47. Gâteau surprise

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Sacha

Je regarde les quelques habits que j’ai dans mon armoire et me demande ce que je vais bien pouvoir mettre pour aller à l’anniversaire de Mathis. Je ne suis pas riche en vêtements et pour aller travailler, ce que j’ai me convient tout à fait, mais là, pour aller chez mes patrons pour une fête, je ne sais pas s’il faut que je me mette sur mon trente-et-un parce que toute la famille sera là et qu’il faut que l’ex-taulard fasse bonne impression ou s’il faut que je la joue plus cool. J’appellerais bien Livia mais j’ai peur de passer pour un con. Ou pour un jeune immature qui ne connaît rien du monde dans lequel il vit parce qu’il a passé la plus grande partie de son existence soit dans une banlieue pourrie soit en prison. Tout à coup, j’ai une idée de génie. Marina est aussi invitée à cette fête, elle sera sûrement de bon conseil.

— Salut Marina. Tu es déjà en route ? demandé-je alors que j’entends les bruits du métro derrière elle.

— Salut Sacha. Oui, j’ai du chemin tu sais, je viens de partir. Pourquoi ?

— Je sais pas quoi me mettre. Tu crois que je m’habille classe ou alors je la joue relax ?

— Tu me demandes vraiment des conseils vestimentaires, là ? rit-elle. J’en sais rien, moi. Il fait beau, c’est un goûter, tu t’habilles… normalement, j’imagine. Depuis quand ça t’importe ?

— Ne te moque pas. Je leur ai demandé de passer à temps plein, il faut que je fasse bonne impression. Et je me suis déjà engueulé avec un des frangins, tu vois, il faut plus que je fasse d’impair. Un jean et une chemisette, ça irait ?

— J’imagine, oui. Mets pas de cravate, hein ? se moque-t-elle.

— Je t’ai dit de pas te moquer ! Merci et à tout de suite !

Je raccroche et me dépêche d’enfiler les vêtements que j’ai choisis, je remets un peu d’eau de cologne et file après m’être assuré que je n’oublie pas le cadeau de Mathis. Ce serait impardonnable et en plus, je crois qu’il va bien aimer la petite figurine de Superman que je lui ai achetée. Le genre de cadeaux que j’aurais adoré à son âge, moi.

Lorsque j’arrive sur place, je suis juste à l’heure et entre dans la petite cour dont la porte est restée ouverte. Marina est déjà là et la moqueuse me sourit et me fait un clin d'œil en levant les deux pouces quand elle voit ma tenue. Je lui tire la langue alors que Mathis me fonce dans les bras et que sa mère m’accueille. Encore une fois, je suis époustouflé par sa beauté naturelle et la chaleur qu’elle sait créer dans tout mon être. Elle porte une petite robe fleurie au décolleté avantageux et qui dévoile la quasi-intégralité de ses magnifiques jambes. Une telle beauté, ça ne devrait pas être permis.

— Salut, mon pote. Tu as l’air content de me voir !

— Ben oui ! C’est mon anniversaire, tu sais ? Si t’es là, ça me fait un cadeau de plus, Sassa, sourit-il.

— Ah oui, je vois, c’est intéressé. Salut Livia, tu es ravissante.

Je me permets de la complimenter le plus sobrement possible même si je suis convaincu que mes yeux ne peuvent dissimuler toute l’envie qu’elle provoque chez moi.

— Mathis a les pieds sur terre, que veux-tu, rit-elle en me faisant la bise de manière appuyée. Tu vas bien ?

— Oui, j’espère que je ne vais pas faire tache, ici. Tu as briefé ton frère pour qu’il me laisse tranquille ?

— Je lui ai dit que s’il faisait des vagues, il pouvait retourner chez lui, et qu’il pourrait toujours rêver pour que je garde les mioches pour leur anniversaire de mariage. Il a bougonné et acquiescé comme un gamin, c’était drôle.

— Bien tant mieux. Je m’installe où, tu crois ? Je ne veux pas importuner ceux qui seraient inconfortables que je sois là.

— Sacha, respire, sourit Livia. Je t’assure que ça va bien se passer. Et c’est l’occasion parfaite de te rapprocher de Marina. Et si tu as besoin de compagnie, je suis là. Diego aussi, si je suis occupée. Et… je te suggère de me filer un coup de main quand je monte chercher des trucs, ça nous donnera l’occasion de vraiment se dire bonjour…

Je lui souris et suis son conseil en allant m’installer à l’ombre d’un grand parasol rouge, près de ma sœur.

— Ça fait bizarre d’être ici, avec tous ces bourges qu’on ne connaît pas vraiment, tu ne trouves pas ?

— Ça fait surtout bizarre de se retrouver dans une famille, je trouve… Ça rappelle de bons souvenirs, mais pas seulement, soupire ma frangine.

— Un jour, nous aussi, on va refaire notre famille, tu verras. Tu n’as pas de petit copain, d’ailleurs ? Si tu en as un, je te préviens, je veux le rencontrer rapidement ! Et le prévenir que s’il te fait souffrir, il aura affaire à moi.

— Wow, t’emballe pas non plus. Je fais ce que je veux et avec qui je veux, j’ai certainement pas de comptes à te rendre sur mes copains, grimace-t-elle.

Je réalise tout de suite ma bourde et je tente immédiatement de la rattraper.

— Oui, oui, bien sûr, mais ce que je veux dire, c’est que je veux que tu sois heureuse. Et que si tu as besoin, je suis là.

— J’y penserai… si tu restes là, bien sûr.

— Tu veux que j’aille où ? Je vais même bientôt avoir un appartement, peut-être ! Je suis là, je reste. J’ai déjà perdu trois longues années sans toi, je ne veux plus en perdre une seule seconde.

— Je ne demande qu’à te croire. On verra ce que l’avenir nous réserve. Comme disait Papa, je ne crois que ce que je vois.

Je me demande pourquoi c’est si compliqué de communiquer avec elle et me lève pour aller chercher des boissons à l’intérieur du coffee shop où elles sont conservées au frais. Je tombe sur Diego qui n’en est visiblement pas à sa première bière.

— Bonjour Diego. Content de te revoir.

— Salut, Sacha. Tu veux une bière ? Cadeau de la maison !

— Non, je vais rester au jus de fruit. Et je vais prendre un coca pour ma sœur. C’est une belle fête, Mathis a l’air de bien s’amuser, malgré la chaleur.

— Ouais, ça vaut mieux pour le petit roi, faudrait pas qu’il nous fasse un caprice aujourd’hui, sinon les parents vont nous les briser, marmonne-t-il en me servant.

Je retourne dans la cour et observe tout ce petit monde et toute cette agitation. Je comprends un peu plus la remarque de ma sœur sur la famille. Ici, pas d’absent, tout le monde est présent, tout le monde a son rôle à jouer et c’est un peu particulier d’être là avec eux tous. Marina et moi, nous sommes les deux pièces un peu extérieures, mais je n’ai pas l’impression que ça les dérange plus que ça, ce qui me rassure un peu. Si vraiment les choses se concrétisent avec Livia, des moments comme ceux-là, il va falloir que je m’y habitue.

Quand Livia me fait signe, je la suis pour “aller chercher le gâteau” à l’étage, dans son appartement. Je ne me fais pas prier et monte les escaliers derrière elle, rapidement. Je n’ose faire aucun geste tant que quelqu’un pourrait nous surprendre mais dès la porte refermée derrière nous, je lui saute dessus et l’embrasse alors qu’elle noue ses bras autour de mon cou. Nous nous embrassons comme deux adolescents qui se cachent de leurs parents et l’idée est à la fois un peu excitante et un peu dérangeante. Deux adultes consentants devraient pouvoir s’aimer librement n’importe où, non ?

— Bon, il est où ce gâteau ? Si on revient sans, on va avoir l’air bêtes, dis-je en rompant notre étreinte.

— Dans le réfrigérateur, mais officiellement, j’ai une présentation à préparer, alors on a un peu de temps, puisqu’elle est déjà faite, sourit-elle, fière d’elle avant de capturer mes lèvres des siennes.

Elle m’attire néanmoins dans la cuisine où nous continuons à nous embrasser. Elle relève la tête et m’offre son cou que je picore de baisers jusqu’à me retrouver à la naissance de sa poitrine sur laquelle je frotte ma barbe. Je sens ses mains fraîches glisser sous ma chemise et caresser mon torse. J’ai l’impression qu’elle a autant envie que moi et, pour savoir jusqu’où elle est prête à aller, je tâte le terrain en glissant ma main le long de sa jambe et en la remontant sur sa cuisse nue. Alors que ma main se pose sur sa culotte, je pense avoir remporté la partie, mais elle me repousse tout à coup de manière assez brusque. Surpris, je me redresse et la regarde en fronçant les sourcils.

— Oh désolée, je… je ne voulais pas vous déranger…

Merde. La voix de ma sœur. Mais qu’est-ce qu’elle fait là ? Et la porte n’était pas fermée ? En même temps, elle doit avoir un double de la clé… La poisse. Finis les faux-semblants, je me retourne et la regarde. Je constate avec surprise qu’elle n’est pas en colère contre nous, juste vraiment étonnée de nous voir nous câliner comme ça.

— Désolé, Marina. J’aurais dû t’en parler avant, mais… Livia et moi, on s’aime… Enfin, tu as dû le voir, ajouté-je un peu gêné.

— Heu… c’est pas ce que j’ai constaté à première vue, mais je suis contente que ce soit plus que juste… enfin, voilà, quoi. Pourquoi vous ne m’avez rien dit ?

— Je ne sais pas, soeurette. Tout ça est encore récent, tu sais ? Et je ne voulais pas que des éléments comme ça nous empêchent de nous rapprocher. J’allais t’en parler, mais je n’ai juste pas trouvé le bon moment…

— Pourquoi ça nous empêcherait de nous rapprocher ? Je suis contente pour toi, moi. Et puis… c’est mieux que de te voir avec une meuf différente par semaine.

— J’ai jamais été comme ça, rétorqué-je en jetant un œil à Livia qui est en train de sortir le gâteau, pour se donner une contenance, je pense. Et avec Livia, c’est plus fort qu’avec n’importe quelle femme avant.

— J’espère bien, sinon ton frère va prendre cher, comme vous dites, vous, les jeunes, rétorque Livia avec un sourire. Je suis désolée qu’on ne t’en ait pas parlé, mais tu sais, c’est un peu secret pour tout le monde, en fait. La situation est compliquée.

Je suis soulagé de voir que ma sœur prend ça aussi bien et me rapproche de Livia que j’enlace à nouveau, dans son dos alors qu’elle finit de mettre les bougies sur le gâteau. Marina nous jette un regard attendri avant de se rendre dans la salle de bain, ce qui devait être la motivation première de son arrivée dans l’appartement.

— Je t’aime, Livia, chuchoté-je à son oreille, mais chut ! C’est un secret.

— Un secret qui commence à être bien éventé, quand même, tu ne trouves pas ? Heureusement qu’on s’aime, parce que c’est pas l’idéal de se planquer…

— Ce n’est pas l’idéal, mais c’est temporaire. Bientôt, on pourra le crier sur tous les toits. D’ailleurs, je crois que c’est ce que je vais faire, ajouté-je en m’approchant de sa fenêtre que j’ouvre théâtralement.

— Arrête tes conneries ! pouffe-t-elle en me tirant en arrière. T’es dingue !

Je rigole et l’embrasse à nouveau. Nous retrouvons Marina dans le salon et nous descendons tous les trois avec le gâteau de Mathis. Il est magnifique et je peux apprécier un nouveau talent de la femme que j’aime. C’est fou ce que ça fait du bien d’avoir ma sœur dans la confidence. Après lui avoir posé des questions sur mes vêtements, je vais pouvoir lui demander conseil sur la façon de garder Livia heureuse. Je suis sûr qu’elle aura plein de bonnes idées.

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