Le train roulait toujours, et le calme de la nuit était à peine troublé par le bruit de la locomotive fonçant dans le noir. Dans le train, tout était silencieux, et aucun bruit n'était perceptible.

Sauf peut-être des froissements de papier émanant du wagon où se trouvait Marco Leone.

Le commandant évacuait sa frustration comme il le pouvait. Pourquoi ça ne donnait rien ? Il avait essayé il ne savait combien de possibilités, triturant ce message qui proclamait la faiblesse de la patrie du Coq, et à chaque fois il n'avait trouvé que des balbutiements tous aussi incohérents les uns que les autres.

Le premier et le dernier mot : « en mourra ».

Le premier et le dernier mot de chaque phrase : « en diplomatique trauma importe escomptez position inaction éternelle voici mourra ».

A chaque fois, rien du tout. Des mots sans aucun sens. Marco avait cru trouver la solution lors de son dernier essai : l'indice ne mentionnant pas les mots, il avait pris la première et la dernière lettre de chaque mot. Malheureusement le résultat n'avait pas été à la hauteur de ses attentes...

«enneneeimiftvudelnprermtabaolemeatdetapequieezvsmapninmetesnnauenteeviotctlroinsressceisrtnsaipenema».

Fantastique. C'était complètement indéchiffrable. Marco se prit à douter de son intuition. Il était épuisé, et il devait impérativement être en forme afin de diriger ses troupes au mieux. Pourtant tout concordait, jusque-là. Peut-être que le passage du premier texte au deuxième n'était pas bon ? Comment savoir ? C'était un vrai casse-tête.

Le commandant reprit le texte d'origine et le relut plusieurs fois, chaque fois plus lentement, et dodelina de la tête avant de se concentrer une fois encore, après avoir laissé l'énervement retomber.

C'est alors qu'il réalisa qu'il était allé trop vite. Le grand-père avait deux fils. Deux fils... Et seul l'un avait pu utiliser le bijou de famille. Un seul sur les deux ! Oui ! Voilà pourquoi rien ne marchait ! Marco relut avec précision les passages parlant des deux fils du grand-père. L'oncle, l'aîné, était doté d'une apparence agréable et était davantage apprécié, tandis que le second n'avait rien pour plaire à première vue.

Le texte décodé que tout le monde avait pris pour argant comptant était donc l'oncle, le premier fils du « grand-père », agréable à la vue mais trompeur. Il fallait maintenant savoir comment obtenir le véritable texte « fils » pour ensuite obtenir le texte final en utilisant l'indice.

L'indice ! Voilà quelle avait été son erreur ! L'histoire avait pourtant bien expliqué que le grand-père n'avait pas utilisé le bijou. Il fallait donc ignorer l'indication ! C'est à dire s'en tenir à ce que le Coq faisait habituellement et ne prendre que le premier mot de chaque phrase. Voilà... Parfait. Maintenant, utiliser le début et la fin. A chaque fois. Cette fois, le jeune commandant en était absolument certain, il trouverait la solution. Encore quelques minutes le temps de noter les différents résultats envisageables...

Marco souriait jusqu'aux oreilles. Dans un instant, il saurait le contenu du message. Depuis tout ce temps, cet espion insolent avait découvert et transmis des informations sur leur armée et son état, et tous ses renseignements s'étaient révélés exacts. A présent, pour la première fois, le Coq s'exprimait et ne se contentait pas d'émettre des faits. Et il était sur le point de comprendre.

Le sourire de Marco retomba rapidement pour disparaître définitivement. Il poursuivit sa transcription, et déglutit en en comprenant le sens. Une fois la dernière lettre écrite, il laissa sa main gésir sur la table, son corps à l'arrêt et sa tête bouillonant de réflexions contradictoires.

Puis il se leva énergiquement, et marcha avec rapidité et résolution vers un wagon voisin qui contenait les officiers sous ses ordres pour les réveiller sur-le-champ.