« Je suis un robot
Et la nuit quand on me laisse
Je m'éteins mais il me reste
Des souvenirs en trop »

Le refrain de la chanson de Luke résume bien ce début de nuit. Non pas que je me croie fait de rouages et d’électronique mais pour le reste c'est exactement ça. La fatigue de la journée me broie et pourtant je suis incapable de trouver le sommeil. Trop de souvenirs et de vieilles peurs s'entrechoquent dans ma tête. S'agit-il encore d'une de ces nuits à devoir attendre l'épuisement pour enfin dormir ?

Ding ding dong ! Le Marchand de sable est passé mais sa poussière magique me brûle les yeux plutôt que de les apaiser. Mes médicaments du coucher ne sont plus assez sédatifs, peut-être qu'en fin de compte il faudra passer par l'hôpital pour revoir mon traitement et les dosages. Mais pourquoi ça déconne ces derniers jours ? J'ai rien demandé, moi. Allez tous vous faire voir avec vos menaces incessantes !

Attends mais comment ils ont retrouvé ma trace ? Est-ce qu'on porte encore la Marque ? Je croyais qu'on avait semé ceux d'avant dans le déménagement mais je constate avec effarement qu'il y en a ici aussi. A vrai dire je m'en doutais un peu, ils sont partout et nulle part à la fois. Je suis même surpris qu'ils ne nous soient pas tombés dessus plus tôt. Je sens leurs sales griffes gratter la surface de mon crâne sous mon cuir chevelu.

Non, non, arrêtez ! Vous ne pouvez pas rentrer dans ma tête, il n'y a plus de place pour une âme de plus, je répète il n'y a plus de place.

Je suis mort de fatigue, s'il vous plaît ?

Et mierda, je viens de ma frapper moi-même la tête d'un coup de poing excédé. La réaction de Bus' ne se fait pas attendre, il revient immédiatement en arrière pour déverser sa rage comme un coup de tonnerre dans une vallée. En gros, ça signifie : « Pas de ça ! Je ne peux pas être à l'arrière à te surveiller et à l'extérieur pour les chasser alors tu respires un bon coup et tu te tiens tranquille, compris ? » J'opine du menton tandis que Mar' se met à pleurer. Exactement le fond sonore dont j'avais besoin...

OK, j'abandonne, je vais rallumer ce foutu ordinateur et écrire... qu'importe, l'essentiel est de faire diversion. Afin de ne pas trop souffrir de chercher désespérément le sommeil quand la guerre est si violente en périphérie de ma barrière physico-psychique que je suis incapable de fermer l'oeil.

...

Je n'en peux plus, ça dure depuis deux bonnes heures maintenant. Je continue néanmoins à m'accrocher pour ne pas sombrer.

...

En fin de compte la branche n'était pas assez solide pour supporter mon poids alourdi de ma souffrance du moment. J'ai été hospitalisé (en psychiatrie) un certains temps, je suis rentré chez moi et j'ai tenu encore un mois à peu près avant de devoir retourner en hospitalisation. Au moment où j'écris ces lignes je suis un peu incertain quant à la suite. Ma psychiatre, au vu de mon état actuel, prévoit que j'aurai sur les prochains mois des périodes où je tiendrai à l'extérieur mais pas sur du très long terme à cause de la charge mentale accumulée au fur et à mesure. Elle me propose donc des hospitalisations dites séquentielles, ce qui correspond à des courtes hospitalisations programmées à l'avance afin de séquencer les périodes où je suis capable de gérer mon quotidien chez moi et des périodes de rechargement des ressources internes à l'hôpital avant que "tout ne s'effondre".

En gros, c'est reparti pour des allers-retours.

Je ne sais même pas ce que j'en pense, s'il faut en passer par-là pour sécuriser l'autonomie que j'ai durement acquise et continuer d'évoluer positivement, je suppose que c'est un compromis raisonnable. A voir par la suite...