Isa'th et le renard marchèrent en direction de Lazulis mais ils arrivèrent à un point où les seuls chemins possibles étaient un pont qui passait par un village et un fleuve très violent qui était risqué à traverser, surtout dans son état. La voie de la sûreté s'imposa naturellement car le porteur ne pouvait dévoiler son bras, montrer de la magie était aussi risqué car elle suscite toujours trop d'attention et de question. L'entrée du village de Sirnak était accueillante, des enfants jouaient avec un chien qui tenta de se rapprocher du renard mais celui-ci ne sembla pas intéressé quand il grogna pour l'éloigner. Ils voulurent l'approcher et parvinrent à le caresser allègrement avec leurs petits doigts. Quand Isa'th se moqua de son compagnon, le renard revint vers lui en grommelant. Des personnes âgées se reposaient sur leur fauteuil en lisant des parchemins ou des livres. Par chance, les réformes de la monarchie de Lazulis ont permis un meilleur accès à l'alphabétisation et à l'éducation supérieure, une école primaire par village et des écoles de l'enseignement supérieur dans chaque région. Isa'th se baissait pour observer le titre de leurs ouvrages avec des yeux enfants curieux mais une vieille madra-rua l'interrompit. Elle lisait tranquillement un livre épais sur sa terrasse. Une madra-rua bien couverte pourrait passer pour une lexidae. Les caractéristiques principales de cette espèce sont les oreilles touffues et élancées qui se trouvent sur le sommet du crâne, une queue duveteuse qui complète leur colonne vertébrales et enfin leurs jambes velues qui sont, comparées aux lexidaes qui sont plantigrades, digitigrades. Une étude plus sérieuse montrerait que les madra-ruas ont des visages plus étirés et fins que les lexidaes. Elle remarqua ses grands yeux posés sur lui. D'un sourire chaleureux, elle lui demanda : « Je peux vous aider ? avec un sourire aimable.

• Oui, vous pourriez me donner votre livre ? Et je voudrais traverser le pont.
• Oh oh, vous êtes direct au moins. remarqua-t-elle en riant.
• Désolé. Dit-il en se grattant l'arrière de la tête avec sa main gauche. Je ne sais pas vraiment y faire avec les gens.
• Mais tenez, j'avais fini de toute façon, ça me fait plaisir.
• Vous êtes sûr ? Ah oui, merci ! dit-il en souriant.
• Mais de rien. En revanche pour traverser le pont il faudra attendre demain matin.
• Pourquoi ?
• Un grand marché va avoir lieu dans quelques jours, c'est pour ça que de nombreux bateaux partent et accostent tous les jours. Ces bateaux amènent de la soie, des fourrures, des fruits exotiques… »

 Elle s'arrêta d'énumérer les différents produits quand elle regarda Isa'th avec son nez plongé dans le livre qu'elle venait de lui donner. Un livre sur la Vallée du vent. Il remarqua le sourire de la vieille dame et s'excusa une nouvelle fois, pour son manque de politesse. Ce qui était compréhensible, les seules personnes à qui il parlait était un dragon ermite, un autre qui a essayé de le tuer et un étrange renard qui ne parlait pas. « Le pont sera abaissé demain matin, des convois terrestres doivent aussi passer par là. » Enfin, l’aînée lui montra une librairie où il pouvait emprunter des livres si le cœur lui plaisait. Alors Isa'th s'y dirigea sans plus tarder, les hommes et les femmes transportaient des sacs remplis de marchandises. Bien que les lexidaes étaient majoritaires à Sirnak on y retrouvait des madras-ruas et des amal’jha en minorités. Ces derniers sont de très grands bipèdes, deux têtes de plus qu'un lexidae adulte. Leur musculature imposante et yeux fins devraient les rendre intimidants mais leur culture les a rendu tout sauf désagréable. Leur peau sombre contrastée par leur longue chevelure étincelante sont toujours de bons exemples de beauté. Les madra-ruas s'agenouillèrent devant le renard blanc qui se baissa à son tour pour les saluer, bien qu'il eût l'air plutôt gêné. Leurs oreilles permettent d'entendre clairement de petits sons à des distances plus éloignées que les lexidaes, c'est de là que viennent leurs mouvements d'oreilles sur les côtés. Le renard avait les mêmes quand il revenait vers Isa'th et essayait d'écouter les paroles des jeunes. Une des caisses massives que portait un des amal’jha contenait beaucoup de pommes. Suffisamment lourde pour qu'il titube sur le sol traitre et sa vision obstruée par la cargaison. Sa marchandise tombait du haut. Heureusement pour Isa'th, il les remarqua plus tôt et avait déjà fait attention à ne pas les rattraper par son bras dominant. Afin de garder ses écailles cachées. Il finit par remettre un des fruits qu'il avait empêché de toucher le sol sur le haut de la caisse, ce pour quoi l'amal’jha le remercit aimablement. Isa'th garda une d'entre elles à l'abris des regards et reprit son chemin.

 La librairie tenait beaucoup de livres sur les régions composant le monde et les différentes créatures du monde. Et d'autres sacs remplis d'ouvrages arrivaient et s'amassaient de plus en plus, quand un livre en particulier attira l'attention du porteur : « Les nobles familles de Lazulis ». Quand il était plus jeune, il avait appris par Druni que sa mère avait fait les livres elle-même et qu'elle avait comme lui des yeux bleus au contour noir. Il cherchait dans ce livre une description physique correspondant à une des familles de nobles répertoriées. Il trouva un nom qui s'en approchait : des individus aux magnifiques yeux bleus, les Auras, qui avait pour symbole une lune bleue. Il trouvait un autre nom qui attira sa curiosité, et même celle du renard : Laniakeä, une famille de madras-ruas noble avec une grande capacité de magie. Elle semblait aussi très proche de la vénération de leur dieu. L'animal regardait les pages, sous le bras de Isa'th et prononçait des sortes de gémissements, de la peine pour les noms écrits sur les pages. « Eh monsieur ! On peut caresser votre chien ? demanda un jeune lexidae.

• A lui de voir, mais il est plutôt grincheux quand il n'a pas encore mangé. » dit-il en ricanant.

 Le renard sembla vexé mais avait l'air vite distrait par la cuisse de poulet marinée que lui tendait un des enfants, qu'il dévora en laissant l'os comme seul reste qu'il garda dans sa gueule en lâchant un soupir de satisfaction. « Comme vous ne pouvez pas passer le pont ce soir, vous devriez rester ici pour la nuit et attendre demain.

• Je préfère dormir par mes propres moyens, je n'ai pas…d’argent ! Dit-il en cherchant le nom, ce qui surprit même les plus jeunes.
• Vous pourriez travailler au port, les marins ont toujours besoin d'aide pour décharger les cargaisons. »

 Alors Isa'th regarda son compagnon et attendait une réponse de sa part, il reçut simplement un léger mouvement de tête horizontal et un pointement de museau vers le bras droit du jeune homme. Puis le porteur répondit aux enfants : « Désolé mais je ne pourrais pas aider les marins à décharger les cargaisons, mon bras me fait encore souffrir. » Un des enfants soupira en entendant la réponse du jeune homme et dit à voix basse : « Mon père rentrera tard ce soir aussi ? » Après un regard interrogateur de Isa'th, le garçon reprit : « Il est forgeron mais comme il y a personne pour l'aider, il doit travailler plus et il rentre très tard à cause de ça…

• Je pourrais l'aider. »

 L'animal le regarda avec étonnement et colère et tenta de mordre sa main pour l'empêcher de persévérer dans son projet. Mais il manqua sa main et reçut à la place une pomme dans la gueule. Pour quelqu'un qui rencontrait pour la première fois d'autres gens, il faisait un piètre orateur mais il faisait de bons débuts en tant que voleur. « Où est-ce que je pourrais trouver ton père ?

• Je vais vous le présenter, suivez-moi. »