Aujourd’hui, journée sportive.

Je n’ai pas très bien compris comment ça devait se dérouler, mais vu l’emploi du temps que la rouquine m’a donnée, l’événement est censé commencer dans deux heures.

Mais bon, je reste détendue. Malgré mon gabarit d’1,70 m pour 60 kilos, j’ai la prétention de pouvoir m’en sortir haut la main dans plusieurs disciplines sportives. Au moins une bonne chose que le militaire rigoriste qui me sert de géniteur, m’a laissé.

Je profite de ce petit moment de solitude pour bouquiner au calme sous un arbre.

La journée est belle, mais je n’ai pas le temps d’en profiter bien longtemps avant qu’un groupe de charmants individus ne vienne me faire comprendre que ma présence dans ce lieu public n’est pas voulue.

• Retourne dans ton pays, sale noire !

Je les ignore jusqu’à ce qu’ils se mettent à me lancer des projectiles, mais avant que je n’ai le temps de riposter, un surveillant qui se contentait jusque-là de nous regarder de loin se met à approcher.

• Est-ce que tout va bien ?

Je devine au regard foudroyant qu’il me lance que la question ne s’adresse pas à moi. Je ramasse alors mes affaires et je pars contrariée avant que la situation n’empire.

J’ai encore du temps devant moi, je repère un café pas loin ou je peux continuer à bouquiner. Heureusement, je n’ai pas de soucis à entrer.

Une heure après m’être installée, je me fais brusquement rejoindre par une jeune dame. Sur mes gardes, je me renferme aussitôt sans lui prêter la moindre attention mais, elle n‘a pas l’air de vouloir s’en aller.

• Tu es très belle.

Très surprise, je lui lance un regard interrogateur par lequel elle répond par un grand sourire. Je ne sais pas trop comment réagir. Je la remercie maladroitement.

Prenant le temps de l’observer, je découvre bien vite qu’elle n’a aucune intention hostile, ce qui me surprend agréablement et m’aide à me détendre quelque peu.

• Qu’est-ce que tu lis ?

Intriguée par l’attitude peu atypique de cette jeune demoiselle je ferme tranquillement mon livre avant de répondre.

• Rebelle, mon livre préféré.
• De quoi ça parle ? Il a l’air drôlement sombre !

Je ferme les yeux un instant pour réfléchir au meilleur moyen de résumer l’œuvre, ravie d’avoir quelqu’un avec qui discuter.

• D’une jeune femme courageuse qui se bat contre tout ce qui l’empêche de vivre libre.

Son regard s’illumine en entendant cela, ce qui me fait sourire davantage.

• C’est mon modèle. D’ailleurs je m’appelle comme elle, Malimouna.
• Moi c’est Lynn, j’aurais aimé que mon prénom vienne de quelqu’un d’aussi admirable. J’aimerais beaucoup découvrir cette histoire.

C’est déjà très peu commun, que des étrangers viennent m’adresser la parole, mais cette jeune femme a un je-ne-sais-quoi qui me réchauffe davantage le cœur. Agissant presque comme un rayon de soleil dans cette éternelle pénombre qui m’accompagne chaque jour.

Je regarde ma montre du coin de l’œil, puis je lève les yeux vers elle, l’examinant pendant quelques instants.

• Moi aussi. Dis-je en me relevant. Tiens, il est à toi. J’espère que tu l’aimeras autant que moi.

Incrédule elle essaie de balbutier quelques mots, mais je quitte rapidement les lieux, pressée.

Quelle femme étrange, j’aurais aimé discuter un peu plus. Mais dommage, c’est déjà l’heure d’y aller.

*****

À peine j’entre dans la bâtisse que je reste bouche bée, complètement scotchée par le nombre de personnes présentes dans les gradins. J’étais à mille lieues de me douter de l’ampleur de l’événement.

Je suis réveillée de ma stupeur par quelqu’un qui me pousse hors du chemin.

• Bouge de là.

Je l’ignore et me rends aux vestiaires, ma bonne humeur commence déjà à s’envoler.

Un peu en avance, je prends un moment pour me mettre en jambe mais la salle se remplit avant que je m’en rende compte. Manque de bol, les vestiaires sont communs, aucune cabine où se changer en privé et des filles à moitié nues déambulant ça et là.

Je souffle, exaspérée.

Très pudique, je me vois mal exposer mon intimité devant tout le monde. J’hésite énormément, mais je finis par me résoudre en regardant l’heure.

Plus que 30 minutes avant le début des épreuves.

J’avance en regardant droit devant jusqu’à un casier devant lequel, après nombre de péripéties, je réussis à me changer en exposant le moins de peau possible.

Traînant volontairement le pas alors que la pièce se vide petit à petit, je finis par m’éclipser un instant vers le fond de la salle, mais, en rebroussant chemin, je tombe avec effroi sur un grand roux au sourire lubrique.

• Tu es super sexy dans cette tenue. J'aurais aimé arriver plus tôt.

Un frisson me parcoure l’échine. Lucas, depuis combien de temps est-il là ?

• La ferme crétin.

Je ressens un grand soulagement lorsque j'aperçois une petite rouquine aux airs familiers.

• Ne fais pas attention à ce voyeur.

Silencieuse, je la regarde s’approcher de moi pour me tendre la main.

• Sophie. Je ne me suis pas présentée hier, désolée. Et tu connais déjà mon abruti de frère.

J’acquiesce.

• Malimouna... Je dois y aller.