37. Petite musique lupine

8 minutes de lecture

Sacha


Comme si de rien n’était, le tueur d’araignée que je suis sort de la chambre de la pauvre femme en détresse qui m’a appelé à l’aide. Je ne suis quand même pas un super héros très efficace vu qu’il m’a fallu toute la nuit pour arriver à répondre à ses besoins et envies et que je l’ai fait crier une bonne partie de ces moments un peu fous. J’observe d’ailleurs Livia qui a reposé Mathis à terre après l’avoir embrassé et qui se dirige vers le frigo avec une grâce qui me donne à nouveau envie de lui sauter dessus. Quel cul elle a ! Dans son petit short, franchement, pas étonnant que je sois en train de bander. Et ses seins qui se balancent librement sous son tee-shirt, miam, miam ! Je veux recommencer ! Dommage qu’il y a son fils avec nous parce que je me serais bien vu reprendre nos folies en la plaquant sur le plan de travail.

— Ça va, Mathis ? lui demandé-je en le prenant dans mes bras. Prêt pour le petit déjeuner ? Moi, j’ai une faim de loup, ce matin. Ahouhouhou ! hurlé-je en imitant l’animal pour le faire rire.

— Chuuuut sinon Tonton, il va pas être content, glousse le petit en se retenant d’éclater de rire.

— Mais je suis affamé, moi, il me faut de la chair tendre à dévorer !

Je me penche sur lui et fais mine de lui mordre le cou avant de me relever et de faire pareil sur sa mère qui frissonne alors que ma bouche lui frôle le cou.

— Ah non, là, la chair est moins tendre, continué-je en lui faisant un clin d'œil. Il me faut vraiment un petit garçon ! Désolé, Mathis, tu es le seul à répondre aux critères ici !

— Nooon ! s’écrie-t-il en se débattant, hilare. Maman ! A l’aide ! Au secours !

— Tu comptes vraiment manger mon fils ? Fais gaffe, je suis une maman louve, moi, sourit Livia.

— Ne m’en parle pas ! Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sûr que tu es adepte de sortir tes griffes ! ris-je en m’asseyant à côté de Mathis pour partager le petit déjeuner. Tu commences à quelle heure, toi ? Moi, je suis libre jusqu’à midi aujourd’hui. Cela me laisse le temps d’aller chercher des habits propres au centre.

— Je ne bosse pas aujourd’hui. Je ne t’avais pas dit ? Ta sœur vient cet après-midi pour prendre ses marques, et je vais la laisser une petite heure avec Mathis, j’ai rendez-vous chez l’ophtalmo.

— Oh, dommage… ne puis-je m’empêcher de laisser s’échapper alors que l’idée que déjà elle va me manquer s’impose à moi. Mais, j’y pense… à quelle heure, elle vient, ma sœur ? Elle a son récital ce soir, il me semble…

— Oui, elle m’a renvoyé un message hier pour me le dire. Elle vient pour treize heures trente, et moi j’ai rendez-vous à quinze heures. Ça devrait largement le faire, sourit-elle en posant sa main sur mon épaule et l’assiette de crêpes de la veille sur la table.

— Mathis, tu es content que ma sœur vienne s’occuper de toi ? Mais je te préviens, s’il y a une araignée, il faudra que ce soit toi qui t’en occupes ! Elle est comme ta mère, pour tout ça !

— Moi aussi je vais faire le super héros, alors ! sourit le petit en bombant le torse et en montrant ses biceps. Je l’aime bien, Marina, alors je vais la sauver.

— Oui, tu es presque aussi fort que moi, dis-je en imitant son geste. Regarde, Livia, qui est le plus fort ?

— Je crois que c’est moi, pouffe-t-elle en nous mettant sous le nez le pot de pâte à tartiner. Et si vous dites le contraire… pas de chocolat !

— Est-ce que ça vous dirait de m’accompagner au concert de Marina, ce soir ? C’est à dix-neuf heures, ça ne devrait pas finir trop tard pour toi, Mathis. Et ça te donnera peut-être des idées, tu ne crois pas ?

— Des idées pour quoi, Sassa ? me demande-t-il tandis que Livia s’installe à son tour à table.

— Tu n’aimerais pas te mettre au piano ou à la musique ? Moi, quand j’étais petit, je rêvais de faire de la trompette, mais je n’ai jamais pu essayer.

— Non, moi je préfère le football, tu sais ? C’est trop bien de jouer au foot à l’école.

— Tu es sûr que ça ne poserait pas de problème, pour ce soir ? m’interroge Livia en déposant une crêpe devant son fils.

— Non, et j’ai la permission de minuit, ce soir, pour cet événement. Signée du dirlo lui-même. Si vous venez, je pourrai vous raccompagner ici, tu vois ?

Moi, ce que je vois, c’est que ça serait une autre opportunité de passer un peu de temps avec elle… Avec Mathis endormi, cela ouvre certaines possibilités bien alléchantes.

— OK, pourquoi pas, me dit-elle en me lançant un sourire coquin. Il faut que je pense à te faire un justificatif pour cette nuit, au fait.

Je suis un peu gêné par ce rappel à la dure réalité mais je décide de le prendre à la légère et avec le sourire.

— Je me demande ce que tu vas écrire comme raison. Tueur d’araignées ? Grimpeur de rideaux ?

— J’hésite, pouffe-t-elle. Peut-être griffoir pour déesse, t’en penses quoi ?

— Qu’il va sûrement falloir qu’on reprenne les choses au début pour être sûrs de ne pas se tromper ! Bon, je vous laisse, je file pour avoir le temps de me préparer et ne pas être en retard au travail. A tout à l’heure !

Je profite que Mathis ait le nez plongé dans son bol pour caresser la joue de sa maman sans qu’il ne s’en aperçoive.

— Bon courage, sourit Livia avant de déposer un baiser appuyé sur ma joue.

J’ai l’impression que je passe le reste de la journée sur un nuage, comme si ce petit baiser m’avait donné des ailes. Ou alors, ce sont les orgasmes trop nombreux pour les compter qui me donnent l’impression de planer, encore mieux que toutes les drogues que j’ai pu vendre dans mon ancienne vie.

Lorsque je finis mon service qui m’a donné l’impression de ne durer que quelques minutes, je me précipite à l’étage. J’ai à peine sonné que Livia ouvre la porte et sort sur le palier, en refermant derrière elle. Elle me saute au cou et m’embrasse avec une sauvagerie qui me laisse croire un instant qu’elle va me demander de lui faire l’amour, là, sur le palier, mais elle finit par se détacher de notre étreinte pour me sourire. Cette femme va me rendre fou !

— Wow, quel accueil ! Vous êtes prêts ? Il ne faut pas trop tarder si on veut être à l’heure.

— On est prêts, on t’attendait impatiemment, tu sais ?

— Eh bien, dépêchons-nous de partir, j’ai hâte de revenir et de te raccompagner.

— Bien, Monsieur. Je vois que tu n’es pas très patient, sourit-elle en ouvrant la porte, laissant sortir le petit lionceau qui se précipite dans mes jambes.

— Alors, Mathis, pourquoi te cachais-tu derrière la porte ? le taquiné-je en le soulevant dans mes bras. C’est de ce côté-ci qu’il faut être pour s’amuser !

— C’est Maman qui m’a dit d’attendre dans la maison !

— Oui, bon, ça va, petite balance, marmonne Livia en récupérant son sac à main. Allons-y les garçons.

Nous partons tous ensemble en prenant chacun une main du petit garçon trop heureux de faire cette sortie. Livia en profite pour me raconter comment ça s’est passé avec ma sœur chez elle. Elle semble ravie de lui avoir demandé de l’aider et elle est très contente de voir que Mathis l’a déjà adoptée. Je suis fier de Marina et j’espère vraiment que cela va nous donner des occasions de nous croiser et de nous voir, pour reconstruire ce lien qui semble s’être fragilisé pendant mon incarcération.

Quand nous arrivons à la salle de concert, je suis impressionné par les décorations et l’atmosphère générale. J’ai le sentiment d’avoir débarqué dans un autre monde tellement éloigné de celui dans lequel j’ai grandi que je suis un peu mal à l’aise. Mathis ouvre grand les yeux et semble lui aussi vivre un conte de fées. Nous nous installons au milieu de la salle et bientôt, les lumières s’éteignent et les jeunes passent à tour de rôle pour exécuter leur morceau. Quand c’est au tour de Marina, je ne peux m’empêcher de serrer la main de Livia dans la mienne et écoute, subjugué, la petite sonatine jouée par ma sœur. Je trouve que c’est magnifique et l’applaudis à tout rompre une fois l'œuvre terminée. C’est incroyable ce qu’elle a appris et comment elle a progressé. Cela me renvoie malheureusement au fait que moi, pendant ce temps-là, j’ai perdu des années de ma vie à ne rien faire, mais je me réconforte en me disant que j’ai bien repris les choses en main.

Quand les lumières se rallument, je me penche vers Mathis.

— Alors, mon p’tit gars, toujours fan de foot ou bien la musique, ça t’intéresse un peu ?

— Oui, j’ai envie que Marina me montre comment jouer du piano !

— Eh bien, en voilà un beau projet ! m’amusé-je. Tu es d’accord, Maman Louve ?

— Maman Louve veut juste que son fils soit heureux. Maintenant, si ça veut dire devoir se coltiner du piano plutôt que des weekends de tournois de foot… autant dire que je valide, rit Livia.

— Après, le foot, c’est bien aussi, dis-je en prenant Mathis sur mes épaules. On court, on se dépense, on fait du sport, et on marque des buts. En route, champion ! On félicitera ta babysitter quand on la verra !

— Pitié, ne l’encourage pas à jouer au foot, soupire sa mère. Attention à sa tête au niveau de la porte, ce serait dommage de se retrouver aux Urgences ce soir au lieu de profiter avant le couvre-feu.

— Ah non, aucun risque qu’on ne profite pas ! On va faire attention, hein Mathis ?

— Oui ! On est des super héros, nous ! Même si je suis un super héros fatigué, moi.

— Eh bien, dès qu’on rentre, on file au lit. Tu veux que je vienne te border ?

— Tu me lis l’histoire aussi ?

— Seulement si ta maman est d’accord, je ne veux pas la priver de ce petit plaisir.

— Il ne va pas falloir que ça se reproduise trop souvent, je vous préviens, tous les deux. J’aime trop faire la grosse voix de Papa Dino, moi.

— Eh bien, tu feras la grosse voix et moi la petite, dis-je en riant avant de reposer le petit au sol pour reprendre le métro.

J’ai l’impression, alors qu’on prend le chemin du retour, qu’on forme déjà une petite famille. C’est à la fois vraiment exceptionnel mais c’est vrai que cela fait un peu peur aussi et je suis pris un peu de vertige. Heureusement que Livia éteint tous ces doutes quand elle m’enlace à peine la porte de la chambre de son fils refermée et m’entraine, pleine d’envies, vers sa chambre. Quand je suis dans ses bras, j’oublie tout. Et s’il faut vivre cachés pour profiter de ces petits moments, c’est un faible prix à payer pour connaître la joie de la serrer contre moi.

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0