Chapitre 8 : Échos du passé

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Constatant l'heure avancée, Edwin s’approche pour nous faire comprendre qu’il est temps de quitter la plage.

  • Devine quoi Lynn ? Ajoute-t-il avec un grand sourire. Ton amie veut bien passer la nuit avec toi ce soir ! Vous allez pouvoir faire une chouette soirée pyjama.

Très calme, je me contente de lever les yeux vers lui. J’ai des choses de prévues, et je ne suis absolument pas au fait de cette décision, mais bien sûr, il l’a prise sans me consulter.

Lynn, qui suivait la scène en silence, me tire légèrement par le bras.

  • Tu n’es pas obligé de rester si tu n’en as pas envie.

Je lui prends la main et l’aide à se relever après moi.

  • Je veux rester, avec toi.

Je la sens à moitié convaincue, mais elle n’insiste pas, me conduisant jusqu’à la chambre que nous sommes censées partager sous le regard appuyé d'Edwin. Elle est immense et magnifiquement décorée.

Lynn m’indique la salle de bain et propose le plus naturellement du monde de m’y accompagner. Je refuse énergiquement, mal à l’aise.

  • Qu’est-ce qu’il y a ? On est toutes les deux des filles, ça ne pose pas de problème !

Elle essaie de m’approcher, mais je lui balance un coussin à ma portée.

  • Tu n’as pas honte de faire une telle proposition à une frêle demoiselle ?

Elle éclate de rire.

  • Toi frêle ? Et puis d’abord c’est quoi le rapport ?
  • Recule ! Espèce de voyeuse !

Elle lève les yeux au ciel et abandonne. Le sourire aux lèvres, je vais me doucher en premier, prenant bien soin de verrouiller la porte à double tour pour éviter les surprises. Lorsque je sors après seulement quelques minutes, Lynn se plaint, m’accusant d’avoir tardé.

  • Je n’arrive pas à croire que tu aies verrouillé la porte. Ajoute-t-elle.
  • Comment tu sais ça toi ?

Réalisant qu’elle vient de se trahir, elle tourne le talon et s’enfuit en riant. À son retour, je suis assise à même le sol dans un coin de la pièce.

  • Qu’est-ce que tu fais par terre ? Demande-t-elle visiblement surprise.
  • Ce n’est pas poli de s’installer sur le lit de quelqu’un sans permission.
  • Y’a des chaises aussi je te rappelle !
  • Je me sens plus à l’aise comme ça. Dis-je discrètement après un silence.

En effet, étant très loin de ma zone de confort, je me sens franchement mal à l’aise en ces lieux. Surtout que c’est la première fois que j’y mets les pieds.

  • Tu n’es pas croyable…

Elle s’approche et me tire vers le lit où elle me force à m’allonger. Crispée, je contemple le plafond sans un mot.

  • Je crois qu’Andy fait une fixation sur toi. Dit-elle en s’allongeant. Il n’a pas arrêté de gonfler les muscles de toute la journée.
  • Je crois plutôt qu’il essayait d’affirmer sa virilité, vu qu’apparemment il se sent émasculé en ma présence.

Elle éclate d’un rire franc.

  • Bien vu.

Je souffle du nez sans rien rajouter, fatiguée.

  • Au fait, d’où est-ce que tu viens ? Me demande Lynn.
  • De loin.
  • Où ça ? Insiste-t-elle.

Je hausse les épaules, un sourire taquin sur le visage.

  • Arrête ! Pourquoi tu n’en parles jamais ?
  • Tu poses beaucoup trop de questions.

Elle soupire, déçue.

  • Tu fais trop de mystères, c’est frustrant.
  • Qu’es ce que tu veux dire ?
  • Tu changes de sujet à chaque fois qu’on parle de toi. J’ai l’impression de ne même pas te connaître.

Elle s’éloigne un peu et me regarde dans les yeux.

  • Qui es-tu vraiment Moune ?

Je lui lance un regard curieux. « Celle que tu as toujours connue. » est la première chose qui me vient à l’esprit, mais je sens que cette réponse sera à mille lieux de la satisfaire. Je fais de mon mieux pour trouver quelque chose de pertinent à lui dire.

  • J’adore me baigner. Dis-je soudainement. Je n’en ai pas l’air mais je suis terrifiée par insectes, et je déteste qu’on me touche.
  • Ce n’est pas ce que je…
  • J’adore passer du temps avec toi.

Je la sens se figer. J’ai peur d’avoir dit quelque chose de travers mais elle semble juste être étonnée de ma soudaine démonstration d'affection, moi qui suis habituellement plutôt réservée.

  • Tu dis ça pour me faire plaisir avoue… Chuchote-t-elle tristement.
  • Je suis très sincère. Je l’avoue, j’avais un peu peur au départ, mais il faut croire que j’ai fini par me faire à tes caprices. Tu m’apporte énormément de réconfort, je suis heureuse de t’avoir comme amie. J’ajoute craintivement.

Lynn m’analyse pendant de longues secondes sans un mot. Embarrassée, je détourne le regard, elle en profite pour entourer mon visage de ses mains froides. Déstabilisée, je l’observe se rapprocher lentement, le souffle coupé.

  • Lynn… arrête. Tu sais que les baisers me mettent mal à l’aise.

Un sourire mesquin sur le visage, elle me caresse délicatement la joue et laisse échapper un rire chaud.

  • Allez, juste pour cette fois.

******

Tard le soir, je fixe le plafond immaculé, inspectant ses moindres recoins comme si j’essayais d’y voir mon propre reflet.

Je n’arrive pas à fermer l’œil, ayant perdu l’habitude de dormir avec quelqu’un à mes côtés.

Loin d’être une source d’angoisse, sa présence m’allège, mais, malgré moi, j’ai encore trop peur pour oser baisser ma garde en ces lieux, surtout en sachant qu’Edwin rôde. Je n’arrive pas à le sortir de ma tête. La suspicion qu’il aille toujours plus loin dans son chantage me tenaille, l’éventualité qu’il s’arrête là parait trop belle.

Un coup d’œil sur le côté me fait réaliser que Lynn dort profondément. Elle semble si sereine assoupie de la sorte, mais je ne ressens que de la tristesse en la regardant. Je suis triste de voir que je me reconnais en elle : Un frère un peu trop protecteur, une famille absente, des amis factices… Tout ce que je lui souhaite, c’est de ne pas vivre un destin aussi tragique que le mien.

Je commence à me sentir mal à force de trop réfléchir, je me relève discrètement pour aller prendre l’air au balcon, respirant à grandes bouffées pour évacuer le stress et calmer mes tremblements.

En bas, les vagues vont et viennent tranquillement suivant un rythme discontinu, presque assez apaisant pour me sortir de mes reflexions chaotiques. Je suis épuisée, mais bien trop préoccupée pour oser prendre du repos.

Des vibrations saccadées se font sentir dans ma poche, me sortant brutalement de mes pensées. J’ai un mauvais pressentiment, c’est très inhabituel, surtout à cette heure. Lorsque je porte le téléphone à mes yeux, mon cœur rate un battement, me forçant à m’assoir pour éviter de perdre l’équilibre.

  • Moune, qu’es ce que tu fais ?

Assise à même le sol, je ne peux que dévisager Lynn d’un air hagard. J’ai du mal à trouver une réponse correcte à lui donner alors qu’elle me regarde avec interrogation.

Il sonne toujours, je prends une grande inspiration, puis je décroche enfin.

« Allô ? »

« Salut, bébé »

Je tressaille immédiatement en entendant cette voix.

  • Qui c’est ? Demande Lynn inquiète.

« Comment tu m’as retrouvée ? »

« Tu as la mémoire courte on dirait, c’est moi qui t’ai conseillé de postuler à cette bourse. »

« Qu’es ce que tu me veux ? »

« Te voir en tête à tête. »

« Comment tu as eu ce numéro ? »

Mon souffle s’accélère, je serre les dents.

« Arrête d’être autant sur la défensive, ce n’est pas le sujet. Je suis dans ta ville pour une semaine, j’aimerais beaucoup que tu m’accordes ça. »

« En quel honneur ? »

« Je sais que tu m’aimes encore. »

« Eh bien tu t’es trompée. »

« Bien… Si tu ne viens pas à moi je m’en chargerais. »

« Je sais que tu bluffe… »

« Rejoins-moi au parc demain dans la soirée, je te parlerais et je partirai promis. »

Je raccroche et cache mon visage dans mes mains pour contenir ma panique. Ma respiration devient lourde, d’ancien souvenirs remontent à la surface. J'ai l'impression de sombrer quand tout d'un coup, Lynn pose sa main sur la mienne. J'avais oublié qu'elle était là.

  • Tu veux en parler ?
  • Non. Dis-je en me relevant brusquement.

Plus rapide, elle me retient par la main avant que je m’en aille. Son regard débordant d’inquiétude et de bienveillance m’incite à me ressaisir.

  • C’était mon ex.
  • Oh… Et qu’es ce qu’il te veut ?
  • Elle… veut me voir en tête à tête demain au parc.

Lynn me regarde avec interrogation.

  • Elle ?

Nous échangeons des regards perplexes l’espace d’un moment.

Silence.

J’observe son visage passer à travers tout un tas d’expressions avant qu’elle ne me regarde avec un drôle d’air, me demandant avec tout le sérieux du monde.

  • C’est pour ça que tu ne prends pas de bain avec moi ?

J’explose de rire.

  • C’est vraiment la première question qui te viens à l’esprit ? C’est quoi cette fixation ?

Je ris encore plus devant sa mine contrariée, mais l’idée que mon orientation sexuelle puisse la mettre mal à l’aise me traverse soudain l’esprit, alors qu’elle continue à me fixer avec intensité.

Je ne suis pas sûre de la réponse appropriée à donner dans ce contexte alors j’opte pour la première chose qui me vient en tête.

  • Oui... C’est l’une des raisons.

Je rougis en me rendant compte de ce que je viens de dire mais au même moment, elle me tire vers elle et viens fourrer son visage dans mon cou. Je me raidis en sentant son souffle chaud sur ma peau, luttant pour contenir mon malaise.

  • Andrew risque d’être déçu. Ricane-t-elle.
  • Comme s’il avait une chance.
  • Tu comptes y aller à ce rendez-vous ? Chuchote-t-elle.
  • Oui, je n’ai pas le choix, mais ne t’inquiète pas je te promets de faire attention.
  • Parles moi d’elle.
  • Il n’y a pas grand-chose à dire…
  • Alors trouve quelque chose.
  • Eh bien… Elle m’a laissé tomber lorsque j’en avais le plus besoin. Et maintenant, elle réapparait comme une fleur pour essayer de me reprendre.

Lynn s’éloigne pour me regarder d’un air sérieux.

  • Et elle ? Elle a ses chances ?

Prenant le temps de réfléchir, je ferme les yeux et marque un silence.

  • Non, c’est terminé. La rupture et ses circonstances ont été très éprouvantes pour moi mais avec du recul, c’est la meilleure chose qui me soit arrivée.
  • Laisse-moi t’accompagner.
  • Hors de question.
  • Je ne te laisse pas le choix, je tiens à m’assurer que tu sois en sécurité.
  • Et ton frère ? Tu penses qu’il sera d’accord ?
  • Je trouverais un moyen.

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