38. Le jumeau mène l’enquête

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Livia


J’ouvre la porte à Diego et vois ma petite tornade lui sauter dessus pour saluer son tonton préféré. Il ne le dit pas, mais ça se voit gros comme une montagne, et je peux le comprendre. Je ne devrais pas faire de préférences mais mon jumeau l’est aussi pour moi. Je crois que ça n’est pas difficile à expliquer, on a partagé le ventre de notre mère, notre lit jusqu’à ce qu’on ait huit ans, notre chambre jusqu’à notre quinzième anniversaire… On est pareils, lui et moi. Outre la forte ressemblance, on se comprend sans se parler, on se confie sans barrières… On aime tous les deux les mecs, aussi. Et la bouffe, l’alcool, les bouquins… et mon fils. J’adore les voir tous les deux. Ils sont trop mignons, même si, évidemment, Mathis hurle à la mort et me casse les oreilles pendant que son parrain le chatouille et le course autour de la table… Même Moustache, confortablement installée dans son panier sous la table basse d’ordinaire, fuit plus vite que son ombre. Elle en a pourtant vu, des moments difficiles, jamais elle ne me lâche, sauf quand Diego débarque. Je l’ai vue venir se coucher contre moi alors que Mathis était malade et pleurait depuis des heures, sauter sur mon lit tandis que c’était moi qui pleurais, seule sous la couette, d’épuisement, de colère, de solitude… Une partenaire du tonnerre.

— Bien, peut-être que je peux avoir droit à mon bisou maintenant ? Et je te laisse le mettre à la sieste. Tu vas bien galérer.

— Oh pardon, Miss Liberty, mais j’adore faire des bisous à ce petit amour, ricane mon frère en venant m’enlacer et me couvrir de baisers tout en chantant Big bisous.

— Allez, Mathis, Tonton Carlos va te mettre à la sieste, ris-je en me débarrassant de ce dernier.

— Maman, c’est Tonton Diego, pas tonton Carlos ! se moque mon fils.

Ah… gros problème de génération, là. Et un petit coup de vieux pour Livia, un ! Quoi que, je me demande si c’est vraiment ma génération, ou si je me suis coltiné ce truc à cause de mes parents.

J’embrasse mon petit garçon à plusieurs reprises en chantonnant cette musique, et laisse Diego s’occuper de lui tandis que je prépare deux cafés. Mon frangin me retrouve sur la terrasse et s’installe avec moi sur le petit canapé en osier.

— Quoi ? souris-je alors que je sens son regard posé sur moi depuis un moment. Un problème ?

— Toi, tu as une expression que je n’ai pas vue depuis un bon petit moment ! Il s’appelle comment ? Raconte-moi tout, Miss L. !

— Je ne vois absolument pas de quoi tu parles, pouffé-je en me calant contre lui. J’ai un nouvel Hector très efficace.

— Hector ? Il faut que tu me donnes sa marque et son prix car je vais peut-être devoir l’essayer sur moi, se moque mon frère en me scrutant de haut en bas.

— C’est un prototype, je suis sûre qu’il pourrait se vendre une blinde sur le marché. Un mélange du womanizer et de mon bon vieux Hector, très efficace. Il a une fonction caresses absolument divine et il tient vraiment très bien la charge, gloussé-je.

— Eh bien ! Te voilà déjà bien conquise, on dirait ! Il s’appelle comment ? Je le connais, ce Dieu du sexe ?

— A moins que tu ne sois passé au Coffee Shop quand il y était, je doute que tu connaisses Sacha, non. Disons qu’on se tourne autour depuis un petit moment et qu’il était temps de lâcher prise, un peu.

— Sacha, Sacha, réfléchit-il. C’est pas le jeune dont parlait Maman la dernière fois ? Celui qu’ils ont pris parce qu’il ne coûte pas cher ?

— Si, c’est lui qu’ils exploitent alors qu’il fait du bon boulot. Et c’est lui que j’exploite juste là, souris-je en pointant du doigt le mur de ma chambre. Et il a l’air de se sentir mieux payé là-dedans, crois-moi !

Je ris toute seule de ma connerie, voire même de mes conneries, mais j’avoue que j’appréhende un peu sa réaction quand il fera le lien avec le délinquant dont parlaient mes parents au repas de l’autre jour.

— Je te jure, y a un truc entre nous, ajouté-je, c’est… Je sais pas comment l’expliquer, mais le rapprochement n’est pas que physique.

— Eh, fais gaffe ! La dernière fois que tu étais comme ça, tu nous as fait un mioche ! Et encore, je ne suis même pas sûr que tu étais aussi excitée ! Il est vraiment si bon que ça ? Tu crois que je devrais aussi tenter ma chance, peut-être ?

— Pas touche, le menacé-je presque sérieusement. Je sais qu’on partage plein de trucs, mais là, je suis pas d’accord. Et j’y peux rien, moi, je… je sais que je ne devrais pas tirer des plans sur la comète, c’est le premier mec que j'ai depuis ma grossesse, peut-être que je m’emballe…

— J’ai l’impression, vu comment tu en parles, qu’il doit assurer au lit, dis donc ! Il faut que je le rencontre, ce Sacha, je suis curieux de voir celui qui est en train de faire craquer ma Miss Liberty à moi ! Celle qui avait dit qu’elle ne voulait plus jamais de mec dans sa vie ! Je vais peut-être devoir changer ton surnom, si tu continues comme ça !

— Tu déconnes ? C’est un peu tôt pour les rencontres officielles quand même… Je n’ai rien dit à personne à part à toi, je veux protéger Mathis et… je doute que les parents réagissent très bien.

— Pourquoi tu crois que les parents ne réagiraient pas bien ? Parce qu’ils vont le considérer trop jeune pour toi ?

— Peut-être, mais surtout par rapport à son expérience carcérale, si tu veux mon avis, grimacé-je sans oser le regarder.

— Ah oui, je vois, énonce-t-il tout bas. Tu le sens comment, toi ? Un mec qui a fait de la prison, au-delà du côté bad boy qui peut être excitant, c’est peut-être un peu dangereux, non ?

— Il faut savoir prendre des risques, non ? Honnêtement, j’ai un bon feeling avec lui, je… j’ai l’impression que c’est davantage une erreur de parcours qu’un réel penchant pour l’interdit.

— Il faut savoir faire confiance à son ressenti, soupire-t-il avant de plonger son regard dans le mien. Il faut que je le rencontre, comme ça, je serai rassuré ! Il bosse, là ? On peut aller le voir ?

— Bien sûr, tu vas lui demander devant Maman s’il a de bonnes intentions envers sa fille ? Il finit bientôt et doit passer me voir… et tu vas m’empêcher de vivre un petit coup vite fait bien agréable, d’ailleurs, ris-je en sortant mon téléphone de ma poche. T’es cool avec lui, hein ?

— Cool ? Ça dépendra de lui, rit-il. S’il a de bonnes intentions, comme tu dis, je vous laisse et je repasse plus tard. Sinon, je le découpe en petits morceaux ! Personne ne fait du mal à ma frangine !

— Crois-moi, jusqu’ à présent, il m’a surtout fait beaucoup de bien, gloussé-je.

J’envoie un message à Sacha en espérant qu’il le verra avant d’arriver ici, l’informant que je ne suis pas seule et que j’ai parlé de lui à mon gentil frère jumeau, et je commence bêtement à stresser. J’adore mon frère et s’il y a bien une personne de ma famille dont l’avis compte, c’est lui. J’ai l’impression de brûler les étapes en lui présentant déjà Sacha, mais bon, techniquement, à moins d’avoir foutu Diego à la porte dans les quinze minutes qui suivent, la rencontre aurait été inévitable.

J’essaie de changer de sujet en attendant son arrivée, et souris niaisement en entendant frapper à la porte, ce qui fait rire mon frangin. Evidemment, petit con…

— Arrête de te foutre de moi, ris-je en me levant. Ah non, reste là, toi, on arrive. Un peu de patience, laisse-moi au moins une minute avec lui quand même.

Je dépose un bisou sur sa joue et rentre à l’intérieur pour aller ouvrir à Sacha. Je jette un œil dans la cour en contrebas pour m’assurer qu’il n’y a personne et lui saute au cou pour l’embrasser. Une ado de trente-et-un ans, heureuse de retrouver son boyfriend…

— Salut, toi. Ça va ?

— Salut, répond-il en s’écartant trop vite à mon goût. Il est où l’inspecteur ? J’espère qu’il n’a pas déjà fait son jugement…

— Non, Diego n’est pas comme ça. Je rêve ou tu stresses ? ris-je en l’attirant à l’intérieur. Il est sur la terrasse, ça veut dire que j’ai encore droit à un baiser ou t’as trop la trouille ?

— Je n’ai pas peur, non. Tu veux que je te le prouve ?

Il se penche alors sur moi et m’enlace pour me rouler une pelle comme au cinéma. Entre sa langue qui joue avec la mienne et ses caresses, je suis toute essoufflée quand il s’arrête, le sourire aux lèvres.

— Je préfère ça, gloussé-je. Diego est cool, tu verras. Bon, ça reste un frangin, mais c’est le plus agréable des trois. Prêt ?

— Allons-y, je suis prêt à voir le premier frangin, un bon entraînement avant de voir les autres, non ?

J’acquiesce et glisse ma main dans la sienne pour l’entraîner sur la terrasse en me disant qu’il est bien loin d’imaginer ce que pourrait donner une rencontre avec Louis. Je crois que Charles s’en fout un peu, de ce que je fais de ma vie, mais il est capable d’être bien cinglant, lui aussi.

— Diego, je te présente Sacha. Sacha, au cas où ça ne se verrait pas, je te présente mon double en version service trois pièces, souris-je en les observant tour à tour.

Diego la joue vraiment flic, pour le coup. Il le détaille des pieds à la tête avant de se lever pour lui tendre la main, que Sacha serre avec une décontraction apparente. Est-ce qu’il est vraiment si serein que ça ? J’ai un petit doute…

— Enchanté, le double, dit-il. Vous vous ressemblez vraiment, c’est fou !

— On est de vrais jumeaux, lui répond mon frangin d’une voix qu’il cherche à rendre plus froide qu’elle ne l’est d’ordinaire. On partage tout et on a aussi cette connexion spéciale qu’ont les jumeaux, tu vois ? En gros, si elle va mal, je le sais à distance.

— Quel mytho, pouffé-je. Arrête, on dirait Louis. Et c’est pas un compliment.

— J’espère que la connexion ne t’empêche pas de dormir, alors ! Parce que ce serait bête d’être fatigué sans profiter vraiment des choses, répond Sacha sur le ton de la plaisanterie.

— Être jeune et plein de fougue, c’est bien, mais ça se saurait s’il n’y avait que le sexe dans une relation, mon gars, lui rétorque un Diego en apparence imperturbable.

— Qui te fait dire qu’il n’y a que ça ? J’espère que ce n’est pas ce qu’a dit Livia, ajoute-t-il en me regardant.

Est-ce que je n’ai parlé que de ça ? Non… je ne crois pas. J’espère pas, surtout. Du moins, je ne sais pas ce que je préférerais entre entendre Diego lui répondre que j’ai été assez enthousiaste à ce sujet ou qu’il lui dise que je suis déjà bien accro…

— Moi, ce que je veux savoir, c’est quelles sont tes intentions auprès de ma sœur, c’est tout. Elle n’a pas été gâtée avec les mecs, j’ai pas envie qu’elle souffre encore à cause d’un petit jeune qui lui fait tourner la tête.

— Eh bien, sache que je n’ai pas du tout envie de la faire souffrir, bien au contraire… C’est encore tout nouveau, mais j’ai l’impression que rien d’autre n’aurait pu arriver. C’est peut-être fou de s’emballer comme ça, mais je suis prêt à envisager plein de choses avec ta sœur. Elle est quand même exceptionnelle, non ?

Je dois avoir un sourire niais sur le visage en l’entendant prononcer ces mots. Oui, il faut croire que je suis déjà bien accro, mais avec un peu de chance, Sacha est dans la même situation que moi.

— J’espère pour toi, parce qu’elle a deux autres chiens de garde bien moins sympathiques que moi. Bon, je vous laisse tranquilles pour cette fois, je crois que le temps est compté. On en reparle, Frangine. Sacha, je te souhaite la bienvenue dans la famille, je risque d’être le seul à le faire, sans vouloir être défaitiste. Sois cool avec elle, je suis sérieux, lui dit mon frère en lui faisant une accolade.

— Promis, je serai cool, tu n’as pas à t’inquiéter. Et merci de l’accueil.

Diego me prend dans ses bras et me gratifie d’un câlin sans rien me dire de plus, et j’en viens à me demander si c’est un genre d’acceptation ou de validation, ou si le fait qu’il veuille en reparler cache quelque chose. Je me love contre Sacha une fois mon frangin parti et l’embrasse tendrement.

— Ça a été, non ? Mon frère ne t’a pas fait flipper ?

— Non, ça va, je m’attendais à pire. Même si vous êtes proches, tu ne lui racontes quand même pas tout à ton frère ?

— Ah non, ris-je. Je ne lui raconterai par exemple rien ou presque de ce que l’on va faire tout de suite dans ma chambre.

— Je me demande ce que c’est que ce “presque”, me répond Sacha en me soulevant dans ses bras.

— Eh bien… Je ne lui parlerai certainement pas des détails de nos préliminaires ni de la position, mais compte sur moi pour lui dire si je prends mon pied, murmuré-je à son oreille en nouant mes jambes autour de ses hanches. Ça te met la pression ?

— Je compte bien relever le challenge haut la main, Livia. Tu vas en avoir, des choses à raconter…

J’aime ce genre de promesses… Et j’ai hâte de le voir réussir ce challenge. En tout cas, tout mon corps est déjà bien réceptif et n’attend plus qu’une chose : retrouver le sien. Alors, peu importe ce que l’avenir nous réserve, moi je suis pour le Carpe diem avec lui. Chaque moment passé en sa compagnie est trop intense pour que j’aie envie de réfléchir à l’après. Là, tout de suite, maintenant, c’est parfait, et ça me convient bien.

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