Fluctuat nec mergitur

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Ici, mes bagages j’ai posé. Dans mes souvenirs, c’était un mardi ensoleillé. C’est ma Tunisie natale que j’ai quitté. Trop pressé, oppressé, déprimé. Par le parfum enivrant de la liberté, mon désir d’aventure a été exacerbé. Il a eu raison du scepticisme bienveillant de mes parents bien-aimés. Partir a toujours été l’idée. De l’autre côté de la Méditerranée.

Ici, j’ai vécu cinq ans. J’ai appris à vivre comme je l’entends. Livré à moi-même, en hiver comme au printemps. Les parcs sont magnifiques en automne et l’été défile lentement. Les après-midi ensoleillés les quais sont débordants. La Dame de fer brille de mille feux pour le Nouvel An. Les loyers sont carrément arrogants. Tel est le prix à payer pour s’octroyer le droit de rêver plus grand.

Ici, les bars j’ai écumé. D’ailleurs, ma soif s’en est allée. Lever le coude à longueur de journées a déformé ma réalité. Prise en otage ma liberté de penser a été. Gin, bière ou rosé, au fond du verre j’égarais ma lucidité. Bien plus souvent que je ne le pensais. J’ai fini par épouser la sobriété. Une pinte de limonade s’il vous plaît.

Ici, je me suis construit un réseau. Des frères d’une autre mère que je surnomme amigos. Pas un jour n’est passé sans que je ne compose leur numéro. La plupart d’entre eux sont complètement barjots. Des barres de rire à s’en abîmer les abdos. Je vous aime, allez, c’est cadeau. Je me dis que c’est comme-ci j’avais gagné au loto. Avec en moins, les millions d’euros.

Ici, j’ai eu le cœur brisé. La faute à une confiance trop facilement accordée. Une évidence pas assez étoffée. Du noir, j’en ai broyé à longueur de journée. Les plaies ont mis du temps à cicatriser. La page je ne l’ai pas tournée, je l’ai déchirée. Puis le livre je l’ai brûlé. Rongé par la rancœur, j’ai trouvé la force de pardonner.

Ici, je pensais avoir trouvé ma Reine. Tant de balades sur les bords de la Seine. Des jours et des mois à imaginer notre vie pérenne. Bien avant que notre temps ne s’égraine. Je me dis parfois que la destinée est une chienne. Elle me traîne, me freine, me malmène. J’ai décidé de l’apprivoiser pour éviter qu’elle me gêne. Une véritable bouffée d’oxygène.

Ici, j’ai enchaîné les soirées. La fête bat son plein aux quatre coins de la cité. Chaque quartier a hérité d’un joyeux sobriquet. La piste de danse, j’y ai séjourné. Les DJs de renom se sont succédés. Mon pas de danse, je l’ai affuté. Les bras en l’air, je m’y suis habitué. La vie nocturne, je l’ai consommée.

Ici, je me suis forgé un mental. En acier, rien de plus banal. J’ai appris à faire le bien, bien plus que le mal. Déterminé à éviter les pièges de cristal. Je me contente du minimum syndical. Conscient que pour réussir, l’échec est primordial. Aujourd’hui j’ai une âme de guerrier, prêt à remporter la finale. La vie est un magnifique festival.

Ici, je t’en prie ne m’en veux pas. Je me suis rendu compte que je rêvais de là- bas. D’une vie pénarde, loin de tes tracas. A jamais dans mon cœur, Ici, tu resteras. Mais ce n’est plus mon énergie que tu absorberas. Battu par les flots, mais ne sombre pas. Tu as fais de moi un roc qui ne s’effrite pas. Ici c’est Paris et je ne suis plus là.

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