Chapitre 12 : Révélations

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L'endroit est déjà bien animé lorsque nous arrivons sur les lieux en fin de soirée.

Le chauffeur nous ouvre la porte, mais à peine descendue, Lynn fonce dans les bras d’un jeune inconnu avec qui elle échange dans une langue que je ne comprends pas.

Postée en retrait, j’attends, en vain, qu’elle revienne vers moi. Frustrée par l’attente interminable, je balaye l’endroit du regard, tombant miraculeusement sur un visage familier. Je n’aurais jamais cru être aussi heureuse de voir Andrew.

Les choses semblent aller en ma faveur, il m’aperçoit également et vient à ma rencontre.

  • Tu es très élégant ce soir. Dis-je en lui prenant le bras.

D’abord surpris, il finit par afficher un sourire confiant. Le voir se pavaner, les muscles bombés dans son costume de luxe, provoque en moi une hilarité que je tente par tous les diables de contenir.

Il m’emmène me présenter à ses amis visiblement plongés dans une conversation aussi nombriliste que les centres d’intérêts d’Andrew. Je ne suis même pas surprise lorsqu’ils m’affichent ces sourires hypocrites auxquels je suis habituée. Heureusement, avec le temps, aux côtés de Lynn, j’ai appris à ne plus en faire cas.

En parlant d’elle, elle ne semble même pas avoir remarqué mon absence. Irritée, je me passe nerveusement la main dans les cheveux.

Allons, je n’ai aucune raison de m’énerver. Elle ne me doit rien.

Saisissant une coupe de champagne à la volée, plus pour me donner de la contenance que par réelle envie de boire, j’essaie tant bien que mal de m’intéresser aux débats vides de sens des garçons, comptant littéralement les minutes au fur et à mesure que la soirée avance.

  • Où étais-tu passée ? Tu aurais pu me prévenir que tu partais !

Lynn se tient à présent devant moi, visiblement contrariée.

  • Désolée, je n’ai pas eu l’impression que ça t’importerait sur le moment.

Dans la seconde, elle tire Andrew vers elle et lui chuchote quelques mots à l’oreille. Pâle tout à coup, ce lâcheur lui laisse la place. Elle m’empoigne alors par le bras et m’entraîne jusqu’au buffet en ignorant mes protestations.

  • Viens, je vais te présenter.

Au loin, je vois la silhouette d’un homme aux cheveux grisonnants se dessiner, l’idée qu’il puisse être le père de Lynn suffit à me calmer.

Intimidée par son imposante carrure et son air sévère, je peine à trouver mes mots lorsque je me retrouve sous son regard dur. Lynn, elle, lui saute brusquement dans les bras, faisant apparaître un sourire doux sur ce visage sérieux.

  • Papa, ça fait si longtemps !
  • Princesse ! Ça m’avait manqué de voir ton joli sourire. Dit-il en tournant les yeux vers moi.
  • Tu dois être Malimouna, Lynn nous a beaucoup parlé de...
  • Mais oui ! Où est Lalya ? Elle n’est pas avec toi ? »

Il pointe le doigt vers une direction et le regard de Lynn s’illumine instantanément. Curieuse, je me tourne également pour la chercher du regard. J’ai beau ne jamais l’avoir vue, elle captive immédiatement mon attention. Lalya est une dame grande, élégante et magnifiquement enrobée.

Elle est superbe, mais ni ses bijoux ni sa prestance ne suscitent cet émoi en moi, non. C’est sa couleur de peau. Mon cœur bondit d'une joie inattendue en découvrant cette ressemblance avec moi-même. Après tant d'années à évoluer dans des cercles où ma peau était souvent la seule différente, je me sens soudainement ramenée à un sentiment de familiarité.

Je ne peux m'empêcher de sourire, émue de trouver en cet endroit improbable une personne qui partage non seulement ma couleur de peau mais possiblement des expériences similaires.

Lynn me tire légèrement sur le bras pour me ramener sur terre, gênée, je me rends compte que je la regardais depuis trop longtemps. Elle sourit à son tour.

  • Tu as l’air surprise. Dit-elle gentiment.
  • Pardon, vous êtes la première femme de couleur que je vois depuis des mois. J’ai été surprise oui.
  • Je peux comprendre. Mais tu peux me tutoyer voyons, pas de manières entre nous.
  • D’accord.

Lalya et le père de Lynn sont mariés depuis des années maintenant. Étant également une femme d’affaires renommée, elle voyage tout autant que lui, d’où le fait qu’on ne la voit jamais au manoir familial à l’instar de son mari.

Après une brève discussion, le couple s’excuse pour rejoindre des connaissances. Lynn s’accroche à moi pour attirer mon attention.

  • J’ai une surprise. Attends-moi là.

Intriguée, j’hoche simplement la tête, la regardant disparaître dans la foule sans me donner plus de détails. L’attente s’éternise, je trouve une place au bar pour me sentir plus à l’aise, un verre d’eau à la main. Seule au milieu de cette grande famille, je me sens comme un intrus, mais je tente de ne rien laisser paraître, attendant patiemment le retour de mon amie.

  • Bonsoir.

Je ne prends même pas la peine de me retourner, déjà irritée.

  • Va te faire des amis ailleurs.

Edwin ricane et chasse le jeune homme sur la chaise voisine d’un regard. Je ne parviens pas à contenir ma surprise lorsque je le vois. Amaigri, les yeux creusés, il n’est plus que l’ombre du beau jeune homme qu’il a été. Je me surprends même à avoir de la peine pour lui l’espace d’un instant.

  • Ne me regarde pas comme ça.
  • Qu'est-ce que tu me veux ?

Sur mes gardes, je serre les poings, mais son regard ne laisse transparaître aucune animosité.

  • Je veux m’excuser.

Prise au dépourvu, je ne sais pas quoi dire. Le Edwin arrogant que j’ai connu ne se serait jamais laissé aller à ça, même pour plaisanter.

  • Je vois bien que tu te méfies. Mais rassure-toi, j’ai bien appris la leçon. Je ne compte plus m’interposer entre toi et Lynn.

Il lève la main pour commander un verre de bourbon et reprend.

  • Je n’aurais jamais imaginé qu’elle partirait un jour. Tout s’est enchaîné si vite, mais c’est uniquement grâce à toi que j’ai fini par réaliser le mal que je lui ai fait. Merci de lui avoir donné le courage de se défaire de l’ordure que je suis.
  • Ton discours paraît presque sincère. Mais dommage, peut-être que j’y aurais cru si tu n’arrêtais pas d’envoyer des gens pour me surveiller.

Il paraît confus.

  • De quoi tu parles ?

Croyant à une plaisanterie, je m’emporte quelque peu.

  • Tu te fous de moi ?
  • Quel intérêt j’aurais à te mentir ? Je suis sérieux, je ne sais vraiment pas de quoi il s’agit.

Une mélodie magnifique commence à se faire entendre derrière moi, en même temps qu’une froide réalisation. Les premières notes m'emportent dans un tourbillon d'émotions. Chaque accord, chaque montée réveille des échos de peur et de confusion, comme des discordances dans ma tête perturbée.

La musique, à la fois captivante et déchirante, semble se fondre dans le chaos de mes pensées. Elle cache derrière sa douceur des notes sombres, un écho à la dualité de mes pensées.

Perdue, je m'égare vers une destination inconnue sous le regard interrogatif d’Edwin.

  • Attends où tu vas ?

Une série de trahisons passées résonnant encore en moi. Incapable de démêler le vrai du faux, terrifiée par cette découverte, je choisis de m'éloigner momentanément, plutôt que de confronter cette vérité qui trouble ma quiétude fragile.

Errant dans les rues, une soif insatiable m'étreint. Les clochettes d'une supérette retentissent. Peut-être que là au moins, je trouverais de quoi faire taire ces démons qui m’empêchent de résonner clairement.

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