Chapitre 12 – Massacre de Sirnak

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 Une nouvelle fois, le porteur se retrouva les pieds dans l'eau, il n'y avait que le bruit de la cascade, les étoiles et la lune pour éclairer la scène. Puis il s'écroula dans l'eau et hurla à l'aide, il ressentait des brûlures et sa respiration devenait brusque et saccadée. Ce monde qu'était le sien, sa projection de ce qu'il était, s'effondrait petit à petit en commençant par les ruines puis l'autre chute d'eau derrière lui et enfin le sol se brisa lentement. Il hurla une nouvelle fois « A l’aide ! Aidez-moi ! Je vous en prie... » et d'autres paroles intelligibles à cause des pleurs qui suivaient. Son père n'était pas là pour le conseiller, le renard n'était pas là pour le guider. Il vit seulement une ombre derrière la cascade qui faisait dépasser sa main droite de l'eau et invita Isa'th à l'abri de la grotte. Le porteur s'accrocha au sol comme seul appui et se tirait, ses jambes refusèrent de le porter et la grotte semblait de plus en plus lointaine tandis que le sol se dérobait sous ses pieds. Mais il continuait à ramper vers l'homme, et parvint tant bien que mal à saisir sa main. Il fut tiré à l'intérieur. Dans cet endroit sombre et sans bruit, il ne ressentait plus la douleur, plus de brûlures. Il s'y sentait bien et marcha lentement vers la souche pour s’asseoir et se reposer. Lorsque l’homme sortit de la grotte, Isa’th s’assit sur la souche ainsi que dans l’obscurité. Tout était calme autour de lui. Et rien n'allait le perturber.

 Le vent était de plus en plus fort. Le feu qui entourait le corps du porteur se dispersait petit à petit, jusqu'à disparaître. Seul le corps inanimé du jeune homme demeurait, marqué de brûlures et de traces de charbon. Il restait debout, ses mains n'étaient plus liées et ses yeux rouges écarlates regardèrent les villageois en contre-bas. Le corps d’Isa'th marcha sur les braises, pieds nus, mais il semblait plutôt flotter par-dessus. L'homme qui avait allumé le bûcher transpirait à grosses gouttes. Il ne pouvait plus bouger car le porteur le regarda dans les yeux et se dirigea vers lui. Lentement. La main droite tendue et les griffes aiguisées. Puis il disparut. L'homme n'eut pas le temps de se rendre compte que la furie se trouvait derrière lui et que sa main droite était déjà descendue jusqu'à sa cuisse, encore infusée de magie. Celui qui avait allumé le feu s'écroula en plusieurs morceaux, tandis que le monstre tant redouté regardait ses prochaines victimes. Il sauta vers les hommes qui retenaient le renard plus tôt, immobilisés par la peur. Il parvint aisément à saisir une fourche pour la planter dans la gorge de l'autre. Une carotide perforée, cet homme mourut petit à petit au fur et à mesure que son sang quittait son corps. Le premier tomba au sol, convulsant. La furie planta ensuite ses griffes dans le cœur du deuxième, mort sur le coup. Le renard tenta de le retenir en lui mordant le bras gauche et en le tirant vers le bûcher où il n'y avait plus que des cadavres. La furie le leva du sol et le propulsa dans l'étale d'un petit commerce en bois où il perdit conscience.

 Alors que des villageois s'enfuyaient en courant, quelques soldats et marins se dirigèrent vers le corps d'Isa'th, leurs épées dégainées et pointées sur lui. Il fut rapidement encerclé tandis que des natifs du village, et quelques marins le traitaient de monstre. Aucune armure ne les protégeait des attaques. En tout : deux lexidaes, deux madras-ruas et cinq amal'jhas entouraient le porteur, neuf personnes autour de lui avec l'intention de le tuer. La furie prit une grande inspiration mais fut interrompue par un amal'jha situé derrière lui, qui lui tendait une lance vers la tête. Des lueurs rouges flottaient dans l'air après le déplacement du monstre, quand il dévia la trajectoire de la lance avec sa main droite et frappa la tête de son attaquant avec sa paume gauche. Mais l'amal'jha tenait encore la lance fermement entre ses mains imposantes. La furie brisa la lance en la calant entre son genou et son coude droit, puis projeta la tête de l’arme au visage d'un lexidae. Enfin, le buste de l'amal'jha fut déchiré par une rafale de vent alors qu’il était encore en train de tomber. Plus que sept hommes. Des paysans pétrifiés, ce sont les trois amal'jha restants qui attaquèrent : celui du milieu lança un filet alors que les deux autres sur ses côtés frappèrent avec leur épée. La furie bloqua les épées en attrapant leur manche et en réduisant l'impact avec de légères bourrasques, mais le filet tombait dans sa direction. Alors il sauta en arrière, entraînant les deux amal'jhas à tomber dans le filet. Lorsqu’il atterrit, il fonça sur les hommes piégés et les trancha avec ses griffes imprégnées de vent. Dès qu’il ramassa une des épées qu’ils lâchèrent, il décocha l’arme vers l'amal'jha désarmé. Celui-ci esquiva en se mettant sur le côté mais il était déséquilibré. Il fut tranché facilement et mourut. Les lexidaes restants s'enfuirent en courant dans la direction opposée, mais les deux madras-ruas et les deux amal'jha lui barraient le chemin pour les poursuivre.

 Les madras-ruas faisaient apparaître des petites boules de feu qu'ils lancèrent maladroitement à côté de leur cible. Les boules de feu lancées étaient déviées vers les bâtiments ou adversaires autour de la furie. Leur échappatoire était de plus en plus limitée, le feu bloquait leur vue et ils devaient passer par le porteur pour s'enfuir. Ce fut le tour du monstre de montrer sa magie : une énorme bourrasque projeta les deux madra-ruas contre des habitations, défonçant leur crâne. Les deux amal'jhas eurent le temps de se mettre à couvert sur le ventre et de résister ainsi au vent. Leurs épées dégainées, l'un d'eux attaqua par le haut, cherchant à trancher le porteur en deux. Quand sa main descendit pour apporter le coup, elle fut tranchée par la main droite de la furie. La gauche récupéra l'arme et la planta dans la tête de l'amal'jha. Il passa ensuite par-dessus la tête du mort en se tenant au manche de l'épée et en roulant sur son dos. Il finit par décrocher l'épée de la tête du premier et la planta dans la tête du deuxième. Le sang le recouvrait, le teintant de rouge. Toujours injectés de sang, ses yeux émanèrent des aurores rouges. Il expira tandis que la mort et le vent l'entouraient. Le reste des villageois étaient déjà loin, pourtant on entendait encore leurs cris au-delà de ce spectacle macabre. La furie marchait de nouveau lentement, cette fois-ci vers la mairie, un pas après l'autre. Elle laissait des traces de pas sanglantes après avoir marché par-dessus dans ces flaques laissées par les anciens opposants.

 Malgré les nombreux cadavres qu'il avait semés derrière lui, une voix l'interpella encore une fois : « Vil monstre ! Tu oses souiller le monde de ton immondice ?! Prépare toi démon à subir mon courroux ! Sache manant que je suis Siegfried de Nibelungen, et que je ne tolérerai aucune malice supplémentaire de ta part ! » Le capitaine d'un bateau marchand se présenta au monstre avec toute sa clique. C'était un lexidae dans la cinquentaine, des habits rouges de nobles recouverts de dorures et d'accessoires aussi inutiles les uns que les autres : de grands colliers, des bagues sertis de pierres précieuses et un tricorne orné de bijoux et de distinctions militaires. Ses hommes, de la même espèce, portaient des vêtements de la même classe sociale que leur capitaine. « En garde, vile fripouille ! Dégaine ton arme que tu puisses mourir honorablement, de manière à ce que tu sois extirpé de ta condition absurde présente ! N'intervenez pas vous autres, il est à moi ! » La furie se retourna et observa le capitaine bruyant qu'il avait en face de lui, et lui montra son bras. « Si c'est cela ton souhait, alors le duel peut commencer ! » Le capitaine tira de son fourreau une grande épée à lame longue et courbée, un son aigu résonnait dans l'air quand elle fut dégainée. La lame seule faisait plus d'un mètre de longueur et le monstre fronça les sourcils en observant le sabre du capitaine. « Ahah ! Cette sublime lame m'a été confiée par une de tes victimes qui souhaitait vengeance pour le chaos que tu as semé ! J'honorerai son souhait en séparant ta tête de tes épaules ! » Le capitaine brandit son arme, la pointe dirigée vers le monstre, la main droite tenant le sabre, la gauche posée sur sa taille, le dos bien droit et la tête levée à la limite de pointer son ennemi avec son menton, les genoux légèrement pliés et les pieds perpendiculaires avec le doigt suivant la pointe de la lame. Tandis que le corps d'Isa'th se tenait la tête baissée, toutes les mains plongeantes suivant le corps, les jambes tendues et encore des aurores rouges quittaient ses yeux. Le capitaine commença l'échange par une feinte sur le côté droit de la furie, celle-ci eut le réflexe de lever le bras droit pour bloquer le coup mais l'épée passa très vite sous son coude. La pointe se dirigea ensuite vers l'épaule mais le monstre eut un nouveau réflexe de dévier le coup avec sa main puis d'attraper la lame avec le cuir qui remplaça la peau de l'intérieur de la main du porteur. Une fois la lame attrapée, il la tira vers lui et dirigea son coude vers le visage de Siegfried et lui cassa le nez. Celui-ci, surpris, lâcha son arme et se tenait le nez en douleur, tandis que son adversaire observait la lame et la tenait de plusieurs façons différentes, comme s'il la pesait. "Voyou ! Comment oses-tu me résister ?! Tu n'es qu'un paysan sans aucune éducation, tu n'es rien contre m.…" Il fut interrompu lorsqu'il regarda le reste de son corps chanceler après que sa tête le quitta. L’ego du capitaine le plaçait selon lui sur un pied d'estrade en hauteur, ce qui rendit sa chute plus rude quand ses jambes ne parvenaient plus à soutenir ce qui restait de lui. La coupure était très nette et rapide mais le sang du capitaine coulait lentement de la lame. Le porteur ramena l'épée vers son épaule gauche puis frappa dans le vide rapidement, et les gouttes de sang quittèrent l'arme comme si elle avait été passé sous de l'huile chaude pour nettoyer les imperfections. L'équipage s'enfuyait vers son bateau en laissant traîner derrière eux leurs ornements encombrants.

 La furie se dirigea vers le cadavre du capitaine et ramassa le fourreau de l'arme qu'il détenait : un fourreau en bois noir entouré de rubans jaune et rouge, accordé à la tenue de son ancien propriétaire. La furie tenait le fourreau de sa nouvelle arme dans sa main gauche et se dirigea de nouveau vers la mairie. Le renard se réveilla enfin et assista à la scène avec horreur et se jeta sur le monstre, il parvint à le mettre au sol et sortit toutes ses dents en signe de menace. Mais quand il ne vit aucun changement dans le regard écarlate, il resta simplement au-dessus de lui, puis posa sa patte gauche contre le torse de Isa'th. Une lumière bleue jaillit de la zone de contact et chassa les aurores rouges du visage du porteur. La force du vent diminua, ainsi que les flammes.

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