gauche contre lui et une petite lueur bleue jaillit. La méditation servait à la plupart des êtres à se poser des questions existentielles ou de prendre du recul sur certaines choses dans le but d'atteindre la paix intérieure ou simplement de trouver une excuse pour faire la sieste pour les plus sceptiques d'entre eux. Isa'th s'était rendu compte que de toutes les fois où il se trouvait dans son monde c'était de manière involontaire. Mais ce jour, il parvint à accéder à ce sanctuaire à travers une méditation extrême grâce à la concentration et la patience qu'il avait acquis au cours de son apprentissage de la Voix du Vent par Druni. Il se rendit compte qu'il arrivait bien mieux à atteindre ce stade de méditation depuis que son nouveau bras avait progressé jusqu’en dessous de l'épaule. Petit à petit il s'enfonçait dans les méandres de son esprit, les ténèbres l'empêchaient de voir clairement le chemin qui le menait là. Il n'apercevait qu'une petite lumière au loin, un renard blanc assis sur son postérieur l'y attendait en émettant une lumière plus chaleureuse et plus agréable au fur et à mesure qu'on s'approchait d'elle. La lumière qu'invoquait l'animal était la seule présente dans cet endroit : le sol était la seule surface présente et il absorbait toute lumière que le canidé produisait, elle n'éclairait que les deux individus. Isa'th ne voyait pas où il marchait mais suivait aveuglement son compagnon à travers la noirceur de cet espace, un pas après l'autre. Il avait l'impression de marcher dans un lac d'eau noir dont les ondes qui se produisaient à chaque pas se propageaient lentement. Un endroit particulier dans ces ténèbres l’attirait. Il y avait un long objet planté dans la mer sombre, recouvert également d'une matière noire. Quand il le saisit, l'objet aspira toute la matière noire et se dissipa. Il y découvrit le sabre qu'il avait récupéré la veille, mais cette fois-ci, il ne dégageait pas une aura si maléfique que précédemment mais avait l'air plutôt … morose, comme celui qui le tint. L'obscurité se dissipa et laissa apparaître la rivière, les ruines, les deux cascades, l'arbre en hauteur et les pétales accumulés sur la lame de son arme. Il leva l'arme en l'air et frappa dans le vide. Les pétales se dispersèrent sous le vent qui soufflait, c'était un air froid mais beau. Quand il observa la lame, il put mieux entendre le son aigu qu'il crut entendre plus tôt lors de sa dernière visite de cet endroit. "Tu es enfin parvenu à venir par tes propres moyens." dit Druni en regardant son fils.

  • Pas seul. Répondit-il en regardant le renard. Je suis désolé père. Vous m'avez dit de ne pas m'approcher de cet homme mais dans la peur je l'ai suivi. Et les gens de ce village sont morts par ma faute."

Il se mordait la lèvre inférieure et baissait la tête. Sentant la frustration qui l'habitait, Druni changea le sujet de conversation : "Qu'est-ce que tu sais de ce Sanctuaire ?

  • Peu. Se contenta-t-il de répondre.
  • Il y a beaucoup de théories le concernant. Les capacités cognitives sont définitivement plus actives mais la plupart de ceux qui arrivent à y accéder s'en servent pour découvrir à des souvenirs enfouis profondément. Des témoignages parlent d'endroits très différent : de bibliothèques aux palais pour les plus prétentieux. Ce Sanctuaire devrait te représente mais une telle différence vient sans doute de ta condition de porteur, ce qui expliquerait ma présence ici aussi. Mais celle du renard et de Lui serait autre chose que je ne m'explique pas encore.
  • Je ne devrais pas oublier ce qui s'est passé. Ça sera utile." Répondit-il mélancoliquement.

 Isa'th n'osa pas regarder son père dans les yeux. Ce dernier cassa le silence et osa finalement aborder le sujet : "Soulage ton fardeau.

  • Je suis désolé, tu m'avais prévenu de ne pas avoir à faire avec lui mais à cause du feu j'ai...j'ai tué tous ces gens ! Répondit-il en se mordant la lèvre inférieure pour ne pas pleurer et ne pas paraître encore plus pathétique.
  • C'est pourquoi tu dois devenir plus fort, pour ne pas avoir à dépendre de lui et protéger ce que tu estimes dignes de l'être. Le renard t'a mené jusqu'ici, mais pour la suite il faudra que l'on se débrouille seuls.
  • Comme avant ? Demanda-t-il en souriant tristement
  • Pas vraiment comme au bon vieux temps."

 Une silhouette sortait de la grotte : un homme plus grand qu'Isa'th, il n'avait pas vraiment de forme. Il était recouvert de brume noire qui flottait dans l'air. Il portait un "trait noir" dans sa main gauche, une longue aiguille qui ondulait comme une flamme. "La lame que tu as ramassée n'est pas une simple épée, elle a été forgée par un être ... occulte. Le métal a été conçu à partir des restes d'un supérieur alors jusqu'à ce que tu trouves une autre arme, tu utiliseras celle-ci. Si jamais tu rencontres un expert capable de l'identifier, il t'apportera encore plus de problèmes, et tu risques de subir beaucoup de questions sur comment tu as fini par l'acquérir, et aussi...

  • Je l'aime bien. Dit-il en l'interrompant.
  • Pardon ?
  • C'est curieux, mais je sens qu'il y a quelque chose avec elle de différent avec les autres armes que j'ai déjà tenues. Il y a une sensation bizarre quand je la tiens. C'est ... nostalgique.
  • Très bien, finissons-en."

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