Chapitre 4 : Duel au sommet

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 Le vent était bien plus fort que d'habitude ce jour-là, Isa'th continuait à s'entraîner à la méditation. Lorsque Druni fondit sur lui, le garçon prit peur. Le dragon s'approchait de plus en plus de sa colline, essoufflé, il se posa brutalement au sol. Il hurla : « Monte sur mon dos et ne fais pas un bruit ! » Isa'th, inquiet, obéit à son père dans la seconde et courut vers lui en propulsant l'air sous ses pieds, comme à son habitude. Seulement cette fois-ci, le dragon de nature si calme fut pris de panique. Après avoir décollé, ils se dirigèrent vers une haute montagne. Isa'th était frigorifié après avoir traversé les nuages et gagné une telle attitude. Il n'était habillé que de chausses et du drap blanc autour de la taille qui l'entourait encore il y a dix-sept ans de cela. La respiration de Druni était de plus en plus lourde et rapide, et quand ils s'approchèrent de la montagne, il ne parvint pas à atterrir doucement. Il s'écrasa sur le flanc de la montagne. Tous les deux glissèrent le long de la paroi vertigineuse, les écailles et la peau furent éraflées par les pierres. Mais le dragon réussit à attraper le garçon aux yeux bleus et à s'arrêter sur un sol plus stable. Il articula péniblement : « Il faut atteindre le sommet, au plus vite. » Isa'th ne put s'empêcher de remarquer les blessures encore fraîches sur le côté du crâne et le torse du dragon, affolé il lui demanda : « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? De quoi est-ce qu'on fuit ?

- Il faut… atteindre le sommet… j'aurai plus de chances contre lui… là où il y aura plus de vent. » Dit-il entre deux respirations douloureuses.

 Le jeune homme tenta de le soutenir comme il le pouvait mais il n'était pas assez fort. Isa'th s'inquiétait de plus en plus pour son père, il ne l'avait jamais vu aussi inquiet, et encore moins blessé. Plusieurs gouttes de sang de Druni décrivaient leur parcours. La montée était de plus en plus difficile, le dragon prit un mauvais appui et s'écroula sur son fils qui le repoussait tant bien que mal. Et quand il réussit à le replacer correctement, c'était seulement pour l'entendre souffrir encore plus. Quand ils arrivèrent enfin au sommet, Isa'th fut forcé de fermer les yeux à cause du vent, il eut même du mal à respirer à cause de celui-ci. Il regarda autour de lui pour essayer de localiser le poursuivant mais il ne vit rien, la tempête réunissait trop de nuages et le ciel en devint presque noir. « Qu'est-ce qu'il se passe ?! Qu'est-ce qu'il t'es arrivé ?!” hurla-t-il à cause du vent qui sifflait dans ses oreilles.

- Peux-tu voir la grotte là-bas ? Tu vas t'y cacher. Tu ne sors sous aucun prétexte et tu ne devras en sortir seulement quand je te l'ordonneras. Est-ce que tu as compris ?!

- Non ! Réponds-moi ! qu'est-ce qui t'es arri... »

 Il fut interrompu par un revers de la patte de son père qui l’envoya deux mètres plus loin vers la grotte. Le dragon hurla à son tour : « Est-ce que tu as compris ?!

- Oui père... » S’excusa-t-il en essuyant le sang qui avait coulé de sa bouche à cause du coup.

 Isa'th se cacha dans la grotte humide où le vent n'apportait pas la douce mélodie adorée par le dragon, cette fois, elle était froide, désordonnée et triste. Il se recroquevilla sur lui-même et tenta de se calmer pour ne pas faire trop de bruit avec ses dents claquantes dans ce sombre trou où il demeura seul. Druni respira lourdement et compressait sa blessure sur le flanc avec sa patte gauche. Mais quand il arriva à reprendre son calme, il aperçut le responsable de ses maux : un confrère. Un dragon noir se posa violemment devant Druni et le frappa au visage d'un coup de griffe, il lui dit : « Où est-il ? Depuis combien de temps complotes-tu ?!

- Je ne sais pas de quoi tu parles, articula-t-il péniblement en crachant son sang.

- Tu as élevé ce lexidae, même si c'est contraire à notre doctrine nous aurions pu pardonner cet acte grossier. Mais il a fallu que tu lui enseignes ta magie. La Voix du Vent est une maîtrise qui n'est détenue que par une seule personne, toi ! Et au lieu de perpétuer ton héritage à travers ta race légitime, tu l'as offerte à un être inférieur ! Pour quelles raisons ?! Hurla-t-il

- Crois-tu au destin ? »

 Cette question surprit le deuxième dragon mais il répondit avec amertume : « Bien sûr. Seuls les idiots osent l'ignorer.

- J'y crois aussi. Voilà pourquoi. Je refuse de penser que c'est chose normale de devoir suivre un chemin tracé par des dieux enfantins.

- Attention, tu les connais autant que moi. Le destin est cruel, on doit vivre selon leurs dires, qu'on le veuille ou non.

- Je me fiche de ces dieux. Je te présente ma petite révolution contre les divins, je ne fléchirai pas devant ce destin. Qu’en dis-tu ? Est-ce mon destin de mourir ce soir par tes coups ? Mais oserais-tu tuer mon disciple ? Lui, qui serait le seul à maîtriser ce que tu convoites tant. Ou vas-tu réussir à me convaincre de te suivre et de le tuer ? Mais encore plus intéressant maintenant : est-ce que tu resteras leur esclave ou sortiras-tu des rangs en déchirant ta laisse ?

- Ce que je désire n'est pas pertinent, ils ne faibliront pas. Ce n'est qu'une révolte. »

 Suite à ses mots, le dragon noir fondit sur Druni et lui mordit le cou avant de le projeter de l'autre côté de la grotte et lui cracher une boule de feu ardente. Il parvint à dévier la trajectoire de l'attaque en redirigeant l'air autour de lui sur sa droite, la boule de feu le frôla et c'est cette fois-ci lui qui attaqua. Il attira son ennemi vers lui grâce à ses bourrasques et tenta de le trancher avec ses griffes infusées de sa magie. Mais l'autre le frappa avec sa queue, ce qui perturba Druni et lui fit relâcher sa magie trop violemment. Résultant à la projection des deux dans des directions opposées. Ils s’endommagèrent leurs écailles respectives sur le sol rugueux et se relevèrent, encore un peu sonnés. « Tu as vieilli depuis notre dernier affrontement, tu t’es trop relâché. Et il ne s'agit pas seulement d'avoir appris ta magie à un lexidae, tu as déclenché une suite d'événements sans précédent.

- Un petit homme t’effraierait-il ? demanda-t-il en ricanant

- Tu sais pertinemment que les Oracles ne se trompent jamais, cet enfant, ton disciple apportera la mort à de nombreux êtres et marchera sur la terre et la réduira en cendres !

- Combien de temps cela lui prendrait-il d'après toi avec quelques bourrasques ? Demanda-t-il amusé. Toi, et tous les autres, vous n'êtes que des lâches qui n'osent changer leur destin ! Vous assumez de vivre dans une cage et préférez ça à pouvoir vivre librement à l’extérieur ! Je prends le risque, si je peux participer à la destruction d'un destin imposé, alors ça aura été une vie qui mérite d'être vécue.

- Cela aurait pu être admirable si ce n'était pas pure folie… »

 Des flammes s'amassaient dans sa gueule et il les recracha vers le rebelle sous la forme d'un énorme vague. La bourrasque lancée par les ailes de Druni empêcha les flammes de progresser plus loin et se retournèrent même vers le lanceur. Celui-ci, en bondissant tel un félin, esquiva son propre coup avant de frapper son ancien confrère au visage avec sa patte gauche et de cracher un nouveau souffle de flammes. Le dragon du vent fut envoyé vers la grotte tandis que de la fumée entourait son corps. Ses écailles étaient suffisamment résistantes pour supporter une telle température. Druni s'écroulait à chaque fois qu'il se levait, il respirait de plus en plus mal et perdait beaucoup de sang. Le dragon noir s'approchait une nouvelle fois et dit : « Dernier avertissement, nous ne pouvons risquer son déchaînement.

- Tu ne vaux pas mieux que moi. Toi, tu ne cherches qu'à retarder l'inévitable, je contribue au déchirement de la toile, répondit-il avec un grand sourire avec les dents encore recouvertes de son sang.

- Tu sais que j'aspire à autre chose. Tu n'as pas à décider autre chose de ta vie, elle a déjà été écrite ! »

 Le seul dragon debout prépara sa patte droite en étirant ses griffes pour être sûr de ne pas manquer le coup final. Il regarda une dernière fois le dragon à terre avec un regard triste. Mais ce dernier gardait la tête posée au sol toujours avec ce même sourire narquois et en fermant les yeux, résolu à son trépas. Quand le dominant lança son coup vers le torse de Druni, celui-ci ouvrit les yeux au dernier moment : il fut réveillé par une des mélodies du vent dont il était familier et la vue d'un dragon renversé par celle-ci le surprit encore plus. Isa'th se tenait debout, entre le vainqueur et le vaincu du duel, la main tremblante de peur en disant : « Essayez de le blesser encore une fois et je vais vraiment vous tuer ! » Mais le dragon noir n'était pas dupe et railla le jeune homme inexpérimenté qu'il avait en face de lui : « Tu ne tromperais pas le plus idiot du monde avec tes tremblements de feuille.

- Va-t'en, idiot ! Lui hurla Druni

- Pas question, c'est la seule consigne que je refuse d'appliquer.

- Lui aurais-tu aussi transmis ton irritabilité en plus de ton entêtement ? » Répliqua le deuxième dragon.

 Une nouvelle charge eu lieu : le dragon noir fonça sur Isa'th et tenta de le frapper au torse pour briser les côtes et l’empêcher de bouger. Mais il parvint à sauter par-dessus le coup, et trancher un œil de sa cible avant de laisser échapper sa magie un peu vite et de se couper au pouce. Son ennemi hurla de douleur avant de frapper une nouvelle fois et de faire mouche cette fois-ci : le coup était moins fort mais suffisamment pour projeter le jeune homme au sol. Il se replaça lentement devant son père en se tenant le bras droit qui amortit sa chute et prononça une autre menace : « J'ai dit que je vous tuerai si vous vous approchiez de lui, n'est-ce pas ? Me prenez-vous plus au sérieux maintenant ?

- Petite vermine, je t'écraserai avant que tu n’aies fini de fanfaronner ! »

 Cette charge là était beaucoup plus sauvage que les précédentes, il fonça tête baissée en direction de son adversaire qui voulut le balayer avec une bourrasque, mais le feu de son souffle brûla tout l'air qui arrivait sur lui. Le dragon baissa sa tête au dernier moment pour le frapper avec ses deux cornes situées sur le haut de son crâne. Mais avec son œil manquant, il rata son coup et le jeune garçon se retrouva entre les deux cornes et fut projeté contre le mur extérieur de la grotte puis atterrit à côté de son père. Il le regarda et fut pris de panique en voyant la propagation du sang de son père sur le sol, il le secoua en hurlant « père, père ! » mais la seule réponse qu'il reçut fut « ne me fait pas trop bouger, j'essaie de limiter la perte de sang.

- Tu es vraiment insouciant, dit-il avec un sourire inquiet, ne pars pas je t'en prie.

- Je ne compte pas vraiment partir »

 Il tint son bras droit avec le sien et les anciennes griffures s’illuminèrent sur le membre du jeune homme lorsque le sang du dragon se mélangea au sien. Le vent s'intensifia autour d'eux et commença à déchirer le sol pierreux. Le jeune homme grimaçait de douleur pour finir par des hurlements : des écailles semblables à celles de son père apparurent sur ses doigts, sa main et son bras, il hurla de douleur tandis que son bras changeait de forme et de constitution. Ses ongles se changèrent en griffes, le dos de sa main devint écailleux tandis que la paume devint un cuir épais. L'avant-bras fut recouvert de sortes de plumes de métal, le même que celui de son père. Druni commença à se changer en fins traits lumineux dans l'air qui se dirigeaient tous vers le bras du fils. « Te souviens-tu des porteurs dont je t'ai parlé ? Demanda-t-il, je suis en train de procéder au pacte qui unit les vies des deux corps, mais il manque ton consentement.

- Non, arrête ! Tu vas mourir si tu continues !

- La mort ne représente pas la fin du voyage, ce n'est qu'une étape que nous devons tous passer. Je suis content de pouvoir choisir moi-même les circonstances de ma mort, et puis, dis-toi que je serai toujours au-dessus de ta tête pour te surveiller, répondit-il avec le sourire qu'il affichait souvent.

- Tu resteras toujours à côté de moi ?

- Toujours.

- Et si je n'y arrive pas … à le contredire ? dit-il avec d'énormes larmes.

- Fais de ton mieux. Proposa-t-il solennellement.

- Mais qu'est-ce que je fais si je ne suis pas assez fort ?

- Tu es assez fort pour moi. »

 Avant que tous les traits lumineux ne disparaissent, Isa'th se tenait debout et entendit les derniers mots de son père adoptif : « Cherche le grand renard blanc, il est le seul qui puisse te guider maintenant. » Isa'th s'écroula au sol, seul et avec un bras recouvert de sang, semblable à celui de son père. En se réveillant dans un monde onirique, ses pieds étaient dans l'eau venant d'une cascade. Il était entouré par des piliers détruits par le temps. La nuit était tombée, la lune et les étoiles étaient toujours là. Il y avait un homme levant la tête vers le ciel qui se dirigea vers une grotte située sous la chute d'eau. Son bras droit n'avait pas changé, il avait toujours l'apparence d'un membre de lexidae et son père se tenait assis à côté d'un des piliers sur le côté de la rivière. Un éclair blanc frappa au milieu de la rivière, si brillant que Isa'th dut se couvrir les yeux. Quand il put les ouvrir il découvrit un grand renard blanc, aux longues oreilles qui partaient en arrière et une grande queue touffue. Il regarda le jeune homme un moment, puis partit dans la direction de la grotte. Le rêveur regarda son père une nouvelle fois qu'il croyait parti pour de bon, mais avant qu'il n’eut le temps de prononcer un mot, le dragon lui répéta : « Suis le renard blanc. » L'eau qui cachait l'entrée s'écarta à son passage et il s’avança à l'intérieur. Il suivit le renard blanc, la luminosité des astres ne parvenait pas à éclairer cet endroit, il ne pouvait que se fier à la lumière que produisait le pelage du renard. Ils continuèrent à marcher longtemps, apparemment pendant une éternité, il ne voyait même plus l'entrée. Le renard s'arrêta devant un homme, assis la tête baissée sur une souche et immobile. Cet homme se releva et se tint debout face à Isa'th, salua le renard en baissant la tête, ramenant la main gauche contre sa poitrine et plaçant sa jambe gauche en arrière, puis partit en direction de la sortie. Isa’th n'arrivait pas à voir le visage de l'homme, il était à chaque fois dissimulé par une longue cape noire ou bien son visage était toujours dans l'ombre. Mais il n'était pas mal à l'aise pour autant, il éprouvait de la compassion pour lui. Le renard montra à Isa'th la souche et se tenait à côté de celle-ci assis. Le rêveur comprit alors qu'il fallait qu'il s’assoie sur cette souche, il copia son précédent utilisateur en prenant la même pose que lui : il s’endormit sur la souche ; et c'est à ce moment que l'autre homme sortit de la grotte.

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